Conclusions d’une étude sur l’accompagnement intergénérationnel des mères chinoises au Canada
Topic : prestation de soins
Coup d’œil sur la recherche – Repenser la cohabitation intergénérationnelle : Étude sur le parcours de vie de familles immigrantes à Toronto
Faits saillants d’une étude au sujet des effets du statut socioéconomique et du moment de la migration sur la cohabitation intergénérationnelle
Jennifer Zwicker
Jennifer Zwicker est professeure adjointe et directrice des politiques sociales et de santé à la School of Public Policy de la Faculté de kinésiologie de l’Université de Calgary, titulaire de la Chaire de recherche du Canada (II) sur les politiques relatives aux enfants et aux jeunes handicapés, et scientifique en chef du Réseau pour la santé du cerveau des enfants. Son programme de recherche a pour but d’évaluer les interventions et d’orienter les politiques en matière d’allocation de fonds, de services et d’aide aux jeunes en situation de handicap et à leur famille. Une étroite collaboration entre les parties prenantes et le gouvernement a été essentielle à la transposition de publications évaluées par des pairs en documents d’orientation, en articles d’opinion et en notes d’information à l’intention des ministères provinciaux et fédéraux, et des comités sénatoriaux. Ses travaux ont récemment orienté le groupe de travail sur la stratégie pancanadienne en matière d’autisme de l’Académie canadienne des sciences de la santé ainsi que le groupe de travail composé de spécialistes de la Société royale du Canada dans l’élaboration de politiques inclusives en matière de handicap pendant la pandémie de COVID-19. Elle a été reconnue pour son leadership sur le plan des politiques en tant qu’ancienne membre d’Action Canada, lors de la Conférence canadienne du Gouverneur général sur le leadership et dans le cadre du programme Canada’s Top 40 Under 40 (les 40 meilleur·es de moins de 40 ans).
Annie Pullen Sansfaçon
Annie Pullen Sansfaçon est titulaire d’un Ph. D. en éthique et travail social (de la Montfort University, RU, 2007) et s’intéresse aux approches antioppressives et à l’éthique depuis le tout début de sa carrière. À partir de ces thèmes, elle a développé un axe de recherche visant à mieux comprendre les expériences d’oppression et de résistance des jeunes présentant une diversité de genre, comme les jeunes trans et non binaires, les jeunes bispirituel·les et les jeunes qui détransitionnent, en vue de développer de meilleures pratiques pour les soutenir. Elle s’intéresse également au soutien parental et social, ainsi qu’à l’incidence de celui-ci sur ces différents groupes de jeunes. Les projets de recherche qu’elle dirige tant au niveau national qu’international ont été publiés dans de nombreux articles scientifiques et cinq livres sur la question. Elle a cofondé et codirige actuellement le Centre de recherche sur la justice intersectionnelle, la décolonisation et l’équité (le CRI-JaDE), et est chercheuse associée à l’École de travail social de la Stellenbosch University en Afrique du Sud.
Eva Jewell
Eva Jewell est une Anichinabée de Deshkan Ziibiing (Première Nation des Chippewas de la Thames) dans le sud-ouest de l’Ontario, et issue de la lignée paternelle de la Nation Oneida de la Thames. Ses recherches portent sur la réappropriation culturelle et politique anichinabée, l’expérience autochtone en matière de travail et de soins, et la responsabilité dans le processus de réconciliation. Eva est professeure adjointe au Département de sociologie de l’Université métropolitaine de Toronto et directrice de recherche à l’Institut Yellowhead, un groupe de réflexion en matière de politiques dirigé par des Autochtones qui propose des perspectives critiques en vue de renforcer la compétence autochtone.
Gaëlle Simard-Duplain
Gaëlle Simard-Duplain est professeure adjointe au Département de sciences économiques de l’Université Carleton. Ses travaux de recherche portent sur les facteurs qui ont une incidence sur la santé et la situation sur le marché du travail. Elle s’intéresse particulièrement à la relation entre les politiques et l’atténuation ou l’exacerbation des inégalités chez les familles, à la fois dans la dynamique au sein des ménages et dans les mécanismes de transmission intergénérationnelle. Pour ce faire, elle a principalement recours à des sources de données administratives, parfois liées à des données d’enquête ou à des méthodes de recherche quasi expérimentales. Gaëlle est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Colombie-Britannique.
Kim de Laat
Kim de Laat est sociologue et professeure adjointe en organisation et en comportement humain à la Stratford School of Interaction Design and Business de l’Université de Waterloo. Ses recherches portent sur les dimensions temporelles et spatiales du travail – soit la durée du travail et l’endroit où il est effectué – et leur relation avec les inégalités raciales et de genre. Kim mène actuellement deux projets de recherche. Le premier s’intéresse à la manière dont les parents exerçant des métiers créatifs parviennent à concilier leurs responsabilités parentales tout en poursuivant leur pratique artistique. Le second étudie dans quelle mesure les modalités de travail flexibles, telles que le travail hybride et le télétravail, ont une influence sur la répartition du travail – à la fois le travail rémunéré au bureau ainsi que les tâches domestiques et les soins aux enfants non rémunérés à la maison.
Liv Mendelsohn
Liv Mendelsohn, M.A., M.Ed., est directrice générale du Centre canadien d’excellence pour les aidants, où elle dirige des initiatives en matière d’innovation, de recherche, de politiques et de programmes visant à soutenir les personnes aidantes et les prestataires de soins au Canada. Leader visionnaire comptant plus de 15 ans d’expérience dans le secteur à but non lucratif, Liv est aidante depuis fort longtemps et vit elle-même avec un handicap. Son expérience en tant que membre de la « génération sandwich » alimente son aspiration envers la création d’un mouvement pour les personnes aidantes au Canada afin de changer la façon dont la prestation de soins est perçue, valorisée et soutenue.
Au cours de sa carrière, Liv a fondé et dirigé plusieurs organismes axés sur l’incapacité et la prestation de soins, notamment le Wagner Green Centre for Accessibility and Inclusion ainsi que le festival du film de Toronto ReelAbilities. Liv est présidente du comité consultatif sur l’accessibilité de la Ville de Toronto. Elle a reçu le Prix pour l’équité décerné par la Ville de Toronto et a été reconnue pour son leadership par la University College, l’Université de Toronto, l’organisme Enfants avenir Ontario et les centres communautaires juifs d’Amérique du Nord. Liv est agrégée supérieure de recherche au Massey College et diplômée du Mandel Institute for Non-Profit Leadership ainsi que du programme de bourses DiverseCity de la CivicAction Leadership Foundation.
À propos de l’organisme : Le Centre canadien d’excellence pour les aidants appuie et habilite les personnes aidantes et les prestataires de soins, favorise l’avancement des connaissances et la capacité d’agir dans le domaine des soins, et plaide en faveur de politiques sociales efficaces et visionnaires, tout en privilégiant une approche qui se veut à l’écoute des personnes ayant une incapacité. Notre expertise et nos connaissances, tirées des expériences vécues des personnes aidantes et des prestataires de soins, nous aident à faire campagne pour de meilleurs systèmes et un changement durable. Nous sommes plus qu’un simple bailleur de fonds; nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires et nos bénéficiaires pour atteindre des objectifs communs.
Deborah Norris
Titulaire de diplômes supérieures en sciences familiales, Deborah Norris est professeure au Département d’études de la famille et de gérontologie de l’Université Mount Saint Vincent. Son intérêt persistant envers l’interrelation entre le travail et la vie de famille a amené Deborah à s’investir très tôt dans l’élaboration de programmes d’éducation à la vie familiale au Centre de ressources pour les familles des militaires (CRFM) de la Base des Forces canadiennes (BFC) d’Halifax. Les connaissances acquises au cours de ses échanges avec les participantes et participants aux programmes ont été les étincelles qui ont déclenché chez elle un inébranlable engagement à en apprendre davantage sur la vie des familles des militaires, qui ont été le fil conducteur de ses recherches tout au long de sa carrière. S’inspirant des théories écologique et critique, le programme de recherche de Deborah se veut pratique, collaboratif et interdisciplinaire. Elle a dirigé des études portant sur la résilience chez les familles des militaires et des vétéranes et vétérans; l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle chez les familles des militaires; la relation bidirectionnelle entre les blessures de stress opérationnel et la santé mentale et le bien-être des familles des vétéranes et vétérans; les programmes de psychoéducation familiale pour les familles des militaires et des vétéranes et vétérans; et la transition entre la vie militaire et la vie civile. Elle a collaboré avec des spécialistes du milieu universitaire, des scientifiques du ministère de la Défense nationale (MDN), des membres du personnel d’Anciens Combattants Canada (ACC) ainsi que d’autres parties prenantes. Récemment, elle a élargi son programme de recherche afin de mettre l’accent sur les effets que peut avoir le stress opérationnel sur les familles du personnel de la sécurité publique.
Susan Prentice
Susan Prentice est professeure du programme d’études gouvernementales Duff Roblin à l’Université du Manitoba, où elle enseigne la sociologie. Elle se spécialise dans les politiques familiales, et plus particulièrement dans les politiques liées à la garde des enfants. Elle a publié de nombreux travaux sur les politiques familiales et liées à la garde des enfants, dont les plus récents sont accessibles sur sa page de profil de l’UM. Elle donne des cours sur les politiques familiales aux premier et deuxième cycles universitaires. Susan travaille en étroite collaboration avec des groupes provinciaux et nationaux qui font la promotion des services de garde et est membre du comité de direction de la Child Care Coalition of Manitoba.
Diane-Gabrielle Tremblay
Diane-Gabrielle Tremblay est professeure d’économie et de sociologie du travail, ainsi que de gestion des ressources humaines à l’Université TÉLUQ (Université du Québec). Elle a été nommée présidente de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir en 2002 et directrice de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) sur la gestion des âges et des temps sociaux en 2009 (www.teluq.ca/aruc-gats). Elle a été nommée Membre de la Société royale du Canada (MSRC) ainsi que du Centre d’excellence de l’Université du Québec, en reconnaissance de la qualité de ses recherches et de ses publications. Ses travaux portent sur la conciliation travail-famille, l’organisation du travail (télétravail, cotravail) et l’aménagement du temps de travail. Diane-Gabrielle a publié de nombreux ouvrages, dont un manuel sur l’économie du travail, un manuel de sociologie du travail, trois livres sur le temps de travail et la conciliation travail-famille, ainsi que des articles dans diverses revues internationales.
Lindsey McKay
Lindsey McKay est professeure adjointe en sociologie à l’Université Thompson Rivers de Kamloops, en Colombie-Britannique. Elle est sociologue et spécialiste en économie politique féministe, orientée vers le travail de soins, la santé et la médecine, ainsi que la science de l’enseignement et de l’apprentissage. C’est la justice sociale qui inspire ses travaux de recherche et ses pratiques d’enseignement. Elle a publié de nombreux articles traitant des inégalités en matière de congés parentaux, du don d’organes, des programmes d’étude et de la pédagogie dans diverses revues à comité de lecture ainsi que sur différentes plateformes publiques. Elle est cochercheuse dans le projet Réinventer les politiques soins/travail, financé par le CRSH et axé sur le congé parental.
Denise Whitehead
Denise Whitehead est professeure agrégée et présidente du Département des études sur la sexualité, le mariage et la famille, ainsi que des départements de sociologie et de droit de l’Université St. Jerome’s, au sein de l’Université de Waterloo. Denise est avocate de formation (Osgoode Hall, Barreau de l’Ontario) et sociologue (Ph. D. en relations familiales et en développement humain, Université de Guelph). Elle mène des travaux de recherche sociojuridiques sur les pratiques et les politiques en matière de séparation et de divorce qui touchent l’ensemble des membres du système familial. Ses cours abordent un large éventail de sujets, notamment les parents et les enfants, la formation et la dissolution des relations, le droit de la famille, les politiques familiales, les conflits dans les relations étroites et la prestation de soins.
Coup d’œil sur la recherche : La valeur et la répartition des soins familiaux au Canada
Résumé d’une étude sur la valeur pécuniaire et la répartition des soins
Les aidants en emploi au Canada : Recueil de fiches infographiques
Le RAPP et l’Institut Vanier ont publié un recueil de fiches infographiques sur la prestation de soins.
Fiche infographique : Contribution économique des aidants en emploi
Le Programme de recherche sur les politiques et les pratiques relatives au vieillissement (RAPP) a publié de nouvelles données sur la contribution économique des aidants.
Fiche infographique : Soutenir les aidants en emploi constitue un investissement plutôt rentable
Le Programme de recherche sur les politiques et les pratiques relatives au vieillissement (RAPP) a publié de nouvelles données sur l’importance pour les entreprises de soutenir les aidants en emploi.
Fiche infographique : Soins familiaux et modalités de travail flexible
Le Programme de recherche sur les politiques et les pratiques relatives au vieillissement (RAPP) a publié de nouvelles données sur l’accès à des modalités de travail flexibles et leurs bienfaits.
Fiche infographique : Certains aidants en emploi s’exposent davantage à des conséquences négatives
Le Programme de recherche sur les politiques et les pratiques relatives au vieillissement (RAPP) a publié de nouvelles données sur les répercussions que peuvent avoir les soins sur les Canadiens en emploi.
Coup d’œil sur la recherche : Perspective des Autochtones en milieu urbain sur la conciliation du travail rémunéré et des soins non rémunérés aux aînés
Faits saillants d’une étude sur l’expérience des aidantes et aidants autochtones en emploi
Conseils pour retenir les aidants familiaux en emploi dans votre bassin de talents
Conclusions d’une étude sur l’expérience et la compétence des aidants en emploi.
Coup d’œil sur la recherche : Perspectives des familles de migrants sur les soins aux enfants et le soutien communautaire au Canada
Conclusions d’une étude sur l’expérience de la prise en charge des enfants chez les familles nouvellement établies au Canada
Fiche infographique : Quelles répercussions les soins ont-ils sur le travail rémunéré des femmes et des hommes?
Le Programme de recherche sur les politiques et les pratiques relatives au vieillissement (RAPP) a publié de nouvelles données sur les répercussions que peuvent avoir les soins sur les Canadiens en emploi.
Fiche infographique : Qui sont les aidants en emploi au Canada?
Le Programme de recherche sur les politiques et les pratiques relatives au vieillissement publie de nouvelles données sur les aidants en emploi.
Journée nationale des proches aidants : Soutenir les aidants en emploi
Quelques statistiques sur les soins familiaux à l’occasion de la Journée nationale des proches aidants de 2022.
L’équilibre entre les responsabilités professionnelles et la prestation de soins – Les stratégies pour un emploi gratifiant
Cet événement est maintenant terminé.
Recherche en bref : L’incidence des mesures de soutien offertes aux aidants familiaux en situation d’emploi varie selon le sexe
Gaby Novoa résume une nouvelle étude de recherche sur l’incidence des politiques en milieu de travail sur les aidants familiaux en emploi.
Fiche infographique : La valeur des soins familiaux au Canada
Les chercheurs estiment que la prestation de soins au Canada représente une valeur économique annuelle de 97 milliards de dollars.
La prestation de soins pendant la pandémie de COVID-19 : Quelles leçons en avons-nous tirées? (Vidéo – en anglais seulement)
Alex Foster-Petrocco présente les éléments à retenir ainsi que les faits saillants d’un récent webinaire sur la prestation de soins et la technologie pendant la pandémie de COVID-19.
Entretien avec Katherine Arnup au sujet de la mort, de la fin de vie et de la dignité en période de COVID-19
Gaby Novoa
4 août 2020
En mai 2018, l’Institut Vanier publiait le document de Katherine Arnup, Ph. D., intitulé Perspectives familiales : La mort et le processus de fin de vie au Canada1, qui examinait l’évolution de la mort et de la fin de vie au fil des générations, les souhaits et les réalités des familles entourant la mort et la fin de vie, le rôle des familles dans les soins de fin de vie et l’impact de ce rôle sur le bien-être de la famille.
Dans le cadre des discussions actuelles entourant la COVID-19 et le contexte postpandémie, nous nous sommes entretenus avec Mme Arnup afin de nous enquérir de ses perspectives à l’égard de certains thèmes abordés dans son rapport de 2018, et de l’impact de la pandémie sur les discussions entourant la mort et le processus de fin de vie au Canada.
Selon vous, quel a été l’impact de la COVID-19 sur les discussions et les attitudes relatives à la mort et à la fin de vie au sein des familles et chez les décideurs politiques au Canada.
À plusieurs égards, la mort occupe présentement une plus grande place sur la scène publique que ce n’était le cas avant la COVID-19, et ce, depuis le moment où l’on a révélé que le virus s’était répandu dans le monde entier, car plusieurs pays ont enregistré de nombreux décès avant que le virus ne frappe réellement ici. Les gens avaient conscience qu’il se passait un événement important en lien avec la mort.
Au Canada, on nous annonçait le nombre quotidien de décès, d’hospitalisations et de cas, comme si nous étions en temps de guerre. Ces données, accompagnées de diverses images de guerre, étaient presque impossibles à éviter, vraiment : je n’ai jamais rien vu de tel dans toute ma vie! Par exemple, si vous visitez le site Web de CBC, la première chose que vous voyez est le décompte actuel, ce qui vous tient au fait du nombre de personnes qui sont décédées. On ne peut pas y échapper, on nous le rappelle constamment. On se croirait « en guerre » contre un virus. Surtout au début, on avait l’impression qu’il pouvait se trouver n’importe où, que les gens près de nous pouvaient être porteurs, que nous pouvions l’attraper et qu’il pouvait nous tuer. On ressentait beaucoup de peur – la peur du virus et la peur de mourir.
Selon l’un des thèmes abordés dans le document Perspectives familiales : La mort et le processus de fin de vie au Canada, les gens éprouvent de la peur à l’égard de la mort et de la fin de vie, et cette peur dissuade les familles d’avoir des discussions sérieuses à ce sujet. Croyez-vous que la pandémie ait amené les gens à réfléchir à la mort de façon plus approfondie, ou est-ce que l’anxiété et la peur ambiantes ont plutôt fait en sorte que l’on évite davantage de parler de la mort et de la fin de vie?
Je pencherais pour cette dernière réponse. Dans mon rapport, je parlais d’une sorte d’acceptation de la mort et de la planification de la mort. Mais il y a tellement d’incertitudes entourant la COVID, et elle a frappé tant de gens partout dans le monde, ce qui fait que le contexte est différent de tout ce que l’on a connu auparavant.
Je crois que l’un des groupes qui ont été les plus exposés à la COVID-19 et à la mort tout au long de la pandémie est celui des aînés et de leur famille. Il est vrai que le virus représente pour eux un risque plus important que pour tout autre groupe, bien qu’il y ait d’autres facteurs de vulnérabilité à considérer. Cependant, les personnes âgées, et plus particulièrement les octogénaires et les nonagénaires ainsi que les personnes souffrant de comorbidités, sont susceptibles de subir des effets déplorables et peut-être même de mourir après avoir contracté le coronavirus.
Cela a particulièrement été le cas dans les établissements de soins de longue durée. En Ontario, l’un des premiers établissements de soins de longue durée ayant ouvert les yeux du public sur la situation est celui de Bobcaygeon, une résidence où plusieurs décès ont été enregistrés sur une courte période. Globalement, les données les plus récentes à cet égard montrent que 81 % des décès au pays ont eu lieu dans le secteur des soins de longue durée, comparativement à la moyenne de 42 % dans les pays développés de l’OCDE2. Les chiffres sont beaucoup plus élevés au Canada, si bien que l’on a appelé « l’armée en renfort » en Ontario et au Québec, pour utiliser les métaphores militaires et de guerre. Dans ces résidences de soins de longue durée, l’armée a fait état de conditions particulièrement effroyables3.
Aujourd’hui, ma perception des résidences de soins de longue durée est vraiment différente de celle que j’en avais auparavant. Je crois que j’étais simplement comme la plupart des Canadiens, à savoir que je ne pensais pas à ces résidences si ce n’est qu’en me disant « J’espère que je ne me retrouverai jamais là! », et à mon sens, c’est très typique des Canadiens. C’est peut-être aussi le cas des gens dans d’autres pays, mais je ne peux parler qu’au nom des Canadiens, et cela correspond d’ailleurs à certaines choses que j’ai écrites, notamment dans le rapport de 2018 : nous voulons vivre éternellement, mais nous voulons demeurer forts, en bonne santé et autonomes – des valeurs essentielles pour nous.
Pour la plupart, nous n’avons pas envie de penser à ce que vivent les gens en soins de longue durée, c’est pourquoi nous ne nous étions pas intéressés aux conditions de vie qui règnent dans ces établissements – alors que certaines d’entre elles étaient déjà problématiques avant la pandémie. Par exemple, on retrouve souvent quatre personnes par chambre, le personnel travaille dans plusieurs résidences, en sous-effectif, et est très occupé à courir d’un patient à un autre, avant de se rendre dans une autre résidence. Ces conditions régnaient déjà dans plusieurs établissements, ce qui a créé un contexte favorable pour que la pandémie envahisse le secteur des soins de longue durée et en décime la population.
Je crois que la situation a permis d’ouvrir les yeux de ceux qui ont de la parenté dans les résidences de soins de longue durée. Ils avaient peut-être une petite idée des conditions que l’on y trouve, et certains étaient des aidants actifs dans ces résidences – c’est-à-dire qu’ils s’y rendaient pour prendre soin de leurs proches – alors que d’autres ne les visitaient presque jamais. Ma tante se trouvait dans une résidence de soins de longue durée située dans une petite ville à proximité de Bobcaygeon. Je lui ai rendu visite lorsqu’elle était en fin de vie, et je dois dire que j’ai été très impressionnée par cette résidence. Ma tante avait sa propre chambre et l’on voyait que le personnel s’occupait bien des patients, des résidents. Je ne crois pas que toutes les images négatives qui ont été véhiculées à cet égard s’appliquent à tous les soins de longue durée. Mais on a tendance à l’oublier.
Pat Armstrong, grande spécialiste des soins de la santé au Canada, a participé à une étude menée sur dix ans à propos des résidences de soins de longue durée4. Elle et son équipe rappellent aux gens que même si nous ne voulons pas y penser, plusieurs d’entre nous sont susceptibles de se retrouver en soins de longue durée, et ce, possiblement du jour au lendemain : un accident grave ou un AVC, une chute qui entraîne une perte d’autonomie, un diagnostic de démence… Tout cela pourrait faire en sorte que je me retrouve dans une résidence de soins de longue durée. Comme la plupart des gens, je n’en ai pas envie, mais nous avons tous tendance à croire que ce genre de situation n’arrive qu’aux autres et pas à nous. Je crois que la crise nous a fait prendre conscience que cela peut toucher n’importe qui – notre mère, notre père, nos frères et sœurs, nous-mêmes. Il suffit d’un seul changement dans notre vie – et un seul est nécessaire – pour que nous nous retrouvions également en soins de longue durée. Il s’agit d’un rappel que nous devons nous battre afin de réformer ces institutions et de modifier la façon dont les gens meurent.
Alors que je relisais la liste des souhaits et des présomptions abordés dans le rapport, je me suis rendu compte que deux d’entre eux étaient mis en évidence dans le rapport militaire : nous voulons mourir à la maison et nous voulons mourir dans la dignité. Or, la dignité des gens en fin de vie dans les résidences de soins de longue durée a de toute évidence été compromise. En fait, il n’y avait même aucune dignité dans la manière dont on prenait soin d’eux, en raison des conditions qui y régnaient. Il est également évident que les gens se retrouvent dans ces établissements parce que leur famille ne peut pas prendre soin d’eux. Ce n’est pas parce que la famille ne se soucie pas d’eux. C’est parce que les exigences de leur propre vie ainsi que l’absence de soins à domicile les rendent incapables de s’occuper à long terme d’un membre de la famille atteint de démence et qui présente de plus en plus de comportements difficiles, ou d’un membre de la famille qui nécessite des soins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
De nombreux Canadiens supposent également qu’ils sont en mesure d’obtenir, pour eux-mêmes et leur famille, tous les soins à domicile dont ils ont besoin. Or, en raison de la pandémie, plusieurs personnes ont annulé les soins à domicile qui devaient leur être dispensés, surtout au début, parce qu’ils avaient peur de contracter la COVID‑19 auprès de leur prestataire de soins. Ces derniers, par la nature de leur travail, se rendent généralement dans plusieurs domiciles, ce qui fait d’eux de potentiels porteurs du virus dans de nombreux foyers. Cela signifie que non seulement il n’y a pas suffisamment de soins à domicile en général, mais dans le contexte de la COVID, les gens étaient même réticents à laisser ces prestataires de soins entrer chez eux.
En plus de constater les défis préexistants dans plusieurs résidences de soins de longue durée, certaines vulnérabilités et inégalités ont été amplifiées par la pandémie. Avez-vous un quelconque espoir que les conditions des soins de longue durée soient maintenant mieux connues du public?
Je ressens le besoin de parler des résidences de soins de longue durée, et de faire pression sur les gouvernements afin qu’ils apportent des changements qui auront un impact énorme, comme des normes fédérales, ou l’inclusion des soins aux aînés dans la Loi canadienne sur la santé, de sorte que ce domaine devienne une responsabilité partagée entre les divers paliers de gouvernements.
Je pense que la crise a vraiment mobilisé les familles, qui ont constaté les lacunes ainsi que certaines raisons pour lesquelles les conditions sont aussi défavorables. La situation s’explique en partie par les résidences à but lucratif, qui enregistrent un nombre de décès plus élevé, mais aussi par le manque d’inspections et d’application des dispositions de la loi. Maintenant que la situation a été tragiquement portée à l’attention du public, je crois que nous pouvons espérer voir une amélioration, et j’espère que plusieurs ont pris conscience que cette situation pourrait les toucher, qu’il pourrait s’agir de leur famille.
