Aperçu des traitements de fertilité disponibles au Canada, ainsi que des politiques et des subventions provinciales en vigueur
Topic : naissance
Gaëlle Simard-Duplain
Gaëlle Simard-Duplain est professeure adjointe au Département de sciences économiques de l’Université Carleton. Ses travaux de recherche portent sur les facteurs qui ont une incidence sur la santé et la situation sur le marché du travail. Elle s’intéresse particulièrement à la relation entre les politiques et l’atténuation ou l’exacerbation des inégalités chez les familles, à la fois dans la dynamique au sein des ménages et dans les mécanismes de transmission intergénérationnelle. Pour ce faire, elle a principalement recours à des sources de données administratives, parfois liées à des données d’enquête ou à des méthodes de recherche quasi expérimentales. Gaëlle est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Colombie-Britannique.
Andrea Doucet
Andrea Doucet est titulaire de la Chaire de recherche du Canada (niveau 1) sur l’égalité entre les sexes, le travail et les soins, professeure de sociologie et d’études sur les femmes et le genre à l’Université Brock, et professeure associée à la fois à l’Université Carleton et à l’Université de Victoria (Canada). Elle a publié de nombreux ouvrages sur les politiques soins/travail, les politiques en matière de congé parental, la paternité et les soins, la division entre les sexes et le travail rémunéré et non rémunéré des parents. Elle est l’autrice de deux éditions du livre primé Do Men Mother? (Presses de l’Université de Toronto, 2006, 2018), coautrice de deux éditions du livre Gender Relations : Intersectionality and Social Change (Oxford, 2008, 2017), et coéditrice du livre Thinking Ecologically, Thinking Responsibly: The Legacies of Lorraine Code (SUNY, 2021). Elle écrit actuellement sur les soins socio-écologiques et les liens entre les congés parentaux, les congés liés aux soins et les services de base universels. Parmi ses récentes collaborations de recherche, elle a notamment participé à un projet sur l’expérience de la maternité chez les jeunes Noires avec Sadie Goddard-Durant et divers organismes communautaires canadiens; à un projet axé sur les approches féministe, écologique et autochtone en matière d’éthique de soins et de travail de soin, avec Eva Jewell et Vanessa Watts; ainsi qu’à un projet sur l’inclusion et l’exclusion sociales dans les politiques de congé parental, avec Sophie Mathieu et Lindsey McKay. Elle est directrice de projet et chercheuse principale du Programme canadien de partenariats de recherche du CRSH, Réinventer les politiques soins/travail, et co-coordinatrice du International Network on Leave Policies and Research.
Shelley Clark
Shelley Clark, démographe et professeure lauréate du prix James-McGill en sociologie, mène des recherches sur le genre, la santé, les dynamiques familiales et les périodes transitoires de la vie. Après avoir obtenu son doctorat à la Princeton University en 1999, Shelley a travaillé à titre d’adjointe de programme du Population Council à New York (1999-2002) et de professeure adjointe à la Harris School of Public Policy de la University of Chicago (2002-2006). À l’été 2006, elle a intégré le Département de sociologie de l’Université McGill, où elle est devenue en 2012 la directrice fondatrice du Centre de recherche sur la dynamique des populations. Une grande partie de ses recherches au cours des 20 dernières années se sont intéressées à la manière dont les adolescentes et adolescents d’Afrique subsaharienne effectuent leurs principales transitions vers l’âge adulte alors qu’il y sévit une épidémie persistante de VIH/sida. D’autres travaux ont permis de mettre en relief les vulnérabilités sociales, économiques et sanitaires des mères célibataires et de leurs enfants en Afrique subsaharienne. Récemment, Shelley s’est lancée dans un nouveau programme de recherche visant à évaluer les inégalités entre les régions rurales et urbaines ainsi que les dynamiques familiales aux États-Unis et au Canada. Ses découvertes soulignent la diversité des structures familiales dans les régions rurales ainsi que les conséquences d’un accès limité à la contraception sur la fécondité et la santé reproductive des femmes de ces régions.
Coup d’œil sur la recherche : Histoires de famille et voix intergénérationnelles sur l’adoption
Résumé d’une étude sur les effets de l’adoption à l’âge adulte
Le taux de fécondité au Canada a atteint (un autre) creux record en 2022
De nouvelles données montrent que le taux de fécondité au Canada a atteint un nouveau creux record.
Coup d’œil sur la recherche : Accès des mères réfugiées syriennes au soutien et aux soins postnataux
Conclusions d’une étude sur l’expérience postnatale de mères réfugiées syriennes au Canada.
Coup d’œil sur la recherche : Expériences et injustices vécues par les Autochtones autour de l’accouchement au Canada
Conclusion d’une étude sur les expériences entourant l’accouchement des femmes autochtones.
Coup d’œil sur la recherche : Les soins des doulas autochtones et la revitalisation de la culture autochtone
Résumé d’une étude qualitative sur les expériences périnatales et les accouchements des mères autochtones.
Coup d’œil sur la recherche : Expériences de procréation et d’accouchement au sein des familles polyamoureuses
Résumé des résultats de l’étude POLYamorous Childbearing and Birth Experiences Study (Étude sur les expériences de la procréation et de l’accouchement en contexte de POLYamour).
Les histoires derrière les statistiques : Devenir un nouveau père pendant le confinement
Entretien avec un nouveau père au sujet de son parcours vers la paternité pendant le confinement.
Incertitude et report : Les conséquences de la pandémie sur la fécondité au Canada
Ana Fostik, Ph. D.
30 juin 2020
Au cours des premières semaines suivant l’adoption des mesures de santé publique et le début du confinement en réponse à la pandémie de COVID-19, la vie sociale de millions d’adultes a été soudainement interrompue, et plusieurs se sont vus contraints de passer toutes leurs journées à la maison. Certaines personnes se sont donc interrogées sur la possibilité que l’on assiste à une hausse des naissances neuf mois plus tard. Pourrait-il y avoir une génération « coroniale », un baby-boom dû au fait que les couples passent plus de temps ensemble1?
Bien que de nombreux couples se soient côtoyés davantage, ceux-ci ont également été confrontés à une multitude de défis et à des transitions difficiles – une réalité inédite pour les générations actuelles : le système de santé a été fortement touché par la pandémie, les enfants ont soudainement dû quitter leur milieu de garde ou leur école et ont eu besoin d’un enseignement à domicile, certains adultes ont dû se tourner vers le télétravail tout en s’occupant des jeunes enfants du ménage, et beaucoup d’autres ont rencontré des difficultés financières, certains ayant perdu leur emploi ou dû réduire leurs heures de travail et faire face à une baisse de revenus.
En effet, des millions de travailleurs ont perdu leur emploi ou vu leurs heures de travail diminuer en raison des mesures de confinement instaurées, et le taux de chômage a atteint le sommet historique de 13,7 % en mai 2020, comparativement à 5,6 % seulement trois mois auparavant. Près de la moitié des travailleurs autonomes ont connu une baisse de leurs heures de travail, qui s’est accompagnée, dans la plupart des cas, d’une perte de revenus. Par conséquent, ce mois-là, plus de 1 adulte sur 5 vivait dans un ménage éprouvant des difficultés financières à respecter ses obligations de base, comme payer le loyer, l’hypothèque et l’épicerie2.
« Les projets familiaux, dans ces conditions-là, ça m’étonnerait qu’ils ne changent pas », souligne Benoît Laplante, professeur de démographie familiale à l’Institut national de la recherche scientifique de Montréal. En effet, les données disponibles indiquent une très faible probabilité que la fécondité augmente neuf mois après le début du confinement : au contraire, selon les recherches antérieures, on devrait plutôt s’attendre à une réduction de l’indice synthétique de fécondité à court terme. Les périodes de récession ou de ralentissement économique, l’incertitude sur le marché du travail et, de façon plus générale, l’incertitude sociétale globale et les perspectives négatives concernant l’avenir ont toutes été associées à la mise en suspens des projets de procréation, et donc à une réduction du nombre de naissances au sein d’une population.
L’incertitude sur le marché du travail a une incidence sur les projets en matière de procréation
Dans le cadre d’une méta-analyse récente réalisée en Europe à propos des effets du chômage et de l’emploi temporaire sur la fécondité, il a été démontré que les personnes qui se retrouvaient momentanément au chômage avaient tendance à retarder la planification d’une naissance3. Alors que le chômage entraîne une perte de revenus et augmente l’incertitude quant aux perspectives d’emploi futures, les projets de création ou d’agrandissement de la famille au cours d’une telle période sont plus susceptibles d’être interrompus jusqu’à ce que la situation financière s’améliore.
C’était particulièrement vrai chez les couples hétérosexuels lorsque le partenaire masculin se retrouvait au chômage. Cela avait une incidence non seulement sur la décision d’avoir un premier enfant, mais aussi sur les projets visant à agrandir la famille, lorsque les couples avaient déjà des enfants. Les données ont également montré que le chômage avait eu un effet négatif de plus en plus important sur la procréation entre 1970 et 2015, les conditions sur le marché du travail se faisant plus difficiles et les emplois permanents, moins fréquents.
Par ailleurs, les femmes de certains pays profitaient au contraire de leurs périodes de chômage pour réaliser leurs plans en matière de fécondité et avoir des enfants au cours de celles-ci, ces moments leur offrant plus de temps pour la procréation et l’éducation des enfants, alors que les coûts de renonciation étaient moins importants (par rapport au temps passé sur le marché du travail pour acquérir une expérience qui leur permette de faire progresser leur carrière professionnelle). Ce ne fut toutefois pas le cas dans les pays d’Europe du Sud les plus touchés par la Grande Récession de 2008 (c.-à-d. en Italie et en Espagne), là où l’on retrouvait également les taux de fécondité les plus faibles.
On a également constaté que les personnes qui avaient un emploi temporaire étaient moins susceptibles d’avoir des enfants en période d’incertitude économique, surtout lorsqu’il s’agissait d’avoir un deuxième ou un troisième enfant, et ce, comme l’indique l’étude, en raison de l’impact financier accru lié à l’élargissement de la famille. Chez les hommes, le chômage était par ailleurs un obstacle plus important que le fait d’avoir un emploi temporaire, particulièrement lorsque l’on s’attendait à ce qu’ils soient les principaux pourvoyeurs financiers du ménage : pour fonder ou agrandir la famille, il vaut mieux avoir un emploi, peu importe la nature de celui-ci, que de ne pas en avoir du tout.
