Aperçu des liens entre les changements technologiques et les inégalités au sein des familles et entre elles
Topic : incapacité
Document d’information : Les familles, l’incapacité et le bien-être au Canada
Aperçu du bien-être des familles touchées par l’incapacité au Canada
Portraits de chercheurs : Margaret Campbell sur les familles, l’incapacité et le bien‑être
Margaret Campbell parle de ses recherches sur le bien-être des familles touchées par l’incapacité au Canada.
Tendances en matière de migration et d’urbanisation en lien avec le bien-être des familles au Canada : Regard sur l’incapacité et les questions autochtones
Rapport réalisé en vue de la réunion d’un groupe d’experts sur les mégatendances et les familles
Incapacité, mobilité pour le travail et soutien de la « famille » (Families, Mobility, and Work)
Perspectives tirées d’une expérience vécue en matière d’incapacité, de mobilité et de soutien.
Ligne du temps interactive sur les familles au Canada
Il y a cinquante ans, il aurait été difficile d’imaginer la société et les familles d’aujourd’hui, et encore plus de les comprendre. Des données montrent que les familles et la vie de famille au Canada ont gagné en diversité et en complexité au fil des générations, et cet état de fait s’illustre particulièrement lorsque l’on s’intéresse aux grandes tendances à long terme.
Malgré l’évolution des familles, ces dernières ont toujours eu le même impact au fil des ans. De fait, compte tenu des divers rôles et fonctions qu’elles remplissent au bénéfice des individus ou des collectivités, les familles demeurent encore et toujours la pierre d’assise de notre société et le moteur de notre économie, et occupent une place centrale dans nos vies.
Notre Ligne du temps interactive sur les familles au Canada permet de mieux comprendre l’évolution des familles au Canada depuis un demi-siècle. Cette ressource en ligne publiée par l’Institut Vanier met en lumière certaines tendances touchant divers volets, comme la maternité et la paternité, les relations familiales, les modes de cohabitation, les enfants et les aînés, la conciliation travail-vie personnelle, la santé et le bien-être, les soins familiaux, etc.
Consultez la Ligne du temps interactive sur les familles au Canada*
Liste complète des sujets :
- Maternité
- Âge maternel
- Fécondité
- Participation au marché du travail
- Éducation
- Mères au foyer
- Paternité
- Relations familiales
- Emploi
- Soins et travail non rémunéré
- Travail-vie personnelle
- Démographie
- Espérance de vie
- Aînés et personnes âgées
- Enfants et jeunes
- Familles d’immigrants
- Familles et ménages
- Structure familiale
- Budget de la famille
- Taille des ménages
- Logement
- Santé et bien-être
- Bébés et naissances
- Santé
- Espérance de vie
- Mort et fin de vie
Toutes les références relativement aux statistiques illustrées dans la Ligne du temps interactive sur les familles au Canada sont accessibles ici.
* Nota : La ligne du temps n’est accessible qu’à partir d’un ordinateur de bureau. Elle ne fonctionne pas sur les téléphones intelligents.
Publié le 8 février 2018
Coup d’œil sur la diversité familiale au Canada (février 2018)
Téléchargez le document Coup d’œil sur la diversité familiale au Canada (février 2018).
Depuis plus de cinquante ans, l’Institut Vanier de la famille s’emploie à observer, à étudier et à analyser les tendances touchant les familles et la vie de famille au Canada. Dès la première heure, le constat a toujours été sans équivoque : la réalité des familles est à visages multiples, puisque leur diversité n’a d’égal que celle des gens qui les composent.
Et ce fut toujours le cas, peu importe que l’on s’intéresse aux familles du point de vue de leur structure, de leur identité familiale, de leur mode de cohabitation, de leur style de vie et de leurs réalités familiales, ou encore que l’on insiste sur les caractéristiques individuelles des membres de la famille, comme leurs antécédents ethnoculturels, leur statut d’immigrant, leur orientation sexuelle ou leurs aptitudes particulières.
En misant sur notre récente fiche infographique intitulée La diversité familiale au Canada (mise à jour au Recensement de 2016), notre nouvelle parution dans la série Coup d’œil sur les statistiques propose un portrait élargi et plus détaillé des familles modernes au Canada, et de certaines tendances qui contribuent à définir notre paysage familial dynamique et en constante évolution. À partir de notre analyse des données et des tendances actuelles, cet aperçu montre que la diversité demeure l’une des caractéristiques centrales de la vie familiale, qu’il s’agisse des familles d’hier et d’aujourd’hui ou de celles des générations à venir. Et cette réalité alimente le dynamisme de la société canadienne en pleine évolution.
Quelques faits saillants…
- Selon Statistique Canada, le Canada comptait 9,8 millions de familles de recensement en 2016.
- 66 % des familles au Canada comptent un couple marié, 18 % comptent un couple en union de fait, et 16 % sont des familles monoparentales, soit autant de structures familiales en perpétuelle évolution.
- Le Québec se démarque des autres provinces canadiennes en ce qui concerne la formation des couples et des relations, puisqu’on y retrouvait une plus forte proportion de couples en union de fait que dans le reste du Canada en 2016 (40 % contre 16 % respectivement) et moins de couples mariés (60 % contre 84 % respectivement).
- En 2016, le Canada comptait 1,7 million de personnes se réclamant d’identité autochtone, selon la répartition suivante : 58 % des Premières Nations, 35 % des Métis, 3,9 % des Inuits, 1,4 % d’une autre identité autochtone et 1,3 % d’identités autochtones multiples.
- En 2016, 22 % des Canadiens déclaraient être nés à l’étranger (comparativement à 16 % en 1961).
- En 2016, plus d’un cinquième des Canadiens (22 %) s’identifiaient à un groupe de minorité visible, dont les trois dixièmes étaient nés au Canada.
- Le Recensement de 2016 dénombre 73 000 familles formées d’un couple de même sexe; parmi celles-ci, 12 % ont des enfants à la maison.
- En 2016, le Canada comptait près de 404 000 ménages multigénérationnels, lesquels ont connu la plus forte croissance parmi tous les types de ménages depuis 2001 (+38 %).
- En 2011, 22 % des grands-parents inuits, 14 % des grands-parents des Premières Nations et 5 % des grands-parents métis vivaient sous le même toit que leurs petits-enfants, comparativement à 3,9 % chez les grands-parents non autochtones.
- En 2014, les personnes ayant au moins une incapacité représentaient le cinquième des Canadiens de 25 à 64 ans, et cette situation touchait davantage les femmes (23 %) que les hommes (18 %).
- En 2014, plus du quart des Canadiens interrogés (27 %) considéraient la religion comme étant « très importante » dans leur vie.
- Au Recensement de 2011 (plus récentes données disponibles), le quart des Canadiens interrogés n’avaient « pas d’appartenance religieuse » (contre 17 % en 2001).
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L’accès aux soins de santé pour les familles des militaires ayant un enfant touché par l’autisme
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Heidi Cramm, Ph. D.
Les familles des militaires au Canada composent avec une importante mobilité, qui les force à déménager de trois à quatre fois plus souvent que leurs homologues civils1. Cette mobilité tend à compliquer l’accès aux soins de santé pour ces familles, d’autant plus que la plupart d’entre elles vivent hors d’une base militaire (une situation touchant 85 % des familles, comparativement à seulement 20 % au milieu des années 90). Dans un tel contexte, ces familles doivent s’en remettre aux réseaux civils de soins de santé provinciaux ou territoriaux. Or, cette situation n’est certainement pas sans conséquences pour les quelque 8,2 % des familles de militaires qui vivent avec un enfant ayant des besoins particuliers, notamment ceux touchés par un trouble du spectre de l’autisme (TSA)2.
Qu’est-ce que l’autisme?
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental courant qui toucherait un enfant sur 68. Même si cette situation affecte principalement la communication sociale des personnes atteintes ainsi que leur capacité à partager leur réalité affective ou la joie ressentie, il existe tout un éventail de symptômes et de comportements associés :
- Environ 25 % des personnes ayant un TSA ne communiquent pas verbalement, et éprouvent de la difficulté (ou accusent un retard) relativement aux interactions non verbales pour manifester leur intérêt (en pointant du doigt, par des gestes, etc.).
- Les personnes avec un TSA ont souvent de la difficulté à saisir certaines subtilités de la langue ou de la communication, comme les métaphores, le sarcasme, les expressions familières et les blagues.
- Les sujets touchés par un TSA adoptent souvent des comportements répétitifs (balancements, battements des mains, mouvements des doigts, etc.).
- Les personnes ayant un TSA sont souvent très réfractaires au changement et ont des habitudes bien ancrées.
- La plupart des sujets atteints d’un TSA affichent certaines caractéristiques parmi un vaste éventail de déficits d’intégration sensorielle (sensibilité extrême au bruit, au toucher, aux odeurs, au goût, etc.), alors que d’autres présentent un seuil particulièrement élevé à la douleur.
- Certains enfants ayant un TSA sont exceptionnellement doués en musique, en arts visuels ou dans certains domaines scolaires.
- Par ailleurs, jusqu’à 90 % des enfants avec un TSA ont aussi reçu un diagnostic pour un problème médical ou encore un trouble psychologique ou comportemental connexe (TDAH, anxiété, trouble du sommeil, trouble de l’alimentation, crises épileptiques, handicap intellectuel, troubles gastro-intestinaux, etc.).
La rapidité d’intervention favorise les progrès des enfants ayant un TSA
Des études montrent que l’intervention précoce s’avère la démarche la plus efficace en lien avec un pronostic de TSA3, en favorisant éventuellement chez ces personnes diverses compétences liées à l’apprentissage, à la communication et aux interactions sociales. Le diagnostic d’autisme survient généralement au cours de la petite enfance, soit dès l’âge de 18 à 24 mois.
Dans plusieurs provinces, les familles sont cependant confrontées à de longues périodes d’attente pour obtenir un diagnostic ou bénéficier d’une intervention professionnelle, et ce, en raison du « goulot d’étranglement » dans l’accès aux centres de diagnostic appropriés, où le temps d’attente est parfois de deux ans ou plus.
On estime que de 21 % à 27 % des familles des militaires n’ont pas accès à un médecin de famille (contre 15 % pour l’ensemble de la population)4. Cette difficulté complique les choses pour certaines familles de militaires (comme celles ayant un enfant avec un TSA) puisque plusieurs services et traitements aux enfants ayant des besoins particuliers ne sont accessibles que par l’intermédiaire des médecins de famille. À chaque déménagement, les familles qui progressaient lentement dans une liste d’attente reviennent malgré eux au dernier rang d’une autre liste.
Mieux comprendre la réalité des familles des militaires ayant un enfant avec un TSA
Dans une étude qualitative récente, des chercheurs ont interrogé les familles des militaires vivant avec un enfant ayant un TSA, dans le but de mieux saisir la nature de leurs interactions avec le réseau de soins de santé en quête de services pour leurs enfants5.
Plusieurs de ces familles admettent avoir de la difficulté à faire reconnaître et valider l’état de leur enfant, et à obtenir un diagnostic médical à cet égard. Ces familles considèrent qu’il est généralement laborieux de faire évaluer leur enfant pour un TSA, et que les longs délais d’évaluation menant à un éventuel diagnostic entraînent souvent des retards importants dans les traitements subséquents.
L’un des parents interrogés raconte que les programmes disponibles dans la nouvelle collectivité de sa famille étaient réservés aux personnes déjà diagnostiquées comme autistes, si bien que son fils a dû attendre pour obtenir des soins. N’ayant pas pris conscience du fait qu’un diagnostic était nécessaire pour accéder aux soins dans ce nouveau milieu, cette famille s’y est installée sans diagnostic préalable, mais les parents ont ensuite compris que les programmes dans cette région ne seraient pas accessibles pour leur fils. Ce dernier a donc dû patienter plusieurs mois avant d’obtenir les soins dont il avait besoin.
