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La famille compte: nouvelle section sur le travail des famillies, disponible dès maintenant

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Families Count: new section on family work now available
La famille compte: nouvelle section sur le travail des famillies
, disponible dès maintenant

Projets

La famille compte 2024

Cette nouvelle ressource de l’Institut Vanier explore l’évolution, la continuité et la complexité des familles au Canada au cours des trois dernières décennies. Publié à l’occasion du 30e anniversaire de l’Année internationale de la famille, le rapport La famille compte 2024 brosse un portrait statistique des familles au pays, en plus de mettre en relief les tendances au fil du temps et leur incidence sur les familles et la vie de famille.

Chapitre 6 – Les familles polyamoureuses ont apporté des changements au droit de la famille

Les familles polyamoureuses font partie des diverses structures familiales en croissance au pays. Le polyamour est une forme de non-monogamie consensuelle (NMC). Ce terme générique décrit tout type de relation intime dans laquelle les partenaires peuvent avoir des relations sexuelles et/ou affectives en dehors de leur relation de couple1. Si certains de ces types de relations mettent l’accent sur la possibilité qu’ont les partenaires de vivre des expériences sexuelles extraconjugales sans toutefois s’attacher sur le plan amoureux ou émotionnel, le polyamour se distingue des autres formes de NMC en ce qu’il repose sur la création de tels liens.

À l’instar des autres types de relations, les relations polyamoureuses sont diversifiées. Les structures particulières, les types de relations (sexuelles et/ou amoureuses, régulières ou peu fréquentes), ainsi que les rôles et les attentes au sein de ces relations peuvent varier sensiblement en fonction des préférences des personnes impliquées. Certaines familles polyamoureuses mettent l’accent sur des relations engagées à long terme entre deux personnes ou plus, alors que d’autres comportent à la fois des relations à court terme et à long terme alliant divers degrés d’intimité et d’engagement2.

Si les relations polyamoureuses peuvent inclure ou non un couple marié ou en union libre, le droit canadien ne reconnaît toutefois pas les relations intimes entre plus de deux personnes. Comme les relations polyamoureuses ne sont pas comptabilisées dans le recensement ni incluses dans la définition des ménages comptant une famille de recensement, nous avons accès à très peu de données sur leur prévalence et leur composition. Les études montrent néanmoins que près d’une personne sur cinq au Canada et aux États-Unis a connu une expérience de non-monogamie consensuelle à un moment ou à un autre, les jeunes adultes étant plus susceptibles de s’y prêter1. Les recherches révèlent en outre que les personnes de minorités sexuelles ont davantage tendance à pratiquer la non-monogamie consensuelle que les personnes hétérosexuelles3.

Les familles polyamoureuses sont de plus en plus reconnues dans les lois canadiennes. Cela découle de cas juridiques où plus de deux personnes impliquées dans une relation polyamoureuse partageaient des responsabilités parentales, mais rencontraient des difficultés, car leur structure familiale n’était pas reconnue dans la plupart des lois ou politiques. Par exemple, la Loi sur le divorce définit le terme « époux » comme « l’une des deux personnes unies par les liens du mariage », tandis que la Loi sur le mariage civil stipule que le mariage est « l’union légitime de deux personnes, à l’exclusion de toute autre personne4 ».

Au cours des dernières années, plusieurs cas portés devant les tribunaux ont eu pour effet d’élargir les droits parentaux aux familles comptant plus de deux parents, en plus d’aborder la question de l’exclusion des familles polyamoureuses de la législation canadienne. En 2018, trois adultes non mariés de Terre-Neuve-et-Labrador ont été déclarés parents légaux d’un enfant né au sein de leur famille polyamoureuse. La loi provinciale sur le droit de l’enfance (Children’s Law Act) ne permettait auparavant qu’à deux personnes d’être désignées comme les parents légaux d’un enfant, et donc de figurer sur son acte de naissance. Dans sa décision, le juge Robert Fowler, de la Cour suprême (Division de la famille) de Terre-Neuve-et-Labrador, a déclaré que « la société change continuellement et [que] les structures familiales aussi5 […] Cela doit être reconnu comme une réalité et ne doit pas porter préjudice aux intérêts supérieurs de l’enfant » [traduction].

En 2021, un tribunal de la Colombie-Britannique a statué que la deuxième mère d’une famille polyamoureuse devait être ajoutée à l’acte de naissance de l’enfant. La juge Sandra Wilkinson a fait écho à la décision du juge Fowler en déclarant : « La loi me semble présenter une lacune [Family Law Act6] […]. En toute franchise, le législateur n’a aucunement tenu compte des familles polyamoureuses ». Puis elle a ajouté qu’il était dans « l’intérêt supérieur [de l’enfant] que tous ses parents soient légalement reconnus comme tels » [traduction].

Pourquoi s’en préoccuper?

Un tel manque de cohésion entre la diversité des familles et les lois qui les concernent peut avoir une incidence sur leur bien-être. Ces familles doivent en effet souvent composer et interagir avec des institutions et des systèmes qui n’ont pas été conçus pour elles. C’est ce que souligne une étude réalisée en 2021 dans laquelle des parents polyamoureux ayant eu un enfant récemment (à titre de parents biologiques ou de partenaires) ont fait état de conflits, voire de leur exclusion de certains aspects des systèmes sociaux conçus pour les couples et les familles monogames7.