La Grande Récession est associée à la baisse de la fécondité en Europe
Les crises économiques peuvent avoir une incidence sur les intentions en matière de fécondité et la procréation, même lorsque les individus ne sont pas personnellement touchés par la perte d’un emploi ou de revenus, car les ralentissements se traduisent par une réduction de la croissance du PIB et une hausse du chômage. En période d’incertitude quant aux perspectives économiques et à la stabilité du marché du travail, les gens ont tendance à devenir réfractaires à la prise de risques et à éviter tout engagement à long terme, et le fait de donner naissance à un enfant est certes l’engagement le plus irréversible qui soit. Lorsque l’avenir est entrevu de façon négative, de nombreuses familles tendent à reporter leurs projets de procréation jusqu’à ce qu’elles puissent à nouveau envisager un avenir plus prévisible4.
Le cas récent de l’Europe illustre bien cette situation, car les taux de fécondité y augmentaient depuis le début des années 2000. Or, pendant et après la Grande Récession de 2008-2009, les taux de fécondité se sont stabilisés, puis ont diminué dans la plupart des régions européennes, particulièrement celles qui ont été les plus touchées par la récession.
Un article récent s’intéressant aux répercussions de cette récession sur la fécondité dans 28 pays européens s’est penché sur l’impact du chômage, du chômage de longue durée et de la baisse du PIB sur les taux de fécondité, entre les années 2000 et 2014. L’étude a révélé que lorsque le chômage augmentait, les taux de fécondité diminuaient considérablement. En outre, l’impact du chômage s’est avéré plus important pendant la période de récession (entre 2008 et 2014) qu’avant celle-ci, ce qui suggère que l’impact négatif du chômage sur le comportement en matière de fécondité peut être amplifié en période de récession5.
Les recherches indiquent qu’un contexte de « grande incertitude » a une incidence sur les projets en matière de procréation
Si l’économie européenne a su se redresser après la Grande Récession, la fécondité dans de nombreux pays européens n’est pas pour autant revenue à ce qu’elle était auparavant, et elle a même continué de décliner. Ce fut particulièrement le cas dans certains pays nordiques, où les effets de la Grande Récession ont été modérés, et où la fécondité a connu un déclin plus tardif, qui s’est poursuivi au-delà de 2014, après que les conditions macroéconomiques se furent améliorées. Cela a amené certains chercheurs à se concentrer sur l’existence d’une « grande incertitude » relativement à l’avenir et son incidence sur les aspirations familiales. Ceux-ci font valoir qu’une grande incertitude quant à l’avenir de l’économie, mais aussi des systèmes politiques à l’échelle mondiale, peut avoir des répercussions sur les témoignages, les perspectives et la vision qu’ont les gens du monde qui les entoure, peu importe qu’ils aient eux-mêmes un emploi précaire ou qu’ils soient au chômage. À mesure que les « témoignages d’incertitude » se répandent, les projets de naissances sont retardés, même si l’économie devait se redresser6.
Une étude sur les répercussions d’une crise financière en Italie en 2011-2012 révèle que lorsque les individus utilisent le terme technique « spread » (qui signifie « propagation ») sur un moteur de recherche (un indicateur utilisé par les économistes pour mesurer le manque de confiance dans un système financier), le nombre de naissances observé neuf mois plus tard chute de façon importante. Ils estiment que les naissances diminuent de 2,5 % à 5 % à la suite de tels « témoignages d’incertitude »7.
De récentes études suggèrent que la pandémie de COVID-19 a une incidence sur les projets en matière de procréation
Une récente enquête menée auprès d’adultes de 18 à 34 ans dans plusieurs pays européens (c.‑à‑d. en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni) a permis d’estimer la proportion de naissances prévues pour 2020 qui ont été reportées. On a demandé aux adultes qui disaient prévoir, au début de l’année 2020 (c’est-à-dire avant l’apparition du coronavirus), la conception ou l’adoption d’un enfant avant la fin de l’année, si la pandémie avait modifié ces projets de quelque manière que ce soit. L’étude a révélé que certains individus avaient en effet modifié leur projet de fécondité, et ce, dans tous les pays étudiés, celui-ci ayant été retardé ou abandonné pour cette année.
L’impact varie selon les pays, mais en Italie et en Espagne, près du tiers de ceux qui prévoyaient une naissance en 2020 ont abandonné le projet pour l’année en cours. Plus de la moitié des personnes interrogées en Allemagne, en France, en Espagne et au Royaume-Uni ont affirmé quant à eux qu’ils maintenaient leur projet d’avoir un enfant un peu plus tard au cours de l’année8.
Les naissances prévues chez les mères de 40 ans et plus risquent d’être fortement affectées
Comme en témoignent les crises économiques et sanitaires passées (comme la pandémie de grippe de 1918), certaines des naissances qui sont reportées en périodes de bouleversements sont souvent « rattrapées » par la suite9. Les gens attendent parfois que les temps soient moins incertains avant de donner suite à leurs projets d’avoir un enfant.
Monsieur Laplante souligne que la différence entre le fait de retarder une naissance et celui d’abandonner complètement le projet d’avoir un enfant peut devenir particulièrement floue dans le contexte actuel. « Ce qui est beaucoup plus probable […] c’est que les gens vont reporter ou abandonner [leurs projets d’avoir des enfants] […] et quand on reporte, après un certain temps, ça va finir par abandonner… et là, tout le monde est dans l’incertitude. Est-ce qu’il va y avoir un vaccin? Dans deux ans, peut-être. » Celui-ci présume que les femmes dans la trentaine qui prévoyaient avoir deux enfants, et qui ont décidé d’attendre qu’un vaccin soit disponible avant de planifier la prochaine naissance, pourraient manquer de temps pour concevoir leur premier ou leur deuxième enfant avant d’être contraintes par une limite biologique.
Il est donc possible que certains de ces projets de naissances ne soient pas « rattrapés ». Dans plusieurs pays occidentaux, les femmes attendent de plus en plus longtemps avant d’avoir leur premier enfant, alors qu’elles sont nombreuses à souhaiter d’abord parfaire leur trajectoire scolaire et professionnelle. Le nombre de naissances chez les mères dans la quarantaine a d’ailleurs augmenté au cours des dernières décennies, celui-ci représentant une proportion croissante des premières naissances10. En 2014, on estimait que 3,6 % de toutes les naissances au Canada étaient de mères âgées de 40 ans et plus11.
Chez les femmes de 40 ans et plus, une proportion importante des naissances est facilitée par les techniques de procréation assistée12. Or, étant donné que bon nombre de ces procédures ont dû être interrompues pendant plusieurs mois au cœur de la pandémie, les naissances prévues à un âge plus avancé pourraient être plus gravement touchées. En effet, dans les sociétés où une forte proportion des naissances est associée aux femmes de plus de 40 ans, certaines des naissances prévues qui ont déjà été retardées pourraient ne jamais voir le jour : l’horloge biologique pourrait sonner l’heure de la fin avant que le marché du travail et les systèmes de santé ne reviennent aux normes antérieures.
Les données au Québec et en Ontario montrent une incidence sur la fécondité au-delà de la reprise économique
L’indice synthétique de fécondité est un indicateur « ponctuel », c’est-à-dire une estimation du nombre d’enfants que les femmes auraient en moyenne, au cours de leur vie, si les conditions de fécondité actuelles demeuraient stables durant toute leur vie reproductive. C’est pourquoi nous pouvons nous attendre à une réduction des taux de fécondité lors d’une période de turbulence et/ou d’incertitude socioéconomique, suivie d’une reprise une fois la crise terminée : seule une partie des naissances qui ont été reportées sont simplement « rattrapées » – pourvu que les projets et les idéaux en matière de reproduction demeurent inchangés.
Monsieur Laplante nous met en garde en indiquant qu’au Québec et en Ontario, les taux de fécondité ont commencé à baisser lors de la Grande Récession de 200813, et, comme cela s’est produit dans les pays européens, ils ont continué à baisser après que le ralentissement économique fut terminé et que les taux de chômage eurent redescendu. Il se demande maintenant pourquoi la fécondité n’a pas connu de remontée dans ces deux provinces canadiennes : sommes-nous exposés à des changements plus fondamentaux qui ne résultent pas seulement de bouleversements temporaires?
Seul le temps nous dira si les générations touchées par la crise de la COVID-19 parviendront à avoir autant d’enfants qu’elles le prévoyaient, bien que cela puisse être retardé, ou si le nombre d’enfants qu’elles souhaitaient avoir changera dans ce contexte. Si certains adultes décident de renoncer totalement à la procréation en raison des nouveaux défis posés par la pandémie et la crise économique qui lui est associée, les plus jeunes générations pourraient être plus susceptibles de ne pas avoir d’enfants. Il est actuellement trop tôt pour le dire, mais les recherches sur l’évolution des intentions en matière de fécondité avant et après la pandémie seront d’une importance cruciale afin de comprendre cet aspect de la vie familiale.
Ana Fostik, Ph. D., Institut Vanier, en détachement de Statistique Canada
Notes
- À titre d’exemple, consultez l’article « Is the COVID-19 baby boom a myth? How relationships might be tested during the pandemic », CTV News (19 avril 2020). Lien : https://bit.ly/3hCDUAy
- Statistique Canada, « Enquête sur la population active, mai 2020 » dans Le Quotidien (5 juin 2020). Lien : https://bit.ly/2ViQXO0
- Giammarco Alderotti et autres, Employment Uncertainty and Fertility : A Network Meta-Analysis of European Research Findings, Archives 2019-06 : documents de travail en économétrie, Universita’ degli Studi di Firenze, Dipartimento di Statistica, Informatica, Applicazioni “G. Parenti” (2019).
- Tomáš Sobotka, Vegard Skirbekk et Dimiter Philipov, « Economic Recession and Fertility in the Developed World » dans Population and Development Review, vol. 37, no 2, 2011, p. 267-306.
- Francesca Luppi, Bruno Arpino et Alessandro Rosina, The Impact of COVID‑19 on Fertility Plans in Italy, Germany, France, Spain and UK (2020).
- Daniele Vignoli et autres, Economic Uncertainty and Fertility in Europe: Narratives of the Future, Archives 2020_01 : documents de travail en économétrie, Universita’ degli Studi di Firenze, Dipartimento di Statistica, Informatica, Applicazioni “G. Parenti” (2020). Lien : https://bit.ly/3eIuVvS.
- Chiara L. Comolli et Daniele Vignoli, Spread-ing Uncertainty, Shrinking Birth Rates, Archives : documents de travail en économétrie, Universita’ degli Studi di Firenze, Dipartimento di Statistica, Informatica, Applicazioni “G. Parenti” (2019).
- Francesca Luppi, Bruno Arpino et Alessandro Rosina, The Impact of COVID‑19 on Fertility Plans in Italy, Germany, France, Spain and UK.