Les difficultés d’accès aux soins ont aussi des répercussions sur les finances familiales. En effet, devant la perspective des listes d’attente et les possibles incidences à long terme sur le développement de leur enfant, plusieurs familles décident d’assumer directement les coûts des services d’évaluation en pratique privée. L’un des participants explique en ces termes la décision de sa famille de recourir à des services privés d’évaluation et de prise en charge plutôt que de patienter sur une liste d’attente déjà plus longue que la durée du séjour en affectation : « Comme la liste d’attente était trop longue pour obtenir une évaluation, nous avons choisi de payer pour des services en pratique privée. Une fois le diagnostic en main, un organisme communautaire nous a inscrits sur une autre liste d’attente pour des services thérapeutiques en analyse appliquée du comportement, mais l’attente était de deux ans. Nous n’aurions jamais eu le temps de nous hisser jusqu’en haut de cette liste-là, alors nous avons commencé à payer aussi en pratique privée. »
Devant la perspective des listes d’attente et les possibles incidences à long terme sur le développement de leur enfant, plusieurs familles décident d’assumer directement les coûts des services d’évaluation en pratique privée.
Au moment de repartir au terme de leur affectation, certaines familles en attente de soins n’avaient même pas encore atteint le haut de la liste d’attente. Plusieurs d’entre elles racontent avoir dû déménager et repartir à zéro, et ce, alors que les services attendus étaient enfin à portée de main, ou presque. Ainsi, l’un des participants dont l’enfant était sur la liste d’attente a été informé par l’équipe d’intervention qu’une place se libérait en septembre. Trop peu trop tard : la famille repartait déjà en juillet…
Par ailleurs, l’offre de services varie beaucoup d’une province à l’autre (ainsi que le financement et les critères d’admissibilité). Plusieurs familles ont été consternées de perdre l’accès à des services auxquels elles avaient droit auparavant, ceux-ci n’étant plus offerts dans leur nouveau milieu. « Nous nous sommes rendu compte que l’école (dans notre province actuelle) n’offrait pas les mêmes services que dans la province précédente. Il n’y avait tout simplement rien à faire », souligne l’un des participants à l’étude.
Du reste, ces variations régionales existent aussi dans les frontières d’une même province. Ainsi, un autre répondant a été contraint de retirer son enfant d’un programme d’éducation très bénéfique parce que sa famille devait se réinstaller, pour finalement se rendre compte qu’il n’existait aucun programme semblable dans sa nouvelle ville (toujours dans la même province). Plusieurs familles ont décrit des réalités similaires ailleurs, que ce soit après avoir déménagé d’une province à l’autre, ou encore d’une région à l’autre dans une même province.
Le démarchage perpétuel pour l’accès aux soins de santé : éprouvant pour le bien-être familial
Malgré la grande résilience des familles des militaires, les difficultés d’accès aux services de soins de santé pour un enfant ayant un TSA pèsent parfois lourd sur le bien-être des membres de la famille et de la famille en soi. Dans le cadre de cette étude, les participants ont été nombreux à exprimer leur frustration et leur désarroi devant la tâche herculéenne de démystification des rouages du système pour offrir à leurs enfants les services disponibles, quels qu’ils soient. L’un des répondants raconte d’ailleurs avoir littéralement « fondu en larmes » lorsque leur tour est enfin venu dans le processus des listes d’attente, pour finalement constater que les services fournis ne répondaient pas aux attentes.
Certains participants ont dû demander l’aide de la famille élargie pour s’occuper de leur enfant. Ainsi, l’une d’entre eux explique que ses parents ont pris leur retraite et déménagé dans la même collectivité que sa famille en affectation pour pouvoir les aider, « parce qu’ils savaient que nous avions besoin de plus de soutien, et d’un bon coup de main ». D’autres répondants regrettent que leur famille élargie soit trop éloignée pour pouvoir les épauler, et qu’il leur soit tout simplement « impossible d’être près de nous ». Quant aux Centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM), plusieurs répondants évoquent des expériences variables puisque les services offerts n’étaient pas les mêmes d’une base à l’autre.
Au surplus, les relations entre parents sont souvent mises à rude épreuve : alors qu’ils cherchent à obtenir du soutien pour les soins et à se constituer un réseau d’aide à l’échelle locale, ils doivent également composer avec les entraînements militaires, les déploiements et les affectations. À terme, ils se retrouvent parfois devant des choix déchirants lorsqu’on leur propose une nouvelle affectation (peut-être synonyme d’avancement professionnel), et doivent alors tenir compte des répercussions sur les soins de santé de leur enfant atteint d’un TSA.
Les relations entre parents sont souvent mises à rude épreuve, alors que ceux-ci cherchent à obtenir du soutien pour les soins et à se constituer un réseau d’aide à l’échelle locale, tout en composant avec les entraînements militaires, les déploiements et les affectations.
Comme l’évoquent quelques-uns des participants, ce sont parfois les membres de la famille au service des Forces armées canadiennes (FAC) qui sont forcés de prendre certains virages, comme changer de métier ou réclamer une affectation particulièrement adaptée aux besoins de l’enfant, malgré les incidences sur leur cheminement professionnel et, à terme, sur l’ensemble de la famille. L’un des répondants ainsi que sa famille ont même envisagé la possibilité de vivre séparément (restriction imposée) pour assurer à leur enfant les services nécessaires, en dépit des conséquences néfastes pour l’ensemble de la famille en cas de séparation prolongée.
Dans certaines familles de militaires, ce sont les conjoints civils qui doivent parfois limiter leur participation au marché du travail en raison des impératifs de soins à l’enfant. De tels « compromis » sont fréquents au sein des familles de militaires. En effet, selon une étude publiée en 2009 par le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM), plus de la moitié des conjoints des FAC interrogés (51 %) ont sacrifié certains aspects de leur vie professionnelle à cause du service militaire de leur partenaire. Or, limiter la participation au marché du travail risque aussi d’affecter le budget familial, et il s’agit là d’une considération importante à la perspective d’une facture de soins privés pour un enfant. Cette situation est d’autant plus problématique pour les familles dont les deux parents sont en service militaire (deux militaires au sein des FAC).
Les familles des militaires souhaitent du soutien pour interagir avec le réseau
Selon certains militaires, il existe diverses avenues à privilégier pour aider les autres familles de militaires ayant un enfant atteint d’un TSA. Plusieurs d’entre eux souhaiteraient pouvoir entrer en contact avec des familles de militaires déjà installées dans leur future collectivité pour les aider à mieux cerner l’accès aux services d’aide en lien avec les TSA. Alors que plusieurs considèrent qu’une telle collaboration pourrait intervenir par les voies officielles, d’autres pensent plutôt qu’il vaudrait mieux privilégier un processus parallèle.
Plusieurs souhaiteraient pouvoir entrer en contact avec des familles de militaires déjà installées dans leur future collectivité pour les aider à mieux cerner l’accès aux services d’aide en lien avec les TSA.
L’étude s’est aussi intéressée aux options envisageables pour actualiser et étoffer l’information transmise aux familles. Sur cette question, certains souhaiteraient avoir accès à une personne-ressource offrant une sorte de guichet unique pour faciliter les interactions avec les différents services offerts dans les écoles, au sein de la collectivité et dans les établissements de santé. Par contre, comme l’évoque l’un des participants, une approche aussi formelle risque de « filtrer l’information », privant ainsi les parents de renseignements utiles quant à la véritable efficacité d’un service ou d’un autre.
Cette étude qualitative a donc permis de soulever d’importants enjeux, mais plusieurs questions restent encore en suspens. Dans quelle mesure peut-on miser sur les réseaux officiels ou informels existants pour aider les familles en transit? Dans une perspective interprovinciale, comment atténuer les interruptions et les délais dans les soins que certaines familles de militaires ont évoqués? Le cas échéant, quelles sont les options envisageables pour compenser la charge financière des parents en l’absence de services publics, ou lorsque de tels services sont inaccessibles? Les écarts interrégionaux sont-ils les mêmes que les écarts interprovinciaux? Il faudra certainement approfondir la recherche sur ces enjeux et miser sur le concours et les perspectives des familles elles-mêmes en vue d’améliorer la situation des familles des militaires dans toute leur diversité.
Heidi Cramm, Ph. D., agit à titre de codirectrice scientifique intérimaire au sein de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans (ICRSMV). Elle est titulaire du prix de la recherche sur la santé des familles militaires Colonel Russell-Mann 2016.
Notes
- Heidi Cramm et autres, « Making Military Families in Canada a Research Priority » dans Journal of Military, Veteran and Family Health, vol. 1, no 2 (novembre 2015). Lien : http://bit.ly/2zx46G1
- Pour en apprendre davantage : Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada.
- Geraldine Dawson, « Early Behavioral Intervention, Brain Plasticity, and the Prevention of Autism Spectrum Disorder » dans Development and Psychopathology, vol. 20, no 3 (7 juillet 2008). Lien: https://bit.ly/2yt8GZI
- Nathan Battams, « Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada », dans Coup d’œil sur les statistiques (novembre 2016).
- La plupart des familles ayant participé à cette étude comptaient un couple marié, et le tiers d’entre elles comptaient deux parents dans les Forces armées canadiennes (FAC). La plupart des familles représentaient des militaires de la Force régulière (principalement dans l’Armée de terre).
Fiche infographique : la diversité familiale au Canada (mise à jour au Recensement de 2016)
Téléchargez la fiche infographique La diversité familiale au Canada (mise à jour au Recensement de 2016).
Depuis plus de cinquante ans, l’Institut Vanier de la famille s’intéresse à la vie familiale et aux familles elles-mêmes au Canada. Au terme de ce demi-siècle consacré à l’étude des familles d’un océan à l’autre, de même qu’aux échanges et aux interactions avec celles-ci, un constat s’impose : la diversité des familles au Canada n’a d’égal que celle des gens qui les composent.
D’ailleurs, il n’y a là rien de nouveau, que l’on s’intéresse aux structures familiales, aux identités familiales, aux modes de cohabitation de la famille, aux modes de vie des familles, à la réalité familiale, ou encore aux traits individuels des membres de la famille, notamment leur appartenance ethnoculturelle, leur statut d’immigrant, leur orientation sexuelle ou leurs compétences diverses.
Nos vies, nos milieux de travail et nos collectivités bénéficient de la participation précieuse et unique de nos parents, nos enfants, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents, nos oncles et nos tantes, nos frères et nos sœurs, nos cousins et nos amis ainsi que nos voisins. Selon le mot de l’ancien gouverneur général du Canada, Son Excellence le très honorable David Johnston, à l’occasion de la Conférence sur les familles au Canada 2015 : « Les familles, peu importe leur origine ou leur composition, apportent une couleur nouvelle et particulière à la tapisserie canadienne diversifiée. »
L’Institut Vanier a produit une fiche infographique sur la diversité familiale au Canada à partir des nouvelles données du Recensement de 2016.
Quelques faits saillants :
- 66 % des familles au Canada comptent un couple marié, 18 % comptent un couple en union de fait, et 16 % sont des familles monoparentales, soit autant de structures familiales en perpétuelle évolution.
- On compte 518 000 familles recomposées au pays, soit 12 % des couples avec enfants de moins de 25 ans.
- Le Canada compte quelque 404 000 ménages multigénérationnels1, et près de 33 000 enfants canadiens vivent au sein d’un ménage sans génération intermédiaire2.
- 1,7 million de personnes se réclament d’identité autochtone au Canada (Premières Nations : 58,4 %; Métis : 35,1 %; Inuits : 3,9 %; autres : 1,4 %; identités autochtones multiples : 1,3 %).
- Au Canada, 360 000 couples vivent en union mixte3, soit 4,6 % de tous les couples mariés ou en union de fait.
- Le Recensement de 2016 dénombre 73 000 familles formées d’un couple de même sexe. Parmi celles-ci, 12 % ont des enfants à la maison.
- Le Canada compte 54 000 familles de militaires (soit 40 000 au sein de la Force régulière et 14 000 dans la Force de réserve).
Téléchargez la fiche infographique La diversité familiale au Canada (mise à jour au Recensement de 2016).