Les personnes dont les enfants gravement handicapés vivent dans des logements de soins collectifs sont aussi confrontées aux mêmes problèmes, à savoir que leurs enfants ne peuvent pas être entourés de leur famille, car celle-ci n’est toujours pas autorisée dans ces résidences. Je vois de plus en plus de discussions sur les familles qui agissent comme proches aidants, afin qu’elles soient reconnues à titre d’aidants et non seulement comme visiteurs, comme c’est le cas présentement. L’Institut Vanier a d’ailleurs soulevé cette question. J’ai travaillé avec la Change Foundation à ce sujet, et il y a d’autres organismes qui ont fait des progrès dans ce domaine. Je suis donc optimiste et j’ai espoir que soient reconnus le rôle et l’importance des aidants dans la santé et le bien-être de ceux qui bénéficient de soins.
Par ailleurs, il semble y avoir plus d’ouverture par rapport à la tenue de discussions sur les directives préalables en matière de soins. Même si les gens ne parlent pas encore de ces questions, je crois que si un membre de leur famille contractait la COVID, ils prendraient conscience que nous ne savons pas toujours ce que les membres de notre famille souhaitent. Même si le sujet de la mort n’a pas été abordé de la meilleure façon qui soit, je crois qu’il ouvre des perspectives à ceux d’entre nous qui font valoir l’importance des soins anticipés. Il ouvre une porte de discussion permettant de démontrer aux gens qu’il s’agit d’une préoccupation réelle. Nous ne savons jamais à quel moment quelque chose peut nous arriver, et quelque chose va se produire. Il est important de savoir ce que chacun de nos proches désire. Nos enfants doivent savoir ce que nous voulons – je crois que la pandémie ouvre la porte à cela.
Je suis en train d’écrire et de réaliser des vidéos dans lesquelles je compte encourager les gens à discuter avec les membres de leur famille (si ce n’est déjà fait) de ce qu’ils souhaitent et des directives préalables qu’ils envisagent en matière de soins, parce que c’est un sujet vraiment important. Les membres de la famille ne devraient pas être contraints de dire « Je n’ai aucune idée de ce que maman voudrait »; c’est une erreur que l’on peut éviter.
Je me sens optimiste à ce sujet, et l’optimisme est une denrée rare en contexte de pandémie. Je suis optimiste quant au fait que nous sommes tous dans le même bateau, depuis le début de la pandémie. Notre premier ministre a insisté sur cette idée tous les jours dans ses discours, et d’autres l’ont fait aussi. Je crois qu’il y a eu un important mouvement favorisant la création d’un sentiment de communauté et d’entraide. Je l’ai observé dans mon propre voisinage – des personnes qui ne se parlaient jamais auparavant prennent des nouvelles les unes des autres. Lorsque nous sortons marcher, les gens nous demandent si nous allons bien et l’on voit qu’ils sont sincères. Je crois que c’est un impact étrangement positif de la pandémie. J’espère qu’il durera, que les gens continueront de rendre service à leurs voisins âgés et qu’ils seront plus ouverts à ceux qui pourraient avoir besoin d’aide dans leur rue. Tout ce qui renforce le sentiment d’appartenance à la communauté est, à mon sens, une excellente chose.
Vous abordez ce point dans votre vidéo « Expanding Our ‘Bubbles’ »5, à savoir que nous nous sentons rassurés à plusieurs égards par l’impression de vivre cette situation tous ensemble, même si vous ajoutez aussi qu’il est de plus en plus apparent que nous ne sommes pas tous dans le même bateau. Peut-être vivons-nous tous cette situation, mais notre façon de la vivre varie grandement, ne serait-ce que par le risque accru auquel sont exposées les personnes âgées et d’autres groupes6. Pourriez-vous préciser votre pensée?
Lorsque l’on examine la répartition des régions qui demeurent encore sensibles à la COVID, on constate qu’il s’agit d’endroits où l’on retrouve des gens qui vivent dans la pauvreté, des personnes de couleur, des personnes qui occupent des emplois à haut risque dans le secteur de la santé et des services, ainsi que des personnes qui vivent en cohabitation en grands groupes, peut-être parce qu’elles ne peuvent pas se permettre de vivre autrement. Les éclosions importantes parmi les travailleurs migrants employés en agriculture et les travailleurs des usines de transformation des aliments démontrent également l’impact des inégalités de notre société sur la vulnérabilité des gens face à la pandémie.
L’incapacité des familles à organiser des funérailles, des veillées funèbres, des services ou des célébrations de la vie pendant la pandémie est un autre exemple qui démontre que les gens ne sont pas tous dans le même bateau. Je crois que les personnes qui ne sont pas en mesure de souligner le décès d’un proche avec leurs amis et leur famille sont très affectées par cette situation. De nombreuses familles n’ont pas pu tenir de service, quel qu’il soit, n’ont pas pu s’étreindre, n’ont pas pu se rassembler autrement qu’en petits groupes. Je me demande seulement ce qu’il advient de tous ces deuils.
Plusieurs personnes sont décédées seules. Les personnes qui se trouvaient dans les établissements de soins de longue durée et dans les hôpitaux sont décédées seules. Personne ne souhaite que cela arrive. Personne ne veut que leurs proches vivent cela, et nous ne voulons pas que cela nous arrive à nous. Il s’agit d’un principe important des soins palliatifs : que personne ne meure seul. Le fait que cette situation soit arrivée à grande échelle aux familles qui ont été laissées derrière engendre un chagrin énorme et un profond sentiment de culpabilité, qui se traduit en mots par « Je n’ai pas pu être là pour maman » ou « Je n’ai pas pu être aux côtés de maman à la fin de sa vie ». C’est un sentiment déchirant. Je ne sais pas comment les gens surmonteront cela; ils vont devoir tenter de refouler ces sentiments afin de les oublier. Je repense à toutes ces notices nécrologiques indiquant « En raison des circonstances, les cérémonies auront lieu à une date ultérieure ». Il m’est difficile d’imaginer toutes ces cérémonies, les endroits où elles auront lieu et si elles offriront le soutien dont les gens ont besoin pour faire leur deuil. C’est assurément la première fois que je suis témoin d’une telle situation dans ma vie.
Qu’est-ce qui vous permet de croire en un avenir meilleur?
Je songe à ces questions : que souhaitons-nous pour l’heure de notre mort? Mais aussi que souhaitons-nous en vieillissant? De quoi avons-nous besoin pour nous soutenir dans ce cheminement? Comment composons-nous, en général, avec le vieillissement et la démence? Qu’espérons-nous? Comment pouvons-nous créer des lieux qui se distinguent vraiment des résidences de soins de longue durée? Comment pouvons-nous faire en sorte de concrétiser ce type de milieu?
Katherine Arnup, Ph. D., est rédactrice, conférencière et accompagnatrice en développement personnel, ainsi que professeure à la retraite de l’Université Carleton. Auteure de Perspectives familiales : La mort et le processus de fin de vie au Canada (ainsi que de nombreux ouvrages, dont « I Don’t Have Time for This! : A Compassionate Guide to Caring for Your Parents and Yourself and Education for Motherhood »), elle a été la première à s’intéresser aux réalités familiales et a offert sa perspective unique sur la vie de famille tout au long de sa carrière.
Gaby Novoa est responsable des communications à l’Institut Vanier de la famille.
Cet entretien a été révisé afin d’atteindre une longueur, une fluidité et une clarté optimales.
Notes
- Katherine Arnup, Ph. D., Perspectives familiales : La mort et le processus de fin de vie au Canada, L’Institut Vanier de la famille (mai 2018).
- Institut canadien d’information sur la santé, « La pandémie dans le secteur des soins de longue durée : Où se situe le Canada par rapport aux autres pays? » dans ICIS (25 juin 2020). Lien : https://bit.ly/2PmrsYO
- Forces armées canadiennes, « Op LASER – JTFC Observations in Long Term Care Facilities in Ontario » dans CAF (20 mai 2020). Lien : https://bit.ly/2CJPnit
- Pat Armstrong est une éminente professeure de recherche en sociologie à l’Université York ainsi que membre de la Société royale du Canada. Lien : https://bit.ly/3g3XSDn
- Katherine Arnup, « Expanding Our “Bubbles” » (YouTube). Lien : https://bit.ly/2X15sqE
- Dans le document intitulé Perspectives familiales : La mort et le processus de fin de vie au Canada, Katherine Arnup écrit que les expériences liées à la mort et à la fin de vie sont tributaires de divers facteurs comme le genre, la race, le rang social, l’ethnie, la géographie, la marginalité, les capacités, l’identité sexuelle et l’identité de genre, l’état matrimonial ainsi que le statut d’Autochtone, de Première Nation, d’Inuit ou de Métis.
Sous la loupe : Les soins aux aînés au Canada
Le Canada est aujourd’hui plus « grisonnant » que jamais, alors que 6,6 millions d’aînés représentaient près de 18 % de la population totale en 2019 et, selon les projections, cette proportion devrait continuer de croître au cours des prochaines décennies1. Dans ce contexte démographique en pleine évolution, les soins aux aînés, les soins aux personnes vieillissantes et la prestation de soins aux générations plus âgées suscitent de plus en plus l’intérêt des chercheurs et des décideurs. Ces questions préoccupent également les familles qui fournissent, selon les estimations, entre 70 % et 75 % des soins que reçoivent les aînés à domicile au Canada2.
En 2018, environ le quart des Canadiens de 15 ans et plus (soit 7,8 millions de personnes) ont fourni des soins à un membre de la famille ou à un ami ayant un problème de santé de longue durée, une incapacité physique ou mentale ou des problèmes associés au vieillissement3. Plus de la moitié ont affirmé s’être occupés principalement de générations plus âgées (56 %, soit environ 4,4 millions au total), comme leurs parents, leurs beaux-parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents4.
Dans le cadre de sa série « Les soins en chiffres », Statistique Canada propose un aperçu des aidants, des aidants qui reçoivent du soutien et plus encore. L’Institut Vanier continuera de mettre en relief les principales constatations, de partager des recherches, de compiler des données et de dépeindre la « réalité derrière les statistiques » relativement à la prestation de soins familiaux au Canada.
Quelques statistiques récentes :
- En 2019, le Canada comptait environ 6,6 millions d’aînés. Cela représente 18 % de la population totale, soit un sommet inégalé dans l’histoire canadienne5. Si la tendance se maintient, cette croissance devrait se poursuivre au cours des prochaines décennies, car les Canadiens âgés vivent de plus en plus longtemps et en meilleure santé6.
- En 2018, près de 4 bénéficiaires de soins sur 10 (21 %) au Canada étaient des aînés, les « problèmes liés au vieillissement » étant la raison la plus courante pour recevoir des soins7.
- En 2018, plus de la moitié (56 %) des aidants ont déclaré avoir principalement pris soin de générations plus âgées : 47 % se sont surtout occupés de parents ou de beaux-parents, tandis que 9 % ont avant tout prodigué des soins à des grands-parents et à des arrière-grands-parents8.
- En 2017, 12 % des aînés interrogés ont indiqué avoir besoin d’aide pour les tâches ménagères, la préparation des repas, la gestion des médicaments au quotidien ou pour faire les courses, en raison d’un problème de santé, cette proportion oscillant entre 10 % en Alberta et 16 % à Terre-Neuve-et-Labrador9.
- En 2017, près de 3 travailleurs canadiens sur 10 (30 %) ayant des parents âgés de plus de 65 ans ont affirmé s’absenter du travail pour s’occuper de leurs parents âgés, ce qui représente en moyenne 450 heures de travail par année10.
Notes
- Statistique Canada, Estimations de la population au 1er juillet, par âge et sexe, tableau 17-10-0005-01 (dernière mise à jour le 20 janvier 2020). Lien : https://bit.ly/2O5yNfp
- Conseil canadien de la santé, Aînés dans le besoin, aidants en détresse : Quelles sont les priorités de soins à domicile pour les aînés au Canada? (2012)
- Statistique Canada, « Soutien reçu par les aidants au Canada » dans Regards sur la société canadienne (8 janvier 2020). Lien : https://bit.ly/30UFK8h
- Statistique Canada, « Les aidants au Canada, 2018 » dans Le Quotidien (8 janvier 2020). Lien https://bit.ly/2uhdEro
- Ibidem
- Pour en savoir plus, consultez le document Coup d’œil sur le vieillissement de la population et les relations intergénérationnelles au Canada. Lien : https://bit.ly/3lRABbk.
- Statistique Canada, « Les soins en chiffres : Les bénéficiaires de soins au Canada, 2018 » dans Infographies, no 11-627-M au catalogue de Statistique Canada (22 janvier 2020). Lien : https://bit.ly/2RDWuMM
- Statistique Canada, « Les aidants au Canada, 2018 ».
- Fonds du Commonwealth, « Enquête internationale de 2017 sur les politiques de santé » dans Institut canadien d’information sur la santé (février 2018). Lien : https://bit.ly/38ppy19
- Benjamin Tal et Royce Mendes, « Who Cares: The Economics of Caring for Aging Parents » dans CIBC Economics – In Focus (8 mai 2017). Lien : https://bit.ly/2REdH8A
Le travail, les soins et la norme des Organisations favorisant et appuyant les aidants naturels
Emily Beckett
À un moment où l’autre de leur vie, la plupart des Canadiens seront appelés à offrir des soins quelconques à un membre de leur famille ou à un ami ayant une maladie chronique, une incapacité ou un besoin associé au vieillissement. Près de 3 Canadiens sur 10 (28 %) ont prodigué des soins en 20121, et les besoins liés à l’âge constituent le problème le plus courant qui nécessite des soins. Le Canada compte plus d’aînés que jamais auparavant – 6,6 millions en 20192 – et selon les projections, le nombre d’aînés qui auront besoin de soins est susceptible de doubler d’ici 20313. Un vieillissement de population aussi rapide signifie qu’au cours des prochaines années, une proportion croissante de Canadiens devra intervenir pour offrir, organiser et parfois même payer les frais associés aux soins.
Bien que la recherche démontre que la prestation de soins peut avoir des impacts positifs sur les aidants, notamment en engendrant une croissance personnelle4, en consolidant les liens familiaux5 et en favorisant l’empathie6, elle peut également affecter la qualité du rapport travail-vie personnelle ainsi que le bien-être de l’aidant – un sujet qui revêt une importance croissante pour les aidants en emploi, les employeurs et la société7.
La plupart des aidants familiaux occupent un emploi
Près des trois quarts des aidants au Canada (6,1 millions) sont en emploi, ce qui représentait plus du tiers (35 %) de la population active rémunérée au pays en 20128. Pour certains d’entre eux, le temps consacré à la prestation de soins équivaut à des heures de travail à temps partiel en plus de leur emploi rémunéré, ce qui se traduit par une « journée de travail prolongée » : environ 1 femme sur 6 et 1 homme sur 10 ont indiqué, en 2012, avoir consacré 20 heures ou plus par semaine à la prestation de soins en surplus de leurs heures de travail9.
La difficulté à concilier la prestation de soins familiaux et les responsabilités professionnelles peut avoir des répercussions négatives à la fois pour les employés, les employeurs et l’économie en général. Elle entraîne notamment des absences fréquentes (44 % des aidants en emploi interrogés mentionnent avoir manqué en moyenne 8 à 9 jours de travail au cours de l’année précédente en raison de leurs responsabilités liées à la prestation de soins10) ainsi que divers coûts indirects pour les employeurs, comme une perte de productivité, des coûts de remplacement des employés et de la formation.
Les recherches suggèrent que la population active du Canada perd chaque année l’équivalent de 558 000 employés à temps plein en raison de l’inconciliabilité des exigences liées au travail rémunéré et aux soins11, et que 50 % des aidants en emploi sont âgés de 45 à 65 ans, ce qui représente la tranche la plus expérimentée du marché du travail12. En outre, on estime que, dans l’ensemble du pays, les employeurs perdent 5,5 milliards de dollars chaque année en raison de l’absentéisme lié à la prestation de soins13.
Une norme pour la prestation de soins aide les employeurs à soutenir les employés
Dans le but de gérer, d’atténuer et idéalement de prévenir toute répercussion négative, l’Association canadienne de normalisation (Groupe CSA) – un organisme non gouvernemental, sans but lucratif et centenaire dont le mandat est d’élaborer des normes visant à assurer la santé et la sécurité des Canadiens – a collaboré avec l’Université McMaster afin de concevoir la norme des Organisations favorisant et appuyant les aidants naturels (B701 F17).
Publiée en 2017, la norme pour la prestation de soins B701 F17 est un cadre fondé sur des données probantes validé par des professionnels qui s’adresse aux milieux de travail du Canada afin de soutenir leurs employés prestataires de soins informels. L’objectif de cette norme est d’éviter que la surcharge de rôles qu’ils assument pendant la période de prestation de soins n’entraîne des effets négatifs sur la santé physique et mentale des employés et de leur famille.
La norme pour la prestation de soins a été élaborée suivant une série de consultations rigoureuses auprès d’un comité technique d’experts composé d’un nombre équilibré de volontaires représentant le gouvernement, la main-d’œuvre, les employeurs et le milieu universitaire. Une fois que ces intervenants ont eu peaufiné le document de base de la norme, celui-ci a été soumis à un examen public approfondi afin d’en retirer une précieuse rétroaction. L’examen a révélé que la norme pouvait servir d’outil de formation pour les employeurs.
« Même pour les organismes qui n’appliquent pas la norme, explique Nora Spinks, directrice générale et membre de l’équipe consultative de projets de l’Institut Vanier, l’utilisation de ce processus rigoureux à des fins de formation ou encore de planification et de conception de programmes peut représenter un outil de développement organisationnel efficace. » [traduction]
Offerte sans frais sur le site Web du Groupe CSA, la norme pour la prestation de soins a été élaborée à l’intention des milieux de travail à titre de guide servant à minimiser les effets négatifs de toute incapacité à concilier la prestation de soins et les responsabilités professionnelles, grâce à un niveau de soutien et de protection minimum garanti qui surpasse ce qui est offert par les programmes d’aide aux employés (PAE) habituels. Elle permet aux employeurs de choisir les éléments les plus pertinents dans le contexte de leur organisme, puisque l’efficacité de certaines normes peut varier selon la taille du milieu de travail. La norme pour la prestation de soins comporte des exemples de cas et des anecdotes montrant aux employeurs de quelle façon elle peut être appliquée dans leur milieu de travail. En plus de la norme pour la prestation de soins, le Groupe CSA a également publié en complément le Guide de mise en œuvre : B701HB-18 – Soutien aux travailleurs-aidants au sein des organisations.
Une norme pour la prestation de soins peut favoriser le recrutement et le maintien en poste des employés
La norme pour la prestation de soins fait également état des dangers et des risques pouvant être associés à la prestation de soins, en plus des répercussions éventuelles de ces derniers sur le bien-être en milieu de travail. Certes, la prestation de soins peut être exigeante, et les aidants peuvent éprouver un niveau de tension ou de distraction accru au travail, ainsi qu’un plus grand stress par rapport au temps lorsqu’ils doivent assumer des responsabilités liées à la prestation de soins.
Selon son domaine d’activité, les conséquences de la fatigue de l’aidant en emploi peuvent varier. Cette dernière peut en effet affecter les compétences essentielles, comme la prise de décisions, la communication, la productivité ou le rendement, l’attention, le temps de réaction et la capacité de gérer le stress14. Ces effets peuvent engendrer des problèmes de communication, le non-respect des échéances, un rendement professionnel inférieur ou même des risques physiques accrus pour les travailleurs, leurs collègues et leurs clients.
Une sécurité psychologique en milieu de travail : une norme compatible et complémentaire
Un milieu de travail sain et sécuritaire sur le plan psychologique sait reconnaître et éliminer, ou du moins atténuer, l’exposition au stress chronique. Le monde du travail évolue au Canada, c’est pourquoi les employeurs et les employés sont de plus en plus aptes et désireux d’identifier les dangers physiques et psychologiques potentiels en milieu de travail. Pour un aidant en emploi, savoir que son milieu de travail est doté d’un cadre normatif peut être déterminant dans son choix de rester ou de quitter en raison de ses responsabilités de prestation de soins.
En 2013, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a élaboré une norme destinée aux milieux de travail canadiens dans le but de soutenir la santé mentale des employés. À l’instar de la norme pour la prestation de soins, la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail est constituée d’une série de mesures, d’outils et de ressources dont l’application est volontaire, qui visent à orienter les organismes dans le soutien de leur main-d’œuvre15. Ces normes sont complémentaires à la norme pour la prestation de soins, et les organismes peuvent utiliser l’une ou l’autre ou bien les deux.
Les normes reposent sur une base volontaire, mais instaurées dans un cadre de formation et de sensibilisation, il est possible qu’elles soient adoptées dans l’ensemble des milieux de travail, en plus d’aider à réduire l’absentéisme, les retraites anticipées et les démissions. La norme pour la prestation de soins s’harmonise avec les programmes existants comme les PAE, les programmes de conditionnement physique, les congés médicaux, familiaux ou de maladie et les mesures d’adaptation du travail16.
Une norme pour la prestation de soins enrichit l’offre croissante des normes de bien-être au Canada
D’autres normes semblables ont été élaborées au cours des dernières années. En 2010 au Québec, la norme Conciliation travail-famille a été publiée à l’intention des organismes privés et publics comme document de référence concernant les exigences appuyant une conciliation travail-famille favorable.
La norme comporte des lignes directrices sur l’adaptabilité de l’organisation du travail au sein de l’organisme et dans l’aménagement du temps de travail, les périodes de vacances et les congés, la flexibilité dans le lieu de travail et les biens et services fournis dans le milieu de travail. L’objectif est d’accorder la priorité à la conciliation travail-famille dans la gestion des ressources humaines au sein des organismes. Le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) offre la certification aux employeurs qui appliquent cette norme au sein de leur organisme .
Soutenir les aidants en emploi à aller de l’avant
Le monde du travail évolue, et les milieux de travail sont mieux équipés que jamais pour soutenir leurs employés, grâce à une offre de plus en plus étoffée d’outils et de ressources. Au cours des prochaines années, le vieillissement constant de la population au Canada amènera un plus grand nombre de Canadiens à concilier leurs responsabilités liées à la prestation de soins et à leur travail. En offrant des horaires de travail flexibles en plus d’offrir de la formation, et en misant sur une communication ouverte et plus axée sur la compréhension, les milieux de travail sont en mesure de réduire leurs pertes éventuelles d’employés et de productivité, en plus de soutenir les aidants et leur famille pendant une période transitionnelle dans leur vie. Alors que les milieux de travail et les employés continuent de collaborer afin d’harmoniser les responsabilités liées au travail et à la famille, les ressources comme la norme des Organisations favorisant et appuyant les aidants naturels joueront un rôle de plus en plus marqué dans le soutien des aidants en emploi au Canada.
La norme des Organisations favorisant et appuyant les aidants naturels peut être téléchargée sur le site Web du Groupe CSA.
Emily Beckett est rédactrice professionnelle et réside à Ottawa, en Ontario.
Notes
- Statistique Canada publiera en 2020 de nouvelles données sur la prestation de soins au Canada.
- Statistique Canada, « Estimations de la population du Canada : âge et sexe, 1er juillet 2019 », dans Le Quotidien (30 septembre 2019). Lien : https://bit.ly/2E4rTBG
- Chair in Gender, Health and Caregiver-Friendly Workplaces, Webinar: New CSA Standard & Handbook (5 avril 2018).
- American Psychological Association, « Positive Aspects of Caregiving », dans Public Interest Directorate Reports (janvier 2011). Lien : https://bit.ly/2LoQVzg
- Richard Schulz et Paula R. Sherwood, « Physical and Mental Health Effects of Family Caregiving », dans Journal of Social Work Education, vol. 44, no 3 (suppl.) (septembre 2008). Lien : https://bit.ly/2rVelFE
- Diane L. Beach, « Family Caregiving: The Positive Impact on Adolescent Relationships », dans Gerontologist, vol. 37, no 2 (1997). Lien : http://bit.ly/2jBMu4h
- Apprenez-en plus à propos de l’impact de la prestation de soins sur la vie de famille et le travail dans le document Coup d’œil sur les soins familiaux et le travail au Canada.
- Emploi et Développement social Canada, « Quand il faut jongler entre travail et soins : Comment les employeurs peuvent soutenir les aidants naturels au sein de leur personnel », dans Rapport du Groupe d’employeurs sur la question des aidants naturels (27 janvier 2016).
- Maire Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 », dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (septembre 2013). Lien : https://bit.ly/2qHPXXU
- Janet Fast, « Caregiving for Older Adults with Disabilities: Present Costs, Future Challenges », dans Institute for Research on Public Policy Study (décembre 2015). Lien : http://bit.ly/2jAH6yv
- Ibidem
- Groupe CSA, B701-F17 – Organisations favorisant et appuyant les aidants naturels (août 2017). Lien : https://bit.ly/38julC9
- Ceridian, « Double Duty: The Caregiving Crisis in the Workplace », dans Results and Recommendations from Ceridian’s Working Caregiver Survey (5 novembre 2015). Lien : https://bit.ly/3653Fmt
- Chair in Gender, Health and Caregiver-Friendly Workplaces
- Groupe CSA, CAN/CSA-Z1003-13/BNQ 9700-803/2013 – Santé et sécurité psychologique en milieu de travail (janvier 2013). Lien : https://bit.ly/2scSt8Z
- Chair in Gender, Health and Caregiver-Friendly Workplaces
- BNQ, BNQ 9700-820 : Conciliation travail-famille (2016). Lien : https://bit.ly/38nlRtD
Tour d’horizon des ressources : La prestation de soins familiaux au Canada (octobre 2019)
Emily Beckett et Nathan Battams
La prestation de soins est une réalité quasi universelle : la plupart d’entre nous, à un moment ou l’autre de notre vie (ou fort probablement à plusieurs moments de notre vie), sommes appelés à prodiguer des soins à un membre de notre famille ou à un ami qui vit avec une maladie, une blessure ou des besoins liés au vieillissement. Les soins sont au cœur de la vie de famille – d’ailleurs, le fait d’assurer les soins des membres du groupe sur le plan physique est le premier élément qui figure dans la définition de la famille selon l’Institut Vanier – et la prestation de soins familiaux deviendra de plus en plus courante et importante au cours des décennies à venir au fur et à mesure que la population du Canada continuera de vieillir1.