- Nina Boberg-Fazlić et autres, Disease and Fertility : Evidence from the 1918 Influenza Pandemic in Sweden, Discussion Paper Series, IZA – Institute of Labor Economics (2017); Sebastian Klüsener et Mathias Lerch, Fertility and Economic Crisis: How Does Early Twentieth Century Compare to Early Twenty-first Century?, document présenté à la Population Association of America; présentation virtuelle (2020).
- Eva Beaujouan, « Latest‐Late Fertility? Decline and Resurgence of Late Parenthood Across the Low‐Fertility Countries » dans Population and Development Review, 2020, p. 1-29. Lien : https://bit.ly/2AjlOD6
- Eva Beaujouan et Tomáš Sobotka, « Late Childbearing Continues to Increase in Developed Countries » dans Population and Societies, no 562 (janvier 2019).
- Eva Beaujouan, « Latest‐Late Fertility? Decline and Resurgence of Late Parenthood Across the Low‐Fertility Countries ».
- Melissa Moyser et Anne Milan, « Taux de fécondité et activité des femmes sur le marché du travail au Québec et en Ontario » dans Regards sur la société canadienne, no 75-006-X au catalogue de Statistique Canada. Lien : https://bit.ly/38iMxMG
Faits et chiffres : La santé mentale maternelle au Canada
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La santé et le bien-être maternels constituent un important enjeu de santé publique, et la santé mentale y tient un rôle clé. Selon les données recueillies, la plupart des nouvelles mères et des femmes enceintes se disent en bonne santé mentale et très satisfaites de leur vie, mais les cas de dépression post-partum (DPP) et d’anxiété sont courants au Canada.
La recherche démontre que la DPP et une santé mentale déficiente nuisent au bien-être des mères et, en l’absence de traitement, peuvent compromettre le développement du nourrisson (ex. : engendrer un faible poids à la naissance, une naissance prématurée, un risque accru de problèmes de santé mentale plus tard dans la vie de l’enfant), en plus d’accabler le partenaire et les autres membres de la famille (y compris les pères, qui courent un risque accru de dépression ou d’anxiété).
Heureusement, de nombreuses options de traitement efficaces et bien documentées peuvent aider les femmes à se rétablir, et les études démontrent que le soutien social et émotionnel des partenaires et des autres membres de la famille tout au long de la période périnatale contribue à réduire la probabilité de DPP et de troubles émotionnels, tant pour les mères que pour les nouveau-nés.
Le présent numéro de la série Faits et chiffres se penche sur la santé mentale des nouvelles mères et des femmes enceintes au Canada, tout en mettant l’accent sur le bien-être de la famille.
Quelques faits saillants :
- En 2018-2019, la plupart (60 %) des mères ayant récemment donné naissance à un enfant ont indiqué que leur santé mentale était excellente ou très bonne, alors que près du quart (23 %) ont déclaré éprouver des sentiments qui correspondant à la DPP ou à un trouble anxieux.
- En 2018-2019, 30 % des mères de moins de 25 ans ayant récemment donné naissance à un enfant ont déclaré éprouver des sentiments qui correspondent à la DPP ou à un trouble anxieux, comparativement à 23 % chez les nouvelles mères de 25 ans ou plus.
- En 2018-2019, près du tiers (32 %) des femmes récemment devenues mères ayant déclaré éprouver des sentiments qui correspondent à la DPP ou à un trouble anxieux disent avoir reçu un traitement à l’égard de leurs émotions ou de leur santé mentale depuis la naissance de leur enfant.
- La santé mentale maternelle est influencée par le statut socioéconomique : la recherche démontre des taux plus élevés de DPP et de symptômes de dépression chez les mères issues de groupes marginalisés, y compris les personnes ayant des incapacités; les mères récemment immigrées, les demandeuses d’asile et les réfugiées; et les mères s’identifiant comme Noires ou membre des Premières Nations.
- Les mères ayant vécu des expériences de vie difficiles courent également un risque accru de développer des troubles mentaux, comme celles qui vivent au sein d’un ménage en situation d’insécurité alimentaire ou en situation d’urgence ou conflictuelle, ainsi que celles ayant été victimes de violence (familiale, sexuelle et fondée sur le sexe) ou d’un désastre naturel.
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Ce document sera régulièrement mis à jour afin de tenir compte des nouvelles données et études (les versions antérieures demeureront néanmoins disponibles à partir de notre section réservée aux feuillets de renseignements).
Les sources d’information sont disponibles dans la version PDF de ce document.
Fête des Mères 2019 : Les nouvelles mamans sont plus âgées et plus susceptibles d’être en emploi qu’auparavant
Le 12 mai 2019, jour de la fête des Mères, est l’occasion de reconnaître et de célébrer les millions de femmes au Canada qui élèvent (seules ou de façon conjointe) les générations futures, souvent en assumant plusieurs rôles tant à la maison, que dans leur milieu de travail et au sein de leur communauté. Le rapport complexe entre les femmes, le travail et la famille à l’échelle du pays a connu une importante évolution au fil des générations, alors que les nouvelles mamans sont aujourd’hui plus âgées et plus susceptibles d’être en emploi que par le passé – des tendances qui se reflètent dans les données récemment publiées par Statistique Canada.
Ainsi, d’après de récentes données statistiques de l’état civil, les femmes, partout au pays, attendent de plus en plus longtemps avant d’avoir des enfants – en effet, les taux de fécondité des femmes en début de vingtaine et en fin de trentaine ont basculé au cours des 20 dernières années. Plusieurs d’entre elles se concentrent d’abord à terminer leurs études postsecondaires, puis à amorcer leur carrière – suivant ainsi une tendance à long terme observée au cours des dernières décennies.
- En 2017, au Canada, le taux de fécondité des femmes de 20 à 24 ans s’élevaient à 36 naissances vivantes pour 1 000 femmes, comparativement à 58 pour 1 000 en 20001.
- En 2017, au Canada, le taux de fécondité des femmes de 35 à 39 ans était de 56 naissances vivantes pour 1 000 femmes, soit près du double par rapport à l’an 2000 (34 pour 1 000)2.
- En 2016, l’âge moyen des mères à la naissance du premier enfant était de 29,2 ans, comparativement à 27,1 ans en 20003.
La plupart de ces nouvelles mamans sont (et demeurent) sur le marché du travail au moment de la naissance ou de l’adoption de leur nouveau-né, et elles ont souvent recours au soutien communautaire pour arriver à concilier les responsabilités professionnelles et familiales.
- En 2016, le taux d’emploi des mères dont le plus jeune enfant était âgé de 0 à 2 ans s’élevait à 71 %, comparativement à 66 % en 2001. Comme les années précédentes, c’est au Québec que ce taux était le plus élevé en 2016 (80 %)4.
- En 2017, 79 % des nouvelles mères au pays avaient un emploi assurable, et 90 % d’entre elles bénéficiaient de prestations de maternité et/ou parentales5.
- Comme les années précédentes, les nouvelles mères au Québec étaient plus susceptibles d’occuper un emploi assurable (97 %) et d’avoir reçu des prestations que leurs homologues ailleurs au Canada (91 %).
- En 2016-2017, 85 % de toutes les demandes de prestations parentales avaient été faites par des femmes, comparativement à 89 % en 20026, 7.
Depuis décembre 2017, les nouveaux et les futurs parents bénéficient d’une plus grande flexibilité quant au moment et à la durée de la période de prestations.
- Les nouveaux et les futurs parents sont maintenant en mesure d’opter pour des prestations parentales prolongées, qui leur permettent de recevoir leurs prestations parentales de l’AE sur une période pouvant s’étendre jusqu’à 18 mois, à hauteur de 33 % des gains hebdomadaires moyens. Comparativement aux prestations parentales standards, cette option prolonge la durée de la période de prestation, mais diminue le taux de prestation, qui s’élevaient initialement, respectivement, à 12 mois et à 55 % des gains hebdomadaires moyens8.
- Les femmes enceintes peuvent dorénavant avoir accès à des prestations jusqu’à 12 semaines avant leur date prévue d’accouchement – soit quatre semaines plus tôt que la limite précédente de huit semaines (aucune semaine supplémentaire n’est disponible)9.
- En 2017, parmi les nouvelles mères qui avaient travaillé en tant qu’employées au cours des deux années précédentes, plus de 1 sur 5 avaient pris ou prévoyaient prendre un congé de travail de plus de 12 mois (21 %)10.
Publié le 8 mai 2019
Notes
1 Statistique Canada, Taux brut de natalité, taux de fécondité par groupe d’âge et indice synthétique de fécondité (naissances vivantes), tableau 13-10-0418-01 (dernière mise à jour le 2 mai 2019). Lien : https://bit.ly/2vSef0p
2 Ibidem
3 Claudine Provencher et autres, « Fécondité : aperçu, 2012 à 2016 » dans Rapport sur l’état de la population du Canada, no 91-209-X au catalogue de Statistique Canada (5 juin 2018). Lien : https://bit.ly/2DzQdxz
4 Martha Friendly et autres, « Early Childhood Education and Care in Canada 2016 » dans Child Care Research and Research Unit (CRRU) (avril 2018). Lien : https://bit.ly/2TC1BwL
5 Statistique Canada, « Enquête sur la couverture de l’assurance-emploi, 2017 » dans Le Quotidien (15 novembre 2018). Lien : https://bit.ly/2vHyptB
6 Emploi et Développement social Canada, « La nouvelle prestation parentale partagée de l’assurance-emploi de cinq semaines sera offerte dans un mois » dans Communiqué de presse (18 février 2019). Lien : https://bit.ly/2ImMSEG
7 Commission de l’assurance-emploi du Canada, Employment Insurance 2002 Monitoring and Assessment Report (31 mars 2003). Lien : https://bit.ly/2VRq99k
8 Pour en apprendre davantage, consultez le document « Contenu du webinaire : changements aux prestations spéciales de l’AE » dans Transition (24 janvier 2018). Lien : https://bit.ly/2WvuoUS
9 Ibidem
10 Statistique Canada, « Enquête sur la couverture de l’assurance-emploi, 2017 ».
Ligne du temps interactive sur les familles au Canada
Il y a cinquante ans, il aurait été difficile d’imaginer la société et les familles d’aujourd’hui, et encore plus de les comprendre. Des données montrent que les familles et la vie de famille au Canada ont gagné en diversité et en complexité au fil des générations, et cet état de fait s’illustre particulièrement lorsque l’on s’intéresse aux grandes tendances à long terme.
Malgré l’évolution des familles, ces dernières ont toujours eu le même impact au fil des ans. De fait, compte tenu des divers rôles et fonctions qu’elles remplissent au bénéfice des individus ou des collectivités, les familles demeurent encore et toujours la pierre d’assise de notre société et le moteur de notre économie, et occupent une place centrale dans nos vies.