Cette publication bilingue présente un caractère intemporel puisqu’elle sera régulièrement mise à jour en fonction des nouvelles données (versions antérieures disponibles sur demande). Souscrivez à notre infolettre mensuelle pour rester au fait des actualités et vous renseigner au sujet des publications, des projets et des initiatives de l’Institut Vanier.
Notes
- Comptant au moins trois générations.
- En cohabitation avec les grands-parents sans la présence d’une génération intermédiaire (c’est-à-dire en l’absence des parents).
- Selon Statistique Canada, les unions mixtes désignent « les couples au sein desquels un conjoint ou partenaire fait partie d’un groupe de minorités visibles, mais pas l’autre, ainsi que les couples où les deux conjoints ou partenaires appartiennent à des groupes de minorités visibles différents ». Lien : http://bit.ly/1rf5Qw6
En contexte : comprendre les soins de maternité au Canada
S’il est vrai, comme le veut le dicton, qu’« il faut tout un village pour élever un enfant », il faut certainement toute une collectivité pour faciliter sa naissance. Tout au long de la période périnatale, plusieurs personnes prodiguent des soins aux femmes enceintes et aux nouvelles mères. Les réseaux et les relations sur lesquels s’appuient ces intervenants jouent un rôle majeur pour assurer la santé et le bien-être des nouvelles mères et de leurs nourrissons.
La naissance représente un jalon important et exaltant, qui voit la famille s’élargir et la venue d’une nouvelle génération. Il s’agit également d’une période cruciale pour le développement de l’enfant, très vulnérable à ce stade, mais également susceptible de bénéficier grandement d’un milieu sain.
La grossesse, la naissance, l’accouchement et les soins postnataux évoluent sans cesse au fil des générations. Compte tenu des avancées médicales et de l’amélioration globale des soins de maternité, de l’alimentation et du niveau de vie en général tout au long du XXe siècle, on a constaté des progrès considérables en ce qui concerne le taux de mortalité maternelle (décès d’une femme à la suite de complications de la grossesse ou de l’accouchement), le taux de morbidité maternelle (complications pour la mère en lien avec l’accouchement) et le taux de mortalité infantile.
Mortalité Maternelle et infantile au Canada
En 1931, la mortalité maternelle représentait 508 décès pour chaque tranche de 100 000 naissances vivantes, mais on ne comptait plus que 7 décès par tranche de 100 000, en 2015.
De 1931 à 1935, le taux de mortalité infantile moyen atteignait 76 décès pour chaque tranche de 1 000 naissances vivantes, mais se limitait à 4,9 décès par tranche de 1 000, en 2013.
À partir du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, l’accouchement se passait généralement à la maison et les soins de maternité au Canada étaient dispensés au sein de la collectivité. En règle générale, il incombait aux familles et aux sages-femmes de prendre soin des femmes enceintes et des nouvelles mères. Toutefois, avec l’instauration des régimes d’assurance-maladie au XXe siècle, les hôpitaux et les services médicaux ont graduellement pris le relais pour encadrer les naissances et les soins de maternité, principalement sous la supervision de professionnels de la santé comme les médecins et les obstétriciens. On a parfois parlé de « médicalisation de la naissance » pour évoquer cette tendance.
Par conséquent, au début des années 80, la vaste majorité des femmes accouchaient désormais dans les hôpitaux régionaux, sous la supervision d’un médecin de famille ou d’un obstétricien, avec l’aide d’infirmières en obstétrique. Du même coup, les conjoints et les autres membres de la famille se retrouvaient en marge du processus de l’accouchement, souvent confinés à des salles d’attente. Après la naissance, les mères aussi étaient séparées de leurs bébés gardés en pouponnière, ce qui s’avérait parfois traumatisant tant pour la mère que pour son nourrisson.
Puis les centres hospitaliers ont progressivement instauré des politiques de cohabitation pour la mère et son bébé en vue de faciliter l’allaitement et de favoriser les liens d’attachement mère-enfant, au bénéfice de la santé et du bien-être de chacun. Dans le cadre de cette cohabitation, les infirmières ont commencé à transmettre de l’information aux nouvelles mères relativement à leur rétablissement, en leur donnant notamment divers conseils sur l’allaitement et les soins postnataux. Au fil de ces changements subséquents dans les pratiques de soins postnataux, on a réussi à raccourcir considérablement la durée d’hospitalisation des femmes suivant l’accouchement, qui est passée de cinq journées d’hospitalisation en moyenne en 1984-1985 dans le cas d’un accouchement vaginal, à une ou deux journées actuellement.
De nos jours, les conjoints sont beaucoup plus impliqués qu’autrefois dans l’accouchement et le processus périnatal. La plupart assistent à l’accouchement et assument ensuite un rôle accru dès les premières heures de vie de leur enfant de même qu’au cours des années suivantes. Il n’est pas rare d’entendre les couples modernes parler de l’accouchement comme d’une expérience conjointe, et cette tendance se reflète d’ailleurs dans les propos de plusieurs (« Nous attendons un enfant… », etc.).
Qu’est-ce que les soins de maternité?
Les soins périnataux ou de maternité (on emploiera ici soins de maternité) sont des termes génériques pour désigner le continuum de soins auprès de la mère et de son bébé, et ce, avant, pendant et après la naissance. On parle plus précisément des soins prénataux ou anténataux (c.-à-d. les soins durant la grossesse), des soins pernataux (soit durant le travail et l’accouchement) ainsi que des soins postnataux ou post-partum (c.-à-d. les soins à la mère et au nouveau-né après la naissance). Puisque la mère et l’enfant vivent tous deux d’importants changements au cours de la période périnatale, les soins de maternité supposent un large éventail de mesures de suivi et de soins de santé.
Les soins prénataux ou anténataux (on emploiera ici les soins prénataux) visent à surveiller et à favoriser la santé et le bien-être de la mère et de son fœtus en développement avant la naissance. Diverses techniques de surveillance et de diagnostic sont mises à contribution pour assurer la santé fœtale, notamment au moyen d’échographies et de prélèvements sanguins. Pendant cette période, la santé de la mère est aussi suivie de près par les professionnels de la santé. Les femmes enceintes reçoivent de l’information sur la grossesse, le développement du fœtus, le confort physique, les différents tests, la planification en vue de l’accouchement, ainsi que sur la préparation au rôle de parent.
La plupart des femmes (87 %) disent avoir reçu le soutien de leur partenaire, de leur famille ou de leurs amis durant la période prénatale.
Selon l’Enquête canadienne sur l’expérience de la maternité de 2009, la plupart des femmes (87 %) disent avoir reçu le soutien de leur partenaire, de leur famille ou de leurs amis durant la période prénatale. Au cours de cette période, ce soutien ainsi que les soins des praticiens de la santé s’avèrent particulièrement importants puisque plusieurs femmes (57 %) affirment que la plupart des journées sont stressantes. Durant la grossesse, le stress chez la mère peut affecter le bien-être du bébé, et parfois causer une naissance prématurée ou un faible poids à la naissance.
Selon la vaste majorité des femmes enceintes interrogées (95 %), les soins prénataux débutent généralement au cours du premier trimestre de grossesse. Parmi certains groupes toutefois, ces soins commencent parfois plus tard qu’au premier trimestre, notamment pour la tranche des 15 à 19 ans, pour les femmes moins scolarisées ou pour celles vivant au sein d’un ménage à faible revenu. À cet égard, l’une des principales raisons évoquées pour expliquer les soins tardifs en cours de grossesse concernait les difficultés d’accès à un médecin ou à professionnel de la santé.
Les soins pernataux ou intrapartum (on emploiera ici les soins pernataux) désignent les soins et l’assistance auprès des mères durant le travail et l’accouchement, notamment pour que la naissance se déroule dans un cadre sécuritaire et hygiénique, et pour surveiller la santé de la mère et de l’enfant tout au long du processus. La plupart du temps, ces soins sont prodigués en milieu hospitalier, où les mères bénéficient des services de divers professionnels de la santé, notamment des obstétriciens et des gynécologues (principaux fournisseurs de soins de santé durant l’accouchement, selon 70 % des mères interrogées), des médecins de famille (15 %), des infirmières ou des infirmières praticiennes (5 %) ou encore des sages-femmes (4 %).
L’importance du soutien affectif n’est pas négligeable durant cette période, qu’il provienne d’un conjoint ou partenaire, d’un ami, d’un membre de la famille, d’une sage-femme ou d’une accompagnante à la naissance (ou d’une combinaison de ces intervenants). Les études ont montré que les femmes qui bénéficient d’un soutien social constant seraient plus susceptibles d’accoucher rapidement (quelques heures de moins) et par voie vaginale, de considérer l’accouchement et la naissance comme un épisode heureux, et d’avoir moins recours à divers analgésiques.
Les études ont montré que les femmes qui bénéficient d’un soutien social constant seraient plus susceptibles d’accoucher rapidement et par voie vaginale, et de considérer l’accouchement et la naissance comme un épisode heureux.
Les soins postnataux ou post-partum (on emploiera ici les soins postnataux) visent à soutenir la mère et le nouveau-né après la naissance, ce qui suppose le suivi de leur état de santé ainsi que diverses évaluations de routine en vue de cibler tout écart par rapport à la courbe normale de rétablissement après l’accouchement, pour pouvoir intervenir au besoin.
La période postnatale couvre les six premières semaines de vie de l’enfant, soit une « phase critique » au cours de laquelle les professionnels de la santé fournissent divers soins et procèdent à plusieurs examens importants pour assurer le bien-être de la mère et de l’enfant, comme le confirme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Dans ses lignes directrices de 2013 concernant les soins postnataux, l’OMS cible les pratiques exemplaires à privilégier, entre autres en ce qui concerne les soins postnataux auprès des mères et des bébés durant les 24 premières heures (peu importe où l’accouchement a eu lieu), l’importance de garder la mère et l’enfant au moins 24 heures dans un établissement de santé sans précipiter le congé, et la nécessité de prévoir au moins quatre suivis postnataux durant les six semaines suivant l’accouchement.
D’après l’Enquête canadienne sur l’expérience de la maternité, plus des sept dixièmes des femmes (73 %) considéraient que leur santé était « excellente » ou « très bonne » après un délai de cinq à quatorze mois suivant l’accouchement. Cependant, plus des quatre dixièmes des Canadiennes (43 %) affirmaient avoir connu au moins « un gros problème » de santé post-partum au cours des trois premiers mois suivant l’accouchement, notamment des douleurs aux seins (16 % des femmes), des douleurs dans la région vaginale ou de l’incision de la césarienne (15 %), ou encore des maux de dos (12 %).
Le soutien postnatal peut aussi s’avérer important pour contrer la dépression post-partum, qui toucherait 10 à 15 % des mères dans les pays développés. Des études ont révélé que la dépression post-partum dépend de certains facteurs déterminants, notamment le stress vécu par la mère durant la grossesse, l’accessibilité à des mesures de soutien social, ainsi que les antécédents personnels de dépression. Selon les données de recherche, le soutien affectif du partenaire et des autres membres de la famille tout au long de la période périnatale contribuerait à réduire les risques de dépression post-partum et de troubles émotionnels chez la mère tout comme chez le nouveau-né.
Du reste, les services offerts en soins postnataux varient d’une région ou d’une collectivité à l’autre au Canada, qu’il s’agisse de soutien informationnel, de visites à domicile par une infirmière en santé publique ou un éducateur non-spécialiste de la santé, ou encore du soutien téléphonique d’une sage-femme ou d’une infirmière en santé publique.
Depuis quelques décennies, le secteur privé offre une panoplie grandissante de services postnataux, notamment des services intensifs d’accompagnantes post-partum pour s’occuper des nouveau-nés, de l’aide à l’allaitement naturel ou au biberon, ou encore des services de garde d’enfants, de préparation des repas ou d’aide aux tâches ménagères, etc. Toutefois, ces services privés ont un coût et, par conséquent, ne sont pas accessibles à toutes les familles.