À l’hiver 2020, Statistique Canada publiera les premières données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2017 sur les soins donnés et reçus, ce qui permettra de brosser le premier portrait national en matière de prestation de soins au Canada depuis 2012. Pour examiner la prestation de soins selon une perspective familiale, notre premier Tour d’horizon des ressources propose une sélection de ressources dans divers formats, dans le but de transmettre une variété de points de vue et de connaissances, ainsi que de susciter une discussion sur la prestation de soins familiaux au Canada.
The Caregivers’ Club (documentaire, en anglais seul.)
À travers le documentaire The Caregivers’ Club (ou « Le club des aidants »), produit dans le cadre d’une série documentaire mettant en relief divers points de vue (Docs POV) de la chaîne CBC, nous suivons le vécu de trois patients atteints de démence et des membres de leur famille qui en sont devenus les aidants. S’inspirant de sa propre expérience en matière de prestation de soins familiaux et de la situation de sa mère, la directrice Cynthia Banks offre un portrait intime de la réalité de trois aidants qui s’occupent d’un membre de leur famille atteint de démence.
Mme Banks présente leurs diverses réalités en matière de prestation de soins, qui se composent non seulement de nombreuses difficultés, frustrations et transitions inattendues, mais aussi d’une bonne dose de joie, d’humour et d’amour. En mettant en lumière cet éventail d’expériences vécues par les familles qui prennent soin d’une personne atteinte de démence, The Caregivers’ Club expose les « histoires derrière les statistiques » en lien avec la prestation de soins familiaux, tout en enrichissant la connaissance et la compréhension de la maladie et de ses nombreuses répercussions – il s’agit d’une contribution importante dans le contexte de la population vieillissante du Canada.
Life Course Trajectories of Family Care (étude, en anglais seul.)
L’étude Life Course Trajectories of Family Care (ou « Les parcours de soins familiaux analysés sur la durée de la vie ») examine les expériences de prestation de soins vécues tout au long de la vie et leurs incidences sur les aidants familiaux. La plupart des études canadiennes sur le sujet s’appuient sur des « aperçus ponctuels » de la prestation de soins – c’est-à-dire que les données reliées à la prestation de soins sont recueillies à un moment précis. Or, de telles mesures ne permettent pas de brosser un portrait complet de la réalité, puisque la prestation de soins peut s’étendre sur plusieurs périodes (parfois même superposées) de prestation de soins, qui peuvent varier en termes de durée, d’intensité et de fréquence.
Dans le cadre de cette étude, les chercheurs dégagent et examinent trois modèles de vie distincts, ou « parcours » de soins, vécus par les aidants familiaux, chacun d’eux ayant un impact particulier sur le bien-être de l’aidant :
- Le parcours de soins générationnels comporte une prise en charge contraignante des soins dans le cadre d’étroites relations familiales (p. ex. : avec les parents ou entre les conjoints), qui survient couramment au sein des familles. Il s’agit d’une « expérience normative » dans laquelle on présume que les soins seront disponibles lorsque requis et qui repose sur de fortes attentes et obligations sociales.
- Le parcours de soins de carrière est constitué d’un épisode unique qui s’étend sur une longue durée et qui comporte une prise en charge contraignante des soins dans le cadre d’une étroite relation familiale, comme celle entre un parent et un enfant ayant une incapacité permanente ou acquise.
- Le parcours de soins séquentiel comporte plusieurs épisodes de prestation de soins sans tendance prévisible à l’égard de divers bénéficiaires, qui ont lieu au sein de relations plus discrétionnaires et fondées sur des liens moins définis. Chaque parcours est unique et a ses propres répercussions sur le bien-être de l’aidant.
En passant des aperçus ponctuels à une approche qui tient compte de toute la durée de la vie et qui met en relief les répercussions cumulatives de la prestation de soins, cette recherche contribue aux efforts visant à déterminer les types d’aidants qui sont les plus exposés aux incidences néfastes sur la santé, à l’isolement social et à la pauvreté plus tard dans la vie, ce qui permettra de faciliter les interventions politiques. Cette étude enrichit ainsi la discussion sur la prestation de soins familiaux et sur la pérennité du secteur des soins familiaux.
The Unexpected Journey of Caring (livre, en anglais seul.)
Le livre intitulé The Unexpected Journey of Caring: The Transformation from Loved One to Caregiver, écrit par Donna Thomson, aidante et auteure de My Four Walls of Freedom, et par Zachary White, professeur agrégé de la Queens University de Charlotte, en Caroline du Nord, est un guide pratique et personnel s’appuyant sur une perspective familiale qui s’adresse aux personnes en voie de devenir des aidants.
En combinant diverses expériences vécues avec des conseils concrets, les auteurs offrent aux lecteurs une perspective honnête sur les réalités variées de la prestation de soins, en plus de présenter des mesures concrètes à adopter et des ressources pour créer et entretenir des liens au sein des communautés locales et en ligne, pour évoluer parmi les systèmes de soutien existants et collaborer avec les professionnels médicaux.
Mme Thomson et M. White se penchent sur les parcours transformatifs occasionnés par la prestation de soins, qui donnent souvent l’impression aux nouveaux aidants d’être des « conducteurs dans un pays étranger » [traduction libre] à l’égard des nouvelles responsabilités qui affectent non seulement leur vie quotidienne, mais aussi leurs attentes, leurs aspirations et leurs perspectives. En mettant l’accent sur les incidences de la prestation de soins sur la personne et son identité, le livre The Unexpected Journey of Caring propose des points de vue uniques sur la prestation de soins et l’importance qu’elle revêt pour les familles.
La prestation de soins au sein des familles des militaires et des vétérans (recherche en bref)
Dans La prestation de soins au sein des familles des militaires et des vétérans, Alla Skomorovsky, Jennifer Lee et Lisa Williams donnent un aperçu d’une étude portant sur les réalités des familles des membres des Forces armées canadiennes (FAC) ou des vétérans malades ou blessés qui ont été libérés pour des raisons médicales.
La recherche révèle que la santé des membres des FAC et des vétérans a une incidence directe sur le bien-être des membres de leur famille, plus particulièrement lorsque ces derniers prennent part à la prestation de soins à l’égard du membre des FAC ou du vétéran malade ou blessé. Bien que de nombreux conjoints aidants aient signalé éprouver des répercussions négatives en raison de l’augmentation des responsabilités et du manque de temps pour prendre soin de soi, la plupart admettent que le déclin du bien-être physique, psychologique et social est imputable aux conséquences de la maladie ou de la blessure. Malgré les difficultés rencontrées au cours de la transition et l’impact négatif de la prestation de soins sur la santé et le travail, plusieurs ont ajouté que leur relation avec le membre des FAC ou du vétéran s’est approfondie et que la situation les a rapprochés.
En analysant les difficultés rencontrées par les familles des membres des FAC ou des vétérans malades ou blessés, cette étude apporte une nouvelle perspective ainsi que de nouvelles orientations en vue d’améliorer l’expérience de la transition chez les familles des militaires et de maintenir leur bien-être global. Puisque les libérations pour raisons médicales sont en hausse depuis 20132, cette question revêt une importance grandissante pour les Vétérans, leur famille et la société canadienne dans son ensemble.
Cette sélection de ressources met de l’avant des perspectives uniques sur les soins qui sont invariablement prodigués au sein des familles ou entre elles partout au Canada. Au fur et à mesure qu’augmentent le nombre et la proportion d’aînés et de personnes touchés par l’incapacité, diverses ressources comme celles décrites ci-dessus joueront un rôle de plus en plus important pour consolider à l’échelle nationale la compréhension de la prestation de soins familiaux au Canada.
Notes
- Apprenez-en davantage sur l’impact du vieillissement de la population dans le document Coup d’œil sur le vieillissement de la population et les relations intergénérationnelles au Canada. Lien : https://bit.ly/3lRABbk
- Linda Van Til et autres, Bien-être des vétérans de la Force régulière, conclusions des EVASM 2016, Anciens Combattants Canada – Rapport technique de la Direction de la recherche (23 juin 2017). Lien : https://bit.ly/32NfpJw
Recherche en bref : La prestation de soins au sein des familles des militaires et des vétérans
Alla Skomorovsky, Jennifer Lee et Lisa Williams
Les recherches le démontrent : les vétérans canadiens qui passent à la vie civile en raison d’une maladie ou d’une blessure éprouvent souvent de la difficulté à s’adapter à leur nouvelle situation. Toutefois, un nombre croissant d’études universitaires révèlent que « la force derrière l’uniforme » – les familles des militaires et des vétérans qui fournissent des soins à ces derniers – peut également être affectée par le bien-être et les expériences de transition du membre des Forces armées canadiennes (FAC)1, 2.
Selon la gravité de la maladie ou de la blessure, les militaires ont parfois besoin d’aide pour s’acquitter des activités quotidiennes (p. ex. : l’entretien du terrain, la préparation des repas, les services de nettoyage) et les membres de la famille sont souvent les premiers à prodiguer, à organiser et/ou à défrayer ces soins, qui peuvent varier en termes d’intensité, de durée et de fréquence. Au fur et à mesure que le militaire ou le vétéran malade ou blessé de la famille s’adapte aux contraintes que la maladie ou la blessure lui impose, à lui et à son nouveau mode de vie civile, il est possible que ses relations familiales se teintent d’une certaine tension.
Au sein des familles des militaires, les conjoints des militaires sont généralement les principaux fournisseurs de soins, et cette tâche peut avoir une incidence négative sur leur propre santé, leur bien-être et leur carrière. Par ailleurs, les recherches démontrent que la prestation de soins à l’égard d’un militaire atteint de maladies psychologiques peut s’avérer particulièrement éprouvante pour les aidants en plus d’accroître le risque ou l’étendue de leur propre détresse psychologique, en raison de la dépendance accrue du militaire à leur égard pour les tâches et le soutien cognitif ou émotionnel.
Peu d’études ont examiné les expériences, les perceptions et les impacts uniques à la transition vers la vie civile sur les familles du personnel des FAC ou des vétérans, plus particulièrement ceux qui ont été libérés pour des raisons médicales en lien avec une maladie ou des blessures. Toutefois, une étude pilote menée en 2014-2015 auprès des familles des FAC qui vivaient une transition vers la vie civile a suggéré que les effets cumulatifs de la maladie ou des blessures d’un militaire combinés à sa transition vers la vie civile pouvaient avoir une incidence significative sur divers aspects de la dynamique familiale3.
Dans la foulée des études mentionnées précédemment, le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM) a réalisé, en 2017-2018, une enquête visant à explorer et à améliorer notre compréhension de ce que vivent les familles des militaires ou des vétérans malades ou blessés à diverses étapes du processus de libération pour raisons médicales, dans le cadre de leur transition de la vie militaire à la vie civile, par une série d’entrevues semi-structurées4.
La maladie et les blessures affectent le bien-être de la famille et les relations familiales
Conformément aux autres études, les entrevues ont indiqué que la santé des membres des FAC et des vétérans avait une incidence directe sur le bien-être des membres de la famille, plus particulièrement lorsque les membres de la famille assument un rôle d’aidant pour le militaire ou le vétéran.
[Comme mentionné par les parents d’un militaire ou d’un vétéran] : Parce que c’était vraiment difficile à l’époque, ce fut un véritable combat. La première fois qu’il est rentré de sa toute première sortie a vraiment été difficile. Ce que je veux dire, c’est qu’il a perdu deux conjointes. Il a vécu deux ruptures familiales en raison de son TSPT. [traduction]
Les militaires et les vétérans ont également constaté l’impact qu’ils avaient sur les membres de leur famille, y compris sur leurs enfants.
Ma fille, qui a 21 ans, est probablement celle qui a été la plus affectée par mon état, en raison de ce qu’elle m’a vu traverser. Et ça a été très difficile pour elle… À cause de mon anxiété, de ma dépression et tout ça… Elle souffre maintenant d’anxiété et de dépression. [traduction]
La plupart des conjoints ont relié la tension exercée sur leur bien-être familial, social et personnel principalement à la maladie ou aux blessures du militaire ou du vétéran, et non à la transition elle-même.
Je crois que tout est en lien avec l’ensemble du processus… L’un des membres de votre famille fait face à ses propres problèmes de santé mentale, mais il ne recherche pas de traitement actif pour ses problèmes, et il se dit que… vous savez, avec sa dépression, son anxiété ou son TSPT. Alors le partenaire doit prendre le relais dans le ménage. C’est difficile de porter ça tout le temps. [traduction]
Des familles ont mentionné avoir vu leurs relations avec le militaire ou le vétéran des FAC devenir plus tendues. Plus précisément, plusieurs membres de ces familles, qui étaient également des conjoints, ont ressenti un manque de satisfaction et d’intimité dans leurs relations avec le militaire ou le vétéran, en plus d’éprouver un éloignement émotionnel ou du ressentiment.
Il n’avait plus aucun intérêt pour le sexe, et cela a complètement transformé notre relation. Et comme nous étions un couple, cela a été difficile à surmonter… la perte d’intimité avec son partenaire.
Dans l’intimité, il était un peu distant émotionnellement, vraiment plus distant, en fait. C’était comme s’il était à l’extérieur et qu’il regardait vers l’intérieur.
Je contribue plus qu’à mon tour. Et en fait, si je repense à toute cette situation, il y a des moments où… je voudrais qu’il participe plus à ses soins que je ne le fais moi-même. Alors oui, il y a un peu de ressentiment dans tout ça, si je suis vraiment honnête avec moi-même. [traduction]
La prestation de soins interfère avec d’autres responsabilités familiales et les perturbe
Les membres de la famille qui fournissent des soins au militaire ou au vétéran malade ou blessé – principalement les conjoints – ont mentionné que le fardeau des aidants était un facteur important qui contribuait à affaiblir leur santé physique ou à réduire leur bien-être psychologique. On mentionne, entre autres, les exigences cognitives et physiques supplémentaires imposées aux aidants, comme la surveillance constante du membre des FAC ou du vétéran, l’aide physique apportée au membre des FAC ou du vétéran pour accomplir ses activités quotidiennes et la prise en charge des tâches auparavant partagées (p. ex. : le jardinage, la préparation des repas, le ménage).
Il est incapable physiquement de faire ce qu’il faisait auparavant, avant d’être blessé, alors je me charge maintenant de… tout – principalement sur le plan physique – dans la maison. Et j’ai fini par me blesser au dos à cause de cela. Il faut bien que quelqu’un s’occupe de toutes ces tâches… alors j’ai fini par me blesser au dos et maintenant, je ne peux même plus travailler à cause de cela. [traduction]
Certains aidants conjugaux ont également souligné qu’ils se sentaient émotionnellement et mentalement épuisés en raison des responsabilités accrues et du manque de temps dont ils disposaient pour s’occuper d’eux-mêmes. Parmi les autres conséquences de la prestation de soins, on note les effets négatifs sur la santé et les répercussions sur le travail.
Je crois que cela crée de l’isolement chez l’aidant. Par exemple, je voulais être présente pour mon époux et conjoint. Je voulais prendre soin de lui, lui offrir tout ce dont il a besoin, mais ensuite… je ne dis pas que c’est la faute des autres, mais est-ce qu’il est possible d’avoir une pause?
J’ai l’impression que je ne reçois aucun soutien, alors je m’occupe de tout cela par moi-même, vous savez. J’ai l’impression que je porte le poids de… de tout le ménage… J’ai l’impression que je dois m’occuper de tout toute seule. Alors j’ai l’impression de sacrifier ma propre santé. [traduction]
Comparativement aux aidants conjugaux, les parents qui prodiguaient des soins ont précisé que la maladie ou la blessure du militaire ou du vétéran n’affectait généralement pas leur vie personnelle ni leur santé. Toutefois, cela pourrait s’expliquer par le fait que les soins offerts sont moins fréquents et que les parents ont une moins grande proximité avec le bénéficiaire.
La communication entre les partenaires peut atténuer l’impact de la prestation de soins
Malgré les effets négatifs qu’ont eus la prestation de soins, l’expérience de transition et la maladie ou la blessure sur leur relation conjugale, plusieurs aidants conjugaux ont également observé une croissance dans leur relation. D’après les participants de l’étude, une communication de qualité et claire au sein de leur relation a été un facteur important qui semble avoir eu un impact sur la gravité des effets négatifs. Suivant leur expérience commune de transition et de communication, plusieurs aidants conjugaux ont indiqué s’être rapprochés du membre des FAC ou du vétéran, en plus d’être devenus une équipe plus forte. Il est donc possible qu’une communication efficace renforce la tolérance des conjoints à l’égard des responsabilités et du fardeau supplémentaires liés à la prestation de soin.
Nous sommes devenus presque davantage une équipe qu’un couple. Qu’est-ce qu’on doit faire? Bon d’accord, comment devrions-nous le faire? Alors oui, notre vie se concentre principalement sur ça.
La communication est la clé ici, plus particulièrement dans le cadre d’une relation. [traduction]
Les leçons tirées et la voie à suivre
Cette étude a permis de faire la lumière sur ce que vivent les familles des FAC pendant la transition vers la vie civile. Les résultats démontrent que l’expérience de la transition ne touche pas seulement le militaire ou le vétéran – elle affecte également les membres de sa famille ainsi que ses aidants. La plupart des membres de ces familles, et plus particulièrement les aidants, ont signalé avoir ressenti de la détresse et un malaise au cours du processus de transition, mais la plupart des rapports liés au déclin du bien-être physique, psychologique et social ont été attribués aux conséquences de la maladie ou de la blessure.
Certaines limites méthodologiques importantes de la présente étude doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Tout d’abord, l’étude a été réalisée en supposant que tous les membres des FAC et des vétérans malades ou blessés qui participaient à l’étude avaient des besoins liés à la prestation de soins et disposaient d’un aidant (p. ex. : un conjoint, un frère ou une sœur, un parent) parce qu’ils avaient été libérés de leur service militaire pour des raisons médicales, et cela a influencé l’élaboration des questions posées pendant les entrevues. Toutefois, il est devenu évident au fil des entrevues que certains membres des FAC ou vétérans libérés ne disposaient d’aucun aidant, ou qu’ils ne considéraient pas nécessairement avoir besoin de soins, même s’ils souffraient de diverses limitations en raison de leur maladie ou de leur blessure. Deuxièmement, bien qu’un nombre important de membres des FAC ou de vétérans aient participé à l’étude, ils en étaient à différentes étapes de leur transition. En raison de la durée de l’entrevue, il a été impossible d’inclure certaines questions détaillées sur chaque étape du processus de transition. Enfin, en raison de la méthodologie qualitative utilisée dans cette étude, les résultats ne sont pas représentatifs de la population dans son ensemble.
Pour pallier ces limites et tirer parti de cette étude, le DGRAPM a élaboré un programme de recherche exhaustif en lien avec les familles des militaires, qui collabore étroitement avec d’autres organismes gouvernementaux, notamment Anciens Combattants Canada et Statistique Canada. Ce corpus de recherches vise à améliorer la vie du personnel militaire, des vétérans et de leur famille partout au pays.
En examinant les défis que vivent les familles des membres des FAC ou des vétérans malades ou blessés, cette étude propose des orientations visant à améliorer l’expérience de la transition chez les familles des militaires ainsi qu’à maintenir leur bien-être global. Puisque les libérations pour raisons médicales semblent être en hausse depuis 20135, cette question revêt une importance croissante pour les vétérans, leur famille et la société canadienne dans son ensemble. Il est essentiel de continuer d’approfondir l’expertise nécessaire pour soutenir ces familles et de trouver des moyens pour assurer le bien-être individuel et familial des membres des FAC et des vétérans.
Alla Skomorovsky, Ph. D., est psychologue en recherche pour le compte du Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM), où elle est membre de l’équipe des programmes sur les politiques sociales et le soutien à la famille. Elle mène des études quantitatives et qualitatives dans les domaines de la résilience, du stress, de l’adaptation, de l’identité et du bien-être des familles des militaires.
Jennifer Lee, Ph. D., est présidente du Groupe des ressources humaines et du rendement (HUM) pour le Programme de coopération technique (TTCP) – Groupe technique 21 sur la résilience – ainsi que directrice intérimaire de la recherche sur le soutien au personnel et aux familles au sein du DGRAPM, où elle supervise le travail de son équipe sur un éventail de sujets, notamment : l’inconduite sexuelle; la diversité et l’inclusion; la santé des militaires, des vétérans et de leur famille; et, plus récemment, les répercussions de la légalisation du cannabis sur le personnel des Forces armées canadiennes.
Lisa Williams, M., est chercheuse au sein du DGRAPM, où elle est membre de l’équipe des programmes sur les politiques sociales et le soutien à la famille. Elle mène des études quantitatives et qualitatives sur des sujets liés au bien-être des militaires, des vétérans et de leur famille.
Notes
- Jim Thompson, M. D., et autres, « Enquête sur la transition à la vie civile : Rapport sur les vétérans de la Force régulière » dans Anciens Combattants Canada (2011). Lien : https://bit.ly/2J8gYex
- Apprenez-en davantage dans Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada (mise à jour de novembre 2018). Lien : https://bit.ly/3tXg7kh
- Alla Skomorovsky et autres, Pilot Study on the Well-Being of Ill or Injured Canadian Armed Forces (CAF) Members and Their Families : Well-Being Model Development (2019). Rapport scientifique. DRDC-RDDC-2017-R203
- En tout, 72 entrevues semi-structurées ont été réalisées, et 16 d’entre elles ont été supprimées de l’analyse en raison de leur inadmissibilité (p. ex. : libération pour des raisons non médicales, plus de 5 ans après la libération). Sur les 56 entrevues admissibles, on dénombre 31 entrevues individuelles avec des membres des FAC ou des vétérans, 11 entrevues individuelles avec des aidants primaires et 14 entrevues combinées. Les participants étaient des vétérans des FAC qui ont été libérés pour des raisons médicales au cours des 5 années précédentes ou des membres des FAC qui s’attendaient à être libérés dans un avenir rapproché (c.-à-d. durant les 24 mois de l’enquête) en raison d’une maladie psychologique ou physique ou encore de blessures. Leurs aidants primaires, définis sur le plan opérationnel comme la personne qui procure au membre des FAC ou du vétéran la plupart des soins ou du soutien (physique ou psychologique), ont également été inclus dans le processus d’entrevues. Les aidants primaires étaient en général un membre de la famille (p. ex. : frère, sœur, parent) et, dans la vaste majorité des cas, le conjoint. Les participants admissibles ont soit été rencontrés en personne ou contactés par téléphone à un moment qui leur convenait.
- Linda Van Til et autres, « Well-Being of Canadian Regular Force Veterans, Findings from LASS 2016 Survey » dans Anciens Combattants Canada – Rapport technique de la Direction de la recherche (23 juin 2017). Lien : https://bit.ly/32NfpJw
Publié le 25 juillet 2019
Recherche en bref : Au-delà des « aperçus ponctuels », les soins familiaux analysés « tout au long de la vie »
Janet Fast, Norah Keating, Jacquie Eales, Choong Kim et Yeonjung Lee
Selon les données de la dernière Enquête sociale générale (ESG) sur « Les soins donnés et reçus », 28 % des Canadiens auraient prodigué des soins à un membre de la famille ou à un ami au cours de la dernière année1. Mais de telles données ponctuelles ne permettent pas de brosser un portrait complet de la réalité en matière de prestation de soins. En examinant la question sur la durée complète de la vie, on obtient un meilleur aperçu de la façon dont les Canadiens participent aux soins au cours de leur vie, ce qui met en relief un certain nombre de « parcours » de soins dont on fait couramment l’expérience dans la vie2. En fait, la moitié (46 %) de tous les Canadiens auraient prodigué des soins à un moment ou l’autre de leur vie, ce qui démontre que les soins familiaux constituent une expérience beaucoup plus courante que ce que bien des gens avaient imaginé. Il est temps d’aller au-delà des aperçus ponctuels et d’analyser les soins familiaux sur toute la durée de la vie.
Une recherche novatrice de l’Université de l’Alberta, menée à l’aide des données de l’ESG 2012 de Statistique Canada, permet de dégager, pour la première fois, cinq trajectoires (ou parcours) de soins distinctes sur toute la durée de la vie de 3 299 adultes âgés de 65 ans et plus : éclosion tardive, rappel, superposé, prolongé et séquentiel. Cette perspective innovatrice montre non seulement l’évolution des soins au cours de la vie, mais aussi les diverses façons par lesquelles ils évoluent selon les personnes. Il nous est maintenant possible d’examiner l’impact cumulatif de la prestation de soins tout au long de la vie et d’identifier les aidants qui sont le plus à risque de développer une mauvaise santé, de connaître l’isolement social et de vivre la pauvreté plus tard dans leur vie, ce qui permettra de mieux cibler les interventions politiques à privilégier.
Une approche portant sur toute la durée de la vie met en relief divers modèles de prestation de soins dans la vie des aidants
L’étude montre que la moitié des Canadiens âgés de 65 ans et plus – ou plus de 2 millions de personnes – ont prodigué des soins à d’autres personnes à une ou plusieurs occasions au cours de leur vie.
TRAJECTOIRES DE SOINS
Éclosion tardive
Un aidant sur deux (54 %) suit un parcours d’éclosion tardive. Il se caractérise par un épisode court et unique de prestation de soins (moins de 5 ans), la plupart du temps au profit du conjoint ou d’un parent. Ce parcours commence au début de la soixantaine (63 ans en moyenne); 43 % des aidants en parcours d’éclosion tardive sont des hommes et 57 % sont des femmes.
Rappel
Un aidant sur quatre (25 %) suit un parcours de rappel. Il se caractérise par un premier long épisode de prestation de soins, la plupart du temps au profit d’un parent ou d’un conjoint, suivi d’épisodes plus courts et de plus en plus fréquents de soins offerts aux amis ou aux voisins de la même génération. Ce parcours commence au début de la cinquantaine (52 ans en moyenne) et dure près de 14 ans; 41 % des aidants en parcours de rappel sont des hommes et 59 % sont des femmes.