Notre Ligne du temps interactive sur les familles au Canada permet de mieux comprendre l’évolution des familles au Canada depuis un demi-siècle. Cette ressource en ligne publiée par l’Institut Vanier met en lumière certaines tendances touchant divers volets, comme la maternité et la paternité, les relations familiales, les modes de cohabitation, les enfants et les aînés, la conciliation travail-vie personnelle, la santé et le bien-être, les soins familiaux, etc.
Consultez la Ligne du temps interactive sur les familles au Canada*
Liste complète des sujets :
- Maternité
- Âge maternel
- Fécondité
- Participation au marché du travail
- Éducation
- Mères au foyer
- Paternité
- Relations familiales
- Emploi
- Soins et travail non rémunéré
- Travail-vie personnelle
- Démographie
- Espérance de vie
- Aînés et personnes âgées
- Enfants et jeunes
- Familles d’immigrants
- Familles et ménages
- Structure familiale
- Budget de la famille
- Taille des ménages
- Logement
- Santé et bien-être
- Bébés et naissances
- Santé
- Espérance de vie
- Mort et fin de vie
Toutes les références relativement aux statistiques illustrées dans la Ligne du temps interactive sur les familles au Canada sont accessibles ici.
* Nota : La ligne du temps n’est accessible qu’à partir d’un ordinateur de bureau. Elle ne fonctionne pas sur les téléphones intelligents.
Publié le 8 février 2018
Faits et chiffres : les naissances multiples au Canada (mise à jour de 2017)
Saviez-vous qu’environ 12 000 naissances multiples surviennent chaque année au Canada depuis une décennie? Les parents de bébés multiples vivent une réalité unique, que ce soit avant, durant ou après la naissance de leurs jumeaux, triplés ou autres multiples. En prévision de la Journée nationale de sensibilisation aux naissances multiples le 28 mai prochain, nous avons préparé une mise à jour de notre fiche de renseignements sur les naissances multiples au Canada.
Téléchargez le document Faits et chiffres : les naissances multiples au Canada (mise à jour de 2017) publié par l’Institut Vanier de la famille.
Publié le 23 mai 2017
En contexte : comprendre les soins de maternité au Canada
S’il est vrai, comme le veut le dicton, qu’« il faut tout un village pour élever un enfant », il faut certainement toute une collectivité pour faciliter sa naissance. Tout au long de la période périnatale, plusieurs personnes prodiguent des soins aux femmes enceintes et aux nouvelles mères. Les réseaux et les relations sur lesquels s’appuient ces intervenants jouent un rôle majeur pour assurer la santé et le bien-être des nouvelles mères et de leurs nourrissons.
La naissance représente un jalon important et exaltant, qui voit la famille s’élargir et la venue d’une nouvelle génération. Il s’agit également d’une période cruciale pour le développement de l’enfant, très vulnérable à ce stade, mais également susceptible de bénéficier grandement d’un milieu sain.
La grossesse, la naissance, l’accouchement et les soins postnataux évoluent sans cesse au fil des générations. Compte tenu des avancées médicales et de l’amélioration globale des soins de maternité, de l’alimentation et du niveau de vie en général tout au long du XXe siècle, on a constaté des progrès considérables en ce qui concerne le taux de mortalité maternelle (décès d’une femme à la suite de complications de la grossesse ou de l’accouchement), le taux de morbidité maternelle (complications pour la mère en lien avec l’accouchement) et le taux de mortalité infantile.
Mortalité Maternelle et infantile au Canada
En 1931, la mortalité maternelle représentait 508 décès pour chaque tranche de 100 000 naissances vivantes, mais on ne comptait plus que 7 décès par tranche de 100 000, en 2015.
De 1931 à 1935, le taux de mortalité infantile moyen atteignait 76 décès pour chaque tranche de 1 000 naissances vivantes, mais se limitait à 4,9 décès par tranche de 1 000, en 2013.
À partir du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, l’accouchement se passait généralement à la maison et les soins de maternité au Canada étaient dispensés au sein de la collectivité. En règle générale, il incombait aux familles et aux sages-femmes de prendre soin des femmes enceintes et des nouvelles mères. Toutefois, avec l’instauration des régimes d’assurance-maladie au XXe siècle, les hôpitaux et les services médicaux ont graduellement pris le relais pour encadrer les naissances et les soins de maternité, principalement sous la supervision de professionnels de la santé comme les médecins et les obstétriciens. On a parfois parlé de « médicalisation de la naissance » pour évoquer cette tendance.
Par conséquent, au début des années 80, la vaste majorité des femmes accouchaient désormais dans les hôpitaux régionaux, sous la supervision d’un médecin de famille ou d’un obstétricien, avec l’aide d’infirmières en obstétrique. Du même coup, les conjoints et les autres membres de la famille se retrouvaient en marge du processus de l’accouchement, souvent confinés à des salles d’attente. Après la naissance, les mères aussi étaient séparées de leurs bébés gardés en pouponnière, ce qui s’avérait parfois traumatisant tant pour la mère que pour son nourrisson.
Puis les centres hospitaliers ont progressivement instauré des politiques de cohabitation pour la mère et son bébé en vue de faciliter l’allaitement et de favoriser les liens d’attachement mère-enfant, au bénéfice de la santé et du bien-être de chacun. Dans le cadre de cette cohabitation, les infirmières ont commencé à transmettre de l’information aux nouvelles mères relativement à leur rétablissement, en leur donnant notamment divers conseils sur l’allaitement et les soins postnataux. Au fil de ces changements subséquents dans les pratiques de soins postnataux, on a réussi à raccourcir considérablement la durée d’hospitalisation des femmes suivant l’accouchement, qui est passée de cinq journées d’hospitalisation en moyenne en 1984-1985 dans le cas d’un accouchement vaginal, à une ou deux journées actuellement.
De nos jours, les conjoints sont beaucoup plus impliqués qu’autrefois dans l’accouchement et le processus périnatal. La plupart assistent à l’accouchement et assument ensuite un rôle accru dès les premières heures de vie de leur enfant de même qu’au cours des années suivantes. Il n’est pas rare d’entendre les couples modernes parler de l’accouchement comme d’une expérience conjointe, et cette tendance se reflète d’ailleurs dans les propos de plusieurs (« Nous attendons un enfant… », etc.).
Qu’est-ce que les soins de maternité?
Les soins périnataux ou de maternité (on emploiera ici soins de maternité) sont des termes génériques pour désigner le continuum de soins auprès de la mère et de son bébé, et ce, avant, pendant et après la naissance. On parle plus précisément des soins prénataux ou anténataux (c.-à-d. les soins durant la grossesse), des soins pernataux (soit durant le travail et l’accouchement) ainsi que des soins postnataux ou post-partum (c.-à-d. les soins à la mère et au nouveau-né après la naissance). Puisque la mère et l’enfant vivent tous deux d’importants changements au cours de la période périnatale, les soins de maternité supposent un large éventail de mesures de suivi et de soins de santé.
Les soins prénataux ou anténataux (on emploiera ici les soins prénataux) visent à surveiller et à favoriser la santé et le bien-être de la mère et de son fœtus en développement avant la naissance. Diverses techniques de surveillance et de diagnostic sont mises à contribution pour assurer la santé fœtale, notamment au moyen d’échographies et de prélèvements sanguins. Pendant cette période, la santé de la mère est aussi suivie de près par les professionnels de la santé. Les femmes enceintes reçoivent de l’information sur la grossesse, le développement du fœtus, le confort physique, les différents tests, la planification en vue de l’accouchement, ainsi que sur la préparation au rôle de parent.
La plupart des femmes (87 %) disent avoir reçu le soutien de leur partenaire, de leur famille ou de leurs amis durant la période prénatale.
Selon l’Enquête canadienne sur l’expérience de la maternité de 2009, la plupart des femmes (87 %) disent avoir reçu le soutien de leur partenaire, de leur famille ou de leurs amis durant la période prénatale. Au cours de cette période, ce soutien ainsi que les soins des praticiens de la santé s’avèrent particulièrement importants puisque plusieurs femmes (57 %) affirment que la plupart des journées sont stressantes. Durant la grossesse, le stress chez la mère peut affecter le bien-être du bébé, et parfois causer une naissance prématurée ou un faible poids à la naissance.
Selon la vaste majorité des femmes enceintes interrogées (95 %), les soins prénataux débutent généralement au cours du premier trimestre de grossesse. Parmi certains groupes toutefois, ces soins commencent parfois plus tard qu’au premier trimestre, notamment pour la tranche des 15 à 19 ans, pour les femmes moins scolarisées ou pour celles vivant au sein d’un ménage à faible revenu. À cet égard, l’une des principales raisons évoquées pour expliquer les soins tardifs en cours de grossesse concernait les difficultés d’accès à un médecin ou à professionnel de la santé.
Les soins pernataux ou intrapartum (on emploiera ici les soins pernataux) désignent les soins et l’assistance auprès des mères durant le travail et l’accouchement, notamment pour que la naissance se déroule dans un cadre sécuritaire et hygiénique, et pour surveiller la santé de la mère et de l’enfant tout au long du processus. La plupart du temps, ces soins sont prodigués en milieu hospitalier, où les mères bénéficient des services de divers professionnels de la santé, notamment des obstétriciens et des gynécologues (principaux fournisseurs de soins de santé durant l’accouchement, selon 70 % des mères interrogées), des médecins de famille (15 %), des infirmières ou des infirmières praticiennes (5 %) ou encore des sages-femmes (4 %).
L’importance du soutien affectif n’est pas négligeable durant cette période, qu’il provienne d’un conjoint ou partenaire, d’un ami, d’un membre de la famille, d’une sage-femme ou d’une accompagnante à la naissance (ou d’une combinaison de ces intervenants). Les études ont montré que les femmes qui bénéficient d’un soutien social constant seraient plus susceptibles d’accoucher rapidement (quelques heures de moins) et par voie vaginale, de considérer l’accouchement et la naissance comme un épisode heureux, et d’avoir moins recours à divers analgésiques.
Les études ont montré que les femmes qui bénéficient d’un soutien social constant seraient plus susceptibles d’accoucher rapidement et par voie vaginale, et de considérer l’accouchement et la naissance comme un épisode heureux.
Les soins postnataux ou post-partum (on emploiera ici les soins postnataux) visent à soutenir la mère et le nouveau-né après la naissance, ce qui suppose le suivi de leur état de santé ainsi que diverses évaluations de routine en vue de cibler tout écart par rapport à la courbe normale de rétablissement après l’accouchement, pour pouvoir intervenir au besoin.