D’où proviennent les soins de maternité?
Outre les soins et le soutien des proches et des amis, la réalité moderne des soins de maternité dépend aussi de nombreux professionnels de la santé qui contribuent chacun à leur façon au continuum de soins, notamment les médecins de famille, les obstétriciens ou gynécologues, les infirmières, les infirmières praticiennes, les sages-femmes de même que les accompagnantes à la naissance.
D’abord, les médecins de famille fournissent des soins à la plupart des nouvelles mères tout au long de la période périnatale. Ils sont susceptibles d’intervenir à tous les stades des soins de maternité ou des soins aux nourrissons, mais tous n’offrent pas nécessairement la gamme complète des soins. Par rapport aux décennies antérieures, on constate cependant un recul du nombre de médecins prodiguant des soins de maternité au Canada. En effet, la proportion des médecins de famille qui procèdent à des accouchements a fléchi au pays de 1997 à 2010, passant de 20 % à 10,5 %. De nos jours, une proportion croissante des tâches et des responsabilités de soins reviennent à d’autres professionnels de la santé, comme les obstétriciens ou les sages-femmes.
La plupart des médecins de famille qui participent aux soins de maternité ou aux nourrissons le font dans une approche de « soins partagés », c’est-à-dire que leur suivi ne dépasse pas un certain stade de la grossesse (souvent entre 24 et 32 semaines), après quoi les soins sont confiés à un autre fournisseur comme un obstétricien, une sage-femme ou un autre médecin de famille accoucheur. De fait, certains médecins de famille participent à l’accouchement, mais leur nombre varie considérablement d’une province à l’autre ou en fonction de la disponibilité d’autres fournisseurs de soins de santé.
Au Canada, les obstétriciens et gynécologues assument une part grandissante des soins pernataux, mais ce n’est pas le cas de tous ces spécialistes, et les proportions à cet égard varient d’une province à l’autre. Puisqu’ils possèdent une expertise et des connaissances spécialisées au sujet de la grossesse, de l’accouchement, de la santé sexuelle féminine et des soins génésiques (y compris une formation en chirurgie pour effectuer notamment des césariennes), plusieurs agissent également comme experts-conseils auprès des autres médecins, ou encore supervisent les grossesses à haut risque.
Les infirmières et infirmiers représentent le groupe le plus important en nombre parmi les fournisseurs de soins de maternité au Canada. Appelés à jouer un rôle actif tout au long de la période périnatale, ces intervenants prodiguent un éventail de soins, ce qui se traduit notamment par de l’éducation au sujet de l’accouchement, ainsi que par des services prénataux à domicile auprès des femmes ayant une grossesse à haut risque, de l’assistance durant l’accouchement, et parfois aussi des soins de suivi auprès des nouvelles mères. Après la naissance, les infirmières et infirmiers sont souvent appelés à transmettre de l’information aux nouvelles mères tout en les préparant en vue de leur congé, y compris en ce qui concerne l’allaitement, les soins du bain, les symptômes de la jaunisse, la sécurité pendant le sommeil, la santé mentale post-partum, l’alimentation, etc.
Quant aux infirmières praticiennes, ce sont des infirmières agréées assumant une gamme élargie de responsabilités en soins de santé. Dans bien des cas, elles fournissent des soins de première ligne en suivi de grossesse à faible risque, et interviennent à plusieurs niveaux (examens physiques, tests de dépistage ou de diagnostic, soins postnataux, etc.). Lorsqu’elles sont appelées à assumer ou à faciliter des soins de maternité, les infirmières praticiennes travaillent souvent au sein d’équipes multidisciplinaires en collaboration avec d’autres professionnels de la santé, dont les médecins et les sages-femmes. En milieu hospitalier, on les retrouve également en salle d’obstétrique et d’accouchement, dans les unités de soins post-partum, dans les unités néonatales de soins intensifs ainsi que dans les services de consultation externes. Compte tenu de leur expertise et de leur formation élargie, les infirmières praticiennes jouent un rôle important dans les collectivités rurales ou éloignées, où elles fournissent dans bien des cas la gamme complète des services de soins de santé.
Compte tenu de leur expertise élargie et de leur formation, les infirmières praticiennes jouent un rôle important dans les collectivités rurales ou éloignées, où elles fournissent dans bien des cas l’éventail complet des services de soins de santé.
Les sages-femmes, quant à elles, prodiguent des soins de santé primaires auprès des femmes enceintes et des nouvelles mères, et ce, durant toute la période périnatale. Assumant un rôle de plus en plus important dans le paysage moderne des soins de maternité au Canada, les sages-femmes procurent toute une gamme de services, comme demander des tests de dépistage et en assurer le suivi, accompagner les femmes qui accouchent à domicile ou dans les centres de naissances, superviser l’admission des mères qui doivent accoucher à l’hôpital, ou encore épauler les nouvelles mères pour faciliter l’allaitement, leurs premiers pas comme parents ou leur rétablissement post-partum. Selon les cas, les sages-femmes travaillent en consultation ou en collaboration avec d’autres professionnels de la santé.
Leur rôle a largement évolué au cours des dernières décennies, si bien qu’un nombre grandissant de sages-femmes sont désormais mises à contribution dans divers milieux, que ce soit à domicile, dans les collectivités, dans les hôpitaux, dans les centres médicaux ou dans les unités de soins. La formation et la spécialisation des sages-femmes sont de plus en plus encadrées, puisque ces dernières sont désormais reconnues et intégrées dans les réseaux de soins de santé de la plupart des provinces et territoires au pays (mais pas tous).
Parallèlement, les accompagnantes à la naissance (doulas) fournissent du soutien non clinique et non médical auprès des nouvelles mères et de leur famille, de concert avec les praticiens de la santé comme les médecins, les sages-femmes et les infirmières. Le rôle des accompagnantes à la naissance n’est pas réglementé, et vise surtout à offrir un soutien affectif et informationnel. Celles-ci ne prodiguent pas de soins directs et ne prennent pas en charge les accouchements.
Il existe différents types d’accompagnantes à la naissance, selon les stades de la grossesse. D’abord, les accompagnantes antepartum offrent du soutien affectif, physique et informationnel au cours de la période prénatale, qu’il s’agisse de renseigner les futures mères et leur famille au sujet des groupes de soutien existants ou des techniques pour favoriser le confort physique, ou encore de les aider dans certaines tâches comme les courses ou la préparation des repas. Ensuite, les accompagnantes à la naissance se chargent d’épauler les nouvelles mères et leur partenaire durant le travail et l’accouchement, en leur fournissant notamment du soutien affectif et informationnel tout en favorisant leur confort sur le plan physique. Enfin, les accompagnantes post-partum soutiennent les nouvelles mères après la naissance du bébé, en leur fournissant de l’information au sujet de l’allaitement et des moyens d’apaiser le nourrisson, tout en se chargeant parfois de quelques tâches ménagères et de la garde des enfants.
Finalement, les spécialistes en périnatologie s’occupent des soins liés aux grossesses à haut risque (ex. : maladie chronique de santé maternelle, naissances multiples, diagnostics génétiques). Ces intervenants ont une formation d’obstétricien ou de gynécologue, doublée d’une spécialisation axée sur les grossesses à risque. Au besoin, les obstétriciens et gynécologues dirigent donc leurs patients vers ces spécialistes en périnatalogie, et travaillent de concert avec eux pour assurer le suivi de la santé maternelle.
Une réalité particulière : l’accouchement en régions rurales ou éloignées au Canada
Les soins de maternité posent des défis uniques en régions rurales ou éloignées (y compris dans les régions nordiques du Canada), et ce, parce que les installations médicales et les équipements spécialisés sont parfois éloignés sur le plan géographique, parce que les fournisseurs de soins ne bénéficient pas d’autant de soutien de leurs pairs, et parce qu’il y a moins de médecins disponibles sur appel pour réaliser des césariennes et des anesthésies (et aussi moins d’installations et de services que dans les centres urbains à cet effet).
En milieu rural, les soins de maternité sont généralement pris en charge par des équipes formées de médecins de famille, d’infirmières et de sages-femmes. Dans certaines collectivités, il s’agit d’ailleurs des seuls professionnels de la santé offrant des soins de maternité. De fait, les médecins de famille en milieu rural sont beaucoup plus susceptibles de devoir assurer des soins obstétricaux que leurs homologues des centres urbains. Depuis quelques décennies cependant, plusieurs collectivités rurales sont confrontées à la fermeture des maternités et à une baisse du nombre de médecins de famille offrant des soins de maternité.
Compte tenu du nombre limité de services et de fournisseurs de soins de maternité dans les régions rurales et éloignées, plusieurs femmes enceintes doivent donc se tourner vers les centres urbains pour accoucher. Selon un rapport publié en 2013 par l’Institut canadien d’information sur la santé, plus des deux tiers (67 %) des femmes des milieux ruraux au Canada disent avoir accouché dans un hôpital urbain, et 17 % d’entre elles ont dû faire plus de deux heures de route pour donner naissance à leur enfant. La proportion est encore plus élevée dans les régions nordiques, alors que les deux tiers des mères interrogées au Nunavut et la moitié de celles interrogées aux Territoires du Nord-Ouest disent avoir accouché hors de leur collectivité.
Les deux tiers des mères interrogées au Nunavut et la moitié de celles interrogées aux Territoires du Nord-Ouest disent avoir accouché hors de leur collectivité.
Or, cette réalité affecte le bien-être de plusieurs femmes autochtones des régions nordiques, dont plusieurs doivent même prendre l’avion pour se rendre dans un centre hospitalier afin d’y recevoir des soins de maternité secondaires ou tertiaires loin de leur foyer, de leur territoire, de leur collectivité et de leur environnement linguistique. (Voir l’encadré Les sages-femmes autochtones au Canada.) La plupart des mères interrogées admettent qu’avoir dû s’éloigner de leur foyer pour accoucher s’était avéré stressant et avait eu des répercussions sur leur famille. En avril 2016, le gouvernement fédéral a annoncé des compensations financières pour que les mères autochtones puissent être accompagnées d’un proche lorsque l’accouchement doit se produire loin de la collectivité.
Dans les régions nordiques, le nombre d’hôpitaux communautaires offrant des soins obstétricaux a chuté depuis les années 80. Toutefois, plusieurs centres de naissances ont ouvert leurs portes pour combler le déficit, comme à Puvirnituq (Nunavik), à Rankin Inlet (Nunavut) et à Inukjuak (Québec). Ces installations permettent aux femmes ayant une grossesse à faible risque d’accoucher dans leur propre collectivité. Toutefois, les mères nécessitant une césarienne ou présentant des risques de complications doivent quand même se déplacer pour donner naissance à leur enfant.
Une réalité particulière : les femmes enceintes et les nouvelles mères arrivées depuis peu au Canada
Le Canada accueille plusieurs familles d’immigrants, qui représentent une proportion grandissante de la population. En 1961, 16 % des habitants du Canada disaient être nés à l’étranger, et cette proportion atteignait 21 % en 2011.
L’immigration influence la maternité, notamment en ce qui a trait au moment choisi pour avoir un enfant. Les études montrent que les naissances sont généralement peu nombreuses chez les immigrants au cours des deux années avant leur arrivée, mais la fécondité « rebondit » ensuite la plupart du temps. Selon les chercheurs Goldstein et Goldstein, « les choix des arrivants en matière de fécondité répondent plus souvent aux tendances du pays d’accueil qu’aux préférences qui prévalaient dans leur pays d’origine avant leur départ » [traduction].
Des études ont exploré un certain nombre de raisons pour lesquelles la fécondité peut être affectée par l’expérience de l’immigration, notamment la séparation temporaire du conjoint pendant le processus de migration, le choix volontaire de repousser une grossesse jusqu’à l’admissibilité aux diverses mesures de soutien (ex. : allocations pour enfants), ainsi que les perturbations financières pendant la migration et au début de l’installation (jusqu’à ce que les parents trouvent un emploi rémunéré).