Superposé
Un aidant sur 10 (11 %) suit un parcours superposé. Il se caractérise par un épisode de prestation de soins d’au moins 10 ans, principalement au profit des parents ou des beaux-parents, les soins étant généralement offerts à plus d’une personne à la fois. Ce parcours commence au début de la cinquantaine (52 ans en moyenne); 36 % des aidants en parcours superposé sont des hommes et 64 % sont des femmes.
Prolongé
Un aidant sur 16 (6 %) suit un parcours prolongé. Il se caractérise par un premier très long épisode de prestation de soins au profit de la famille proche, suivi d’un deuxième long épisode de soins offerts à la famille ou aux amis proches. Les soins prodigués aux enfants ou aux frères et sœurs atteints d’une maladie ou d’une incapacité chronique y figurent de façon considérable. Ce parcours commence au début de la trentaine (34 ans en moyenne) et est celui qui dure le plus longtemps (une moyenne de 33 années); 37 % des aidants en parcours prolongé sont des hommes et 63 % sont des femmes.
Séquentiel
Un aidant sur 25 (4 %) suit un parcours séquentiel. Il se caractérise par un modèle de prestation de soins à long terme offerts à autrui (parents proches, parents éloignés, amis ou voisins), souvent prodigués à plusieurs personnes à la fois. Ce parcours commence au milieu de la trentaine (36 ans en moyenne) et s’étend sur plus de trois décennies (une moyenne de 31 années). Parmi tous les parcours de soins, le parcours séquentiel compte la plus forte proportion d’aidants féminins (71 %).
Auteurs
Janet Fast, Ph. D., est économiste familiale et professeure au sein du Département d’écologie humaine de l’Université de l’Alberta.
Norah Keating, Ph. D., est gérontologue familiale et directrice de l’initiative Global Social Issues on Aging au sein de l’International Association of Gerontology and Geriatrics.
Jacquie Eales, M. Sc., est spécialiste en communication et en application des connaissances ainsi que directrice de recherche au sein du Département d’écologie humaine de l’Université de l’Alberta.
Choong Kim est économiste appliqué et doctorant au sein du Département d’écologie humaine de l’Université de l’Alberta.
Yeonjung Lee, Ph. D., est spécialiste en États-providence comparatifs et en gérontologie, ainsi que professeure adjointe au sein de la Faculté du travail social de l’Université de Calgary.
Notes
- Maire Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (septembre 2013). Lien : https://bit.ly/30j2ldH.
- Joohong Min, Yeonjung Lee, Janet Fast, Jacquie Eales et Norah Keating, « Life Course Trajectories of Family Care » dans Innovation in Aging, vol. 2, no 1 (novembre 2018). Lien : https://bit.ly/2MwiXf8.
Les mères d’aujourd’hui au Canada : « Pour que tout fonctionne… »
La fête des Mères approche, et les Canadiens – petits ou grands – en profiteront pour souligner le dévouement de ces mères et grands-mères, sans oublier les arrière-grands-mères de plus en plus nombreuses. Aux quatre coins du pays, la présence des femmes au travail, dans les familles et dans les collectivités continue de s’accroître, notamment pour les futures et les nouvelles mères. Les décideurs cherchent à s’adapter et à réagir à cette évolution en proposant des solutions flexibles pour les mères en emploi.
Des milieux de travail flexibles pour aider les mamans à assumer leur charge de soins
Les futures et nouvelles mères au Canada sont de plus en plus présentes sur le marché du travail, et plusieurs d’entre elles fournissent aussi des soins à des proches malades ou blessés. Des études ont révélé que la flexibilité en milieu de travail aide les mamans à assumer leurs responsabilités multiples, ce qui rejaillit éventuellement sur le bien-être de la famille.
- En 2016, le taux de participation des femmes au marché du travail, parmi celles dont le plus jeune enfant avait moins de 6 ans, se situait à 73 % (soit plus du double qu’en 1976, à 36 %)1.
- En 2012, 72 % des femmes interrogées se disaient satisfaites de l’équilibre travail-vie personnelle, et la proportion était beaucoup plus marquée parmi celles qui travaillaient selon un horaire flexible (75 %) que chez celles qui n’avaient pas accès à cette flexibilité (63 %)2.
- En 2012, les trois dixièmes des femmes avaient des responsabilités d’aidantes, et les six dixièmes d’entre elles consacraient 20 heures ou plus par semaine à fournir des soins3.
- En 2012, 63 % des mères en emploi ayant aussi une charge de soins se disaient satisfaites de l’équilibre travail-vie personnelle (contre 73 % pour les pères)4.
De nouvelles façons d’accroître la flexibilité pour les futures et nouvelles mères en emploi
Le 3 décembre 2017, un certain nombre de changements ont été apportés au programme de prestations parentales et de maternité de l’assurance-emploi (AE) au Canada5 afin d’offrir plus de flexibilité aux mères en emploi (ainsi qu’aux pères), en élargissant les options quant au moment et à la durée des périodes de prestations6.
- Les parents peuvent désormais choisir l’option des prestations parentales prolongées de l’AE, échelonnées sur une période pouvant atteindre 18 mois, à hauteur de 33 % des gains hebdomadaires moyens. Cette option rallonge la durée des prestations en contrepartie d’une réduction du taux des prestations (comparativement à 55 % pour l’option standard de 12 mois)7.
- Les futures mères ont maintenant la possibilité de présenter une demande de prestations jusqu’à 12 semaines avant la date prévue de l’accouchement (soit quatre semaines plus tôt que la limite précédente de huit semaines, mais le nombre total de semaines de prestations demeure le même).
Notes
- Institut canadien de la santé infantile, « Module 8, section 2 : Taux d’activité de la population active » dans The Health of Canada’s Children and Youth : A CICH Profile (2018). Lien : https://bit.ly/2xXBlTQ
- Statistique Canada, « Satisfaction par rapport à l’équilibre entre l’emploi et la vie à la maison : feuillet d’information » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (dernière mise à jour au 12 août 2016). Lien : a href= »https://bit.ly/1SDnt2Q » target= »_blank » rel= »noopener »>https://bit.ly/1SDnt2Q
- Maire Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (dernière mise à jour au 30 novembre 2015). Lien : https://bit.ly/1qsM5zM
- D’après Statistique Canada, cette situation résulte notamment du fait que « les femmes sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à prodiguer des soins à un membre de la famille ou à un ami souffrant d’un problème de santé à long terme; en outre, lorsqu’elles sont de proches aidantes, elles fournissent un plus grand nombre d’heures de soins en moyenne ». Lien : https://bit.ly/1SDnt2Q
- Ces changements ne s’appliquent pas au Québec, où c’est plutôt le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) qui est en vigueur depuis 2006.
- Les critères d’admissibilité ne changent pas : les travailleurs doivent avoir cumulé 600 heures d’emploi assurable au cours de l’année précédente pour avoir droit aux prestations, lesquelles correspondent généralement à 55 % des gains hebdomadaires moyens (jusqu’à concurrence du plafond déterminé). Depuis le 1er janvier 2018, le montant maximum assurable annuellement est de 51 700 $ (soit 547 $ par semaine). Lien : https://bit.ly/2r1ogp3
- Le montant total potentiel n’a pas changé : les prestataires peuvent échelonner les versements sur une période de 12 mois, ou répartir le même montant sur 18 mois. Au moment de présenter la demande initiale de prestations d’AE, les parents ont le choix entre l’option standard des prestations parentales ou encore l’option prolongée. Il n’est plus possible de changer d’option par la suite.
Sous la loupe : Les aidants âgés au Canada
Les responsabilités de soins sont indissociables de la vie de famille, et les aidants familiaux jouent un rôle crucial pour encadrer et fournir de tels soins au bénéfice de leurs proches, allant même dans certains cas jusqu’à en acquitter la facture. Depuis une décennie, les quelque 8,1 millions d’aidants au Canada sont de plus en plus reconnus et appréciés, mais on a tendance à négliger la part des aînés qui assument une charge de soins, même si ceux-ci représentaient plus d’un huitième des aidants en 20121.
Or, au-delà de leur apport unique et précieux dans le paysage canadien des soins familiaux, les aidants âgés ont eux-mêmes des besoins particuliers en raison de leur âge. Dans toutes les régions du pays, plusieurs d’entre eux assument par ailleurs d’autres responsabilités professionnelles ou communautaires qui risquent d’alourdir leur charge de soins (d’autant plus s’ils sont parfois eux-mêmes bénéficiaires de soins).
L’importante contribution des aînés en matière de soins au Canada2
- En 2012, près d’un million d’aînés au Canada (966 000 personnes) ont prodigué des soins à un ami ou à un membre de la famille en raison d’une maladie chronique, d’une incapacité ou de problèmes liés au vieillissement (soit 12 % de tous les aidants)3.
- En 2012, les aidants âgés étaient susceptibles de fournir les plus longues heures de soins chaque semaine, notamment parce que le bénéficiaire était leur conjoint dans bien des cas (ce qui suppose généralement un investissement en temps plus important)4.
- Près du quart des aidants âgés (23 %) ont consacré 20 heures ou plus par semaine à leur charge de soins, soit une proportion environ deux fois plus importante que chez les aidants de 45 à 54 ans (13 %) ou que chez les jeunes aidants de 15 à 24 ans (10 %)5.
Plusieurs aidants âgés conjuguent leur charge de soins avec d’autres responsabilités, que ce soit comme travailleurs ou bénévoles6
- En 2017, 14,2 % des aînés étaient sur le marché du travail (18,7 % des hommes et 10,4 % des femmes de cette tranche d’âge), soit plus du double par rapport à l’an 2000 (à 6 %)7.
- En 2015, un cinquième des aînés au Canada (19,8 %) déclaraient avoir travaillé à un moment ou un autre durant l’année (1,1 million de personnes), soit pratiquement deux fois plus qu’en 1995 (à 10,1 %). Pour ce groupe d’âge, la proportion des hommes disant avoir travaillé durant l’année était supérieure à celle des femmes (soit 25,7 % contre 14,6 % respectivement)8.
- En 2013, près des trois dixièmes des aînés de 75 ans ou plus (27 %) ont fait du bénévolat9.
Les soins et leurs incidences sur le bien-être des aidants âgés
- Selon certaines études, les soins ont parfois des effets bénéfiques pour le bien-être des aidants eux-mêmes, notamment par l’impression de donner un sens à leur vie et de progresser sur le plan personnel, par une certaine confiance et une meilleure conscientisation à l’égard des soins, ou encore par le fait de pouvoir « redonner » à une personne qui s’est occupée d’eux10.
- Par contre, les soins risquent aussi d’avoir des répercussions néfastes sur le bien-être des aidants. Ainsi, près des trois dixièmes des personnes ayant prodigué des soins en 2012 (28 %) ont trouvé la prestation de soins « stressante ou très stressante », et un cinquième des aidants (19 %) ont indiqué que leur « état de santé physique ou émotionnel s’était détérioré » en raison de leurs responsabilités d’aidant11.
Téléchargez le document Sous la loupe : Les aidants âgés au Canada.
L’Institut Vanier de la famille est un organisme de bienfaisance national et indépendant, dont les activités visent à mieux comprendre la diversité et la complexité des familles, ainsi que la réalité de la vie de famille au Canada. L’Institut propose un vaste éventail de publications, d’initiatives de recherche, de présentations et d’interactions dans les médias sociaux afin de mieux comprendre comment les familles interagissent avec les forces socioéconomiques, contextuelles et culturelles, dans quelle mesure elles les influencent et comment elles réagissent à celles-ci.
Notes
- Maire Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (septembre 2013). Lien : http://bit.ly/1qsM5zM
- Pour en savoir davantage : Coup d’œil sur les soins familiaux et le travail au Canada.
- Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 ».
- Ibidem
- Ibidem
- Pour en savoir davantage : Le budget de la famille moderne : Les aînés au Canada (lien : https://bit.ly/2BspD6c) et Le budget de la famille moderne : Le revenu au Canada (lien : https://bit.ly/2E3ObE6).
- Statistique Canada, Caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d’âge détaillé, données annuelles (x 1 000), tableau CANSIM no 282-0002 (dernière mise à jour au 26 février 2019). Lien : http://bit.ly/2AQ30XA
- Statistique Canada, « Recensement en bref. Les personnes âgées au travail au Canada » dans Produits analytiques, Recensement de 2016, no 98-200-X-2016027 au catalogue de Statistique Canada (29 novembre 2017). Lien : http://bit.ly/2D1mXyA
- Pour en savoir davantage : Faits et chiffres : Le bénévolat au Canada.
- American Psychological Association, « Positive Aspects of Caregiving » dans Public Interest Directorate Reports (janvier 2011). Lien : http://bit.ly/1KMuMRA
- Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 ».
L’accès aux soins de santé pour les familles des militaires ayant un enfant touché par l’autisme
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Heidi Cramm, Ph. D.
Les familles des militaires au Canada composent avec une importante mobilité, qui les force à déménager de trois à quatre fois plus souvent que leurs homologues civils1. Cette mobilité tend à compliquer l’accès aux soins de santé pour ces familles, d’autant plus que la plupart d’entre elles vivent hors d’une base militaire (une situation touchant 85 % des familles, comparativement à seulement 20 % au milieu des années 90). Dans un tel contexte, ces familles doivent s’en remettre aux réseaux civils de soins de santé provinciaux ou territoriaux. Or, cette situation n’est certainement pas sans conséquences pour les quelque 8,2 % des familles de militaires qui vivent avec un enfant ayant des besoins particuliers, notamment ceux touchés par un trouble du spectre de l’autisme (TSA)2.
Qu’est-ce que l’autisme?
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental courant qui toucherait un enfant sur 68. Même si cette situation affecte principalement la communication sociale des personnes atteintes ainsi que leur capacité à partager leur réalité affective ou la joie ressentie, il existe tout un éventail de symptômes et de comportements associés :
- Environ 25 % des personnes ayant un TSA ne communiquent pas verbalement, et éprouvent de la difficulté (ou accusent un retard) relativement aux interactions non verbales pour manifester leur intérêt (en pointant du doigt, par des gestes, etc.).
- Les personnes avec un TSA ont souvent de la difficulté à saisir certaines subtilités de la langue ou de la communication, comme les métaphores, le sarcasme, les expressions familières et les blagues.
- Les sujets touchés par un TSA adoptent souvent des comportements répétitifs (balancements, battements des mains, mouvements des doigts, etc.).
- Les personnes ayant un TSA sont souvent très réfractaires au changement et ont des habitudes bien ancrées.
- La plupart des sujets atteints d’un TSA affichent certaines caractéristiques parmi un vaste éventail de déficits d’intégration sensorielle (sensibilité extrême au bruit, au toucher, aux odeurs, au goût, etc.), alors que d’autres présentent un seuil particulièrement élevé à la douleur.
- Certains enfants ayant un TSA sont exceptionnellement doués en musique, en arts visuels ou dans certains domaines scolaires.
- Par ailleurs, jusqu’à 90 % des enfants avec un TSA ont aussi reçu un diagnostic pour un problème médical ou encore un trouble psychologique ou comportemental connexe (TDAH, anxiété, trouble du sommeil, trouble de l’alimentation, crises épileptiques, handicap intellectuel, troubles gastro-intestinaux, etc.).
La rapidité d’intervention favorise les progrès des enfants ayant un TSA
Des études montrent que l’intervention précoce s’avère la démarche la plus efficace en lien avec un pronostic de TSA3, en favorisant éventuellement chez ces personnes diverses compétences liées à l’apprentissage, à la communication et aux interactions sociales. Le diagnostic d’autisme survient généralement au cours de la petite enfance, soit dès l’âge de 18 à 24 mois.
Dans plusieurs provinces, les familles sont cependant confrontées à de longues périodes d’attente pour obtenir un diagnostic ou bénéficier d’une intervention professionnelle, et ce, en raison du « goulot d’étranglement » dans l’accès aux centres de diagnostic appropriés, où le temps d’attente est parfois de deux ans ou plus.
On estime que de 21 % à 27 % des familles des militaires n’ont pas accès à un médecin de famille (contre 15 % pour l’ensemble de la population)4. Cette difficulté complique les choses pour certaines familles de militaires (comme celles ayant un enfant avec un TSA) puisque plusieurs services et traitements aux enfants ayant des besoins particuliers ne sont accessibles que par l’intermédiaire des médecins de famille. À chaque déménagement, les familles qui progressaient lentement dans une liste d’attente reviennent malgré eux au dernier rang d’une autre liste.
Mieux comprendre la réalité des familles des militaires ayant un enfant avec un TSA
Dans une étude qualitative récente, des chercheurs ont interrogé les familles des militaires vivant avec un enfant ayant un TSA, dans le but de mieux saisir la nature de leurs interactions avec le réseau de soins de santé en quête de services pour leurs enfants5.
Plusieurs de ces familles admettent avoir de la difficulté à faire reconnaître et valider l’état de leur enfant, et à obtenir un diagnostic médical à cet égard. Ces familles considèrent qu’il est généralement laborieux de faire évaluer leur enfant pour un TSA, et que les longs délais d’évaluation menant à un éventuel diagnostic entraînent souvent des retards importants dans les traitements subséquents.
L’un des parents interrogés raconte que les programmes disponibles dans la nouvelle collectivité de sa famille étaient réservés aux personnes déjà diagnostiquées comme autistes, si bien que son fils a dû attendre pour obtenir des soins. N’ayant pas pris conscience du fait qu’un diagnostic était nécessaire pour accéder aux soins dans ce nouveau milieu, cette famille s’y est installée sans diagnostic préalable, mais les parents ont ensuite compris que les programmes dans cette région ne seraient pas accessibles pour leur fils. Ce dernier a donc dû patienter plusieurs mois avant d’obtenir les soins dont il avait besoin.
Les difficultés d’accès aux soins ont aussi des répercussions sur les finances familiales. En effet, devant la perspective des listes d’attente et les possibles incidences à long terme sur le développement de leur enfant, plusieurs familles décident d’assumer directement les coûts des services d’évaluation en pratique privée. L’un des participants explique en ces termes la décision de sa famille de recourir à des services privés d’évaluation et de prise en charge plutôt que de patienter sur une liste d’attente déjà plus longue que la durée du séjour en affectation : « Comme la liste d’attente était trop longue pour obtenir une évaluation, nous avons choisi de payer pour des services en pratique privée. Une fois le diagnostic en main, un organisme communautaire nous a inscrits sur une autre liste d’attente pour des services thérapeutiques en analyse appliquée du comportement, mais l’attente était de deux ans. Nous n’aurions jamais eu le temps de nous hisser jusqu’en haut de cette liste-là, alors nous avons commencé à payer aussi en pratique privée. »
Devant la perspective des listes d’attente et les possibles incidences à long terme sur le développement de leur enfant, plusieurs familles décident d’assumer directement les coûts des services d’évaluation en pratique privée.
Au moment de repartir au terme de leur affectation, certaines familles en attente de soins n’avaient même pas encore atteint le haut de la liste d’attente. Plusieurs d’entre elles racontent avoir dû déménager et repartir à zéro, et ce, alors que les services attendus étaient enfin à portée de main, ou presque. Ainsi, l’un des participants dont l’enfant était sur la liste d’attente a été informé par l’équipe d’intervention qu’une place se libérait en septembre. Trop peu trop tard : la famille repartait déjà en juillet…
Par ailleurs, l’offre de services varie beaucoup d’une province à l’autre (ainsi que le financement et les critères d’admissibilité). Plusieurs familles ont été consternées de perdre l’accès à des services auxquels elles avaient droit auparavant, ceux-ci n’étant plus offerts dans leur nouveau milieu. « Nous nous sommes rendu compte que l’école (dans notre province actuelle) n’offrait pas les mêmes services que dans la province précédente. Il n’y avait tout simplement rien à faire », souligne l’un des participants à l’étude.
Du reste, ces variations régionales existent aussi dans les frontières d’une même province. Ainsi, un autre répondant a été contraint de retirer son enfant d’un programme d’éducation très bénéfique parce que sa famille devait se réinstaller, pour finalement se rendre compte qu’il n’existait aucun programme semblable dans sa nouvelle ville (toujours dans la même province). Plusieurs familles ont décrit des réalités similaires ailleurs, que ce soit après avoir déménagé d’une province à l’autre, ou encore d’une région à l’autre dans une même province.
Le démarchage perpétuel pour l’accès aux soins de santé : éprouvant pour le bien-être familial
Malgré la grande résilience des familles des militaires, les difficultés d’accès aux services de soins de santé pour un enfant ayant un TSA pèsent parfois lourd sur le bien-être des membres de la famille et de la famille en soi. Dans le cadre de cette étude, les participants ont été nombreux à exprimer leur frustration et leur désarroi devant la tâche herculéenne de démystification des rouages du système pour offrir à leurs enfants les services disponibles, quels qu’ils soient. L’un des répondants raconte d’ailleurs avoir littéralement « fondu en larmes » lorsque leur tour est enfin venu dans le processus des listes d’attente, pour finalement constater que les services fournis ne répondaient pas aux attentes.
Certains participants ont dû demander l’aide de la famille élargie pour s’occuper de leur enfant. Ainsi, l’une d’entre eux explique que ses parents ont pris leur retraite et déménagé dans la même collectivité que sa famille en affectation pour pouvoir les aider, « parce qu’ils savaient que nous avions besoin de plus de soutien, et d’un bon coup de main ». D’autres répondants regrettent que leur famille élargie soit trop éloignée pour pouvoir les épauler, et qu’il leur soit tout simplement « impossible d’être près de nous ». Quant aux Centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM), plusieurs répondants évoquent des expériences variables puisque les services offerts n’étaient pas les mêmes d’une base à l’autre.
Au surplus, les relations entre parents sont souvent mises à rude épreuve : alors qu’ils cherchent à obtenir du soutien pour les soins et à se constituer un réseau d’aide à l’échelle locale, ils doivent également composer avec les entraînements militaires, les déploiements et les affectations. À terme, ils se retrouvent parfois devant des choix déchirants lorsqu’on leur propose une nouvelle affectation (peut-être synonyme d’avancement professionnel), et doivent alors tenir compte des répercussions sur les soins de santé de leur enfant atteint d’un TSA.
Les relations entre parents sont souvent mises à rude épreuve, alors que ceux-ci cherchent à obtenir du soutien pour les soins et à se constituer un réseau d’aide à l’échelle locale, tout en composant avec les entraînements militaires, les déploiements et les affectations.
Comme l’évoquent quelques-uns des participants, ce sont parfois les membres de la famille au service des Forces armées canadiennes (FAC) qui sont forcés de prendre certains virages, comme changer de métier ou réclamer une affectation particulièrement adaptée aux besoins de l’enfant, malgré les incidences sur leur cheminement professionnel et, à terme, sur l’ensemble de la famille. L’un des répondants ainsi que sa famille ont même envisagé la possibilité de vivre séparément (restriction imposée) pour assurer à leur enfant les services nécessaires, en dépit des conséquences néfastes pour l’ensemble de la famille en cas de séparation prolongée.
Dans certaines familles de militaires, ce sont les conjoints civils qui doivent parfois limiter leur participation au marché du travail en raison des impératifs de soins à l’enfant. De tels « compromis » sont fréquents au sein des familles de militaires. En effet, selon une étude publiée en 2009 par le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM), plus de la moitié des conjoints des FAC interrogés (51 %) ont sacrifié certains aspects de leur vie professionnelle à cause du service militaire de leur partenaire. Or, limiter la participation au marché du travail risque aussi d’affecter le budget familial, et il s’agit là d’une considération importante à la perspective d’une facture de soins privés pour un enfant. Cette situation est d’autant plus problématique pour les familles dont les deux parents sont en service militaire (deux militaires au sein des FAC).
Les familles des militaires souhaitent du soutien pour interagir avec le réseau
Selon certains militaires, il existe diverses avenues à privilégier pour aider les autres familles de militaires ayant un enfant atteint d’un TSA. Plusieurs d’entre eux souhaiteraient pouvoir entrer en contact avec des familles de militaires déjà installées dans leur future collectivité pour les aider à mieux cerner l’accès aux services d’aide en lien avec les TSA. Alors que plusieurs considèrent qu’une telle collaboration pourrait intervenir par les voies officielles, d’autres pensent plutôt qu’il vaudrait mieux privilégier un processus parallèle.
Plusieurs souhaiteraient pouvoir entrer en contact avec des familles de militaires déjà installées dans leur future collectivité pour les aider à mieux cerner l’accès aux services d’aide en lien avec les TSA.
L’étude s’est aussi intéressée aux options envisageables pour actualiser et étoffer l’information transmise aux familles. Sur cette question, certains souhaiteraient avoir accès à une personne-ressource offrant une sorte de guichet unique pour faciliter les interactions avec les différents services offerts dans les écoles, au sein de la collectivité et dans les établissements de santé. Par contre, comme l’évoque l’un des participants, une approche aussi formelle risque de « filtrer l’information », privant ainsi les parents de renseignements utiles quant à la véritable efficacité d’un service ou d’un autre.
Cette étude qualitative a donc permis de soulever d’importants enjeux, mais plusieurs questions restent encore en suspens. Dans quelle mesure peut-on miser sur les réseaux officiels ou informels existants pour aider les familles en transit? Dans une perspective interprovinciale, comment atténuer les interruptions et les délais dans les soins que certaines familles de militaires ont évoqués? Le cas échéant, quelles sont les options envisageables pour compenser la charge financière des parents en l’absence de services publics, ou lorsque de tels services sont inaccessibles? Les écarts interrégionaux sont-ils les mêmes que les écarts interprovinciaux? Il faudra certainement approfondir la recherche sur ces enjeux et miser sur le concours et les perspectives des familles elles-mêmes en vue d’améliorer la situation des familles des militaires dans toute leur diversité.
Heidi Cramm, Ph. D., agit à titre de codirectrice scientifique intérimaire au sein de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans (ICRSMV). Elle est titulaire du prix de la recherche sur la santé des familles militaires Colonel Russell-Mann 2016.
Notes
- Heidi Cramm et autres, « Making Military Families in Canada a Research Priority » dans Journal of Military, Veteran and Family Health, vol. 1, no 2 (novembre 2015). Lien : http://bit.ly/2zx46G1
- Pour en apprendre davantage : Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada.