D’autres études mettent en relief les difficultés et les défis rencontrés par les parents de familles polyamoureuses en ce qui concerne la parentalité et la dynamique familiale, notamment l’acceptation sociale et la protection juridique, le dévoilement aux enfants du type de relation qui a cours, la gestion du temps ainsi que la conciliation des obligations familiales avec les besoins personnels1. Une sensibilisation accrue et des discussions plus approfondies s’avèrent nécessaires pour réduire la stigmatisation et favoriser l’inclusivité des diverses structures familiales dans le droit de la famille, afin que certains de ces problèmes puissent se dissiper au cours des générations à venir. De nombreux parents de familles polyamoureuses ont également relevé les avantages de leur structure familiale, comme le fait de disposer d’un réseau de soutien plus important pour leur propre bénéfice et celui de leurs enfants.

Bien que peu d’études se soient à ce jour intéressées à la réalité des familles polyamoureuses, on assiste actuellement à une réelle prise de conscience et à une réflexion envers les divers types de relations non traditionnelles, comme le polyamour et d’autres formes de non-monogamie consensuelle. Les familles polyamoureuses ne sont qu’une des nombreuses formes de diversité structurelle qui confèrent un caractère unique à chaque famille. Le combat pour la reconnaissance juridique des parents de ces familles met en relief l’important décalage entre les lois et les politiques, et les changements sociaux. Il reste maintenant à voir dans quelle mesure de telles avancées arriveront à redéfinir ou à influencer les politiques en matière de justice familiale, la législation ainsi que la formation des prestataires de services8. D’autres recherches s’imposent et joueront un rôle important envers une meilleure compréhension des familles polyamoureuses et leur inclusion dans les lois et les politiques.

Drapeau tricolore de la fierté polyamoureuse : un cœur doré tourné de 90 degrés dans le sens inverse des aiguilles d'une montre pour s'aligner sur la pointe d'un triangle blanc, qui rencontre la ligne entre la première et la deuxième des trois bandes horizontales : bleue, magenta et violette.
Drapeau de la fierté polyamoureuse : trois bandes horizontales, bleu au-dessus du rouge au-dessus du noir. Un symbole pi jaune se trouve au milieu de la bande rouge.

Diverses versions du drapeau de la fierté polyamoureuse, conçues par Red Howell en 2022 (à gauche)9, et par Jim Evans en 1995 (à droite)10.


Références
  1. Alarie, M. (8 décembre 2023). Family and consensual non-monogamy: Parents’ perceptions of benefits and challenges. Journal of Marriage and Family, 1(19). https://doi.org/10.1111/jomf.12955 ↩︎
  2. Boyd, J.-P. (11 avril 2017). Le polyamour au Canada : étude d’une structure familiale émergente. L’Institut Vanier de la famille. https://institutvanier.ca/fr/le-polyamour-au-canada-etude-dune-structure-familiale-emergente/ ↩︎
  3. Balzarini, R. N., Dharma, C., Kohut, T., Holmes, B. M., Campbell, L., Lehmiller, J. J., et Harman, J. J. (18 juin 2018). Demographic comparison of American individuals in polyamorous and monogamous relationships. The Journal of Sex Research, 56(6), 681-694. https://doi.org/10.1080/00224499.2018.1474333 ↩︎
  4. Boyd, J.-P. (24 août 2016). Polyamorous families in Canada: Early results of new research from CRILF. https://ablawg.ca/2016/08/24/polyamorous-canada-early-results-from-crilf ↩︎
  5. Lessard, M. (1er décembre 2020). Les amoureux sur les bancs publics : Le traitement juridique du polyamour en droit québécois. Revue canadienne de droit familial 1, 32(1). https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3501938 ↩︎
  6. British Columbia Birth Registration No. 2018-XX-XX5815, 2021 BCSC 767 (CanLII). (23 avril 2021). https://www.canlii.org/en/bc/bcsc/doc/2021/2021bcsc767/2021bcsc767.html ↩︎
  7. Landry, S., Arseneau, E., et Darling, E. K. (1er juin 2021). “It’s a little bit tricky”: Results from the POLYamorous childbearing and birth experiences study (POLYBABES). Archives of Sexual Behavior, 50(4), 1479-1490. https://doi.org/10.1007/s10508-021-02025-5 ↩︎
  8. Levine, E. C., Herbenick, D., Martinez, O., Fu, T.-C., et Dodge, B. (25 avril 2018). Open relationships, nonconsensual nonmonogamy, and monogamy among U.S. adults: Findings from the 2012 national survey of sexual health and behavior. Archives of Sexual Behavior, 47(5), 1439-1450. https://doi.org/10.1007/s10508-018-1178-7 ↩︎
  9. Polyamproud. (2022). Our new flag. https://www.polyamproud.com/flag ↩︎
  10. L’Université de la Colombie-Britannique. Pride flags. https://equity.ubc.ca/pride-flags ↩︎

Remerciements

Nous tenons à remercier Áine Humble, professeure au Département de gérontologie et d’études de la famille de l’Université Mount Saint Vincent, pour la révision de ce chapitre.