Par ailleurs, les immigrants récents sont beaucoup plus susceptibles que les Canadiens nés au pays de se retrouver dans un ménage multigénérationnel (abritant au moins trois générations). En 2011, 21 % des immigrants de 45 ans ou plus (arrivés au Canada entre 2006 et 2011) déclaraient vivre une telle cohabitation, contre seulement 3 % des Canadiens nés au pays. Par conséquent, les femmes enceintes et les nouvelles mères vivant au sein d’un ménage multigénérationnel bénéficient éventuellement de la présence de proches capables d’offrir des soins et du soutien.
En ce qui concerne l’accès aux soins de maternité, les études ont montré que, même si plusieurs immigrantes ont généralement accès aux soins de maternité dont elles ont besoin, leur taux de satisfaction à cet égard semble varier considérablement selon les régions du pays. En effet, plusieurs affirment avoir rencontré des obstacles liés à l’accès ou à l’utilisation des services de soins de maternité, notamment parce qu’elles n’avaient pas été suffisamment informées des services (parfois à cause de la barrière linguistique), parce qu’elles ne disposaient pas de soutien suffisant pour accéder aux services (c.-à-d. naviguer à l’intérieur du système de soins de santé), ou à cause d’une disparité entre les attentes des femmes immigrantes et celles des fournisseurs de services. Dans certaines régions, les femmes immigrantes bénéficient d’un précieux soutien affectif, informationnel et logistique de la part des accompagnantes à la naissance (doulas) durant la période périnatale.
Selon les parents immigrants, le soutien social (famille, amis et membres de la collectivité) représente un facteur crucial pour favoriser l’accès aux soins de maternité. En effet, ce cercle de soutien peut jouer un rôle important pour jeter des ponts entre les nouvelles ou futures mères provenant de l’extérieur du Canada et le réseau de soins de maternité. Parfois, ces personnes peuvent intervenir auprès des fournisseurs de services et de soins de santé pour s’assurer que les mères bénéficient de soins de maternité « conformes à leur culture et respectueux de leur réalité culturelle » [traduction].
Les soins de maternité : en appui aux familles en pleine croissance au Canada
La grossesse et l’accouchement sont des moments charnières de la vie, non seulement pour les nouvelles mères, mais aussi pour leur famille, leurs amis et leur collectivité. La réalité familiale a beaucoup changé depuis quelques générations en ce qui a trait à la grossesse, à l’accouchement et à la période postnatale, mais certaines constantes demeurent : la valeur et l’importance des soins de qualité, la diversité des expériences vécues dans les différentes régions du Canada, sans compter la joie et l’excitation qui caractérisent ce jalon mémorable et significatif de l’existence.
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Le contenu de cet article a été révisé par Marilyn Trenholme Counsell, OC, MA, MD, médecin de famille à la retraite, ancienne lieutenante-gouverneure (Nouveau-Brunswick), ex-ministre de la Famille (N.-B.) et sénatrice (N.-B.).
Vous trouverez toutes les références et les sources d’information dans la version PDF de cet article.
Publié le 11 mai 2017
Coup d’œil sur la santé mentale en milieu de travail au Canada
Nous sommes tous confrontés à la maladie mentale à un moment ou à un autre de notre vie, que ce soit personnellement ou par l’entremise d’un membre de la famille, d’un ami, d’un voisin ou d’un collègue. Les problèmes de santé mentale peuvent avoir des répercussions importantes sur le plan individuel, mais ils risquent aussi, par un biais préjudiciable, de « s’infiltrer » en milieu de travail, dans les collectivités, au sein de l’économie et dans l’ensemble de la société, si bien que personne n’en sort indemne. Dans un tel contexte, il importe d’aborder le soutien en santé mentale dans une perspective multidimensionnelle qui soit suffisamment élargie pour répondre à la diversité des problèmes auxquels ces mesures sont destinées.
Les préjugés constituent toujours un obstacle aux soins pour les personnes touchées par la maladie mentale, parmi lesquelles plusieurs bénéficient de soins et du soutien des membres de leur famille.
Dans ce fascicule de la série Coup d’œil sur les statistiques, l’Institut Vanier de la famille s’intéresse à la santé mentale, aux familles et au travail, soit trois volets fondamentaux de l’existence qui entretiennent des interactions et des interrelations complexes ayant des incidences sur le bien-être.
Quelques données :
- Les quatre dixièmes des Canadiens ont au moins un membre de leur famille ayant un problème de santé mentale.
- Chaque semaine, au moins 500 000 travailleurs canadiens sont inaptes au travail en raison de problèmes de santé mentale.
- Les troubles mentaux concernent environ 30 % de toutes les réclamations pour invalidité et représentent 70 % des coûts en réclamations pour invalidité.
- Les préjugés persistent toujours puisqu’un cinquième des employés canadiens interrogés pensent qu’il dépend « entièrement de la volonté de chacun » de donner prise ou non à la maladie mentale.
- Parmi les répondants, les quatre dixièmes des travailleurs canadiens affirment qu’ils n’en parleraient pas à leur gestionnaire s’ils souffraient d’un trouble de santé mentale.
- Plus de 70 % des Canadiens dont la vie a été affectée par les problèmes de santé mentale d’un membre de la famille disent lui avoir fourni des soins, et 68 % d’entre eux affirment n’avoir été aucunement embarrassés par les difficultés de leurs proches à cet égard.
Téléchargez le document Coup d’œil sur la santé mentale en milieu de travail au Canada publié par l’Institut Vanier de la famille.
Fiche de politiques publiques – Flexibilité : de privilège à droit
Sara MacNaull
Tant à leur domicile qu’au travail et au sein de leur collectivité, les membres de la famille qui occupent un emploi sont confrontés à une multiplicité de tâches et doivent s’assurer de gérer efficacement ces responsabilités diverses. S’ils font preuve d’une grande capacité d’adaptation en assumant les multiples rôles qui leur incombent, ils ont besoin que leur lieu de travail respecte leur vie personnelle et accueille favorablement leurs demandes de flexibilité et d’autonomie.
La souplesse du lieu de travail demeure un sujet de grand intérêt pour les individus, les familles, les employeurs et les décideurs. Il existe plusieurs angles pour aborder la création de milieux de travail flexibles, notamment la modification, l’adaptation et l’arrangement, qui auront un impact sur le moment et l’endroit où sera réalisé le travail, ainsi que sur la manière dont il sera effectué.
La flexibilité en milieu de travail : profitable pour tous
Les familles ne sont pas les seules à bénéficier de la flexibilité en milieu de travail lorsque les membres de la famille peinent à gérer efficacement leurs rôles multiples. Les employeurs adoptent la flexibilité en milieu de travail comme une stratégie clé pour attirer et retenir les talents les plus prometteurs dans un marché de l’emploi de plus en plus compétitif. Toute la société bénéficie alors d’une main-d’œuvre plus stable et d’une économie propulsée par des entreprises qui fonctionnent à plein rendement.
Dans la lettre de mandat que le premier ministre du Canada a adressée à la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, la flexibilité en milieu de travail a récemment été mentionnée parmi les priorités. Plus précisément, on y demande à la ministre de :
Travailler avec le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social afin de respecter [l’]engagement [du gouvernement] à accorder des congés plus généreux et souples aux aidants naturels ainsi qu’à assouplir les congés parentaux.
… et
Modifier le Code canadien du travail afin de permettre aux travailleurs de demander formellement à leur employeur des conditions de travail souples, et tenir des consultations auprès des provinces et des territoires relativement à la mise en œuvre de changements du même ordre dans les secteurs soumis à une réglementation provinciale.
Les modifications que l’on propose d’apporter au Code du travail indiquent que l’on accorderait aux employés le droit légal de demander formellement à leur employeur de leur consentir des modalités de travail flexibles.
À l’heure actuelle, il n’existe au Canada aucun mécanisme légal formel permettant aux employés de demander de la flexibilité et les superviseurs ou gestionnaires ne sont pas tenus par la loi de considérer de telles requêtes : toute intervention est à la discrétion de l’employeur. Le droit de demander une quelconque flexibilité est considéré par certains comme un privilège d’employé et dépend de l’ouverture personnelle du superviseur ou du gestionnaire. La réponse aux requêtes repose donc sur la culture de l’entreprise. Une législation en matière de droit de demander de la flexibilité changerait cet état de fait en formalisant et en normalisant ce processus tout en exigeant des employeurs qu’ils justifient tout refus d’accueillir la requête, le cas échéant.
L’Institut Vanier a récemment étudié la flexibilité en milieu de travail dans le cadre d’une analyse comparative qui comprenait un sondage réalisé auprès d’employeurs et de professionnels des ressources humaines. Ce sondage a relevé que la flexibilité offerte par les employeurs n’était plus considérée comme une option, et constituait une stratégie incontournable pour attirer et retenir les meilleurs talents dans le contexte compétitif du marché du travail actuel. Plusieurs des participants au sondage ont par ailleurs affirmé que la flexibilité était déjà un droit établi au sein de leur entreprise et non plus un privilège d’employé.
La flexibilité, un droit déjà acquis ailleurs
Certains pays comme l’Australie et le Royaume-Uni, ainsi que certaines autorités des États-Unis, ont instauré le droit de demander de la flexibilité dans leur législation et leur réglementation respectives en matière d’emploi ou de travail. Toutefois, les exigences d’admissibilité varient et, selon la compétence concernée, il est possible que la flexibilité ne soit pas accessible à tous les employés.
En Australie, le droit de demander des modalités de travail flexible (MTF) a été établi dans le cadre de la Fair Work Act 2009 (la loi pour un travail juste) et accorde aux employés qui remplissent les exigences d’admissibilité, le droit légal de demander des formules de travail flexibles. Pour être admissibles, les employés doivent :
- être parents ou avoir la responsabilité de prendre soin d’un enfant qui est d’âge scolaire ou moins;
- avoir des responsabilités d’aidant naturel (telles que décrites par la Carer Recognition Act 2010 – la loi pour la reconnaissance de l’état d’aidant naturel);
- présenter une invalidité;
- être âgés de 55 ans et plus;
- être victimes de violence familiale ou prendre soin d’une personne qui est victime de violence familiale;
- avoir travaillé pour l’employeur pendant au moins une année (bien que les employés occasionnels à long terme puissent aussi être admissibles).
Au Royaume-Uni, le droit de demander de la flexibilité a été étendu à tous les employés en 2014. Auparavant, ce droit n’était offert qu’aux parents et aux aidants naturels, comme c’était le cas des critères d’admissibilité en vigueur auprès de certaines compétences en Australie.
Aux États-Unis, les exigences d’admissibilité varient selon la législation en vigueur au sein d’une autorité particulière. Par exemple, les employés de l’État du Vermont se sont vu accorder le droit de demander de la flexibilité en 2014, l’année même où les employés de la Ville de San Francisco ainsi que tous les employés du gouvernement fédéral des États-Unis ont obtenu ce même droit.
Le droit de demander : différent du droit à la flexibilité
En Australie comme au Royaume-Uni, l’employeur doit fournir, par écrit, ses raisons précises pour refuser une demande de flexibilité. Ce refus doit être attribuable à des motifs commerciaux raisonnables, comme des coûts supplémentaires pour l’employeur, des pertes importantes en matière de productivité, de qualité ou de rendement, une incapacité à répondre aux demandes de la clientèle ou l’impossibilité de répartir le travail parmi les autres membres du personnel.
Alors que les détails de la législation canadienne en instance en matière de droit de demander de la flexibilité au travail n’ont pas encore été rendus publics au moment de la diffusion de cet article, certaines pratiques permettant le travail flexible offriraient un meilleur soutien aux familles qui peinent à gérer leurs multiples responsabilités, obligations et engagements. Pour les familles, cela signifie qu’il est possible d’améliorer l’équilibre travail-vie personnelle en offrant aux employés du temps et de l’énergie pour prendre soin de leurs proches et d’eux-mêmes, tout en demeurant productifs et engagés.