- Geraldine Dawson, « Early Behavioral Intervention, Brain Plasticity, and the Prevention of Autism Spectrum Disorder » dans Development and Psychopathology, vol. 20, no 3 (7 juillet 2008). Lien: https://bit.ly/2yt8GZI
- Nathan Battams, « Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada », dans Coup d’œil sur les statistiques (novembre 2016).
- La plupart des familles ayant participé à cette étude comptaient un couple marié, et le tiers d’entre elles comptaient deux parents dans les Forces armées canadiennes (FAC). La plupart des familles représentaient des militaires de la Force régulière (principalement dans l’Armée de terre).
Fiche infographique – Les femmes, les soins et le travail au Canada
Les soins sont une réalité qui touche le quotidien de nombreuses familles au Canada. La plupart des personnes faisant partie d’une famille ont déjà eu – ou auront – à fournir des soins à un ami ou à un proche touché par une maladie chronique, une incapacité ou un problème lié au vieillissement. Cependant, il n’existe pas d’uniformité quant à la réalité et au vécu des aidants canadiens, compte tenu des facteurs socioéconomiques, culturels et contextuels qui déterminent qui sera appelé à prodiguer des soins, quels types de soins seront requis, et quelles seront les répercussions de la coexistence des soins et du travail.
Depuis une génération, l’écart s’est resserré entre les hommes et les femmes du point de vue des aidants familiaux, mais il n’en demeure pas moins que la représentation féminine a toujours été prépondérante, ce qui s’avère encore aujourd’hui. Par ailleurs, des études ont montré que les femmes consacrent en moyenne plus de temps que les hommes aux responsabilités de soins, et qu’elles sont plus susceptibles de subir des répercussions négatives découlant de leur charge de soins.
Notre nouvelle fiche infographique sur Les femmes, les soins et le travail au Canada illustre les liens entre les soins et le travail du point de vue des femmes au Canada.
Quelques faits saillants :
- Parmi les Canadiennes en général, 30 % des femmes affirment avoir prodigué des soins en 2012.
- Les femmes de 45 ans ou plus estiment avoir consacré environ 5,8 années aux responsabilités de soins durant leur vie, par rapport à 3,4 années pour les hommes.
- Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à déclarer consacrer 20 heures ou plus par semaine à la prestation de soins (17 % et 11 %, respectivement).
- Au Canada, environ 72 % des aidantes âgées de 45 à 65 ans occupent aussi un emploi.
- Les femmes vivent diverses répercussions sur le plan professionnel en lien avec leur charge de soins : 30 % d’entre elles disent avoir perdu au moins une journée complète de travail, 6,4 % affirment avoir soit démissionné, soit perdu leur emploi, soit devancé leur retraite, et 4,7 % admettent avoir refusé une offre d’emploi ou une promotion.
- Selon les estimations, les pertes salariales cumulatives des aidants se chiffraient globalement à 221 millions de dollars annuellement chez les femmes (de 2003 à 2008) à cause de l’absentéisme, de la réduction des heures de travail ou de la cessation d’emploi.
- Parmi les femmes qui bénéficient de modalités de travail flexibles, près de la moitié (47 %) craignent d’utiliser ces options qui, selon elles, pourraient avoir des incidences néfastes sur leur cheminement professionnel.
Téléchargez la fiche infographique de l’Institut Vanier de la famille portant sur Les femmes, les soins et le travail au Canada.
Comprendre comment les feux de forêt de Fort McMurray affectent les aides familiaux ressortissants étrangers
La Ville de Fort McMurray et les communautés avoisinantes ont été lourdement affectées par l’immense brasier qui s’est étendu sur le nord de l’Alberta, du mois de mai dernier jusqu’à tout récemment, alors que les feux de forêt viennent à peine d’être maîtrisés. Environ 2 400 bâtiments ont été détruits par les flammes, incluant de nombreuses résidences familiales et entreprises : le feu a ravagé près de 600 000 hectares de terres. La plupart des familles de la région ont subi un traumatisme important en raison des pertes subies, de l’évacuation de plus de 80 000 personnes et des répercussions globales sur la communauté.
Les aides familiaux résidants (c’est-à-dire les ressortissants étrangers qui habitent et travaillent dans des résidences privées au Canada pour y fournir des soins à un enfant ou à un adulte) travaillant à Fort McMurray et aux alentours ont été particulièrement affectés par cet événement. Or, ces personnes constituent une main-d’œuvre unique et importante, hautement scolarisée et expérimentée, « dont le travail est crucial pour aider les travailleurs à faire le pont entre leurs responsabilités familiales et professionnelles, particulièrement les travailleurs de l’industrie des sables bitumineux », note Sara Dorow, Ph. D., professeure agrégée en sociologie à l’Université de l’Alberta, dans le rapport Live-in Caregivers in Fort McMurray: A Socioeconomic Footprint.
Madame Dorow s’intéresse aux répercussions des feux de forêt sur le personnel soignant dans une nouvelle étude, Caregiver Policy in Canada and Experiences after the Wildfire: Perspectives of Caregivers in Fort McMurray, qui rend compte des résultats d’une enquête en ligne sur 56 aides familiaux résidants travaillant à Fort McMurray et aux alentours.
Principales constatations soulevées :
- Les aidants qui ont été évacués connaissent un stress émotionnel et financier en raison de l’incertitude relativement à leur emploi et à leur logement, deux réalités interreliées compte tenu du fait qu’ils dépendent d’un seul employeur.
- Les feux sont également porteurs de stress parce qu’ils ont perturbé le parcours des aidants vers la résidence permanente, celle-ci ne pouvant être acquise que par l’achèvement de 24 mois ou de 3 900 heures de travail.
- En dépit de cette douloureuse aventure, les aidants sont nombreux à avoir exprimé leur gratitude à l’égard des fonds créés pour les situations d’urgence et des dons offerts par leur employeur, leurs amis, leur famille et la communauté. Peu d’entre eux affirment avoir eu recours à l’assurance-emploi.
L’étude a été réalisée dans le cadre du partenariat de recherche « On the Move » (« En mouvement »), par l’Institut Vanier et une quarantaine de chercheurs du Canada et d’autres pays. Ce partenariat porte sur les conséquences de la mobilité géographique pour le travail du point de vue des ménages et des collectivités, ainsi que sur les incidences et les répercussions à cet égard pour la prospérité du Canada.
Ligne du temps – Cinquante ans : les hommes, le travail et la famille au Canada
La paternité au Canada a beaucoup évolué au cours du dernier demi-siècle, alors que les hommes ont délaissé progressivement le rôle de « pourvoyeur » pour se consacrer davantage aux responsabilités entourant les soins, cherchant de plus en plus à assumer en parallèle leurs diverses responsabilités au travail, à la maison et au sein de leurs collectivités.
À l’occasion de la fête des Pères de 2016, nous avons créé une ligne du temps qui s’échelonne sur 50 ans pour illustrer ces tendances et mettre en relief les profils socioéconomiques, culturels et contextuels qui influencent la paternité et les relations familiales – et vice-versa. En voici quelques exemples :
- Les pères sont de plus en plus nombreux à prendre congé pour s’occuper des nouveau-nés. Plus du quart des nouveaux pères au Canada (27 %) se sont prévalus d’un congé parental rémunéré en 2014 (ou avaient l’intention de le faire), alors qu’à peine 3 % d’entre eux en avaient fait autant en 2000.
- Le nombre de « pères au foyer » est en hausse. En 2014, les pères représentaient environ 11 % des parents au foyer, comparativement à seulement 1 % en 1976.
- Les pères de jeunes enfants s’absentent plus souvent du travail pour des motifs familiaux. En 2015, les pères d’enfants de moins de 5 ans ont déclaré s’être absentés du travail en moyenne 2,0 journées annuellement en raison de leurs responsabilités personnelles ou familiales, par rapport à 1,2 journée en 2009.
- Les « pères seuls » en situation de faible revenu sont moins nombreux. En 2008, l’incidence de faible revenu se situait à 7 % lorsque la famille monoparentale était dirigée par un homme, par rapport à 18 % en 1976.
- Les pères participent de plus en plus aux tâches domestiques. Les hommes qui affirment participer aux tâches ménagères y consacraient en moyenne 184 minutes par jour en 2010, comparativement à 171 minutes en 1998.
- Les pères qui bénéficient de modalités de travail flexibles se disent plus satisfaits quant à l’équilibre travail-vie personnelle. Parmi les pères ayant des enfants de moins de 18 ans et travaillant à plein temps selon un horaire flexible, le taux de satisfaction à l’égard de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle en 2012 atteignait 81 %, comparativement à 76 % de ceux qui n’avaient pas accès à cette flexibilité.
- Une proportion croissante des enfants considèrent qu’il est facile de discuter avec leur papa. En 2013-2014, 66 % des filles de 11 ans et 75 % des garçons du même âge affirmaient qu’il était facile de discuter avec leur père de sujets préoccupants, par rapport à 56 % chez les filles et à 72 % chez les garçons deux décennies auparavant.
Cette publication bilingue présente un caractère intemporel puisqu’elle sera régulièrement mise à jour en fonction des nouvelles données. Inscrivez-vous à notre lettre électronique mensuelle pour connaître les mises à jour et les autres nouvelles concernant les publications, les projets et les initiatives de l’Institut Vanier.
Amusez-vous à découvrir notre nouvelle ligne du temps, et bonne fête des Pères aux quelque 8,6 millions de papas du Canada!
Les pères d’aujourd’hui renouvellent le modèle travail-famille
Nathan Battams
Le « paysage familial » canadien est en constante évolution, en fonction des forces socioéconomiques, culturelles et contextuelles qui définissent et redéfinissent les relations et les rôles familiaux. La paternité ne fait pas exception à la règle, si bien que les quelque 8,6 millions de papas du Canada, de plus en plus diversifiés, s’impliquent désormais davantage dans la vie familiale que ceux des générations précédentes1. Plusieurs d’entre eux n’hésitent pas à délaisser le modèle « traditionnel » du père pourvoyeur pour jouer une plus grande place dans la prise en charge des soins et des responsabilités domestiques. Ce faisant, les pères d’aujourd’hui contribuent à renouveler et à redessiner les liens entre la paternité et le travail.
Les hommes délaissent le rôle de « pourvoyeur » alors que les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail
Depuis 50 ans, la prévalence des « pères pourvoyeurs » a reculé considérablement, compte tenu de la multiplication du nombre de familles à deux revenus et, par conséquent, de la participation accrue des mères au marché du travail. Selon les données de Statistique Canada pour 1976, les ménages ayant deux revenus représentaient 36 % des familles comptant au moins un enfant de 16 ans ou moins au Canada, alors que cette situation touchait 69 % des familles en 2014. Un autre rapport de Statistique Canada montre que, durant la même période, la proportion des familles à un seul revenu, où le père était l’unique pourvoyeur, a chuté de 51 % à seulement 17 %.
Au sein des familles formées d’un couple, certains pères choisissent de rester en marge de la population active pour jouer un rôle parental principal ou prééminent (on parle souvent de « pères au foyer »), qu’il s’agisse d’une situation permanente ou temporaire pendant que les enfants sont en bas âge. Il y a quarante ans, environ 1 % des papas se disaient pères au foyer parmi les familles à un seul revenu, alors que ce taux s’établit aujourd’hui à 11 %.
D’ailleurs, le Canada ne fait pas bande à part à cet égard : selon les données d’un rapport publié en 2015 par le Pew Research Center, la même tendance prévaut aux États-Unis, où 7 % des pères américains vivant avec des enfants déclaraient « ne pas travailler à l’extérieur » en 2012, comparativement à seulement 4 % en 1989. Parmi ceux-ci, la proportion de pères qui affirment rester au foyer pour s’occuper de la famille a plus que quadruplé dans l’intervalle, pour se fixer à 21 % (par rapport à 5 % en 1989).
L’engagement accru des pères favorise l’amélioration des relations familiales
En outre, les données de l’Enquête sociale générale sur l’utilisation du temps montrent que les pères modernes s’investissent davantage sur le plan familial : les hommes passent plus de temps en famille, puisqu’ils y consacraient 379 minutes quotidiennement en 2010 comparativement à 360 minutes en 1986. En moyenne, les pères ayant des enfants d’âge préscolaire s’absentaient du travail 1,8 journée par année pour s’acquitter de responsabilités personnelles ou familiales en 1997, mais 6,3 journées une décennie plus tard. Les générations plus jeunes contribuent par ailleurs à réduire l’écart de prise en charge des tâches domestiques, les hommes affirmant y consacrer plus de temps qu’il y a trente ans.
En 2000, seulement 3 % des nouveaux pères au Canada s’étaient prévalus d’un congé parental rémunéré, alors que plus du quart d’entre eux (27 %) avaient l’intention d’en faire autant en 2014. Ce taux grimpe en flèche au Québec (où il atteint 78 %), puisque les prestations de paternité offertes aux nouveaux papas québécois s’ajoutent aux prestations parentales dans le cadre du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Le Québec est actuellement la seule province à offrir des prestations de paternité, mais la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail a récemment exprimé sa volonté de consentir un peu plus de temps aux papas, puisque les congés de paternité figurent parmi les changements proposés au programme fédéral de prestations parentales.
Du reste, l’engagement accru des pères s’avère éventuellement très bénéfique aux relations familiales et à la vie de famille. Dans le cadre d’une étude comparative portant sur les congés parentaux offerts au Québec par rapport aux programmes en vigueur dans le reste du Canada, l’auteure Ankita Patnaik a constaté qu’il existe un « impact important et persistant » au Québec dans les rapports hommes-femmes au cours des trois années suivant un congé parental pour le père. Selon les conclusions de son rapport, les pères continuent ensuite de s’impliquer davantage dans les tâches ménagères, alors que les mères sont plus susceptibles de participer au marché du travail. De plus, les pères québécois ayant bénéficié du RQAP passaient en moyenne une demi-heure de plus par jour à la maison comparativement aux pères hors Québec.
Étant donné l’évolution de la situation dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, il est sans doute normal d’avoir l’impression d’un engagement plus important des pères par rapport aux générations précédentes. À ce propos, l’étude du Pew Centre citée précédemment montrait que près de la moitié des pères interrogés aux États-Unis (46 %) disaient consacrer personnellement plus de temps à leurs enfants que leur propre père ne le faisait pour eux-mêmes. Au Canada, un sondage de l’initiative Today’s Parent a permis de constater que les trois quarts (75 %) des hommes interrogés se disaient plus impliqués auprès de leurs enfants que leur propre père à leur endroit.
Les enfants sont aussi susceptibles de ressentir les effets d’une présence paternelle accrue. Selon un sondage international HBSC mené en 1993-1994 puis en 2013-2014 pour le compte de l’Organisation mondiale de la santé, une proportion grandissante des enfants de 11 ans affirment qu’il est « facile » de discuter avec leur propre père de sujets préoccupants, la proportion étant passée de 56 % à 66 % chez les filles, et de 72 % à 75 % chez les garçons.
L’importance de l’équilibre travail-vie personnelle pour les pères d’aujourd’hui
Même si les pères modernes jouent un rôle accru au sein du foyer familial, la plupart d’entre eux travaillent toujours, si bien que le sujet de l’équilibre travail-vie personnelle s’impose tout naturellement lorsqu’il est question de la paternité aujourd’hui. Les récentes données de Statistique Canada révèlent que la plupart des pères (près de huit sur dix, soit 78 %) se disent satisfaits quant à l’équilibre travail-vie personnelle. Or, la famille occupe une place centrale du côté « vie personnelle » de l’équation travail-vie personnelle : chez les parents qui disaient n’être pas satisfaits à cet égard, le principal facteur en cause était lié au fait de n’avoir « pas assez de temps à consacrer à la vie familiale ».
Par l’entremise des pratiques et des politiques pour la conciliation travail-vie personnelle, les employeurs jouent un rôle de premier plan pour améliorer et soutenir l’équilibre travail-vie personnelle des pères. Dans la même étude de Statistique Canada, on constatait que la proportion des pères satisfaits de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle était invariablement plus marquée chez les travailleurs bénéficiant d’un horaire flexible (satisfaction à 81 % comparativement à 76 % de ceux qui n’y avaient pas accès). On a constaté la même satisfaction chez les personnes profitant d’une flexibilité de l’horaire de travail sans qu’il y ait d’incidence négative sur la carrière (83 % par rapport à 74 % de ceux qui n’en bénéficient pas), tout comme chez ceux qui avaient la possibilité de prendre un congé non payé pour s’occuper des enfants (79 % par rapport à 71 % de ceux qui n’avaient pas cette possibilité), ou encore chez ceux qui pouvaient prendre un congé non payé pour prodiguer des soins à un conjoint, à un partenaire ou à un autre membre de la famille (81 % par rapport à 72 % de ceux qui ne pouvaient le faire).
« La proportion des pères satisfaits de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle est plus marquée chez les travailleurs bénéficiant d’un horaire flexible et ayant la possibilité de prendre un congé non payé pour s’occuper de leurs enfants et de leurs familles. »
Heureux en famille, heureux au travail…
Bref, flexibilité et satisfaction vont de pair relativement à l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Ainsi, les organisations qui disposent de politiques favorisant la flexibilité pour les pères et leurs familles sont plus susceptibles d’attirer et de retenir les meilleurs employés qui sont aussi papas (ou qui souhaitent le devenir). À l’inverse, ceux qui font peu de place aux modalités de travail flexibles risquent de ne pas susciter un grand intérêt chez les pères : selon un sondage Harris-Decima, la moitié des pères interrogés au Canada (49 %) affirment qu’ils envisageraient de changer d’emploi si un employeur éventuel leur offrait de meilleures conditions que leur employeur actuel pour la conciliation travail-famille.
Les pères d’aujourd’hui sont-ils plus soucieux du bien-être de leurs proches ou simplement différents?
Les pères ont toujours cherché à assurer le bien-être de leurs familles, mais ceux de la génération actuelle jouent un rôle de plus en plus engagé au sein de la famille et ce virage profite à la vie de famille et aux relations familiales. Alors que, pour les papas des générations précédentes, le bien-être de la famille passait d’abord par le travail rémunéré et la stabilité financière, les pères d’aujourd’hui s’impliquent plus directement auprès de leurs enfants en bas âge, consacrent plus de temps à la famille et favorisent les milieux de travail compatibles avec leur rôle évolutif sur le plan familial. En acceptant de jouer ces nouveaux rôles, ils redéfinissent ainsi la nature même de la paternité, que ce soit au sein de la famille, au travail ou dans les collectivités.
Nathan Battams est auteur et chercheur au sein de l’Institut Vanier de la famille.
Note
1 Caryn Pearson, « L’incidence des problèmes de santé mentale sur les membres de la famille », Coup d’œil sur la santé (7 octobre 2015), Statistique Canada, no 82-624-X. Lien : http://bit.ly/2V9tJac
Liens intergénérationnels et évolution sociétale
Donna S. Lero, Ph. D.
Afin de mieux comprendre la réalité et les aspirations des familles, il est essentiel de bien saisir le contexte dans lequel elles-mêmes et leurs membres évoluent. La famille représente l’institution sociale qui sait le mieux s’adapter : elle réagit constamment aux forces socioéconomiques et culturelles, tout en influant sur ces forces par sa conception de la réalité et les comportements qu’elle adopte. Cela étant, certaines tendances sociodémographiques récentes ou anticipées pourraient avoir un impact considérable sur les relations entre les générations. L’étude de ces contextes évolutifs pourrait donc aider à mieux saisir leurs éventuelles incidences sur les liens intergénérationnels, ainsi que sur la cohésion sociale au sein de la famille et des différentes générations, c’est-à-dire l’équité intergénérationnelle.
Le vieillissement de la population accroît les besoins en matière de soins, mais prolonge aussi les liens intergénérationnels
Si l’on considère les faibles taux de fécondité et l’allongement de la durée de vie, on peut dire que le phénomène du vieillissement de la population touche la plupart des sociétés développées. De fait, ces deux forces transforment la pyramide des âges, telle qu’on la connaît, pour faire apparaître un profil plus rectangulaire, où l’on peut constater une variation en nombre et en proportion des tranches d’âge supérieures au sein de la société. Au Canada, les personnes de 65 ans et plus représentaient 8 % de la population en 1971, mais cette proportion avait grimpé à 15,3 % en 2013. D’ici 2050, ce groupe d’âge avoisinera vraisemblablement les 25 %.
Cette situation n’est pas unique au Canada : en Europe, les personnes de 80 ans et plus pourraient représenter près de 10 % de la population d’ici 2050, comparativement à 4 % en 2010. En Allemagne, en Italie, au Japon et en Corée, on pense que cette proportion atteindra même un niveau nettement supérieur. Or, de telles tendances supposent des virages majeurs dans la planification des gouvernements, notamment en ce qui concerne la retraite, le coût des soins de santé, l’offre de soins à domicile et en établissement, ainsi que le soutien aux aidants familiaux.
On s’inquiète d’ailleurs de plus en plus de l’augmentation du nombre de personnes âgées par rapport au nombre bientôt décroissant d’enfants et de petits-enfants pour s’en occuper. En se fondant sur les données de recensement, Janice Keefe et ses collègues ont établi qu’au Canada le nombre d’aînés nécessitant du soutien pourrait doubler d’ici trente ans. Le recul du nombre d’enfants en mesure de les épauler contribuerait alors à accroître la pression sur les services de soins à domicile et de soins professionnels, surtout à long terme. On pense entre autres que, d’ici 2031, près du quart des femmes âgées ne seront pas en mesure de compter sur un enfant survivant.
Les baby-boomers représentent encore et toujours le segment le plus important de la population et occupent toujours la part du lion au sein de la main-d’œuvre, mais ils atteignent peu à peu l’âge normal de la retraite. C’est ce groupe en particulier qui vit les pressions les plus fortes à l’égard des parents vieillissants et qui est confronté aux défis les plus ardus en ce qui concerne la conciliation du travail et des responsabilités d’aidant. En 2007, chez les travailleurs de 45 à 64 ans, 37 % des femmes et 29 % des hommes assumaient en outre une charge de soins, et il semble que ces proportions continueront de s’accroître. Par ailleurs, on estime que 28 % des aidants ont aussi à leur charge des enfants de 18 ans ou moins.
Au Canada de même qu’aux États-Unis, on constate depuis peu que la proportion des « travailleurs plus âgés » (on pense généralement aux 55 ans et plus) gagne en importance au sein de la population active. Encore en santé et aptes au travail, plusieurs sexagénaires ou septuagénaires choisissent de prolonger leur carrière ou de commencer un nouvel emploi, souvent pour compléter leur épargne-retraite ou leurs revenus de pension limités, qui pourraient ne pas suffire pour la durée entière de leur retraite. D’ailleurs, parmi les deux principales priorités que se sont fixées les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des aînés pour les prochaines années, l’une concerne le soutien en milieu de travail pour les travailleurs plus âgés (notamment la conciliation des responsabilités professionnelles et de soins).
Non seulement les baby-boomers sont-ils les plus nombreux au sein de la population, mais ils ont également grandi dans un contexte social bien différent de leurs propres parents. Au Canada et aux États-Unis, ils ont été touchés par l’évolution des droits et du rôle des femmes, par la révolution sexuelle, par l’augmentation du nombre de divorces et par la démocratisation des études. On considère que la longévité des liens qu’entretiennent les baby-boomers avec leurs parents vieillissants et les membres de leur fratrie demeure un phénomène « sans précédent ». Dès lors, à mesure qu’eux-mêmes vieilliront, leurs attentes, leurs capacités de même que leur réalité d’aidants auprès de leurs parents influenceront sans doute beaucoup les politiques à venir en matière de retraite, de soins de santé et de soins de longue durée.
D’autre part, les baby-boomers sont particulièrement proches de leurs enfants et se préoccupent beaucoup des difficultés économiques auxquelles ceux-ci sont confrontés à l’âge adulte, lesquelles limitent les possibilités et retardent l’établissement professionnel et familial. Par conséquent, plusieurs baby-boomers tentent parallèlement de s’occuper de leurs parents vieillissants atteints d’une maladie chronique, d’entretenir des liens solides avec leurs frères et sœurs (qui cherchent également à planifier judicieusement leur retraite, quitte à prolonger leur présence sur le marché du travail), tout en soutenant aussi leurs propres enfants.
De nos jours, frères et sœurs, ainsi que parents et grands-parents passent ensemble que ne le faisaient les générations précédentes. Vern Bengston a constaté que cette tendance s’avère positive sur le plan microsociologique, puisque l’allongement du nombre d’années propices aux possibilités et aux expériences communes qui en découle peut renforcer la solidarité intergénérationnelle, et ce, bien que, sur le plan global, l’on observe une tendance sociétale au relâchement des normes en ce qui a trait aux relations intergénérationnelles.
La diversification des structures familiales laisse plus de place aux « familles électives »
Comparativement aux générations précédentes, les baby-boomers et leurs enfants d’âge adulte ont connu une augmentation du taux de séparation et de divorce ainsi qu’une généralisation des remariages, des familles recomposées et des unions de fait. De même, l’augmentation du nombre d’unions et de mariages homosexuels n’est pas à négliger. Pour reprendre les termes de Karen Fingerman, il semble que la diversité et la complexité de telles relations suscitent effectivement des « exigences affectives, juridiques et financières complexes » [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][traduction] de la part des ex-conjoints ou de membres de familles désunies, ou encore d’autres membres de la parenté, notamment la famille ou les enfants d’un ex-conjoint. M. Bengston soutient toutefois que, malgré la complexification des relations et les attentes ambiguës qui en découlent, en ce qui concerne l’aide et la nature des liens, la diversification des réseaux contribue somme toute à élargir le « réseau familial latent » (on parle aussi de « liens de parenté volontaires ») susceptible de suppléer au soutien requis.