La période postnatale couvre les six premières semaines de vie de l’enfant, soit une « phase critique » au cours de laquelle les professionnels de la santé fournissent divers soins et procèdent à plusieurs examens importants pour assurer le bien-être de la mère et de l’enfant, comme le confirme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Dans ses lignes directrices de 2013 concernant les soins postnataux, l’OMS cible les pratiques exemplaires à privilégier, entre autres en ce qui concerne les soins postnataux auprès des mères et des bébés durant les 24 premières heures (peu importe où l’accouchement a eu lieu), l’importance de garder la mère et l’enfant au moins 24 heures dans un établissement de santé sans précipiter le congé, et la nécessité de prévoir au moins quatre suivis postnataux durant les six semaines suivant l’accouchement.
D’après l’Enquête canadienne sur l’expérience de la maternité, plus des sept dixièmes des femmes (73 %) considéraient que leur santé était « excellente » ou « très bonne » après un délai de cinq à quatorze mois suivant l’accouchement. Cependant, plus des quatre dixièmes des Canadiennes (43 %) affirmaient avoir connu au moins « un gros problème » de santé post-partum au cours des trois premiers mois suivant l’accouchement, notamment des douleurs aux seins (16 % des femmes), des douleurs dans la région vaginale ou de l’incision de la césarienne (15 %), ou encore des maux de dos (12 %).
Le soutien postnatal peut aussi s’avérer important pour contrer la dépression post-partum, qui toucherait 10 à 15 % des mères dans les pays développés. Des études ont révélé que la dépression post-partum dépend de certains facteurs déterminants, notamment le stress vécu par la mère durant la grossesse, l’accessibilité à des mesures de soutien social, ainsi que les antécédents personnels de dépression. Selon les données de recherche, le soutien affectif du partenaire et des autres membres de la famille tout au long de la période périnatale contribuerait à réduire les risques de dépression post-partum et de troubles émotionnels chez la mère tout comme chez le nouveau-né.
Du reste, les services offerts en soins postnataux varient d’une région ou d’une collectivité à l’autre au Canada, qu’il s’agisse de soutien informationnel, de visites à domicile par une infirmière en santé publique ou un éducateur non-spécialiste de la santé, ou encore du soutien téléphonique d’une sage-femme ou d’une infirmière en santé publique.
Depuis quelques décennies, le secteur privé offre une panoplie grandissante de services postnataux, notamment des services intensifs d’accompagnantes post-partum pour s’occuper des nouveau-nés, de l’aide à l’allaitement naturel ou au biberon, ou encore des services de garde d’enfants, de préparation des repas ou d’aide aux tâches ménagères, etc. Toutefois, ces services privés ont un coût et, par conséquent, ne sont pas accessibles à toutes les familles.
D’où proviennent les soins de maternité?
Outre les soins et le soutien des proches et des amis, la réalité moderne des soins de maternité dépend aussi de nombreux professionnels de la santé qui contribuent chacun à leur façon au continuum de soins, notamment les médecins de famille, les obstétriciens ou gynécologues, les infirmières, les infirmières praticiennes, les sages-femmes de même que les accompagnantes à la naissance.
D’abord, les médecins de famille fournissent des soins à la plupart des nouvelles mères tout au long de la période périnatale. Ils sont susceptibles d’intervenir à tous les stades des soins de maternité ou des soins aux nourrissons, mais tous n’offrent pas nécessairement la gamme complète des soins. Par rapport aux décennies antérieures, on constate cependant un recul du nombre de médecins prodiguant des soins de maternité au Canada. En effet, la proportion des médecins de famille qui procèdent à des accouchements a fléchi au pays de 1997 à 2010, passant de 20 % à 10,5 %. De nos jours, une proportion croissante des tâches et des responsabilités de soins reviennent à d’autres professionnels de la santé, comme les obstétriciens ou les sages-femmes.
La plupart des médecins de famille qui participent aux soins de maternité ou aux nourrissons le font dans une approche de « soins partagés », c’est-à-dire que leur suivi ne dépasse pas un certain stade de la grossesse (souvent entre 24 et 32 semaines), après quoi les soins sont confiés à un autre fournisseur comme un obstétricien, une sage-femme ou un autre médecin de famille accoucheur. De fait, certains médecins de famille participent à l’accouchement, mais leur nombre varie considérablement d’une province à l’autre ou en fonction de la disponibilité d’autres fournisseurs de soins de santé.
Au Canada, les obstétriciens et gynécologues assument une part grandissante des soins pernataux, mais ce n’est pas le cas de tous ces spécialistes, et les proportions à cet égard varient d’une province à l’autre. Puisqu’ils possèdent une expertise et des connaissances spécialisées au sujet de la grossesse, de l’accouchement, de la santé sexuelle féminine et des soins génésiques (y compris une formation en chirurgie pour effectuer notamment des césariennes), plusieurs agissent également comme experts-conseils auprès des autres médecins, ou encore supervisent les grossesses à haut risque.
Les infirmières et infirmiers représentent le groupe le plus important en nombre parmi les fournisseurs de soins de maternité au Canada. Appelés à jouer un rôle actif tout au long de la période périnatale, ces intervenants prodiguent un éventail de soins, ce qui se traduit notamment par de l’éducation au sujet de l’accouchement, ainsi que par des services prénataux à domicile auprès des femmes ayant une grossesse à haut risque, de l’assistance durant l’accouchement, et parfois aussi des soins de suivi auprès des nouvelles mères. Après la naissance, les infirmières et infirmiers sont souvent appelés à transmettre de l’information aux nouvelles mères tout en les préparant en vue de leur congé, y compris en ce qui concerne l’allaitement, les soins du bain, les symptômes de la jaunisse, la sécurité pendant le sommeil, la santé mentale post-partum, l’alimentation, etc.
Quant aux infirmières praticiennes, ce sont des infirmières agréées assumant une gamme élargie de responsabilités en soins de santé. Dans bien des cas, elles fournissent des soins de première ligne en suivi de grossesse à faible risque, et interviennent à plusieurs niveaux (examens physiques, tests de dépistage ou de diagnostic, soins postnataux, etc.). Lorsqu’elles sont appelées à assumer ou à faciliter des soins de maternité, les infirmières praticiennes travaillent souvent au sein d’équipes multidisciplinaires en collaboration avec d’autres professionnels de la santé, dont les médecins et les sages-femmes. En milieu hospitalier, on les retrouve également en salle d’obstétrique et d’accouchement, dans les unités de soins post-partum, dans les unités néonatales de soins intensifs ainsi que dans les services de consultation externes. Compte tenu de leur expertise et de leur formation élargie, les infirmières praticiennes jouent un rôle important dans les collectivités rurales ou éloignées, où elles fournissent dans bien des cas la gamme complète des services de soins de santé.
Compte tenu de leur expertise élargie et de leur formation, les infirmières praticiennes jouent un rôle important dans les collectivités rurales ou éloignées, où elles fournissent dans bien des cas l’éventail complet des services de soins de santé.
Les sages-femmes, quant à elles, prodiguent des soins de santé primaires auprès des femmes enceintes et des nouvelles mères, et ce, durant toute la période périnatale. Assumant un rôle de plus en plus important dans le paysage moderne des soins de maternité au Canada, les sages-femmes procurent toute une gamme de services, comme demander des tests de dépistage et en assurer le suivi, accompagner les femmes qui accouchent à domicile ou dans les centres de naissances, superviser l’admission des mères qui doivent accoucher à l’hôpital, ou encore épauler les nouvelles mères pour faciliter l’allaitement, leurs premiers pas comme parents ou leur rétablissement post-partum. Selon les cas, les sages-femmes travaillent en consultation ou en collaboration avec d’autres professionnels de la santé.
Leur rôle a largement évolué au cours des dernières décennies, si bien qu’un nombre grandissant de sages-femmes sont désormais mises à contribution dans divers milieux, que ce soit à domicile, dans les collectivités, dans les hôpitaux, dans les centres médicaux ou dans les unités de soins. La formation et la spécialisation des sages-femmes sont de plus en plus encadrées, puisque ces dernières sont désormais reconnues et intégrées dans les réseaux de soins de santé de la plupart des provinces et territoires au pays (mais pas tous).
Parallèlement, les accompagnantes à la naissance (doulas) fournissent du soutien non clinique et non médical auprès des nouvelles mères et de leur famille, de concert avec les praticiens de la santé comme les médecins, les sages-femmes et les infirmières. Le rôle des accompagnantes à la naissance n’est pas réglementé, et vise surtout à offrir un soutien affectif et informationnel. Celles-ci ne prodiguent pas de soins directs et ne prennent pas en charge les accouchements.
Il existe différents types d’accompagnantes à la naissance, selon les stades de la grossesse. D’abord, les accompagnantes antepartum offrent du soutien affectif, physique et informationnel au cours de la période prénatale, qu’il s’agisse de renseigner les futures mères et leur famille au sujet des groupes de soutien existants ou des techniques pour favoriser le confort physique, ou encore de les aider dans certaines tâches comme les courses ou la préparation des repas. Ensuite, les accompagnantes à la naissance se chargent d’épauler les nouvelles mères et leur partenaire durant le travail et l’accouchement, en leur fournissant notamment du soutien affectif et informationnel tout en favorisant leur confort sur le plan physique. Enfin, les accompagnantes post-partum soutiennent les nouvelles mères après la naissance du bébé, en leur fournissant de l’information au sujet de l’allaitement et des moyens d’apaiser le nourrisson, tout en se chargeant parfois de quelques tâches ménagères et de la garde des enfants.
Finalement, les spécialistes en périnatologie s’occupent des soins liés aux grossesses à haut risque (ex. : maladie chronique de santé maternelle, naissances multiples, diagnostics génétiques). Ces intervenants ont une formation d’obstétricien ou de gynécologue, doublée d’une spécialisation axée sur les grossesses à risque. Au besoin, les obstétriciens et gynécologues dirigent donc leurs patients vers ces spécialistes en périnatalogie, et travaillent de concert avec eux pour assurer le suivi de la santé maternelle.
Une réalité particulière : l’accouchement en régions rurales ou éloignées au Canada
Les soins de maternité posent des défis uniques en régions rurales ou éloignées (y compris dans les régions nordiques du Canada), et ce, parce que les installations médicales et les équipements spécialisés sont parfois éloignés sur le plan géographique, parce que les fournisseurs de soins ne bénéficient pas d’autant de soutien de leurs pairs, et parce qu’il y a moins de médecins disponibles sur appel pour réaliser des césariennes et des anesthésies (et aussi moins d’installations et de services que dans les centres urbains à cet effet).