Le réaménagement des horaires de travail (RHT) est une modalité temporaire, qui n’est pas la norme dans une entreprise (ex. : la journée de travail normale est de 9 h à 17 h), et est déterminé de façon unique et personnalisée selon les besoins à court terme de l’employé. Cette modalité a un impact sur le temps que l’employé passe au bureau. Le retour progressif suivant un congé de maternité ou parental pendant une durée prédéterminée et l’ajustement de l’heure d’arrivée et de départ pendant la période de rétablissement à la suite d’une maladie ou d’une blessure sont deux exemples de RHT.
Les modalités de travail flexible (MTF) accordent plus de souplesse et d’autonomie aux employés en ce qui a trait au moment et au lieu où le travail doit être fait, ainsi qu’à la manière à privilégier. Les MTF aident les employés à gérer leurs rôles multiples au bureau comme dans leur vie privée. Pour certains employés, il peut être intimidant de demander au superviseur de leur accorder un peu de flexibilité, car cela peut être perçu comme un privilège d’employé, alors que pour plusieurs familles, il s’agit plutôt d’une nécessité pour leur permettre de gérer les besoins quotidiens de la famille. Le travail à distance, la semaine de travail comprimée, le partage du travail et les horaires flexibles sont tous des exemples de MTF.
Les modalités de travail personnalisées (MTP) sont des conditions de travail individualisées et sur mesure qui déterminent précisément où, quand et comment sera effectué le travail. À la différence du RHT et des MTF, les MTP sont fluides, s’étendent sur de longues périodes de temps ou peuvent être modifiées en fonction de la situation. Les employés sont évalués sur la base de ce qu’ils réalisent et sur leur productivité grâce à une approche axée sur les résultats, plutôt qu’une approche axée sur l’heure d’arrivée et de départ qui tient compte du temps où l’employé a été physiquement présent sur le lieu de travail. La personnalisation de masse des carrières (Mass Career CustomizationMC) et l’augmentation ou la diminution de la charge de travail en fonction de la situation de l’employé sont des exemples de modalités de travail personnalisées.
Sara MacNaull travaille comme directrice des programmes au sein de l’Institut Vanier de la famille. Elle est en voie d’obtenir le titre d’intervenante agréée dans le domaine de la conciliation travail-vie personnelle.
La maternité aujourd’hui : La réalité particulière des femmes handicapées physiquement
Lesley A. Tarasoff
Il n’existe que très peu d’études sur la grossesse, l’accouchement, la naissance et la maternité chez les femmes handicapées physiquement*, ou même chez les femmes handicapées sans distinction. Si les femmes en général subissent diverses pressions socioaffectives les incitant à avoir des enfants, des études ont fait ressortir toutefois que, pour les femmes handicapées, la situation se présente bien différemment puisqu’on aurait surtout tendance à leur faire sentir qu’il vaut mieux ne pas avoir d’enfants. De fait, dès que tombe le diagnostic d’un handicap, il n’est pas rare que les femmes et jeunes filles soient pour ainsi dire « préparées à ne pas être mères ». Malgré ces pressions, la réalité est telle que de nombreuses femmes handicapées physiquement connaissent aussi la maternité. À vrai dire, même s’il est difficile d’établir précisément la proportion de mères parmi les femmes handicapées physiquement ou à mobilité réduite au Canada, des données colligées aux États-Unis donnent à penser que le rapport est à peu près le même que chez les femmes non handicapées.
Dans le cadre d’un projet de recherche à longue échéance dans la région du Grand Toronto, on a interviewé plusieurs femmes d’horizons divers ayant un handicap physique ou une mobilité réduite, et ce, afin de mieux connaître leur expérience périnatale, c’est-à-dire la période qui couvre la grossesse, l’accouchement, la naissance et le début de la maternité. En se fondant sur les constatations préliminaires de ce projet ainsi que sur différentes données issues d’autres études, le présent article pose un regard sur la réalité unique des femmes handicapées physiquement durant la période périnatale.
Les femmes en général subissent diverses pressions socioaffectives les incitant à avoir des enfants. Toutefois, selon certaines études, on a tendance à faire sentir aux femmes handicapées qu’il vaudrait mieux ne pas en avoir.
Il est vrai que de nombreuses idées fausses circulent généralement quant aux femmes handicapées physiquement, notamment que celles-ci ne peuvent pas ou ne devraient pas devenir mères. En fait, ces femmes sont souvent la cible de « micro-agressions » sur la question de la reproduction et de l’incapacité. Le concept de micro-agression a d’abord servi à définir certains comportements envers les groupes raciaux ou ethniques minoritaires « sous forme d’offenses brèves et stéréotypées, volontaires ou non, qui se manifestent par des paroles en apparence anodines, des comportements particuliers ou d’autres éléments circonstanciels, et dont le ton hostile, désobligeant ou négatif est perçu comme un affront ou une insulte par le destinataire (individuel ou collectif) ».
Parmi les micro-agressions liées à l’incapacité ou discriminatoires pour les personnes handicapées figurent notamment l’exclusion, les connotations de rejet, les insinuations dénotant que la personne représente un fardeau, les présomptions, la pitié ou l’étonnement (par exemple, constater qu’une personne handicapée est elle aussi capable d’accomplissements).
À ces croyances et préjugés discriminatoires fondés sur la capacité physique s’ajoutent souvent ce que l’on pourrait qualifier de « micro-agressions liées à la reproduction » à l’endroit des femmes handicapées qui sont enceintes ou déjà mères. Il peut s’agir de manifestations directes (comme indisposer une femme en lui demandant si elle compte avoir un bébé) ou encore indirectes (comme remercier le ciel qu’elle ait eu un « enfant en santé »). Plusieurs de ces micro-agressions liées à la reproduction reposent en réalité sur la question du privilège génésique, c’est-à-dire le cadre traditionnel ou l’idéal en fonction duquel les femmes peuvent ou doivent devenir mères (sous-entendu : les femmes non handicapées hétérosexuelles de race blanche au sein de la classe moyenne). À cela s’ajoute la croyance voulant que la maternité représente pour la femme la forme de réalisation identitaire la plus accomplie.
L’une des participantes au projet de recherche, qui se prénomme Jane, a accepté de partager son expérience périnatale. Atteinte d’un traumatisme médullaire, elle est mariée, mère de deux enfants et occupe un emploi. Elle considère que son expérience périnatale s’est révélée plutôt positive, surtout grâce à sa grande capacité d’affirmation et à l’équipe extraordinaire de professionnels des soins de santé qui s’est occupée d’elle. Néanmoins, elle avoue avoir vécu certains épisodes négatifs sur le plan social, comme en connaissent souvent les femmes handicapées physiquement en période périnatale. Parfois, il s’agit de comportements ouvertement discriminatoires ou offensants, comme lorsqu’un inconnu lui a lancé en la croisant dans la rue qu’« on ne devrait pas lui donner le droit d’avoir un enfant ». D’autres fois, les micro-agressions sont moins explicites. Ainsi, à l’instar de plusieurs femmes handicapées physiquement, Jane a constaté que plusieurs personnes n’avaient jamais envisagé qu’elle puisse un jour devenir enceinte, ou encore n’osaient pas parler de sa grossesse aussi ouvertement qu’elles l’auraient fait pour une autre femme. En public (comme dans les salles d’attente), Jane raconte que les gens ont souvent semblé un peu surpris (ou étonnés) vis-à-vis de sa grossesse ou de son statut de mère. Elle évoque aussi d’autres micro-agressions sous la forme de comportements différenciateurs, comme lorsqu’on lui a demandé à l’épicerie si elle avait eu sa fille « naturellement ». Elle souligne d’ailleurs l’improbabilité qu’une telle question soit posée à une mère non handicapée.
Les recherches tendent à démontrer que la proportion de mères parmi les femmes handicapées physiquement ou à mobilité réduite est à peu près la même que chez les femmes non handicapées.
Les micro-agressions qui interviennent au carrefour de la reproduction et de l’incapacité se manifestent aussi par le déni de l’identité ou de la personnalité, notamment lorsqu’on demande à la mère : « Est-ce que c’est votre bébé? ». Elles transparaissent aussi dans une sorte de désexualisation de la femme handicapée, comme dans les remarques du genre : « Je n’arrive pas à croire que tu aies eu un bébé! » Jane a parfois essuyé de tels commentaires, et elle avoue que plusieurs des personnes rencontrées tenaient tout simplement pour acquis qu’elle avait eu recours à l’adoption. Du reste, la condescendance figure aussi au nombre de ces micro-agressions, comme quand on entend dire combien il est « inspirant » de voir une femme handicapée qui décide d’avoir un enfant. Enfin, il faut aussi composer avec les insinuations infantilisantes ou réductrices envers ces mères, à qui l’on pose des questions comme : « Avez-vous besoin d’aide avec votre bébé? »
Même si on a tendance à penser que les femmes atteintes d’une lésion de la moelle épinière ne peuvent accoucher que par césarienne, les recherches ont démontré que l’accouchement vaginal n’était pas impossible. « Tout le monde pense encore que j’ai eu une césarienne », affirme Jane, ce qui prouve la persistance de cette idée reçue.
En effet, de plus en plus d’études indiquent que les femmes handicapées physiquement sont souvent aussi fertiles que les autres, et qu’elles peuvent effectivement devenir enceintes et donner naissance par accouchement vaginal. D’autres recherches – moins nombreuses – portent plus particulièrement sur la grossesse des femmes handicapées physiquement. Certaines de ces études supposent que ces futures mères vivent parfois plus durement les symptômes habituels de la grossesse, et que celle-ci peut « modifier temporairement ou définitivement » l’évolution de l’incapacité.
Or, les incidences périnatales associées à l’incapacité physique des femmes varient selon la nature et la gravité de leur handicap. « Je voudrais bien prétendre que ma grossesse s’est déroulée le plus normalement du monde, admet Jane, mais je dois reconnaître que ma situation supposait probablement plus de risques de complications à certains égards ». Elle se souvient, par exemple, d’avoir connu une réduction de sa mobilité au fil de sa grossesse, même si les professionnels de la santé n’avaient pas tendance à en tenir compte à juste titre. De fait, certaines études révèlent que les professionnels de la santé n’en savent généralement pas beaucoup sur les liens entre l’incapacité et la grossesse. Comme le raconte Jane, les infirmières qui s’occupaient d’elle n’étaient pas très au courant des options possibles pour lui poser un cathéter.
Comme Jane, plusieurs des femmes handicapées physiquement ayant participé à l’étude affirment avoir ressenti de la frustration devant le manque d’information périnatale disponible, et s’être souvent senties isolées parce qu’elles pouvaient difficilement partager cette réalité avec d’autres femmes. « J’ai trouvé très frustrant de voir qu’il existait si peu d’études. Lorsque j’avais une question, personne ne pouvait me fournir de réponse, explique-t-elle. On me répondait toujours à peu près la même chose : on ne sait pas vraiment, on n’est pas certains. » Outre le manque d’information disponible, plusieurs femmes handicapées physiquement déplorent les lacunes en matière d’accessibilité dans plusieurs établissements de soins. Ainsi, Jane cite certains exemples, comme des toilettes ou des douches inaccessibles ou trop étroites pour son fauteuil roulant.
Que l’on soit handicapé ou non, tout le monde a besoin d’aide à un moment ou un autre, et rares sont les gens qui élèvent un enfant en parfaite autonomie.
L’étude de l’expérience périnatale des femmes handicapées physiquement soulève diverses questions, notamment sur l’individu lui-même, sur le sens de la « normalité », sur la signification de l’accessibilité ou encore sur la définition de l’autonomie. Comme tous les autres, les parents handicapés sont des gens créatifs et qui savent s’adapter. C’est pourquoi certains de ces parents s’en remettent à des formes d’aide et de soutien non traditionnelles pour réussir à assumer leur rôle efficacement, puisque les ressources et les mesures de soutien structurées ne sont pas toujours existantes ou accessibles. Au final, que l’on soit handicapé ou non, tout le monde a besoin d’aide à un moment ou un autre, et rares sont les gens qui élèvent un enfant en parfaite autonomie.