Ce réseau familial latent (qui englobe de plus en plus les amis proches faisant « presque partie de la famille ») pourrait bientôt remplacer voire bonifier l’aide traditionnellement trouvée auprès des membres de la famille, désormais moins nombreux ou moins présents, peut-être à cause de l’éloignement géographique ou affectif au fil du temps. Surgissent alors des enjeux de politique importants devant le caractère encore essentiellement ciblé des droits juridiques, des avantages financiers et d’autres mesures de soutien, lesquels ont été pensés en fonction de la famille nucléaire hétérosexuelle sans égard à la diversité et à la complexité des structures familiales que l’on retrouve au sein des sociétés contemporaines.
La difficulté d’accéder au marché du travail accroît la dépendance intergénérationnelle
En Amérique du Nord, certains facteurs socioéconomiques et culturels contribuent à allonger la période de transition vers l’âge adulte. Ce passage de plus en plus long – et parfois hasardeux – vers l’autonomie financière tient notamment à la longueur des programmes d’études des jeunes adultes, au fait qu’ils sont plus nombreux qu’auparavant à vivre encore chez leurs parents, à la difficulté de se tailler une place sur le marché du travail et de définir son parcours professionnel à long terme, et à la nécessité de repousser le moment de fonder une famille et d’avoir des enfants.
Ces processus se sont installés progressivement, mais ils sont de plus en plus manifestes et contrastent particulièrement avec la réalité vécue au même âge par les générations précédentes. À l’échelle individuelle, ces jeunes voient se prolonger leur dépendance financière à l’égard de leurs parents; dans une plus vaste perspective sociale, cette situation suscite des préoccupations liées à l’équité intergénérationnelle.
Compte tenu des débouchés professionnels de plus en plus limités et de la prédominance du niveau de scolarité parmi les facteurs qui déterminent l’obtention d’un bon emploi au sein d’une économie fondée sur le savoir, de plus en plus de jeunes adultes se tournent vers les études postsecondaires dans le but d’obtenir un titre de compétence et d’augmenter ainsi leurs possibilités d’emploi et de revenus. Au Canada tout comme dans d’autres pays de l’OCDE, près de la moitié des jeunes au début de la vingtaine fréquentent à plein temps un établissement d’enseignement. Bref, la durée accrue des programmes d’études, d’une part, et le délai important avant de décrocher un poste dans un domaine pertinent, d’autre part, contribuent à allonger la durée moyenne de cette période de transition entre les études et le marché de l’emploi.
Il est vrai que le capital humain que génère l’éducation postsecondaire profite à la fois aux individus et à la société, mais les avantages liés à l’obtention d’un diplôme universitaire s’estompent si les diplômés ne parviennent pas à décrocher un travail à la hauteur de leurs qualifications, comme c’est le cas depuis quelques années. Ceux et celles qui n’ont qu’un diplôme d’études secondaires en poche ont encore plus de difficulté à dénicher un emploi suffisamment rémunéré pour bien vivre.
Par ailleurs, l’importance de la dette étudiante complique davantage la situation pour bon nombre de diplômés universitaires au Canada et aux États-Unis. En effet, selon un sondage étudiant de la Banque de Montréal réalisé en 2013, les Canadiens inscrits à un programme universitaire prévoient devoir rembourser un solde de 26 000 $ au terme de leurs études. En effet, à cause de l’augmentation des droits de scolarité découlant des restrictions du financement gouvernemental, la dette des étudiants grimpe en flèche, surtout depuis dix ans. De plus, selon les modalités actuelles des programmes de prêts étudiants, les diplômés sont tenus de commencer à rembourser leur dette presque sitôt leurs études terminées. Outre l’anxiété associée à cet endettement chez les étudiants, ce fardeau représente également un obstacle important pour s’affranchir de leurs parents sur le plan financier, et contribue à retarder le moment de se marier, d’avoir des enfants, d’acheter une maison et d’acquérir d’autres biens.
Les médias s’intéressent d’ailleurs de plus en plus à l’une des principales préoccupations liées à cette problématique, soit la difficulté pour les jeunes adultes de décrocher un emploi assorti d’un salaire décent. Comme le soulignent James Côté et John Bynner, « les jeunes qui fréquentent le marché du travail sont aujourd’hui confrontés à une situation où l’écart salarial s’accroît par rapport aux travailleurs plus âgés, où la rémunération fluctue beaucoup, où l’instabilité en emploi gagne du terrain, et où se multiplient les emplois temporaires et à temps partiel ainsi que ceux de qualité inférieure offrant peu d’avantages sociaux ». [traduction] Ces auteurs soulèvent par ailleurs une autre source d’inquiétude, soit le fait que « les jeunes travailleurs ne sont plus aussi essentiels qu’auparavant dans le contexte concurrentiel actuel, d’où une disparité des revenus fondée sur l’âge [nous soulignons] qui contribue à accentuer et à prolonger la précarité précédant l’autonomie financière ». [traduction]
Selon les données recueillies par Statistique Canada en 2011, 42,3 % des jeunes adultes de 20 à 29 ans vivaient toujours au domicile parental (ne l’ayant jamais quitté ou ayant dû y revenir après un premier départ). D’autres statistiques particulièrement révélatrices indiquent que le quart (25,2 %) des jeunes de 25 à 29 ans vivaient toujours chez leurs parents en 2011, c’est-à-dire deux fois plus que le taux de 11,3 % observé en 1981.
D’après un rapport produit par le Pew Research Center portant sur la génération Y aux États-Unis (soit la tranche des 18 à 33 ans), l’âge du mariage a évolué de façon appréciable au fil des générations. En 2013, à peine 26 % des jeunes de la génération Y étaient mariés, comparativement à 48 % chez les baby-boomers à un âge comparable (ceux-ci étant maintenant âgés de 50 à 64 ans). Et la tendance actuelle à repousser l’âge de la procréation, qui est évidente au Canada, en est une conséquence naturelle. Par ailleurs, si les jeunes deviennent parents plus tard dans la vie, ils ont aussi moins d’enfants qu’auparavant (voire pas du tout). Depuis 2005, le taux de fécondité des mères dans la trentaine surpasse désormais celui des mères dans la vingtaine. En 2011, 2,1 % des mères ayant donné naissance à leur premier enfant avaient déjà passé le cap de la quarantaine, comparativement à 0,5 % en 1991.
L’augmentation du taux d’immigration favorise la diversité des liens intergénérationnels
Au cours des dernières décennies, l’immigration internationale a connu une hausse marquée, stimulée par l’accès à l’immigration et les impératifs économiques. Pendant plusieurs années, le Canada a misé sur la migration internationale pour accroître sa population et consolider sa main-d’œuvre. Ainsi, les services et les politiques de relocalisation facilitent l’adaptation des nouveaux arrivants, en favorisant notamment l’apprentissage de l’anglais ou du français, en élargissant l’accès aux services communautaires et de soins de santé, et en simplifiant la transition professionnelle.
Le soutien aux nouveaux arrivants provient sans doute davantage de leur famille immédiate, mais le phénomène d’acculturation contribue ensuite à élargir le fossé intergénérationnel par rapport aux attentes de la famille. À titre d’exemple, leurs valeurs culturelles et religieuses sont souvent axées sur le respect des aînés et sur les responsabilités filiales quant au soutien. Cependant, certaines études portant sur des immigrants d’horizons divers donnent à penser que l’immigration et l’acculturation exercent beaucoup de pression sur les familles des nouveaux arrivants. C’est surtout le cas lorsque les parents vieillissants s’attendent à bénéficier du soutien filial et tendent à rejeter l’aide plus formelle, et que leurs enfants adultes sont confrontés à des difficultés économiques qui les contraignent à « s’accrocher » à des postes précaires, à cumuler plusieurs emplois, à faire de longues heures de travail ou à se plier à des horaires atypiques.
En somme, de multiples facteurs influencent les liens intergénérationnels, tant à l’échelle individuelle que sur le plan global : vieillissement de la population, faible taux de fécondité, diversification des structures familiales, accès tardif à l’autonomie financière et intensification de l’immigration internationale. À mesure que la population du Canada avancera en âge, les générations seront appelées à se côtoyer plus longtemps au fil du temps. Cet allongement des liens intergénérationnels suppose donc que les familles (qu’elles soient biologiques, liées par le mariage ou issues de liens de parenté « volontaires ») disposeront de plus de temps pour s’entraider et s’épauler, quel que soit le contexte. Il faudra alors s’assurer que les mesures de soutien disponibles tiennent compte de la longévité de ces relations d’aide, particulièrement dans certaines circonstances plus complexes, ou lorsque les mesures d’aide s’avèrent limitées ou incertaines.
Donna S. Lero est professeure au département des relations familiales et titulaire de la Chaire Jarislowsky sur la famille et le travail à l’Université de Guelph. Elle dirige un programme de recherche sur les politiques publiques, les pratiques en milieu de travail et les mesures de soutien communautaire au sein du Centre pour les familles, le travail et le bien-être, dont elle est cofondatrice.
Cet article constitue une adaptation d’un texte intitulé Intergenerational Relations and Social Cohesionblié précédemment dans le magazine Transition et ayant servi de document de référence à l’occasion d’un panel du groupe d’experts régionaux pour marquer le 20e anniversaire de l’Année internationale de la famille.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]
Fiche de politiques publiques – Flexibilité : de privilège à droit
Sara MacNaull
Tant à leur domicile qu’au travail et au sein de leur collectivité, les membres de la famille qui occupent un emploi sont confrontés à une multiplicité de tâches et doivent s’assurer de gérer efficacement ces responsabilités diverses. S’ils font preuve d’une grande capacité d’adaptation en assumant les multiples rôles qui leur incombent, ils ont besoin que leur lieu de travail respecte leur vie personnelle et accueille favorablement leurs demandes de flexibilité et d’autonomie.
La souplesse du lieu de travail demeure un sujet de grand intérêt pour les individus, les familles, les employeurs et les décideurs. Il existe plusieurs angles pour aborder la création de milieux de travail flexibles, notamment la modification, l’adaptation et l’arrangement, qui auront un impact sur le moment et l’endroit où sera réalisé le travail, ainsi que sur la manière dont il sera effectué.
La flexibilité en milieu de travail : profitable pour tous
Les familles ne sont pas les seules à bénéficier de la flexibilité en milieu de travail lorsque les membres de la famille peinent à gérer efficacement leurs rôles multiples. Les employeurs adoptent la flexibilité en milieu de travail comme une stratégie clé pour attirer et retenir les talents les plus prometteurs dans un marché de l’emploi de plus en plus compétitif. Toute la société bénéficie alors d’une main-d’œuvre plus stable et d’une économie propulsée par des entreprises qui fonctionnent à plein rendement.
Dans la lettre de mandat que le premier ministre du Canada a adressée à la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, la flexibilité en milieu de travail a récemment été mentionnée parmi les priorités. Plus précisément, on y demande à la ministre de :
Travailler avec le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social afin de respecter [l’]engagement [du gouvernement] à accorder des congés plus généreux et souples aux aidants naturels ainsi qu’à assouplir les congés parentaux.
… et
Modifier le Code canadien du travail afin de permettre aux travailleurs de demander formellement à leur employeur des conditions de travail souples, et tenir des consultations auprès des provinces et des territoires relativement à la mise en œuvre de changements du même ordre dans les secteurs soumis à une réglementation provinciale.
Les modifications que l’on propose d’apporter au Code du travail indiquent que l’on accorderait aux employés le droit légal de demander formellement à leur employeur de leur consentir des modalités de travail flexibles.
À l’heure actuelle, il n’existe au Canada aucun mécanisme légal formel permettant aux employés de demander de la flexibilité et les superviseurs ou gestionnaires ne sont pas tenus par la loi de considérer de telles requêtes : toute intervention est à la discrétion de l’employeur. Le droit de demander une quelconque flexibilité est considéré par certains comme un privilège d’employé et dépend de l’ouverture personnelle du superviseur ou du gestionnaire. La réponse aux requêtes repose donc sur la culture de l’entreprise. Une législation en matière de droit de demander de la flexibilité changerait cet état de fait en formalisant et en normalisant ce processus tout en exigeant des employeurs qu’ils justifient tout refus d’accueillir la requête, le cas échéant.
L’Institut Vanier a récemment étudié la flexibilité en milieu de travail dans le cadre d’une analyse comparative qui comprenait un sondage réalisé auprès d’employeurs et de professionnels des ressources humaines. Ce sondage a relevé que la flexibilité offerte par les employeurs n’était plus considérée comme une option, et constituait une stratégie incontournable pour attirer et retenir les meilleurs talents dans le contexte compétitif du marché du travail actuel. Plusieurs des participants au sondage ont par ailleurs affirmé que la flexibilité était déjà un droit établi au sein de leur entreprise et non plus un privilège d’employé.
La flexibilité, un droit déjà acquis ailleurs
Certains pays comme l’Australie et le Royaume-Uni, ainsi que certaines autorités des États-Unis, ont instauré le droit de demander de la flexibilité dans leur législation et leur réglementation respectives en matière d’emploi ou de travail. Toutefois, les exigences d’admissibilité varient et, selon la compétence concernée, il est possible que la flexibilité ne soit pas accessible à tous les employés.
En Australie, le droit de demander des modalités de travail flexible (MTF) a été établi dans le cadre de la Fair Work Act 2009 (la loi pour un travail juste) et accorde aux employés qui remplissent les exigences d’admissibilité, le droit légal de demander des formules de travail flexibles. Pour être admissibles, les employés doivent :
- être parents ou avoir la responsabilité de prendre soin d’un enfant qui est d’âge scolaire ou moins;
- avoir des responsabilités d’aidant naturel (telles que décrites par la Carer Recognition Act 2010 – la loi pour la reconnaissance de l’état d’aidant naturel);
- présenter une invalidité;
- être âgés de 55 ans et plus;
- être victimes de violence familiale ou prendre soin d’une personne qui est victime de violence familiale;
- avoir travaillé pour l’employeur pendant au moins une année (bien que les employés occasionnels à long terme puissent aussi être admissibles).
Au Royaume-Uni, le droit de demander de la flexibilité a été étendu à tous les employés en 2014. Auparavant, ce droit n’était offert qu’aux parents et aux aidants naturels, comme c’était le cas des critères d’admissibilité en vigueur auprès de certaines compétences en Australie.
Aux États-Unis, les exigences d’admissibilité varient selon la législation en vigueur au sein d’une autorité particulière. Par exemple, les employés de l’État du Vermont se sont vu accorder le droit de demander de la flexibilité en 2014, l’année même où les employés de la Ville de San Francisco ainsi que tous les employés du gouvernement fédéral des États-Unis ont obtenu ce même droit.
Le droit de demander : différent du droit à la flexibilité
En Australie comme au Royaume-Uni, l’employeur doit fournir, par écrit, ses raisons précises pour refuser une demande de flexibilité. Ce refus doit être attribuable à des motifs commerciaux raisonnables, comme des coûts supplémentaires pour l’employeur, des pertes importantes en matière de productivité, de qualité ou de rendement, une incapacité à répondre aux demandes de la clientèle ou l’impossibilité de répartir le travail parmi les autres membres du personnel.
Alors que les détails de la législation canadienne en instance en matière de droit de demander de la flexibilité au travail n’ont pas encore été rendus publics au moment de la diffusion de cet article, certaines pratiques permettant le travail flexible offriraient un meilleur soutien aux familles qui peinent à gérer leurs multiples responsabilités, obligations et engagements. Pour les familles, cela signifie qu’il est possible d’améliorer l’équilibre travail-vie personnelle en offrant aux employés du temps et de l’énergie pour prendre soin de leurs proches et d’eux-mêmes, tout en demeurant productifs et engagés.
Le réaménagement des horaires de travail (RHT) est une modalité temporaire, qui n’est pas la norme dans une entreprise (ex. : la journée de travail normale est de 9 h à 17 h), et est déterminé de façon unique et personnalisée selon les besoins à court terme de l’employé. Cette modalité a un impact sur le temps que l’employé passe au bureau. Le retour progressif suivant un congé de maternité ou parental pendant une durée prédéterminée et l’ajustement de l’heure d’arrivée et de départ pendant la période de rétablissement à la suite d’une maladie ou d’une blessure sont deux exemples de RHT.
Les modalités de travail flexible (MTF) accordent plus de souplesse et d’autonomie aux employés en ce qui a trait au moment et au lieu où le travail doit être fait, ainsi qu’à la manière à privilégier. Les MTF aident les employés à gérer leurs rôles multiples au bureau comme dans leur vie privée. Pour certains employés, il peut être intimidant de demander au superviseur de leur accorder un peu de flexibilité, car cela peut être perçu comme un privilège d’employé, alors que pour plusieurs familles, il s’agit plutôt d’une nécessité pour leur permettre de gérer les besoins quotidiens de la famille. Le travail à distance, la semaine de travail comprimée, le partage du travail et les horaires flexibles sont tous des exemples de MTF.
Les modalités de travail personnalisées (MTP) sont des conditions de travail individualisées et sur mesure qui déterminent précisément où, quand et comment sera effectué le travail. À la différence du RHT et des MTF, les MTP sont fluides, s’étendent sur de longues périodes de temps ou peuvent être modifiées en fonction de la situation. Les employés sont évalués sur la base de ce qu’ils réalisent et sur leur productivité grâce à une approche axée sur les résultats, plutôt qu’une approche axée sur l’heure d’arrivée et de départ qui tient compte du temps où l’employé a été physiquement présent sur le lieu de travail. La personnalisation de masse des carrières (Mass Career CustomizationMC) et l’augmentation ou la diminution de la charge de travail en fonction de la situation de l’employé sont des exemples de modalités de travail personnalisées.
Sara MacNaull travaille comme directrice des programmes au sein de l’Institut Vanier de la famille. Elle est en voie d’obtenir le titre d’intervenante agréée dans le domaine de la conciliation travail-vie personnelle.
Ligne du temps – Cinquante ans : les femmes, le travail et la famille au Canada
Même si les mères au Canada ont toujours joué un rôle central dans la vie de famille, il ne fait aucun doute que le contexte socioéconomique, culturel et contextuel évolue sans cesse, tout comme l’influence qu’il exerce sur la maternité, et vice-versa.
Par rapport aux générations précédentes, les mères sont de plus en plus nombreuses à conjuguer des responsabilités familiales et professionnelles, et les interrelations dynamiques qui existent entre les femmes, le travail et la famille continuent de se renouveler. À l’occasion de la fête des Mères 2016, nous avons créé une ligne du temps échelonnée sur 50 ans pour illustrer ces interrelations dans une perspective élargie, en mettant en relief certaines tendances à long terme ayant émergé au fil du dernier demi-siècle, notamment :
- une croissance du taux de participation des femmes au marché du travail, lequel est passé de 40 % en 1968 à 82 % en 2014, chez les femmes âgées de 25 à 54 ans;
- une progression constante du nombre de mères en situation de « pourvoyeur », qui représentaient 21 % des familles formées d’un couple ayant un seul revenu en 2014, comparativement à 4 % en 1976;
- un recul marqué de l’incidence de faible revenu chez les mères seules, ce taux étant passé de 54 % en 1976 à 21 % en 2008;
- une baisse du taux de fécondité, qui s’établissait à 3,94 enfants par femme en plein baby-boom (1959), pour chuter à 1,61 enfant en 2011;
- une hausse constante de l’âge moyen des femmes à la naissance d’un premier enfant, soit de 24,3 ans en 1974 à 28,5 ans en 2011;
- une augmentation du temps que les mères consacrent à leurs familles, soit 421 minutes par jour (7 heures) en 2010, par rapport à 403 minutes par jour (6,7 heures) en 1986.
Cette publication bilingue présente un caractère intemporel puisqu’elle sera régulièrement mise à jour en fonction des nouvelles données. Inscrivez-vous à notre lettre électronique mensuelle pour connaître les mises à jour et les autres nouvelles concernant les publications, les projets et les initiatives de l’Institut Vanier.
Découvrez notre nouvelle ligne du temps et bonne fête des Mères aux quelque 9,8 millions de mamans du Canada!
Moi, aidante naturelle
Katherine Arnup, Ph. D.
On souligne aujourd’hui la Journée nationale des soignants (aussi nommée la Journée nationale des proches aidants familiaux), pour mettre en relief et célébrer la contribution inestimable des aidants auprès de leurs proches aux quatre coins du pays, et pour mieux sensibiliser la population au sujet de leur réalité. Dans le cadre du blogue de cette semaine, Katherine Arnup partage sa propre expérience à titre d’aidante naturelle.
Avant que ma sœur tombe malade, je ne m’étais jamais vue comme une aidante naturelle. Bien entendu, comme presque toutes celles qui ont grandi dans les années 50, j’avais appris très tôt à prodiguer les plus grands soins à toute une ménagerie de poupées et de jouets en peluche, leur administrant des injections et prenant leur température, outillée de ma petite trousse de médecine en plastique rouge.
Enfant asthmatique et de constitution fragile, j’avais l’habitude des visites chez le médecin, soit pour des traitements hebdomadaires d’immunothérapie, soit pour soigner ces multiples maladies infantiles comme l’amygdalite, la rougeole, la rubéole, la varicelle, les oreillons ou la coqueluche. Bref, cela m’avait enlevé toute envie de devenir un jour médecin ou infirmière. Je voulais plutôt être enseignante et maman comme je l’affirmais déjà à 12 ans, sachant sans doute au fond de moi-même que je n’allais jamais me marier (ce qui s’est d’ailleurs à peu près avéré).
Ma mère était une soignante hors pair. J’imagine qu’on n’avait pas le choix à cette époque, c’est-à-dire dans les années 50, étant donné la taille des familles. Mes parents ont eu quatre filles et mon père s’absentait de plus en plus souvent pour son travail. Pendant ce temps, c’est ma mère qui s’occupait de nous quatre. Imaginez, quatre enfants malades de la coqueluche! Heureusement, c’était l’une après l’autre sinon la tâche aurait été insurmontable. Ma mère s’est beaucoup occupée de ma sœur Carol, touchée par la scarlatine et la mononucléose, et plus tard atteinte d’un mélanome à l’âge adulte.
D’une certaine manière, j’ai toujours su que j’allais m’occuper de mes enfants. Mais n’est-ce pas là l’essence même de la maternité, au même titre que jouer à la pâte à modeler, passer quelques nuits blanches et chanter des berceuses? À mes yeux, prodiguer des soins c’était une action, beaucoup plus qu’un rôle ou même qu’une identité.
D’ailleurs, je ne pense pas que ma mère se considérait comme une aidante; elle était certes une accompagnatrice, une épouse, une mère, une ménagère, mais pas une blanchisseuse ou une couturière, ni une infirmière ou une bonne d’enfants. Pourtant, elle était devenue un peu tout cela et, parallèlement, chaque jour un peu moins la partenaire de vie de mon père.
Même à l’âge adulte, nous savions que maman était toujours au bout du fil lorsque quelqu’un était malade. Elle savait nous écouter, donner des conseils au besoin et même passer à la pharmacie s’il le fallait. Son rôle de grand-maman lui tenait très à cœur et je m’étais beaucoup rapprochée d’elle après la naissance de ma fille aînée.
En 1990, à l’âge de 71 ans, ma mère a été foudroyée par un anévrisme cérébral qui a laissé d’importantes séquelles, si bien qu’elle a eu besoin de soins ininterrompus jusqu’à sa mort, en 2006. Notre mère aidante n’était plus… En mémoire d’elle, ma sœur Carol et moi-même nous étions promises mutuellement de nous entraider en cas de maladie.
Si on m’avait dit que j’aurais à remplir cette promesse aussi vite…
En 1997, le cancer de Carol est réapparu avec une vigueur implacable. Aux côtés d’amis et d’autres membres de la famille, je me suis occupée d’elle durant les six derniers mois de sa vie.
À cette époque, on n’avait pas encore accès à la multitude d’informations et de ressources que l’on retrouve sur le Web. J’avais plutôt l’impression d’être laissée à moi-même. Il y avait bien quelques ouvrages, des articles et les conseils de quelques amis dans le domaine des soins de santé, mais nous étions la plupart du temps contraints d’improviser. Heureusement, j’étais en congé sabbatique de l’université où je travaillais, si bien que je pouvais chaque jour passer des heures précieuses auprès de Carol.
Par la force des choses, j’ai donc appris que les opioïdes causent la constipation et j’ai compris la différence entre un mélanome et un sarcome (et ce que ça implique quant aux traitements possibles). J’ai dû me renseigner au sujet de l’arthroplastie totale du genou, des tests de tomodensitométrie, des IRM, des chaises d’aisance, des médicaments antiémétiques, des cuvettes réniformes et des tampons buccaux. J’ai aussi découvert les meilleurs endroits pour me procurer des produits de santé pour la maison, du soda au gingembre et des sucettes glacées haut de gamme.
J’ai dû apprendre comment demander de l’aide auprès d’un Centre d’accès aux soins communautaires et à mieux connaître les différents « niveaux de soins ». J’ai appris que le plafond hebdomadaire des soins était fixé à 15 heures (même si le patient nécessite des soins à toute heure du jour ou de la nuit), et qu’il s’agit alors bien plus d’une « présence » que de soins en tant que tels (on dirait mieux que Carol avait droit à « une gardienne », si tant est qu’elle parvenait à garder l’œil ouvert…). Et j’ai appris où se procurer un lit d’hôpital, une chaise d’aisance, une marchette.
J’ai dû apprendre à dire aux gens qu’il valait mieux ne pas lui rendre visite, à refuser poliment les appels téléphoniques qui lui étaient destinés, mais aussi à encadrer la présence des proches de Carol à son chevet.
J’ai dû apprendre à organiser une réunion de famille en m’assurant que chacun soit présent. J’ai appris à rédiger un ordre du jour, à présider la rencontre et à en faire un compte rendu, ce qui a permis d’établir une routine et d’assurer le suivi des responsabilités de chacun. J’ai appris à réprimer ma colère pour que Carol puisse bénéficier des meilleurs soins possible. J’ai appris à concentrer plutôt mon énergie à accélérer les soins médicaux, pour raccourcir les délais par rapport à la date prévue (souvent tardive).
J’ai appris que le cancer est terrible et qu’il est encore plus terrible de recevoir le diagnostic d’une maladie mortelle. J’ai appris qu’il existe des souffrances qu’on n’arrive pas à apaiser, comme la douleur que Carol ressentait au pied, au genou et à la colonne vertébrale. J’ai appris qu’il y a toujours de la vie, même dans un cœur brisé…
J’ai dû apprendre comment demander la crémation, acheter une concession funéraire, me procurer des médicaments pour le suicide assisté, modifier une procuration médicale et compléter un testament par codicille.