En milieu rural, les soins de maternité sont généralement pris en charge par des équipes formées de médecins de famille, d’infirmières et de sages-femmes. Dans certaines collectivités, il s’agit d’ailleurs des seuls professionnels de la santé offrant des soins de maternité. De fait, les médecins de famille en milieu rural sont beaucoup plus susceptibles de devoir assurer des soins obstétricaux que leurs homologues des centres urbains. Depuis quelques décennies cependant, plusieurs collectivités rurales sont confrontées à la fermeture des maternités et à une baisse du nombre de médecins de famille offrant des soins de maternité.
Compte tenu du nombre limité de services et de fournisseurs de soins de maternité dans les régions rurales et éloignées, plusieurs femmes enceintes doivent donc se tourner vers les centres urbains pour accoucher. Selon un rapport publié en 2013 par l’Institut canadien d’information sur la santé, plus des deux tiers (67 %) des femmes des milieux ruraux au Canada disent avoir accouché dans un hôpital urbain, et 17 % d’entre elles ont dû faire plus de deux heures de route pour donner naissance à leur enfant. La proportion est encore plus élevée dans les régions nordiques, alors que les deux tiers des mères interrogées au Nunavut et la moitié de celles interrogées aux Territoires du Nord-Ouest disent avoir accouché hors de leur collectivité.
Les deux tiers des mères interrogées au Nunavut et la moitié de celles interrogées aux Territoires du Nord-Ouest disent avoir accouché hors de leur collectivité.
Or, cette réalité affecte le bien-être de plusieurs femmes autochtones des régions nordiques, dont plusieurs doivent même prendre l’avion pour se rendre dans un centre hospitalier afin d’y recevoir des soins de maternité secondaires ou tertiaires loin de leur foyer, de leur territoire, de leur collectivité et de leur environnement linguistique. (Voir l’encadré Les sages-femmes autochtones au Canada.) La plupart des mères interrogées admettent qu’avoir dû s’éloigner de leur foyer pour accoucher s’était avéré stressant et avait eu des répercussions sur leur famille. En avril 2016, le gouvernement fédéral a annoncé des compensations financières pour que les mères autochtones puissent être accompagnées d’un proche lorsque l’accouchement doit se produire loin de la collectivité.
Dans les régions nordiques, le nombre d’hôpitaux communautaires offrant des soins obstétricaux a chuté depuis les années 80. Toutefois, plusieurs centres de naissances ont ouvert leurs portes pour combler le déficit, comme à Puvirnituq (Nunavik), à Rankin Inlet (Nunavut) et à Inukjuak (Québec). Ces installations permettent aux femmes ayant une grossesse à faible risque d’accoucher dans leur propre collectivité. Toutefois, les mères nécessitant une césarienne ou présentant des risques de complications doivent quand même se déplacer pour donner naissance à leur enfant.
Une réalité particulière : les femmes enceintes et les nouvelles mères arrivées depuis peu au Canada
Le Canada accueille plusieurs familles d’immigrants, qui représentent une proportion grandissante de la population. En 1961, 16 % des habitants du Canada disaient être nés à l’étranger, et cette proportion atteignait 21 % en 2011.
L’immigration influence la maternité, notamment en ce qui a trait au moment choisi pour avoir un enfant. Les études montrent que les naissances sont généralement peu nombreuses chez les immigrants au cours des deux années avant leur arrivée, mais la fécondité « rebondit » ensuite la plupart du temps. Selon les chercheurs Goldstein et Goldstein, « les choix des arrivants en matière de fécondité répondent plus souvent aux tendances du pays d’accueil qu’aux préférences qui prévalaient dans leur pays d’origine avant leur départ » [traduction].
Des études ont exploré un certain nombre de raisons pour lesquelles la fécondité peut être affectée par l’expérience de l’immigration, notamment la séparation temporaire du conjoint pendant le processus de migration, le choix volontaire de repousser une grossesse jusqu’à l’admissibilité aux diverses mesures de soutien (ex. : allocations pour enfants), ainsi que les perturbations financières pendant la migration et au début de l’installation (jusqu’à ce que les parents trouvent un emploi rémunéré).
Par ailleurs, les immigrants récents sont beaucoup plus susceptibles que les Canadiens nés au pays de se retrouver dans un ménage multigénérationnel (abritant au moins trois générations). En 2011, 21 % des immigrants de 45 ans ou plus (arrivés au Canada entre 2006 et 2011) déclaraient vivre une telle cohabitation, contre seulement 3 % des Canadiens nés au pays. Par conséquent, les femmes enceintes et les nouvelles mères vivant au sein d’un ménage multigénérationnel bénéficient éventuellement de la présence de proches capables d’offrir des soins et du soutien.
En ce qui concerne l’accès aux soins de maternité, les études ont montré que, même si plusieurs immigrantes ont généralement accès aux soins de maternité dont elles ont besoin, leur taux de satisfaction à cet égard semble varier considérablement selon les régions du pays. En effet, plusieurs affirment avoir rencontré des obstacles liés à l’accès ou à l’utilisation des services de soins de maternité, notamment parce qu’elles n’avaient pas été suffisamment informées des services (parfois à cause de la barrière linguistique), parce qu’elles ne disposaient pas de soutien suffisant pour accéder aux services (c.-à-d. naviguer à l’intérieur du système de soins de santé), ou à cause d’une disparité entre les attentes des femmes immigrantes et celles des fournisseurs de services. Dans certaines régions, les femmes immigrantes bénéficient d’un précieux soutien affectif, informationnel et logistique de la part des accompagnantes à la naissance (doulas) durant la période périnatale.
Selon les parents immigrants, le soutien social (famille, amis et membres de la collectivité) représente un facteur crucial pour favoriser l’accès aux soins de maternité. En effet, ce cercle de soutien peut jouer un rôle important pour jeter des ponts entre les nouvelles ou futures mères provenant de l’extérieur du Canada et le réseau de soins de maternité. Parfois, ces personnes peuvent intervenir auprès des fournisseurs de services et de soins de santé pour s’assurer que les mères bénéficient de soins de maternité « conformes à leur culture et respectueux de leur réalité culturelle » [traduction].
Les soins de maternité : en appui aux familles en pleine croissance au Canada
La grossesse et l’accouchement sont des moments charnières de la vie, non seulement pour les nouvelles mères, mais aussi pour leur famille, leurs amis et leur collectivité. La réalité familiale a beaucoup changé depuis quelques générations en ce qui a trait à la grossesse, à l’accouchement et à la période postnatale, mais certaines constantes demeurent : la valeur et l’importance des soins de qualité, la diversité des expériences vécues dans les différentes régions du Canada, sans compter la joie et l’excitation qui caractérisent ce jalon mémorable et significatif de l’existence.
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Le contenu de cet article a été révisé par Marilyn Trenholme Counsell, OC, MA, MD, médecin de famille à la retraite, ancienne lieutenante-gouverneure (Nouveau-Brunswick), ex-ministre de la Famille (N.-B.) et sénatrice (N.-B.).
Vous trouverez toutes les références et les sources d’information dans la version PDF de cet article.
Publié le 11 mai 2017
La maternité aujourd’hui : La réalité particulière des femmes handicapées physiquement
Lesley A. Tarasoff
Il n’existe que très peu d’études sur la grossesse, l’accouchement, la naissance et la maternité chez les femmes handicapées physiquement*, ou même chez les femmes handicapées sans distinction. Si les femmes en général subissent diverses pressions socioaffectives les incitant à avoir des enfants, des études ont fait ressortir toutefois que, pour les femmes handicapées, la situation se présente bien différemment puisqu’on aurait surtout tendance à leur faire sentir qu’il vaut mieux ne pas avoir d’enfants. De fait, dès que tombe le diagnostic d’un handicap, il n’est pas rare que les femmes et jeunes filles soient pour ainsi dire « préparées à ne pas être mères ». Malgré ces pressions, la réalité est telle que de nombreuses femmes handicapées physiquement connaissent aussi la maternité. À vrai dire, même s’il est difficile d’établir précisément la proportion de mères parmi les femmes handicapées physiquement ou à mobilité réduite au Canada, des données colligées aux États-Unis donnent à penser que le rapport est à peu près le même que chez les femmes non handicapées.
Dans le cadre d’un projet de recherche à longue échéance dans la région du Grand Toronto, on a interviewé plusieurs femmes d’horizons divers ayant un handicap physique ou une mobilité réduite, et ce, afin de mieux connaître leur expérience périnatale, c’est-à-dire la période qui couvre la grossesse, l’accouchement, la naissance et le début de la maternité. En se fondant sur les constatations préliminaires de ce projet ainsi que sur différentes données issues d’autres études, le présent article pose un regard sur la réalité unique des femmes handicapées physiquement durant la période périnatale.
Les femmes en général subissent diverses pressions socioaffectives les incitant à avoir des enfants. Toutefois, selon certaines études, on a tendance à faire sentir aux femmes handicapées qu’il vaudrait mieux ne pas en avoir.
Il est vrai que de nombreuses idées fausses circulent généralement quant aux femmes handicapées physiquement, notamment que celles-ci ne peuvent pas ou ne devraient pas devenir mères. En fait, ces femmes sont souvent la cible de « micro-agressions » sur la question de la reproduction et de l’incapacité. Le concept de micro-agression a d’abord servi à définir certains comportements envers les groupes raciaux ou ethniques minoritaires « sous forme d’offenses brèves et stéréotypées, volontaires ou non, qui se manifestent par des paroles en apparence anodines, des comportements particuliers ou d’autres éléments circonstanciels, et dont le ton hostile, désobligeant ou négatif est perçu comme un affront ou une insulte par le destinataire (individuel ou collectif) ».
Parmi les micro-agressions liées à l’incapacité ou discriminatoires pour les personnes handicapées figurent notamment l’exclusion, les connotations de rejet, les insinuations dénotant que la personne représente un fardeau, les présomptions, la pitié ou l’étonnement (par exemple, constater qu’une personne handicapée est elle aussi capable d’accomplissements).
À ces croyances et préjugés discriminatoires fondés sur la capacité physique s’ajoutent souvent ce que l’on pourrait qualifier de « micro-agressions liées à la reproduction » à l’endroit des femmes handicapées qui sont enceintes ou déjà mères. Il peut s’agir de manifestations directes (comme indisposer une femme en lui demandant si elle compte avoir un bébé) ou encore indirectes (comme remercier le ciel qu’elle ait eu un « enfant en santé »). Plusieurs de ces micro-agressions liées à la reproduction reposent en réalité sur la question du privilège génésique, c’est-à-dire le cadre traditionnel ou l’idéal en fonction duquel les femmes peuvent ou doivent devenir mères (sous-entendu : les femmes non handicapées hétérosexuelles de race blanche au sein de la classe moyenne). À cela s’ajoute la croyance voulant que la maternité représente pour la femme la forme de réalisation identitaire la plus accomplie.