Par ailleurs, certaines mères handicapées physiquement soulignent que la parentalité leur a permis de mettre l’accent sur d’autres aspects de leur vie plutôt que sur leur incapacité, notamment sur les liens filiaux qui se manifestent, ainsi que sur la créativité et l’imagination dont savent faire preuve les enfants. C’est ce qui fait dire à Jane que « devenir maman est sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée, parce que mon handicap a cessé d’être le centre d’attention, tant de mon point de vue que pour les autres. Mes parents se soucient désormais beaucoup moins de ma propre santé : ils demandent surtout comment vont les enfants… »
Jane souligne entre autres que ses limites physiques l’ont menée à privilégier d’autres activités avec son fils pour resserrer les liens et s’amuser avec lui :
« [Mon fils] sait très bien que c’est moi qui m’occupe des activités artistiques à la maison. Je me charge du volet créatif… Alors il voit bien que nous avons [mon mari et moi] des rôles distincts… J’adore les activités qui font appel à l’imagination, et je crois que c’est important pour son développement et son apprentissage. Ma confiance de parent s’améliore grandement quand je vois que j’ai cette capacité ou cette aptitude de faire ces choses-là avec lui. D’ailleurs, les éducatrices à la garderie nous ont dit qu’il avait une imagination très fertile… »
D’autres mères parmi les participantes évoquent aussi des relations similaires avec leur enfant, et expliquent de la même façon que la maternité leur a donné une plus grande confiance en elles.
Enfin, plusieurs des mères s’inquiètent des interactions de leurs enfants avec les camarades de classe lorsque ces derniers apprendront que leur mère est handicapée. « Les enfants sont parfois durs… Je ne voudrais pas qu’on se moque de lui à cause de moi. » L’une des mères participantes est atteinte d’une affection congénitale qui limite sa mobilité, lui cause de l’arthrite et des douleurs chroniques, en plus d’affecter sa vue et son ouïe. Elle souligne pourtant que son incapacité lui permet de mieux éduquer son jeune garçon : « Je ne veux pas qu’il se moque de qui que ce soit, alors j’essaie de lui faire comprendre que tout le monde est différent. »
La réalité que vivent les femmes handicapées physiquement durant la période périnatale, notamment leur parcours parental, est une source d’enseignement pour toutes les familles et leurs enfants. Cette initiative de recherche à long terme contribuera à élaborer de nouvelles ressources pour les femmes handicapées physiquement et les professionnels des soins de santé, en plus de mettre en relief certaines des expériences positives qui surviennent durant la période périnatale. Ainsi, ce processus qui vise à consolider les mesures de soutien consistera en bonne partie à recueillir les témoignages de femmes comme Jane, et à documenter la réalité qu’elles dépeignent.
Lesley A. Tarasoff est candidate au doctorat en santé publique à l’Université de Toronto. Ses recherches portent sur la santé génésique et sexuelle. Elle s’intéresse particulièrement aux femmes handicapées physiquement et aux femmes ayant une identité sexuelle minoritaire. Pour plus de renseignements à propos de sa recherche, visitez le site www.latarasoff.com.
Lectures recommandées :
Lesley A. Tarasoff, « “We Don’t Know. We’ve Never Had Anybody Like You Before”: Barriers to Perinatal Care for Women with Physical Disabilities » dans Disability and Health Journal, vol. 10, n° 3 (juillet 2017). Lien : http://bit.ly/2fmk65C.
Lori E. Ross et autres, « Pregnant Plurisexual Women’s Sexual and Relationship Histories Across the Life Span: A Qualitative Study » dans Journal of Bisexuality (11 août 2017). Lien : http://bit.ly/2wfhZaN.
Lesley A. Tarasoff, « Experiences of Women with Physical Disabilities during the Perinatal Period: A Review of the Literature and Recommendations to Improve Care » dans Health Care for Women International, vol. 36, n° 1 (juillet 2013). Lien : http://bit.ly/2hqbiQE.
Mise à jour : Un rapport communautaire basé sur cette recherche sur l’expérience des femmes handicapées physiquement a été publié en septembre 2017. L’article « Becoming Mothers: Experiences of Mothers with Physical Disabilities in Ontario » est maintenant disponible au téléchargement sur le site Web de Lesley.
RESSOURCES
Judith Rogers, The Disabled Woman’s Guide to Pregnancy and Birth, New York, Demos Medical Publishing, 2006.
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Alette Coble-Temple, Ayoka Bell et Kayoko Yokoyama, The Experience of Microaggressions on Women with Disabilities: From Research to Practice and Reproductive Microaggressions and Women with Physical Limitations, présentations au congrès annuel de l’American Psychological Association (août 2014).
Derald Wing Sue, Jennifer Bucceri, Annie I. Lin, Kevin L. Nadal et Gina C. Torino, « Racial Microaggressions and the Asian American Experience » dans Cultural Diversity and Ethnic Minority Psychology, vol. 13, n° 1 (2007).
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Caroline Signore, Catherine Y. Spong, Danuta Krotoski, Nancy L. Shinowara et Sean Blackwell, « Pregnancy in Women with Physical Disabilities » dans Obstetrics & Gynecology, vol. 117, n° 4 (2011).
Suzanne C. Smeltzer et Nancy C. Sharts-Hopko, A Provider’s Guide for the Care of Women with Physical Disabilities and Chronic Health Conditions (2005).
Publié le 3 décembre 2015
Mis à jour le 25 septembre 2017
La force de la diversité : l’impact positif des enfants ayant une incapacité
Michelle R. Lodewyks
Dans bien des cas, les études qui portent sur la réalité des familles où vivent des enfants atteints d’une incapacité s’intéressent essentiellement aux incidences négatives d’une telle situation pour l’entourage familial. Ces familles sont souvent perçues comme des « victimes », et l’on croit volontiers qu’elles croulent littéralement sous la charge de soins, la détresse émotionnelle, les exigences physiques, le fardeau financier et les difficultés interpersonnelles. Quant aux enfants eux-mêmes, on a tendance à les dépeindre avant tout comme une source de stress et d’anxiété. Devant un tel tableau un peu tragique, on a presque l’impression que les familles ayant des enfants handicapés vivent dans une « tristesse perpétuelle », et c’est précisément cette approche qui alimente l’idée généralisée selon laquelle l’incapacité est un péril qu’il vaudrait mieux éviter, voire éradiquer. Or, ce type d’interprétation influence considérablement la perception actuelle des gens – et leur réaction – à l’égard des personnes ayant une incapacité, y compris chez les professionnels dans leurs interactions avec les jeunes handicapés. Du reste, cette perception teinte effectivement toute l’approche qu’adopte la société à l’égard de ces enfants, et ce, dès leur naissance. Par conséquent, le public n’a pas pleinement conscience, en règle générale, des nombreuses retombées positives et de la contribution significative que les enfants atteints d’une incapacité procurent à leur famille, à leur collectivité et à l’ensemble de la société.
Afin de mieux comprendre les effets positifs pour ces familles, on a réalisé diverses entrevues dans le cadre d’une étude qualitative ayant pour but de juxtaposer divers faits vécus aux données de recherche existantes. Les parents et les enfants interrogés ont cité plusieurs effets positifs qu’ont ces enfants sur leur famille, ainsi que divers aspects favorables de leur contribution à la vie de famille. Ainsi, on ne sera pas surpris de constater qu’il n’existe souvent aucune différence entre un enfant handicapé et un autre enfant en ce qui a trait aux effets positifs et à la contribution de l’enfant pour sa famille. Néanmoins, puisque les enfants handicapés sont souvent catégorisés à part des autres et que leur influence positive sur la famille reste souvent en plan dans l’idée des gens, il s’avère essentiel de souligner de telles similitudes. Par contre, certaines conclusions de cette étude s’avèrent particulièrement révélatrices, notamment en ce qui a trait aux effets positifs uniques que l’on peut associer aux enfants ayant une incapacité, et au fait que leur apport à la famille et à la vie de famille s’avère tout aussi unique.
Élever un enfant ayant une incapacité favorise le développement individuel
Les parents qui ont participé à cette étude soulignent que leur parcours parental auprès d’un enfant handicapé leur a permis de mieux reconnaître et apprécier la valeur, le potentiel et les forces des personnes ayant une incapacité. Plusieurs d’entre eux expliquent d’ailleurs comment leur expérience les a amenés vers une meilleure acceptation des différences, à accroître leur capacité d’évaluer la valeur intrinsèque et immanente des personnes, et à « apprécier de manière plus rationnelle la nature des gens ».
L’une des participantes affirme que son expérience lui a permis de réévaluer l’aide qu’elle peut procurer aux personnes avec qui elle travaille, et dit avoir compris qu’il vaut mieux inciter les gens à progresser sur le plan personnel que de leur imposer des limites ou leur dire ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. Les frères et sœurs d’enfants handicapés ont remarqué que leurs relations fraternelles particulières leur ont permis d’avoir un nouveau regard sur les personnes atteintes d’un handicap. En effet, le fait d’être exposé au handicap au sein même de leur milieu familial les rendrait plus à l’aise au contact d’autres enfants handicapés, voire plus portés à s’intéresser aux personnes handicapées en général. Par ailleurs, plusieurs de ces enfants ont déjoué les pronostics, c’est-à-dire que leur développement n’a pas nécessairement suivi la courbe qu’on avait prévue au départ : dans bien des cas, les prédictions les plus sombres de certains médecins n’avaient à peu près rien à voir avec la réalité. Voici les propos de l’un des participants : « Avant moi, je ne sais pas quelle était l’opinion de mes parents au sujet des personnes handicapées. Je crois que tout ça leur a permis de comprendre qu’il ne faut pas y attacher trop d’importance… Ces personnes peuvent être aussi productives que les autres, avoir des buts et faire preuve d’une grande détermination, même si ce n’est pas toujours facile. »
Tous les parents de l’étude considèrent qu’élever un enfant handicapé leur a permis d’acquérir ou d’améliorer certains traits de caractère positifs. Les membres de la famille admettent avoir changé à certains égards, notamment quant à la capacité de s’ouvrir aux autres et de se montrer plus aimants, chaleureux, empathiques, créatifs, équilibrés, doux, calmes, expressifs, responsables, autonomes et altruistes.
L’élévation de leur propre niveau de tolérance et d’acceptation figure souvent parmi les acquis les plus souvent évoqués par les parents d’un enfant handicapé. En effet, les membres de la famille apprennent nécessairement à mieux accepter la diversité et les comportements d’autrui, ce qui cultive chez eux un plus profond respect envers les autres familles ayant un enfant atteint d’une incapacité, de même qu’une plus grande compassion envers les gens en général.
En outre, plusieurs parents affirment que leurs enfants ont fait d’eux de « meilleurs individus », de « meilleurs parents », ou que les autres membres de la famille sont devenus de « meilleures personnes » grâce à eux. Certains de ces bienfaits ont même des échos en milieu de travail. Ainsi, l’un des participants pense être devenu une « meilleure personne au travail » à force de mieux comprendre le trouble de l’autisme dont son fils est atteint. Il affirme qu’un tel bagage a modifié sa propre manière d’être avec les gens, notamment avec ses collègues qu’il peut aider lorsqu’il s’agit de mieux comprendre et interpréter le comportement de l’un des employés, lui aussi autistique.
Fierté, joie et rapprochements pour les parents
Tous les parents ayant pris part à cette étude témoignent des émotions positives vécues grâce à leurs enfants. Le sentiment de fierté semble d’ailleurs commun à la plupart d’entre eux. À ce propos, l’un des parents avoue que cette fierté ne tient sans doute pas « aux mêmes accomplissements que chez les autres enfants du même âge [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][que son fils] », ce qui ne l’empêche pas d’avoir de nombreuses raisons d’être fière. Les parents rapportent que la créativité de leur enfant ou les connaissances qu’il a acquises sont une véritable source de fierté ou d’admiration, tout comme son aptitude à distinguer le bien du mal, ses stratégies pour surmonter la peur, sa détermination à parvenir à ses fins, et sa capacité de défendre ses propres intérêts. Pour leur part, les dix enfants interrogés disent avoir constaté qu’ils suscitent eux-mêmes des émotions positives chez leurs proches, et plus de la moitié d’entre eux sont conscients d’être une source de fierté pour leur famille.