J’ai appris que chacun vit à sa façon ce vertige causé par la perte d’un être cher. J’ai compris que je ne me remettrais jamais du décès de ma sœur. Et j’ai compris que sa mort m’avait transformée plus que j’aurais pu l’imaginer.
J’avais 47 ans à la mort de ma sœur (elle en avait 51). J’ai souvent craint ne pas pouvoir remplir la promesse que je lui avais faite, mais mon amour pour elle m’a permis de surmonter la peur que m’inspiraient le cancer, la maladie et même la mort. Ces peurs avaient dominé – voire limité – mon existence jusque-là. Pourtant, les ayant affrontées, j’étais désormais en mesure de réconforter des patients en établissement ainsi que leur famille et d’accompagner des proches ou des amis confrontés au vieillissement de leurs parents.
Si on m’avait dit il y 20 ans que je deviendrais bénévole dans un centre de soins, je n’y aurais pas cru tellement j’étais terrifiée par la mort et tellement il m’était impensable de mettre les pieds dans un tel centre (et encore moins d’y revenir de mon propre gré chaque semaine pendant 14 ans).
Si on avait pensé à moi comme « personne-ressource » auprès d’une famille ou d’amis confrontés à la perte d’un être cher, j’aurais sans doute répondu : « Vous voulez rire de moi? » J’étais plutôt celle qui faisait un grand détour pour ne pas rencontrer celui ou celle qui venait de perdre sa mère, justifiant ma réaction par un « Je ne sais jamais quoi dire… »
Pourtant, l’amour m’a permis de surmonter ma peur de la maladie et de la mort, de me transformer en aidante auprès de ma sœur et de mes parents et d’apprendre ces leçons que j’ai le plaisir de raconter aujourd’hui chaque fois qu’il m’est donné d’écrire, de prendre la parole ou de faire du bénévolat en établissement.
Professeure retraitée de l’Université Carleton, Katherine Arnup est auteure et mentore personnelle spécialisée en transitions de vie. Elle a signé l’ouvrage primé Education for Motherhood qui propose aux mères des conseils inspirants. Elle a par ailleurs mené diverses études inédites sur la diversité et la complexité de la vie de famille. Dans son plus récent livre intitulé “I Don’t Have Time for This!” A Compassionate Guide to Caring for Your Parents and Yourself, elle se penche sur le tabou tenace qui entoure la mort.
Et si on aidait nos (jeunes) aidants?
Andrea Breen, Ph. D.
Si vous googlez « Les jeunes d’aujourd’hui sont », le moteur propose quatre compléments : « … sont irresponsables », « … sont immatures », « … sont paresseux », « … sont narcissiques ». Ce que le moteur de recherche oublie, c’est qu’ils jouent de plus en plus le rôle d’aidants non rémunérés auprès des adultes dans leurs familles et leurs collectivités. Selon les données colligées par Statistique Canada, dans le cadre de l’Enquête sociale générale de 2012, le Canada compte 1,9 million de « jeunes aidants », soit 27 % de la population de 15 à 29 ans. Ces jeunes fournissent des soins non rémunérés à des personnes diminuées par la maladie, l’incapacité, une dépendance ou une blessure.
Les statistiques sont étonnantes : les jeunes de 15 à 24 ans consacrent autant de temps à leur charge de soins que les adultes de la tranche des 45 à 54 ans1. Pour la plupart, à l’instar des adultes, il s’agit de quelques heures de soins par semaine auprès de leurs proches. Toutefois, environ 5 % d’entre eux y consacrent plus d’une trentaine d’heures hebdomadairement. Les jeunes aidants s’occupent principalement de leurs grands-parents (40 %), mais aussi de leurs parents (27 %), de leurs amis et de leurs voisins (14 %), ainsi que de leurs frères et sœurs ou de la famille élargie (11 %). Près d’un cinquième des jeunes aidants (19 %) disent s’occuper de trois personnes ou plus2.
Or, le Canada se classe derrière les É.-U., le Royaume-Uni, l’Australie et l’Afrique subsaharienne au chapitre de la sensibilisation du public à l’égard des jeunes aidants et de l’élaboration de politiques connexes3, 4. D’ailleurs, le terme jeunes aidants demeure encore méconnu pour bon nombre de Canadiens, ce qui explique notamment que les besoins et les difficultés de ces jeunes passent souvent inaperçus. Le gouvernement fédéral a instauré diverses mesures de soutien pour les aidants (comme les prestations de soignant et le crédit d’impôt pour aidants familiaux), mais ces mesures sont destinées aux adultes qui travaillent5. Même si le Tribunal canadien des droits de la personne a statué du caractère illégitime de toute forme de discrimination basée sur l’état familial, il n’existe encore aucune jurisprudence au pays concernant les jeunes aidants. De même, les écoles et les établissements postsecondaires ne disposent toujours d’aucune politique axée sur le soutien et l’encadrement pour les jeunes aidants.
À vrai dire, les connaissances actuelles au sujet des jeunes aidants au pays proviennent principalement de travaux récents réalisés par un groupe restreint de chercheurs et d’organismes communautaires avant-gardistes. On commence à peine à s’intéresser aux incidences sur le développement psychosocial des jeunes aidants canadiens et à diverses questions importantes en matière de soins. Comment ces responsabilités influencent-elles ou limitent-elles le sentiment identitaire, les relations, les choix en matière d’éducation, le cheminement professionnel, les loisirs, la vie personnelle ou les considérations financières? Quels sont les effets sur la santé mentale et le bien-être des jeunes aidants? Quels types de politiques et de pratiques faut-il privilégier dans les écoles, les collectivités, les milieux de travail et les établissements postsecondaires pour mieux soutenir les jeunes aidants?
D’après certaines études préliminaires, le fait de prodiguer des soins entraîne divers bénéfices pour l’aidant lui-même lorsque ce dernier peut compter sur des mesures de soutien. Ainsi, s’occuper d’un proche s’avère souvent favorable sur le plan du développement socioaffectif et permet de consolider les sentiments de compétence et d’autonomie tout en favorisant l’empathie et la compassion6. J’ai moi-même constaté certains de ces bénéfices chez les jeunes aidants parmi mes étudiants universitaires. Plusieurs d’entre eux ont même choisi une carrière en gérontologie après avoir été appelés à s’occuper de grands-parents dans le besoin. D’autres œuvrent maintenant auprès d’enfants ayant des besoins spéciaux, après avoir pris soin d’un frère ou d’une sœur. Enfin, certains étudiants orientent leurs choix professionnels vers la santé mentale après s’être occupés d’un parent atteint de troubles mentaux. Dans de tels cas, on peut effectivement penser que le fait d’avoir connu la réalité des soins à un âge précoce a positivement influencé l’identité en ouvrant à ces jeunes un avenir sous le signe du dévouement pour l’autre.
Pourtant, il y a aussi un prix à payer pour ceux qui s’acquittent d’une responsabilité de soins. À cet égard, les jeunes aidants sont particulièrement vulnérables à l’isolement social, aux problèmes de santé mentale et aux difficultés dans le cheminement scolaire7. On estime que 47 % des jeunes aidants suivent un programme d’études8. Ces derniers sont confrontés à divers obstacles comme les retards récurrents, l’absentéisme, le manque de temps pour remplir divers mandats, l’anxiété et les problèmes de concentration. Ces écueils mettent éventuellement en péril l’équilibre entre leurs études et leur charge de soins9. Je connais moi-même un adolescent du Nunavut qui a dû abandonner l’école récemment pour s’occuper de sa grand-mère en fin de vie. Il s’agit là d’une situation beaucoup plus fréquente qu’on le croit généralement. À l’échelle nationale, on estime que 7 % des jeunes aidants finissent par abandonner l’école10. Et le portrait semble particulièrement préoccupant dans les régions nordiques du Canada : en 2006, environ 46 % des jeunes du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut avaient fourni des soins non rémunérés à des proches11. Dans quelle proportion les enseignants et les directeurs sont-ils au fait de cette réalité touchant leurs propres étudiants?
Ces jeunes aidants forment toutefois un groupe hétérogène dont la réalité et les besoins sont très variés, si bien qu’il n’est pas simple de leur assurer du soutien. Certains sous-groupes sont néanmoins particulièrement vulnérables, notamment ceux qui consacrent beaucoup de temps aux soins, ceux qui bénéficient de soutien social précaire, ainsi que les aidants vivant dans des collectivités marginalisées, pour qui les difficultés s’ajoutent alors à d’autres problèmes liés à l’isolement et à l’absence de visibilité. Et n’oublions pas les plus jeunes parmi les aidants : en effet, on ne sait à peu près rien des enfants et des préadolescents qui s’occupent de leurs proches dans le besoin, puisque les données de Statistique Canada ne concernent que les jeunes aidants de plus de 15 ans.
Il y a quelques années, il m’a été donné d’accompagner un jeune garçon de 12 ans suspendu de l’école en raison d’importants problèmes comportementaux. Après un certain temps, nous nous sommes rendu compte que ce garçon s’occupait de sa mère alcoolique et dépressive avec l’aide de son frère un peu plus âgé. Les garçons se chargeaient des tâches ménagères, de faire les courses et de préparer les repas, et cherchaient de leur mieux à trouver de l’aide pour leur mère. Dans les faits, ils étaient confrontés aux mêmes défis que bon nombre d’aidants d’âge adulte, soit l’épuisement, l’inquiétude constante au sujet d’un être cher, un sentiment d’impuissance devant la maladie, le manque de temps pour d’autres activités, les problèmes de santé mentale, l’aggravation de la pauvreté et l’isolement. Cependant, leur vulnérabilité était exacerbée par le fait qu’ils n’étaient encore que des enfants. Ces garçons vivaient dans la crainte qu’on s’aperçoive de leur situation et qu’on les oblige à quitter leur foyer. Ils s’inquiétaient pour eux-mêmes ainsi que pour leur mère qui, pensaient-ils, ne survivrait sans doute pas si elle était séparée d’eux.
La situation de cette famille n’est qu’un exemple des lacunes de l’approche interventionniste et des modèles de financement axés sur l’individu. Même si l’on cherche à isoler ce garçon pour tenter de « régler » ses problèmes comportementaux, il sera quand même confronté de plus en plus durement à des problèmes de santé mentale et physique, à des difficultés scolaires, à la criminalité et à d’autres risques éventuels, et ce, tant qu’on ne viendra pas concrètement en aide à sa famille. Combien y a-t-il de jeunes dans une telle situation au sein de nos collectivités? Combien d’enfants doivent s’occuper de leurs parents ou tuteurs trop malades, trop blessés ou trop handicapés pour prendre soin d’eux-mêmes? Jusqu’ici, ces questions demeurent sans réponses parce que nous n’avons pas cherché à les obtenir.
La première fois que j’ai entendu le terme « jeunes aidants », c’était dans une entrevue avec la directrice générale de l’Institut Vanier, Nora Spinks, à l’émission Ontario Today de la CBC. J’ai voulu savoir quelles avenues il fallait privilégier en recherche dans ce domaine, et sa réponse fut la suivante : les jeunes aidants de moins de 10 ans sont l’un des groupes les plus importants à cibler. Selon elle, il faut notamment s’inquiéter de l’impact des technologies numériques, qui risquent de voiler l’existence des très jeunes aidants aux yeux de la société. Comme elle le souligne, il est devenu facile de s’isoler lorsque survient une crise familiale puisque les interactions sociales sont largement virtuelles. Qu’il s’agisse d’effectuer des transactions bancaires ou de commander des repas en ligne, l’utilisateur demeure anonyme pour peu qu’il détienne un numéro de carte de crédit. Personne ne saura qu’un enfant de 9 ans s’en occupe.
Les changements démographiques comme le vieillissement de la population, la diminution de la taille des familles, l’augmentation du nombre de ménages caractérisés par l’absence d’une génération, de même que le phénomène de dispersion géographique font en sorte que les jeunes aidants sont de plus en plus nombreux au Canada12,13. Il importe de sensibiliser la population à leur sujet et de susciter des actions concrètes au bénéfice des jeunes aidants. Il y a encore beaucoup à faire en matière de recherche, de programmes et de politiques pour mettre en lumière le rôle des aidants et mieux les encadrer; il faudra avant tout se pencher sur la situation des enfants, des adolescents et des jeunes adultes de nos écoles et collectivités, et prendre acte des difficultés méconnues auxquelles ils sont confrontés tout en reconnaissant la valeur inestimable de ces nombreux jeunes aidants.
Andrea Breen est professeure adjointe en études des relations familiales et du développement humain à l’Université de Guelph. Ses recherches sont principalement axées sur le récit et les incidences du bien-être, de la résilience et des changements sociaux, ainsi que sur le recours aux technologies pour favoriser le mieux-être des enfants, des jeunes et des familles. Mme Breen possède une vaste expérience dans l’élaboration de programmes éducatifs novateurs pour les écoles et les établissements de détention ou de santé mentale. Elle a déjà agi à titre d’experte scientifique en chef pour l’application parentale kidü. Mme Breen est titulaire d’un doctorat en éducation et en psychologie du développement de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario rattaché à l’Université de Toronto. Elle possède également une maîtrise dans le domaine des risques et de la prévention de la Harvard Graduate School of Education, de même qu’un baccalauréat en éducation de l’Université McGill.
RÉFÉRENCES
Battams, Nathan (2013). « Les jeunes aidants au Canada » dans Traits de famille, no 59, Institut Vanier de la famille.
Bleakney, Amanda (2014). Les jeunes Canadiens fournissant des soins, Statistique Canada.
Charles, Grant, Stainton, Tim et Marshall, Sheila (2012). Les jeunes aidants au Canada : Les avantages et les coûts cachés des soins prodigués par les jeunes, Institut Vanier de la famille.
Groupe de travail action Canada (2013). Qui aide les jeunes aidants? Faire connaître une tranche invisible de la population.
Stamatopoulos, Vivian (2015a). « Supporting young carers: A qualitative review of young carer services in Canada » dans International Journal of Adolescence and Youth.
Idem (2015b). « One million and counting: the hidden army of young carers in Canada » dans Journal of Youth Studies.
NOTES
1 Battams (2013)
2 Bleakney (2014)
3 Becker (2007)
4 Stamatopolous (2015a)
5 Idem
6 Charles, Stainton, et Marshall (2002)
7 Charles et autres (2012)
8 Bleakney (2014)
9 Charles et autres (2012)
10 Bleakney (2014)
11 Stamatopoulos (2015b)
12 Stamatapoulos (2015a)
13 Stamatapoulos (2015b)
PROGRAMMES ET RÉSEAUX
Cowichan Family Caregivers Support Society Young Carers’ Network
Hospice Toronto Young Carers Program
Powerhouse Project : Young Carers Initiative
Young Carers Project of Waterloo Region
Les soins familiaux au Canada : une réalité et un droit
Nathan Battams
Au moins une fois dans sa vie, chacun sera probablement appelé à prodiguer des soins à un proche, ou à en bénéficier. En règle générale, les membres de la famille sont les premiers à fournir et à encadrer de tels soins et, dans certains cas, à payer pour ceux-ci. Qu’il s’agisse de reconduire un frère ou une sœur à un rendez-vous médical, de préparer les repas pour un grand-parent ou encore de passer à l’école prendre un enfant qui ne se sent pas bien, s’occuper de la famille semble si naturel et englobe un si vaste éventail d’activités qu’on finit souvent par oublier qu’il s’agit de soins familiaux… Ces quelques exemples font pourtant partie de cette « réalité des soins » à laquelle nous sommes habitués.
Les familles disposent d’une grande capacité d’adaptation, et les gens trouvent habituellement les moyens de mener de front leurs responsabilités, leurs engagements et leurs obligations multiples sur le plan professionnel et familial. Toutefois, puisque la plupart des aidants sont aussi sur le marché du travail à plein temps, il peut s’avérer difficile de concilier travail et prestation de soins. En vertu de la notion de « situation de famille » aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’employeur peut être contraint de consentir certaines mesures d’adaptation à son employé qui, ayant épuisé tous les autres recours raisonnables, serait contraint de choisir entre ses obligations professionnelles et les soins à prodiguer à un membre de sa famille. De fait, les droits de la personne assurent aux travailleurs un cadre de droits et la flexibilité nécessaire afin de conjuguer leurs obligations professionnelles et leur charge de soins.
Mesures d’adaptation en vertu des droits de la personne : flexibilité de part et d’autre
La conciliation harmonieuse des soins et du travail dépend d’une certaine ouverture de l’employeur à l’égard du fait que les circonstances familiales nécessitent parfois une attention soutenue. Idéalement, ce dernier aura instauré des politiques inclusives favorisant la flexibilité en milieu de travail (réduisant ainsi le nombre de demandes individuelles) et le traitement des demandes personnalisées d’adaptation, lorsque la flexibilité ne suffit pas.
Ces demandes personnalisées d’adaptation sont fondées sur la situation familiale et s’appliquent lorsque l’employé est confronté à des obligations contraignantes en matière de soins, contrairement à celui qui ferait simplement le choix personnel d’aider un membre de sa famille. À titre d’exemple, un parent qui s’absente du travail pour reconduire son enfant à des activités parascolaires le fait par choix personnel, mais s’il doit reconduire son enfant à l’hôpital faute de trouver un aidant, on parle plutôt d’une obligation.
La conciliation harmonieuse des soins et du travail dépend d’une certaine ouverture de l’employeur à l’égard du fait que les circonstances familiales nécessitent parfois une attention soutenue.
Du reste, l’obligation n’est pas toujours un motif suffisant : l’employé doit aussi prouver qu’il a véritablement envisagé toutes les solutions possibles pour tenter de concilier ses responsabilités professionnelles et la prestation de soins. Devant une demande personnalisée d’adaptation, l’employeur est tenu d’évaluer si l’employé est victime d’un préjudice causé par des règles ou des pratiques en milieu de travail éventuellement inconciliables avec ses responsabilités de soins. Le cas échéant, il accordera à l’employé le temps d’évaluer les solutions possibles, discutera avec lui de la situation, procédera à une évaluation des circonstances individuelles, et envisagera le recours à des modalités de travail flexibles (MTF).
L’employeur peut toutefois refuser d’offrir des mesures d’adaptation, mais il doit prouver qu’une telle éventualité causerait à son organisation un « préjudice injustifié » résultant de la modification des politiques, des pratiques, des règlements ou de l’espace physique. Du point de vue légal, il n’existe pas de définition précise de la notion de préjudice injustifié, chaque cas étant un cas d’espèce influencé par les particularités du milieu de travail et des besoins opérationnels. De même, les dispositions en matière de droits de la personne prévoient l’évaluation individuelle des demandes d’adaptation, en tenant compte des attentes de la famille et des rôles au sein de celle-ci. S’il considère qu’il y a préjudice, l’employeur est tenu de fournir des preuves quant à la nature et à l’importance de celui-ci.
L’affaire Johnstone c. Canada a fait jurisprudence sur le principe de situation de famille. En effet, le jugement rendu dans ce dossier a contribué à clarifier les circonstances devant lesquelles un employeur devrait consentir certains arrangements à son employé compte tenu des obligations de ce dernier envers son enfant. Fiona Johnstone et son mari élevaient leurs deux bambins tout en travaillant à plein temps pour le compte de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), où ils devaient composer avec des quarts rotatifs et imprévisibles. Le mari de Mme Johnstone était aussi appelé à se déplacer pour le travail. Pour réussir à assumer ses responsabilités parentales, cette dernière a donc demandé un horaire de travail à plein temps à heures convenues, une requête qui lui a été refusée au motif que les horaires à heures fixes, selon les politiques de l’ASFC, n’étaient possibles qu’à temps partiel. Du point de vue de l’ASFC, les responsabilités inhérentes aux soins des enfants résultaient d’un choix personnel et l’employeur n’avait pas « l’obligation de prendre des mesures d’adaptation ».
Le Tribunal canadien des droits de la personne a finalement tranché en faveur de Mme Johnstone, reconnaissant qu’elle avait été victime de discrimination. La Cour fédérale a refusé la requête en révision judiciaire du Procureur général, confirmant ainsi la portée et le sens du principe de « situation de famille » aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui a trait à l’obligation parentale de s’occuper des enfants. Refusant la demande de contrôle judiciaire qui lui était adressée dans l’affaire Johnstone c. Canada, l’honorable juge Mandamin déclarait :
« … il est difficile d’envisager la famille sans tenir compte des enfants qui existent au sein de cette famille et des liens qui existent entre les enfants et les parents. L’aspect le plus important de cette relation est l’obligation qu’ont le père et la mère de prendre soin de leurs enfants. Il me semble que, si le législateur fédéral avait eu l’intention d’exclure les obligations parentales, il aurait employé des mots qui expriment clairement son intention en ce sens. »
En 2014, la Cour d’appel fédérale a également maintenu ce jugement, cité à maintes reprises depuis dans plusieurs dossiers et devant diverses instances au Canada. Malgré tout, certaines divergences législatives persistent au pays à cet égard. Ainsi, le principe de « situation de famille » n’est pas encore considéré parmi les motifs de discrimination illicite au Nouveau-Brunswick; en Ontario, la notion se limite aux relations parents-enfants, mais s’applique toutefois aux aidants auprès d’un parent vieillissant.
Mesures d’adaptation pour les soins : des coûts moindres pour l’employeur et pour l’employé
Le respect et la reconnaissance des droits de la personne ne sont pas les seuls motifs qui incitent un employeur à consentir certains arrangements pour les soins : la possibilité de réduire les coûts éventuels entre aussi en ligne de compte, et ce facteur joue autant en faveur de l’employeur que de l’employé. Dans une étude publiée récemment, Janet Fast estimait que les coûts pour l’aidant sont de trois ordres : la prestation des soins, les limitations professionnelles et les dépenses directes.
La prestation des soins suppose des coûts pour l’employé, sous forme de temps passé auprès du bénéficiaire de soins, de temps consacré pour ce dernier (ex. : prise de rendez-vous), de temps pour se rendre auprès de lui, et de temps lié au suivi et à l’encadrement des soins. Les limitations professionnelles concernent la nécessité de réduire ses heures de travail ou de quitter son poste, la perte de productivité et les conséquences éventuelles, c’est-à-dire la baisse ou la perte de revenus et les effets sur le cheminement de carrière. Enfin, les dépenses directes touchent divers aspects comme le logement, les services communautaires, les fournitures et le transport que les aidants doivent parfois assumer.
L’incapacité de concilier les obligations concurrentes de la prestation de soins et du travail rémunéré entraîne des pertes annuelles en main-d’œuvre équivalant à près de 558 000 employés à plein temps au Canada.
Les coûts auxquels l’employé est confronté en lien avec la prestation de soins ont aussi des répercussions pour l’employeur, de façon directe et indirecte. En termes de coûts directs, l’employeur est notamment confronté à un taux de roulement élevé, à une augmentation du taux d’absentéisme et à divers coûts supplémentaires en avantages sociaux (ex. : réclamations pour soins de santé ou congés d’invalidité pour employés assumant un rôle d’aidant). Les coûts indirects se manifestent par une baisse de rentabilité par employé et une perte de productivité, sans oublier les effets corollaires pour les collègues, les superviseurs, les fournisseurs et la clientèle. À terme, c’est l’ensemble de l’économie qui accuse le coup. Selon l’étude de Mme Fast, l’incapacité de concilier les obligations concurrentes de la prestation de soins et du travail rémunéré entraîne des pertes annuelles en main-d’œuvre équivalant à près de 558 000 employés à plein temps au Canada.
Pourtant, les organisations qui soutiennent leurs employés dans leur rôle d’aidant familial bénéficient de nombreux avantages, notamment la possibilité de consolider leur réputation et leur image publique tout en harmonisant leurs engagements en termes de responsabilité sociale d’entreprise (RSE). De plus en plus d’études tendent à montrer que les milieux de travail flexibles favorisent la productivité, le rendement au travail, le recrutement et la rétention des employés.
Une variété d’approches pour faciliter les soins à la famille
Lorsqu’il est question de soins familiaux, chaque situation est unique, en fonction des aidants et des bénéficiaires eux-mêmes, de la nature des soins requis, du type d’emploi qu’occupe l’aidant et de la culture organisationnelle qui prévaut dans son milieu professionnel. Bref, il n’existe aucune « solution universelle ».
De plus en plus d’études s’intéressent aux avenues à privilégier pour favoriser l’instauration et l’intégration de modalités de travail flexibles. À cet égard, la Commission canadienne des droits de la personne a publié un Guide sur la conciliation des responsabilités professionnelles et des obligations familiales des proches aidants, qui met en relief diverses MTF favorables aux mesures d’adaptation, notamment le télétravail, le travail partagé, la souplesse des heures de début et de fin de quart, les horaires comprimés, l’allongement des congés parentaux ou de maternité, les échanges de quart, les congés de soignant, les congés discrétionnaires et autres congés auprès d’un membre de la famille dans le besoin, les congés en cas d’urgence ou d’imprévu auprès d’un enfant ou d’un aîné, le travail à temps partiel avec avantages sociaux proportionnels, ou encore la rotation ou la mise en commun des tâches et des responsabilités professionnelles.
Hausse anticipée de la fréquence des soins à la famille
Les soins sont une réalité commune au sein des familles (de même qu’entre elles), peu importe leur lieu de résidence ou leurs origines. Compte tenu de la réduction de la taille des familles, du vieillissement de la population canadienne et, par conséquent, de l’augmentation en nombre et en complexité des cas d’incapacité, il est de plus en plus pertinent de privilégier les mesures d’adaptation favorables aux soins familiaux. Cette nouvelle réalité met en relief le « manque à gagner » en matière de soins au Canada.
Selon Statistique Canada, près de la moitié (46 %) des Canadiens de toutes les régions du pays (soit 13 millions de personnes) ont procuré des soins à un moment ou un autre de leur vie auprès d’un ami ou d’un membre de la famille en raison de l’âge, d’une maladie chronique ou d’une incapacité. Au cours de l’année 2012 seulement, leur nombre s’élevait à 8 millions de personnes (soit 28 % de la population).