L’une des participantes au projet de recherche, qui se prénomme Jane, a accepté de partager son expérience périnatale. Atteinte d’un traumatisme médullaire, elle est mariée, mère de deux enfants et occupe un emploi. Elle considère que son expérience périnatale s’est révélée plutôt positive, surtout grâce à sa grande capacité d’affirmation et à l’équipe extraordinaire de professionnels des soins de santé qui s’est occupée d’elle. Néanmoins, elle avoue avoir vécu certains épisodes négatifs sur le plan social, comme en connaissent souvent les femmes handicapées physiquement en période périnatale. Parfois, il s’agit de comportements ouvertement discriminatoires ou offensants, comme lorsqu’un inconnu lui a lancé en la croisant dans la rue qu’« on ne devrait pas lui donner le droit d’avoir un enfant ». D’autres fois, les micro-agressions sont moins explicites. Ainsi, à l’instar de plusieurs femmes handicapées physiquement, Jane a constaté que plusieurs personnes n’avaient jamais envisagé qu’elle puisse un jour devenir enceinte, ou encore n’osaient pas parler de sa grossesse aussi ouvertement qu’elles l’auraient fait pour une autre femme. En public (comme dans les salles d’attente), Jane raconte que les gens ont souvent semblé un peu surpris (ou étonnés) vis-à-vis de sa grossesse ou de son statut de mère. Elle évoque aussi d’autres micro-agressions sous la forme de comportements différenciateurs, comme lorsqu’on lui a demandé à l’épicerie si elle avait eu sa fille « naturellement ». Elle souligne d’ailleurs l’improbabilité qu’une telle question soit posée à une mère non handicapée.
Les recherches tendent à démontrer que la proportion de mères parmi les femmes handicapées physiquement ou à mobilité réduite est à peu près la même que chez les femmes non handicapées.
Les micro-agressions qui interviennent au carrefour de la reproduction et de l’incapacité se manifestent aussi par le déni de l’identité ou de la personnalité, notamment lorsqu’on demande à la mère : « Est-ce que c’est votre bébé? ». Elles transparaissent aussi dans une sorte de désexualisation de la femme handicapée, comme dans les remarques du genre : « Je n’arrive pas à croire que tu aies eu un bébé! » Jane a parfois essuyé de tels commentaires, et elle avoue que plusieurs des personnes rencontrées tenaient tout simplement pour acquis qu’elle avait eu recours à l’adoption. Du reste, la condescendance figure aussi au nombre de ces micro-agressions, comme quand on entend dire combien il est « inspirant » de voir une femme handicapée qui décide d’avoir un enfant. Enfin, il faut aussi composer avec les insinuations infantilisantes ou réductrices envers ces mères, à qui l’on pose des questions comme : « Avez-vous besoin d’aide avec votre bébé? »
Même si on a tendance à penser que les femmes atteintes d’une lésion de la moelle épinière ne peuvent accoucher que par césarienne, les recherches ont démontré que l’accouchement vaginal n’était pas impossible. « Tout le monde pense encore que j’ai eu une césarienne », affirme Jane, ce qui prouve la persistance de cette idée reçue.
En effet, de plus en plus d’études indiquent que les femmes handicapées physiquement sont souvent aussi fertiles que les autres, et qu’elles peuvent effectivement devenir enceintes et donner naissance par accouchement vaginal. D’autres recherches – moins nombreuses – portent plus particulièrement sur la grossesse des femmes handicapées physiquement. Certaines de ces études supposent que ces futures mères vivent parfois plus durement les symptômes habituels de la grossesse, et que celle-ci peut « modifier temporairement ou définitivement » l’évolution de l’incapacité.
Or, les incidences périnatales associées à l’incapacité physique des femmes varient selon la nature et la gravité de leur handicap. « Je voudrais bien prétendre que ma grossesse s’est déroulée le plus normalement du monde, admet Jane, mais je dois reconnaître que ma situation supposait probablement plus de risques de complications à certains égards ». Elle se souvient, par exemple, d’avoir connu une réduction de sa mobilité au fil de sa grossesse, même si les professionnels de la santé n’avaient pas tendance à en tenir compte à juste titre. De fait, certaines études révèlent que les professionnels de la santé n’en savent généralement pas beaucoup sur les liens entre l’incapacité et la grossesse. Comme le raconte Jane, les infirmières qui s’occupaient d’elle n’étaient pas très au courant des options possibles pour lui poser un cathéter.
Comme Jane, plusieurs des femmes handicapées physiquement ayant participé à l’étude affirment avoir ressenti de la frustration devant le manque d’information périnatale disponible, et s’être souvent senties isolées parce qu’elles pouvaient difficilement partager cette réalité avec d’autres femmes. « J’ai trouvé très frustrant de voir qu’il existait si peu d’études. Lorsque j’avais une question, personne ne pouvait me fournir de réponse, explique-t-elle. On me répondait toujours à peu près la même chose : on ne sait pas vraiment, on n’est pas certains. » Outre le manque d’information disponible, plusieurs femmes handicapées physiquement déplorent les lacunes en matière d’accessibilité dans plusieurs établissements de soins. Ainsi, Jane cite certains exemples, comme des toilettes ou des douches inaccessibles ou trop étroites pour son fauteuil roulant.
Que l’on soit handicapé ou non, tout le monde a besoin d’aide à un moment ou un autre, et rares sont les gens qui élèvent un enfant en parfaite autonomie.
L’étude de l’expérience périnatale des femmes handicapées physiquement soulève diverses questions, notamment sur l’individu lui-même, sur le sens de la « normalité », sur la signification de l’accessibilité ou encore sur la définition de l’autonomie. Comme tous les autres, les parents handicapés sont des gens créatifs et qui savent s’adapter. C’est pourquoi certains de ces parents s’en remettent à des formes d’aide et de soutien non traditionnelles pour réussir à assumer leur rôle efficacement, puisque les ressources et les mesures de soutien structurées ne sont pas toujours existantes ou accessibles. Au final, que l’on soit handicapé ou non, tout le monde a besoin d’aide à un moment ou un autre, et rares sont les gens qui élèvent un enfant en parfaite autonomie.
Par ailleurs, certaines mères handicapées physiquement soulignent que la parentalité leur a permis de mettre l’accent sur d’autres aspects de leur vie plutôt que sur leur incapacité, notamment sur les liens filiaux qui se manifestent, ainsi que sur la créativité et l’imagination dont savent faire preuve les enfants. C’est ce qui fait dire à Jane que « devenir maman est sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée, parce que mon handicap a cessé d’être le centre d’attention, tant de mon point de vue que pour les autres. Mes parents se soucient désormais beaucoup moins de ma propre santé : ils demandent surtout comment vont les enfants… »
Jane souligne entre autres que ses limites physiques l’ont menée à privilégier d’autres activités avec son fils pour resserrer les liens et s’amuser avec lui :
« [Mon fils] sait très bien que c’est moi qui m’occupe des activités artistiques à la maison. Je me charge du volet créatif… Alors il voit bien que nous avons [mon mari et moi] des rôles distincts… J’adore les activités qui font appel à l’imagination, et je crois que c’est important pour son développement et son apprentissage. Ma confiance de parent s’améliore grandement quand je vois que j’ai cette capacité ou cette aptitude de faire ces choses-là avec lui. D’ailleurs, les éducatrices à la garderie nous ont dit qu’il avait une imagination très fertile… »
D’autres mères parmi les participantes évoquent aussi des relations similaires avec leur enfant, et expliquent de la même façon que la maternité leur a donné une plus grande confiance en elles.
Enfin, plusieurs des mères s’inquiètent des interactions de leurs enfants avec les camarades de classe lorsque ces derniers apprendront que leur mère est handicapée. « Les enfants sont parfois durs… Je ne voudrais pas qu’on se moque de lui à cause de moi. » L’une des mères participantes est atteinte d’une affection congénitale qui limite sa mobilité, lui cause de l’arthrite et des douleurs chroniques, en plus d’affecter sa vue et son ouïe. Elle souligne pourtant que son incapacité lui permet de mieux éduquer son jeune garçon : « Je ne veux pas qu’il se moque de qui que ce soit, alors j’essaie de lui faire comprendre que tout le monde est différent. »
La réalité que vivent les femmes handicapées physiquement durant la période périnatale, notamment leur parcours parental, est une source d’enseignement pour toutes les familles et leurs enfants. Cette initiative de recherche à long terme contribuera à élaborer de nouvelles ressources pour les femmes handicapées physiquement et les professionnels des soins de santé, en plus de mettre en relief certaines des expériences positives qui surviennent durant la période périnatale. Ainsi, ce processus qui vise à consolider les mesures de soutien consistera en bonne partie à recueillir les témoignages de femmes comme Jane, et à documenter la réalité qu’elles dépeignent.
Lesley A. Tarasoff est candidate au doctorat en santé publique à l’Université de Toronto. Ses recherches portent sur la santé génésique et sexuelle. Elle s’intéresse particulièrement aux femmes handicapées physiquement et aux femmes ayant une identité sexuelle minoritaire. Pour plus de renseignements à propos de sa recherche, visitez le site www.latarasoff.com.
Lectures recommandées :
Lesley A. Tarasoff, « “We Don’t Know. We’ve Never Had Anybody Like You Before”: Barriers to Perinatal Care for Women with Physical Disabilities » dans Disability and Health Journal, vol. 10, n° 3 (juillet 2017). Lien : http://bit.ly/2fmk65C.
Lori E. Ross et autres, « Pregnant Plurisexual Women’s Sexual and Relationship Histories Across the Life Span: A Qualitative Study » dans Journal of Bisexuality (11 août 2017). Lien : http://bit.ly/2wfhZaN.
Lesley A. Tarasoff, « Experiences of Women with Physical Disabilities during the Perinatal Period: A Review of the Literature and Recommendations to Improve Care » dans Health Care for Women International, vol. 36, n° 1 (juillet 2013). Lien : http://bit.ly/2hqbiQE.
Mise à jour : Un rapport communautaire basé sur cette recherche sur l’expérience des femmes handicapées physiquement a été publié en septembre 2017. L’article « Becoming Mothers: Experiences of Mothers with Physical Disabilities in Ontario » est maintenant disponible au téléchargement sur le site Web de Lesley.
RESSOURCES
Judith Rogers, The Disabled Woman’s Guide to Pregnancy and Birth, New York, Demos Medical Publishing, 2006.
Corbett Joan O’Toole, « Sex, Disability and Motherhood: Access to Sexuality for Disabled Mothers » dans Disability Studies Quarterly, vol. 22, n° 4 (2002).