L’une des mères insiste aussi pour dire que sa fille lui a appris à apprécier les petites choses de la vie beaucoup plus que la moyenne des gens, si bien qu’elle « célèbre désormais de petits riens qu’il ne viendrait même pas aux autres l’idée de célébrer ». Aux yeux d’une autre mère, la fierté éprouvée pour sa fille se résume ainsi : « Je suis très fière d’elle parce qu’elle refuse de laisser ses incapacités prendre le contrôle de sa vie. Elle est atteinte de plusieurs incapacités, mais ce n’est pas ça qui va la ralentir… Elle pourrait se dire : “Ah! je n’y arrive pas”, et baisser les bras… Mais elle est toujours prête à repousser ses limites et à faire de son mieux. »
Plusieurs parents prétendent par ailleurs que leur enfant leur a permis de rencontrer des gens, de se lier d’amitié et d’établir de nouvelles relations. Certes, on peut dire de manière générale que tous les enfants contribuent plus ou moins à élargir le réseau social de leur famille, mais pour certains des répondants, leur contexte familial particulier est principalement en cause. L’un des couples évoque les liens particulièrement précieux créés avec d’autres familles par l’entremise du réseau de soutien pour les parents en situation similaire. Ces relations leur ont donné la chance d’aider d’autres parents qui leur demandaient conseil.
L’un des parents souligne que l’« éclatement » de la famille guette peut-être ceux et celles qui élèvent un enfant atteint d’une incapacité, mais beaucoup de parents considèrent que leur enfant a plutôt contribué à consolider leur mariage, à faire d’eux de meilleurs parents ou à renforcer les liens familiaux. Deux des parents affirment même que la communication s’est améliorée au sein du couple grâce à leur enfant. Le père se souvient des difficultés que sa conjointe et lui-même vivaient à l’époque où ils ont reçu le diagnostic de leur fils, et du rôle que chacun a dû jouer pour aider l’autre à « passer au travers ». Selon lui, ce cheminement leur a appris à « parler plus ouvertement de sentiments et d’autres choses », au bénéfice de la communication au sein du couple.
Certains parents insistent pour dire que la présence de leur enfant a apporté un vent de fraîcheur ou une nouvelle perspective au sein de la famille. L’un des pères dit d’ailleurs qu’il y a quelque chose de précieux dans la façon toute particulière de voir les choses chez son fils, et il ajoute que c’est l’un des aspects qu’il apprécie le plus chez lui : « Sa vision des choses est si différente de tout le monde. Il ne pense pas comme nous… J’adore l’entendre exprimer sa façon de penser. Il ajoute une tout autre dimension à notre foyer, et je n’imagine même pas comment ce serait sans cette dimension-là. C’est… c’est véritablement le cœur de ce que nous sommes. Il est fantastique! »
En faisant référence à ses talents innés pour l’écriture et pour la composition musicale, l’un des enfants se dit convaincu que son trouble autistique lui aura permis de réussir en musique grâce à sa grande capacité de concentration. Il conclut ainsi : « Je pense que la musique a des effets positifs pour moi, et que c’est aussi une source d’inspiration pour tout le monde qui en écoute. »
On a demandé à une autre enfant de définir la nature de sa propre influence au sein de sa famille : « J’imagine que l’ambiance familiale serait un peu moins animée sans moi. En tout cas, il y aurait moins souvent de conversations intéressantes au souper. » Elle évoque aussi « toute la question du yin et du yang », en présumant que sa présence fait probablement contrepoids à la douceur des gens de sa famille.
Les familles apprennent de leur expérience unique et cherchent à partager leurs acquis
Avant de conclure chacun des entretiens, on a demandé aux participants ce qu’ils souhaiteraient que les gens comprennent mieux à leur sujet, ainsi qu’à propos de leur famille et de leur réalité. Les parents ont répondu que leur expérience n’est pas « toujours rose », qu’ils ont été confrontés à des « défis », à des « problèmes », à des « obstacles » et à des « moments difficiles », mais qu’ils ne tiennent pas leur enfant responsable des aspects négatifs de leur parcours. L’un des parents admet d’ailleurs que les difficultés rencontrées pour s’adapter à l’incapacité de son enfant avaient moins à voir avec ce dernier qu’avec les idées préconçues des gens, ou avec la représentation que se font les autres parents de ce que serait leur propre vie dans un tel contexte : « C’est sûr qu’il faut traverser cette période difficile où on a un peu tendance à nier la situation, explique-t-elle. Tout cela cause un grand chagrin, mais on finit par comprendre que ces sentiments viennent de soi, de ses propres idées, ou de ce qu’en pensent les autres. »
D’autres parents de l’étude s’accordent pour dire que la colère, le stress, l’anxiété ou les crises sont moins liés à l’enfant lui-même qu’à l’ignorance des gens et à la compréhension insuffisante de cette problématique sur le plan sociétal. L’une des mères demande souvent aux gens de revoir leur manière de dire – ou de ne pas dire – les choses. À son avis, on a tendance à étiqueter les personnes ayant une déficience intellectuelle en évoquant une sorte de retard, alors que « le retard est bien souvent du côté des gens soi-disant “normaux” qui ne comprennent pas la situation ».
Ces conclusions corroborent celles d’une étude antérieure où les parents laissaient entendre que leur peine était principalement liée aux messages récurrents des gens, teintés de négativisme ou de désespoir, notamment de la part de professionnels, d’intervenants du système de santé, de membres de la famille élargie et d’amis. Il est donc permis de croire qu’il existe une source de stress et de négativisme qui est étrangère à l’enfant, et que l’attitude de la famille à l’égard de ce dernier est peut-être conditionnée – du moins en partie – par les croyances culturelles à l’égard de l’incapacité. Dès lors que la société entretient des préjugés négatifs vis-à-vis de tout handicap, et que les perceptions culturelles sont elles aussi essentiellement négatives, il va de soi que le négativisme risque d’affecter la famille et de teinter la perspective et le jugement des parents relativement à leur enfant et à leur propre rôle parental.
Les parents qui ont pris part à cette étude disent vouloir dissiper les présomptions négatives que l’on entretient au sujet de leur enfant, et élargir les horizons pour remettre en contexte toute forme de négativisme. Certains d’entre eux décrivent leur situation comme « un cadeau plutôt qu’un fardeau », en insistant pour dire qu’il n’y a rien d’intrinsèquement négatif dans le fait d’avoir un enfant atteint d’une incapacité au sein d’une famille. De leur point de vue, ils n’ont absolument aucun regret lié aux impacts de leur enfant dans leur vie. Tout en reconnaissant que l’éducation d’un enfant handicapé comporte son lot de stress, de travail acharné et de dévouement, certains parents mettent en relief la chance que d’autres n’ont pas de connaître toute la richesse d’une telle expérience. À ce propos, l’un des pères résume ainsi ce qu’il a vécu avec son fils : « Est-ce que c’est une catastrophe qu’il vous faut? Une tragédie? Alors donnez-moi un bout de papier et je vais vous en citer des catastrophes : cette personne qui est morte dans un accident de voiture ou encore cette jeune mère qui a été tuée, ou peut-être le tsunami… Voilà de véritables tragédies. Moi, je vois plutôt ça comme une balle courbe : il faut juste apprendre à frapper la balle courbe et tout est réglé… Je ne dis pas que c’est facile, mais on apprend à vivre avec ça. »
Ces parents affirment que ce qu’ils demandent le plus souvent aux autres, c’est de ne présumer de rien sur la base de l’incapacité de leur enfant, et de savoir reconnaître les aptitudes et le potentiel de celui-ci. En invitant les gens à faire un effort particulier pour apprendre au contact de ces enfants, ils tiennent à dire que leur enfant peut apporter beaucoup à la société et qu’il mérite tout le respect qu’on lui doit. À ce propos, l’un des parents ajoute : « Je pense à toute l’ampleur qui a été donnée à la question des personnes atteintes de trisomie 21 au sein de nos sociétés… On a littéralement cherché à éradiquer ce groupe de personnes en procédant à des analyses sanguines et par d’autres moyens. Tout cela contribue à déprécier l’existence qui est la leur. Pourtant, ils ont aussi quelque chose à offrir, quelque chose de très spécial qu’il faut prendre le temps d’observer parce qu’ils ont beaucoup à nous apprendre. »
Enfin, lorsqu’on demande aux enfants ce qu’ils ont à partager avec les autres, ils lancent aussi des messages fort éloquents. L’un des enfants souhaiterait que les autres « comprennent que j’ai certains handicaps, mais ça ne fait pas de moi une moins bonne personne ». Un autre tient à ce que les gens se souviennent de ceci : « Plusieurs pensent que je ne suis pas très vif d’esprit… Je tiens à leur dire que je comprends vraiment bien le monde qui nous entoure et tout ce qui s’y passe, et que ce n’est pas ma paralysie cérébrale ou mon fauteuil roulant qui m’en empêchent. Je ne suis pas simple d’esprit : j’ai de grandes ambitions et un bel avenir. Je ne veux pas qu’on me prenne en pitié, parce que je sais que j’aurai une très belle vie, qui sera riche et intéressante! »
Les bénéfices de la diversité au-delà du cercle familial
Apprendre à mieux comprendre les familles qui voient leur situation sous un angle positif entraîne divers effets positifs, tout comme le fait de communiquer cette perception au plus grand nombre en insistant pour dire qu’élever un enfant ayant une incapacité n’est pas nécessairement tragique, mais qu’il s’agit au contraire d’une expérience enrichissante et gratifiante. Sachant cela, les professionnels du monde médical (particulièrement au niveau du dépistage et du diagnostic prénataux) disposeront d’information concrète à partager avec les parents qui reçoivent un tel diagnostic. Cette perception positive bénéficiera par ailleurs aux autres parents d’un enfant handicapé, pour les inciter à miser davantage sur la plus-value que représente leur enfant dans leur vie.
Il va sans dire que les conclusions de cette étude n’enlèvent en rien les défis et les difficultés que vivent ces familles, et rien n’indique que de savoir ce qu’elles pensent améliorera automatiquement le sort des familles ayant un enfant handicapé. Toutefois, le seul fait de prendre conscience des forces et des aspects positifs favorise le changement et donne à penser qu’il est possible de mieux comprendre et de limiter le stress d’une telle expérience en misant sur la contribution et l’apport de ces enfants. L’adaptation progressive pourrait en bénéficier. Du reste, plus les familles verront leur propre expérience d’un bon œil, plus leur attitude contribuera à contrer les idées préconçues quant aux impacts de l’incapacité, à soutenir les nouveaux parents qui se trouvent dans cette situation, et à désamorcer en partie la peur et l’anxiété devant la perspective d’élever un enfant handicapé. En agissant de la sorte, il y a tout lieu de croire que l’on peut privilégier une approche plus positive à l’égard de l’incapacité.
Cet article s’inspire du texte Parent and Child Perceptions of the Positive Effects That a Child with a Disability Has on the Family.
Michelle Lodewyks travaille comme chargée d’enseignement au programme de soutien communautaire auprès des personnes handicapées du Collège Red River. Elle est titulaire d’une maîtrise en études de la condition des personnes handicapées de l’Université du Manitoba.
RESSOURCES
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Gupta Ashum et Singhal Nidhi, « Positive Perceptions in Parents of Children with Disabilities » dans Asia Pacific Disability Rehabilitation Journal, 15:1 (2004). (Page consultée le 9 octobre 2014) http://bit.ly/ZSm1oU
Kearney Penelope M. et Griffin Tim, « Between Joy and Sorrow: Being a Parent of a Child with Developmental Disability » dans Journal of Advanced Nursing, 34:5 (2001).
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