Partout au pays, le vieillissement de la population canadienne influence les besoins en matière de soins. On prévoit que les aînés représenteront presque le quart de la population d’ici 2030 (comparativement à 15,3 % en 2013), et que le nombre de centenaires sera alors passé de 6 900 à plus de 15 000. Par ailleurs, non seulement les aînés seront-ils plus nombreux, mais ils vivront plus longtemps : à l’âge de 65 ans, les femmes peuvent espérer vivre encore 22 années (soit jusqu’à 87 ans) et les hommes encore 19,2 années (soit jusqu’à 84,2 ans), alors que l’espérance de vie passé ce cap n’était que de 19 années et de 14,7 années respectivement, en 1981.
Du reste, le portrait des soins au Canada ne se limite pas aux aînés, puisque les enfants représentent aussi une portion importante des bénéficiaires. Cette génération a d’ailleurs grandi dans un contexte où le nombre de ménages à deux soutiens a connu une forte croissance : alors que 36 % des couples avec enfants vivaient dans un tel ménage en 1976, la proportion avait grimpé à 69 % en 2014. Les trois quarts de ces familles comptent deux conjoints travailleurs à plein temps. Bien entendu, il en résulte une augmentation des revenus de la famille, avec toutefois pour corollaire une diminution du nombre de personnes disponibles pour aider à concilier les responsabilités professionnelles et familiales.
À l’image des familles, les soins familiaux sont complexes et diversifiés
Les soins sont complexes et divers, et concernent plusieurs domaines d’activité. Dans son Enquête sociale générale sur les soins donnés et reçus, Statistique Canada dresse une longue liste – pourtant non exhaustive – des activités liées aux soins, notamment en ce qui a trait au transport, à la préparation des repas, aux soins médicaux, aux soins personnels, à l’entretien ménager et à la gestion des finances. Peu à peu, des réalités nouvelles et émergentes se présentent, par exemple lorsqu’une personne transgenre nécessite des soins de transition de la part d’un conjoint, ou encore lorsqu’un parent est sommé de se présenter en cour concernant la garde et les soins d’un enfant. De tels exemples témoignent encore de la diversité des familles et des besoins en matière de soins.
Il est d’autant plus difficile d’apprécier nettement la situation si l’on considère au surplus le caractère changeant et instable des relations de soins entre les individus. En effet, le type, la nature et la durée des soins varient selon les circonstances uniques du bénéficiaire (voir le tableau). Il s’agira tantôt de soins épisodiques ou à court terme (par exemple dans le cas d’un membre de la famille dont la mobilité est temporairement réduite après s’être fracturé une jambe), tantôt de soins intensifs ou à long terme (comme pour un membre de la famille confronté à une maladie mortelle et soigné dans un centre de soins palliatifs).
Certaines exigences liées aux soins sont prévisibles, si bien que l’aidant dispose d’un peu plus de latitude pour gérer son temps et ses ressources. Par contre, d’autres circonstances sont plus compliquées. Peu importe le type, la nature et la durée des soins, les aidants familiaux doivent trouver le moyen d’y conjuguer leurs obligations et engagements professionnels, et les employeurs ont un rôle à jouer pour soutenir et favoriser cet équilibre.
Concilier soins et travail : des bénéfices pour l’employeur et pour la famille
Un jour ou l’autre, la majorité des Canadiens se trouveront face à des responsabilités en matière de soins. Étant donné le caractère imprévisible des besoins et puisque ceux-ci ne surviennent pas uniquement hors des heures de travail, les employés et leurs employeurs devront trouver des avenues novatrices pour réussir à concilier les soins et le travail sans miner la productivité et le moral, faute de quoi ils seront confrontés à des coûts de part et d’autre. Dans une telle optique, il sera certainement bénéfique aux employés, aux employeurs et au marché du travail dans son ensemble de privilégier une approche ouverte et créative misant sur la flexibilité dans le but d’harmoniser les soins et le travail au Canada.
« Il s’agit d’un enjeu qui touche des millions de Canadiens et de Canadiennes à divers moments de leur existence, et qui occupera une place grandissante compte tenu des changements démographiques. La CCDP incite les employeurs, les employés et les syndicats à privilégier une approche concertée pour permettre aux aidants familiaux de continuer à participer pleinement et concrètement au marché du travail. » [traduction]
– David Langtry, président par intérim, Commission canadienne des droits de la personne (2014)
Nathan Battams est auteur et chercheur au sein de l’Institut Vanier de la famille.
Les familles et le travail au Canada
Nora Spinks et Nathan Battams
Les familles du Canada sont diversifiées, complexes et dynamiques. La famille représente l’institution sociale qui sait le mieux s’adapter, s’ajustant sans cesse aux forces socioéconomiques, culturelles et contextuelles qui façonnent le milieu où elle vit et travaille. Or, même si les cadres familiaux continuent d’évoluer, le temps qui passe n’affecte en rien la manière d’être des familles au Canada. Le soutien qu’elles procurent à leurs membres provient en partie du travail rémunéré, ce qui suppose de multiples responsabilités à la maison, au travail et au sein de la collectivité. Certaines initiatives publiques ont été mises en œuvre pour épauler les familles, notamment des prestations et congés parentaux, de maternité, de paternité, d’adoption ou de soignant, ainsi que diverses lois du travail liées aux soins et à l’éducation et d’autres mesures législatives pour la protection des aînés. Ces formes d’aide ont évolué au fil des ans dans le but de favoriser la conciliation travail-famille tout en tenant compte du visage en perpétuel changement de la famille au Canada. Il s’avère pertinent de se pencher sur les liens entre le travail et la famille pour mieux comprendre les familles du Canada d’aujourd’hui.
La diversité grandissante des familles du Canada
On compte aujourd’hui plus de 9,4 millions de familles au Canada, et celles-ci sont de plus en plus diversifiées. Bien que les deux tiers d’entre elles soient formées d’un couple marié, les couples vivant en union libre sont de plus en plus nombreux, représentant désormais 17 % de toutes les familles de recensement au pays (et jusqu’à 32 % dans la province de Québec). La plupart des enfants y sont élevés par leurs parents naturels, mais plus de 30 000 enfants sont plutôt élevés par leurs grands-parents à l’heure actuelle. On dénombre aussi près de 30 000 enfants qui vivent au sein d’une famille d’accueil, et le nombre de familles reconstituées s’élève à plus de 460 000 au pays. En outre, l’adoption touche environ un Canadien sur cinq, ce qui comprend les enfants adoptés, ceux qui les côtoient dans leur famille (frère, sœur ou autre), leurs parents adoptifs, ainsi que leurs parents naturels et leur famille. Depuis 2005, le mariage homosexuel est légalisé sur tout le territoire canadien, ce qui contribue encore davantage à la diversité des familles au Canada.
Les différentes phases de la vie évoluent sans cesse, si bien que certains jalons surviennent désormais plus tard dans la vie qu’il y a quelques décennies. En 2008, l’âge moyen d’un premier mariage se situait à 29,1 ans chez les femmes (en hausse par rapport à 26,3 ans en 1994), et l’âge moyen des mères à la naissance du premier enfant s’établissait à 28,5 ans en 2011 (comparativement à 26,2 ans en 1994). Si l’âge moyen des mères à la naissance du premier enfant tend à s’accroître, c’est notamment parce que plusieurs d’entre elles préfèrent s’établir sur le plan professionnel avant de fonder une famille. Le nombre de mères ayant eu leur premier enfant entre l’âge de 40 et 44 ans a bondi de 155 % entre 1994 et 2011.
Par ailleurs, d’autres changements sont survenus dans la manière dont les familles gèrent ces moments charnières de la vie. Même si les familles sont de moins en moins nombreuses et que, par conséquent, les femmes prennent moins de congés parentaux ou de maternité, on constate toutefois qu’un nombre croissant d’hommes recourent aux congés de paternité ou parentaux (12,2 %), surtout au Québec (83 %). Cette situation résulte notamment du fait que plusieurs nouveaux grands-parents sont toujours sur le marché du travail, si bien qu’ils sont peu disponibles pour assister les nouvelles mères après l’accouchement et les aider à s’occuper de leurs jeunes enfants.
Les familles tentent de concilier le travail et les aspirations familiales
En outre, les formes de travail changent elles aussi, si bien que les membres de la famille actifs sur le marché du travail sont plus nombreux. À titre d’exemple, la proportion des familles au Canada qui comptent sur deux soutiens progresse invariablement depuis quatre décennies. En 1976, environ le tiers des couples ayant des enfants à charge percevaient deux revenus, alors que c’était plutôt le cas des trois quarts des couples en 2008. Au cours de l’année 2012, les travailleurs canadiens ont consacré en moyenne 36,6 heures par semaine à leur travail (39,6 heures pour les hommes et 33,2 heures pour les femmes). Toutefois, le fait que l’ensemble des travailleurs font de plus longues heures complique les multiples responsabilités, obligations et engagements sur le plan familial et professionnel. Sur cette question, les chercheurs Linda Duxbury et Chris Higgins ont constaté que 68 % des hommes et 54 % des femmes ayant participé à leur étude travaillent plus de 45 heures par semaine, comparativement à 55 % et 39 % respectivement en 2001.
Parmi les femmes mariées ou en union libre âgées de 20 à 64 ans, on constate une augmentation de la participation à la vie active, cette proportion étant passée de 47 % (en 1976 à 76 % en 2009. Par conséquent, au Canada – tout comme dans le reste du monde – de nombreuses femmes ont tendance à retarder l’âge de leur première grossesse pour se concentrer sur leur carrière. Les qualifications postsecondaires font souvent partie du cheminement professionnel, et le Canada compte ainsi sur une population très instruite : en 2011, 51 % des adultes au pays détenaient un diplôme d’études tertiaires (56 % des femmes et 46 % des hommes).
9,4 millions
Le nombre de familles au Canada en 2011.68 % et 54 %
Parmi les répondants à une enquête menée au Canada, la proportion respective d’hommes et de femmes qui travaillent plus de 45 heures par semaine (par rapport à 55 % et 39 % en 2001).59 %
La proportion des Canadiens interrogés qui pensent continuer de travailler passé l’âge de 65 ans (soit 32 % à plein temps et 27 % à temps partiel).12 % et 83 %
La proportion de nouveaux pères ayant choisi de prendre un congé parental en 2013, respectivement au Canada (hors Québec) et au Québec seulement.69 %
La proportion des Canadiens interrogés affirmant disposer d’une grande souplesse (27 %) ou d’une souplesse acceptable (42 %) relativement à leurs heures et lieu de travail.
Du reste, non seulement les membres de la famille sont de plus en plus nombreux à occuper un emploi rémunéré, mais plusieurs apportent aussi du travail avec eux en fin de journée. En effet, plus de la moitié des participants de l’étude Duxbury-Higgins déclarent rapporter du travail à la maison, et ce, à raison de sept heures supplémentaires par semaine en moyenne. Près des deux tiers d’entre eux passent plus d’une heure par jour à répondre à des courriels professionnels, et le tiers des répondants y consacrent le même temps lorsqu’ils sont en congé. En dépit des heures prolongées et de la multiplication des rôles, 15 % de la population active canadienne considérait, en 2011, que la famille passait avant le travail, proportion qui s’élevait à 5 % en 1991.
À l’heure où les familles cherchent à s’adapter en faisant plus d’heures pour joindre les deux bouts, plusieurs employeurs tentent de s’ajuster à cette réalité contemporaine en leur accordant une plus grande souplesse pour une meilleure harmonie travail-famille. En effet, 69 % des participants de l’étude Duxbury-Higgins affirmaient disposer d’une grande souplesse (27 %) ou d’une souplesse acceptable (42 %) relativement aux heures et au lieu de travail.
En règle générale, les membres de la famille s’attendent à devoir travailler jusqu’à un âge plus avancé que leurs prédécesseurs. D’après une étude permanente réalisée par la firme Ipsos Reid à propos des intentions suivant la retraite, les Canadiens qui prévoient travailler à plein temps à l’âge de 66 ans sont plus nombreux que ceux qui pensent être alors à la retraite (32 % et 27 %, respectivement). Il s’agit d’une première dans l’histoire de cette étude qui s’échelonne sur sept années. Selon Statistique Canada, 12,6 % des aînés travaillaient toujours en 2012, soit presque deux fois plus qu’une décennie auparavant. Cette tendance a transformé le visage de la main-d’œuvre canadienne et la nature même de la retraite au Canada.
Les familles et la conciliation entre le travail et les soins
Par ailleurs, la carrière qui s’allonge ainsi que l’augmentation de l’espérance de vie ne simplifient pas la tâche aux familles qui s’occupent de leurs proches malades, blessés ou en fin de vie. En 2012, environ 8,1 millions de personnes (soit 28 % des Canadiens de 15 ans ou plus) s’occupaient d’un proche ou d’un ami pour des raisons liées à un problème de santé à long terme, une incapacité ou le vieillissement. Or, 6 aidants sur 10 conjuguaient ces soins à d’autres responsabilités d’ordre professionnel (jusqu’à 81 % des aidants ayant des enfants). Les femmes représentent une faible majorité des aidants, soit 54 %, et les responsabilités d’aidant incombent davantage aux personnes de 45 à 64 ans (44 % des aidants se situent dans cette tranche d’âge).
À ce chapitre, ce sont les parents malades qui nécessitent le plus de soins, puisque 39 % des aidants s’occupent de leurs propres parents, et 9 % de leurs beaux-parents. Les bénéficiaires de soins les moins nombreux sont les conjoints (pour 8 % des aidants) et les enfants (pour 5 % des aidants). Par contre, les aidants familiaux qui s’occupent de leurs conjoints ou de leurs enfants sont ceux qui y consacrent le plus de temps. En effet, les aidants auprès des conjoints y passent en moyenne 14 heures par semaine, et les aidants auprès de leurs enfants (y compris les enfants d’âge adulte) réservent 10 heures par semaine à ces tâches.
Bien que le Canada représente l’une des principales économies du monde et puisse compter sur l’un des systèmes bancaires les plus stables, les effets des forces économiques mondiales sont néanmoins ressentis par les familles au pays. En septembre 2015, le taux de chômage parmi les Canadiens de 15 à 24 ans se situait à 13,5 %, comparativement à 5,9 % chez les travailleurs de 25 à 54 ans et à 6 % pour ceux de 55 ans et plus. Devant l’incertitude économique, plusieurs Canadiens choisissent de miser sur l’éducation et d’adapter leur mode de vie. Ainsi, environ 2 millions de Canadiens fréquentent un collège ou une université, et bon nombre d’entre eux sont endettés à la fin de leurs études. Étant donné que la situation de l’emploi est plus difficile qu’avant la récession de 2008, 42,3 % des jeunes adultes de 20 à 29 ans vivent toujours chez leurs parents, ce qui représente une augmentation substantielle par rapport à la situation qui prévalait il y a 30 ans.
La conciliation entre les soins aux enfants et les responsabilités professionnelles constitue une préoccupation fondamentale dans la vie des familles qui ont des enfants. Bien qu’il n’existe toujours pas de politique nationale sur les services d’éducation à la petite enfance et que seulement le quart des enfants de 0 à 12 ans au pays aient accès à une place en garderie réglementée, le Canada offre toutefois des prestations de maternité depuis déjà longtemps. Hors Québec, les mères ont accès à des congés de maternité d’une durée allant jusqu’à 17 semaines (15 semaines de congé payé précédés d’une période d’attente non payée de deux semaines), et les parents ont la possibilité de se répartir les congés parentaux jusqu’à concurrence de 35 semaines. Les prestations parentales et de maternité du gouvernement fédéral sont offertes aux parents qui sont admissibles à l’assurance-emploi. La somme versée correspond à 55 % des revenus hebdomadaires assurables (jusqu’à concurrence de 49 500 $ depuis janvier 2015). De plus, les familles à faibles revenus sont admissibles au Supplément familial à l’assurance-emploi.
Le soutien aux familles varie à travers le pays
Dans le cadre de sa politique familiale globale, le Québec verse aux mères admissibles des prestations de maternité équivalant à 70 % de leurs revenus assurables antérieurs, jusqu’à concurrence de 18 semaines selon le régime de base (ou 75 % de leurs revenus pendant 15 semaines selon le régime particulier). Les pères du Québec, quant à eux, peuvent recevoir des prestations de paternité pendant 5 semaines à hauteur de 70 % de leurs revenus assurables antérieurs en fonction du régime de base (ou pendant 3 semaines à 75 % de leurs revenus antérieurs). Depuis 1997, le Québec offre également un programme de garderies qui permet aux parents de bénéficier de services accrédités d’éducation à la petite enfance pour la somme de 7,30 $ par jour (ailleurs au Canada, le coût de tels services peut s’élever à plus de 50 $ par jour).
Toutes provinces confondues, 30,9 % des pères d’un nouveau-né ont bénéficié d’un congé parental au cours de l’année 2013, ce qui représente toute une hausse comparativement à 3 % en l’an 2000. Au Québec toutefois, depuis l’instauration du Régime québécois d’assurance parentale en 2006, trois fois plus de pères qu’auparavant réclament des prestations parentales (ou prévoient le faire), tel qu’en témoigne le taux de participation qui est passé de 27,8 % en 2005 à 83 % en 2013. Depuis 2004, les membres des familles au Canada qui doivent délaisser leur travail pour s’occuper d’un proche en phase terminale ont droit à des prestations de soignant, dont le taux est similaire aux prestations des congés parentaux et de maternité.
Les familles du Canada sont en constante mutation, notamment au gré des changements du marché du travail. Et cette adaptation n’est pas à sens unique : si les membres de la famille règlent leur participation au marché du travail en fonction de leurs besoins, les milieux de travail ajustent aussi leurs politiques et leurs mesures de soutien pour mieux suivre l’évolution des choses. En somme, la situation s’améliore même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour répondre aux besoins des travailleurs saisonniers, des petits salariés, des travailleurs contractuels, des employés en fin de carrière et des travailleurs peu spécialisés ou des régions éloignées, sans oublier ceux qui remplissent des tâches dangereuses ou qui sont appelés à travailler à toute heure du jour ou de la nuit. Finalement, tout porte à croire que les choses n’ont pas fini d’évoluer.
Cet article est un extrait mis à jour tiré d’un chapitre préparé par l’Institut Vanier de la famille pour Family Futures, un ouvrage de sensibilisation de premier ordre publié en collaboration avec la DPSD-DAESNU pour souligner le 20e anniversaire de l’Année internationale de la famille, en 2014. Ce livre a été lancé le 15 mai 2014 au Siège de l’Organisation des Nations Unies, à New York, c’est-à-dire à l’occasion de la Journée internationale des familles. Le rapport de l’Institut Vanier de la famille a été retenu pour souligner la participation du Canada dans le cadre des célébrations du 20e anniversaire de l’Année internationale de la famille. Il est possible de consulter la publication d’origine sur le site Web de l’éditeur.
Nora Spinks est directrice générale de l’Institut Vanier de la famille.
Nathan Battams est chercheur au sein de l’Institut Vanier de la famille.
Pour allier soins et flexibilité
Sara MacNaull
Que ce soit au domicile, au travail ou au sein de leur collectivité, les membres de la famille sont confrontés à de multiples responsabilités, obligations et engagements – souvent complexes. Or, les familles jouissent d’une grande créativité et d’une excellente capacité d’adaptation. Néanmoins, comme certaines études l’ont montré, les membres de la famille qui occupent un emploi souhaitent que leur employeur respecte leur vie personnelle et ont besoin de flexibilité pour assumer pleinement les multiples rôles qui leur incombent.
Au sein des familles canadiennes, les travailleurs sont de plus en plus nombreux à vouloir bénéficier de modalités de travail flexibles (MTF) pour être en mesure d’assurer les soins que nécessitent amis ou membres de la famille immédiate ou élargie. Les MTF permettent d’améliorer grandement la qualité de vie et la productivité des personnes qui, tout en occupant un emploi, assument parallèlement une charge d’aidant, que ce soit auprès d’un enfant, d’un aîné ou d’un parent malade, d’un frère, d’une sœur ou d’un conjoint atteint d’une incapacité, ou encore auprès d’un ami proche touché par une maladie chronique.
Le type de soins à prodiguer, leur nature et leur durée sont variables (voir le tableau) et sont fonction des circonstances particulières qui touchent le bénéficiaire. Même si certaines exigences de soins sont prévisibles et permettent plus de flexibilité dans la gestion du temps et des ressources, d’autres situations sont plus compliquées. Par exemple, lorsqu’un grand-parent ou un parent vieillissant a besoin de soins quotidiens ponctuels, l’aidant peut planifier certaines tâches en dehors de ses heures de travail (ex. : épicerie, travaux d’entretien, etc.). Par contre, lorsqu’il est question de soins palliatifs ou de fin de vie – qui sont par définition stressants et imprévisibles – les aidants familiaux sont alors confrontés à l’idée de perdre prochainement un être cher tout en ayant à composer avec les particularités du réseau de soins de santé.
Le vieillissement et les soins au Canada
Ce sont 13 millions de personnes qui ont dit avoir un jour agi comme aidant auprès d’un ami ou membre de la famille.
Parmi les aidants familiaux, 39 % ont pris soin d’un père ou d’une mère, 8 % d’un conjoint ou partenaire, et 5 % d’un enfant. Les autres (soit 48 %) disent s’être occupé d’amis ou d’autres membres de la famille.
D’après les prévisions, les aînés compteront pour environ le quart de la population canadienne d’ici 2036.
Source : Statistique Canada
De même, lorsque la maladie ou une blessure survient soudainement et sans avertissement (crise cardiaque, AVC, étirement d’un ligament, etc.), la famille et les proches doivent se mobiliser sur-le-champ pour assurer les soins et le soutien. Dans une telle situation, l’aidant qui est sur le marché du travail se trouve dans l’obligation d’examiner avec son employeur ou son superviseur les diverses MTF disponibles, et ce, pour une période déterminée ou non. Le degré d’ouverture du gestionnaire ou de l’employeur devant une telle requête aura éventuellement des incidences importantes sur la famille et la vie de famille.
Récemment, certaines décisions rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne ont permis de mettre en relief les besoins complexes qui caractérisent les soins familiaux et, par conséquent, toute la valeur qu’il faut accorder aux MTF. Ce tribunal a entendu plusieurs causes où les aidants n’avaient pas pu bénéficier de la flexibilité souhaitée, et où le refus de collaborer de la part des employeurs a été jugé discriminatoire sur la base de l’état familial. La Commission ontarienne des droits de la personne définit l’état familial comme le « fait de se trouver dans une relation parent-enfant », ce qui fait aussi référence à une variété d’autres relations familiales sans lien de sang ou d’adoption, mais fondées sur des rapports en matière de soins, de responsabilité et d’engagement.
En tenant compte du vieillissement de la population canadienne et de l’évolution des besoins en matière de soins, qu’ils soient structurés ou non, il faudra mettre sur pied diverses modalités de travail flexibles ou personnalisées ainsi que certaines mesures en milieu de travail faisant écho à l’état familial. On entend par soins structurés les divers services rémunérés fournis par un établissement ou un individu à l’intention d’un bénéficiaire de soins, alors que les soins non structurés désignent plutôt les soins non rémunérés assurés par la famille, les amis et les bénévoles. Dans bien des cas, les plans de traitement et de rétablissement prévoient des soins structurés et non structurés. Or, les aidants à qui il revient d’assurer ces soins non structurés doivent pouvoir compter sur une certaine flexibilité pour coordonner leurs responsabilités personnelles et familiales avec les services du réseau de soins de santé, d’autant plus que les soins à prodiguer sont changeants et que les besoins fluctuent au fil du temps.
Les travailleurs ont tendance à considérer que cette flexibilité voulue n’est accessible qu’aux gestionnaires, sinon aux cols blancs et aux professionnels. Dans un rapport publié récemment par le Families and Work Institute sous le titre Workflex and Manufacturing Guide: More Than a Dream, on a toutefois constaté que même les entreprises du secteur manufacturier (où les milieux de travail sont généralement perçus comme inflexibles) sont de plus en plus soucieuses des besoins de leurs employés relativement aux soins. Pour répondre à ces besoins, on adopte ici et là des MTF créatives et novatrices afin d’accroître la productivité et la satisfaction des employés.
Ainsi, un certain employeur du secteur manufacturier a offert de payer la moitié du salaire de la cinquième journée de travail hebdomadaire lorsque l’employé atteint ses objectifs de productivité, ce dernier ayant alors la possibilité de garnir sa banque de congés rémunérés en accumulant des demi-journées. Dans une autre entreprise, l’employeur a choisi de miser sur la formation polyvalente, en proposant à ses employés des formations à plusieurs postes du processus de production, élargissant ainsi la flexibilité et la polyvalence des travailleurs tout assurant le fonctionnement de l’ensemble de la chaîne pour mieux répondre aux besoins de l’entreprise.
Chez les travailleurs en situation précaire, les travailleurs saisonniers de même que les travailleurs autonomes, la flexibilité est en quelque sorte inhérente à la nature même de ce type d’emploi. Toutefois, lorsqu’une charge de soins se rajoute, ces derniers encaissent le coup plus durement, ce qui se traduit notamment par une baisse de revenus en raison des absences ou de la réduction de la charge de travail.
Au demeurant, la famille représente l’institution sociale sachant le mieux s’adapter, et cette aptitude est certainement liée à la nécessité de s’ajuster au contexte en perpétuelle évolution. Toute organisation, quelle qu’elle soit, est formée d’individus uniques enracinés chacun dans leur propre famille, où les réalités sont uniques. Cela étant, la flexibilité représente un atout essentiel pour favoriser la résilience des familles et consolider la main-d’œuvre, l’économie et la société dans son ensemble.
Sara MacNaull est responsable du réseautage, des projets et des activités spéciales au sein de l’Institut Vanier de la famille. Elle est en voie d’obtenir le titre de professionnelle agréée en conciliation travail-vie personnelle.