Lisa I. Iezzoni, Jun Yu, Amy J. Wint, Suzanne C. Smeltzer et Jeffrey L. Ecker, « Prevalence of Current Pregnancy Among US Women with and without Chronic Physical Disabilities » dans Medical Care, vol. 51, n° 6 (juin 2013).
Alette Coble-Temple, Ayoka Bell et Kayoko Yokoyama, The Experience of Microaggressions on Women with Disabilities: From Research to Practice and Reproductive Microaggressions and Women with Physical Limitations, présentations au congrès annuel de l’American Psychological Association (août 2014).
Derald Wing Sue, Jennifer Bucceri, Annie I. Lin, Kevin L. Nadal et Gina C. Torino, « Racial Microaggressions and the Asian American Experience » dans Cultural Diversity and Ethnic Minority Psychology, vol. 13, n° 1 (2007).
Ayoka K. Bell, Nothing About Us Without Us: A Qualitative Investigation of the Experiences of Being a Target of Ableist Microaggressions (thèse de doctorat, 2013). (Document consulté à partir de ProQuest Dissertations and Theses (dissertation/no de thèse 3620204)).
Heather Kuttai, Maternity Rolls: Pregnancy, Childbirth and Disability, Fernwood Publishing, 2010.
Caroline Signore, Catherine Y. Spong, Danuta Krotoski, Nancy L. Shinowara et Sean Blackwell, « Pregnancy in Women with Physical Disabilities » dans Obstetrics & Gynecology, vol. 117, n° 4 (2011).
Suzanne C. Smeltzer et Nancy C. Sharts-Hopko, A Provider’s Guide for the Care of Women with Physical Disabilities and Chronic Health Conditions (2005).
Publié le 3 décembre 2015
Mis à jour le 25 septembre 2017
Les soins de maternité modernes au Canada
Par Cecilia Benoit
Mère d’ascendance micmaque, Georgina arrive au terme de sa grossesse. C’est un peu à contrecœur qu’elle se prépare à quitter sa collectivité de Port aux Basques, à l’extrême sud-ouest de Terre-Neuve, pour aller accoucher à la seule maternité qu’il reste dans sa région, soit à l’hôpital régional Western Memorial de Corner Brook, à quelque 220 kilomètres du lieu de résidence de sa famille et de ses amis. Il y a fort à parier qu’elle n’aura jamais rencontré auparavant le médecin accoucheur ou la sage-femme qui s’occupera d’elle, et les probabilités que son accouchement se termine en césarienne sont de 30 %.
L’objectif no 5 parmi les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) définis par les Nations Unies consiste à « améliorer la santé maternelle ». Il vise essentiellement à favoriser le droit universel des femmes de bénéficier des soins maternels les plus adéquats possible, mais c’est toutefois l’objectif pour lequel les progrès sont les plus lents. À l’instar de Georgina, ce sont les femmes autochtones, celles qui vivent dans la pauvreté ou celles qui habitent en régions rurales ou éloignées qui sont les plus touchées. Le Canada a fait des progrès considérables tout au long du XXe siècle pour améliorer la santé maternelle et instaurer un système universel de soins de maternité, mais il n’en demeure pas moins que plusieurs lacunes persistent, notamment en ce qui a trait à la médicalisation de l’accouchement et aux inégalités dans l’accès aux services de maternité.
Petit historique des naissances au Canada
Dans toutes les cultures, la grossesse et l’accouchement sont des jalons importants de l’existence. Autrefois, la responsabilité des soins à cet égard revenait principalement aux sages-femmes. Les soins pendant la grossesse étaient dispensés dans la collectivité, et l’accouchement se passait à la maison.
Même s’il s’agit d’un phénomène bien antérieur à l’apparition de l’État providence moderne, la médicalisation des soins de maternité au Canada a néanmoins été intégrée et consolidée dans les programmes et la réglementation dans la foulée des politiques de soins universels adoptées et mises en œuvre dès 1972, c’est-à-dire le régime d’assurance maladie.
Le modèle canadien de soins de santé est souvent décrit comme un système de santé universel à payeur unique. Toutefois, le financement et l’offre de services sont dans les faits beaucoup plus complexes. Ils reposent sur la participation des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, des fournisseurs au sein de la collectivité, des compagnies d’assurance privée, de même que sur les individus.
La plupart des médecins travaillent en pratique privée. Leurs services sont payés par divers régimes d’assurance provinciaux ou territoriaux, dont le financement provient des recettes générales des provinces ou territoires, ainsi que de paiements de transferts du gouvernement fédéral par l’entremise du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ou, plus récemment, du Transfert canadien en matière de santé.
Or, en vertu du régime d’assurance maladie, seuls les soins de maternité dispensés par un médecin étaient admissibles au regard du système public de soins de santé, si bien que les médecins (surtout des hommes) ont fini par prendre le relais des sages-femmes dans le domaine des naissances. Par ailleurs, dans le régime public de soins de santé ainsi créé, les médecins ont préservé leur droit de pratiquer comme entrepreneurs autonomes, et ce, où bon leur semble.
C’est donc dire que le système créé dans le cadre du régime d’assurance maladie n’a pas tenu compte des inégalités qui existaient dans l’accès aux services d’un médecin, et ce, tout en faisant du centre hospitalier la plaque tournante du réseau de soins de maternité. En outre, par crainte des infections et par souci d’intimité, on a fini par éloigner les conjoints et les proches de cette réalité vieille comme le monde : l’accouchement.
Les naissances à l’ère moderne au Canada
Au début des années 1980, presque toutes les Canadiennes accouchaient dans des hôpitaux régionaux sous la supervision d’un médecin de famille accoucheur ou d’un obstétricien, avec l’aide d’infirmières en obstétrique. Toutefois, ces changements institutionnalisés ont eu pour conséquence d’isoler les femmes et d’éloigner les nouveaux pères. Or, des recherches ont révélé que les femmes qui bénéficient du soutien de leur conjoint pendant le travail ont moins tendance à exiger des analgésiques, et posent un regard plus positif sur l’accouchement. Suivant la parution d’études montrant l’importance des liens parents-enfants, le système de soins de santé s’est toutefois ajusté afin de permettre aux deux parents de participer activement au processus de la naissance. Aujourd’hui, les conjoints sont présents pour la majorité des naissances, et assument un rôle accru non seulement dans les premiers moments de la vie du nouveau-né, mais aussi en ce qui touche les soins à l’enfant et les tâches domestiques au cours des années qui suivent.
De 1990 à 2013, le nombre de décès liés à la maternité au Canada est passé de 6 à 12 cas par tranche de 100 000 naissances.
En 2013, l’UNICEF classait le Canada au 22e rang (parmi 29 pays riches) en ce qui a trait au taux de mortalité infantile. Le taux s’avérait particulièrement important parmi les peuples autochtones.
À l’heure actuelle, le Canada affiche le plus faible taux de mortalité maternelle en Amérique, notamment grâce aux avancées réalisées au XXe siècle en matière d’éducation des femmes, ainsi que sur le plan de la nutrition, de la régulation des naissances et de l’accès universel aux services médicaux. Il n’en demeure pas moins que, de 1990 à 2013, le taux de mortalité lié à la maternité au Canada est passé de 6 à 12 décès par tranche de 100 000 naissances. À titre comparatif, le taux de mortalité au Japon et dans certains pays européens est désormais deux fois plus faible qu’au Canada, sinon mieux. Par ailleurs, il est tout aussi déconcertant de constater qu’en 2013, le Canada arrivait au 22e rang parmi 29 pays riches au classement de l’UNICEF pour le taux de mortalité infantile, la prévalence de décès à cet égard étant particulièrement élevée chez les Autochtones.
Ces dernières décennies, le nombre de médecins de famille assurant le suivi d’accouchement a considérablement reculé, tout comme le nombre d’hôpitaux offrant des soins de maternité. Du même coup, la proportion de naissances supervisées par des obstétriciens a grimpé en flèche. Ainsi, les obstétriciens participent aujourd’hui à 80 % des naissances dans les hôpitaux ontariens.
Parallèlement, les taux de naissances par césarienne ont connu une augmentation constante, si bien que la proportion d’accouchements par césarienne à l’échelle nationale est passée de 17,6 % en 1995 à 22,5 % en 2001, pour atteindre 27,3 % en 2013 (voir le tableau ci-dessous). À l’heure actuelle, le taux de naissances par césarienne oscille entre les plafonds de 32 % en Colombie-Britannique ou 31 % à Terre-Neuve-et-Labrador, et les taux les plus faibles de 23,1 % en Saskatchewan ou 21,41 % au Manitoba. L’Organisation mondiale de la santé considère que la procédure de naissance par césarienne – qui permet de sauver des vies – demeure sous-utilisée lorsque le taux est inférieur à 10 %, mais devient surutilisée lorsque le taux dépasse 15 %. On a établi que le recours non nécessaire à la césarienne pourrait accroître la morbidité maternelle, notamment en ce qui a trait à l’augmentation des risques de dépression et de stress post-traumatique, à la diminution du taux d’allaitement et aux risques accrus de complications lors des grossesses subséquentes. Les médias laissent généralement entendre que les mères exigent aujourd’hui de plus en plus la césarienne, mais bien peu de données permettent en fait d’établir une corrélation entre l’augmentation du taux national de naissances par césarienne depuis 20 ans et les soi-disant exigences des mères qui souhaiteraient accoucher sans douleur (on parle d’accouchement « de convenance » ou « people »).
Les sages-femmes aujourd’hui au Canada
Au cours des années 1990, l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec ont instauré des programmes de formation structurés pour les sages-femmes, leurs services étant financés par les fonds publics et régis par un cadre réglementaire. Depuis, la plupart des autres régions ont emboîté le pas. Cependant, cette profession n’est toujours pas régie ni subventionnée à Terre-Neuve-et-Labrador, au Yukon, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick (voir le tableau). Par ailleurs, à peine 9 % des naissances au Canada sont actuellement confiées à des sages-femmes. Cette proportion est plus élevée dans certaines régions (19 % en Colombie-Britannique, par exemple), mais l’offre ne suffit pas à la demande, si bien qu’un grand nombre de femmes aux quatre coins du pays ne parviennent tout simplement pas à trouver une sage-femme dûment qualifiée dont les services sont financés par les fonds publics.
Du reste, ce sont les femmes les moins éduquées, les jeunes mères, les femmes célibataires, celles vivant en régions rurales ou éloignées, ou encore celles qui appartiennent à des collectivités défavorisées sur le plan socioéconomique qui éprouvent le plus de difficulté à retenir les services subventionnés d’une sage-femme. Selon l’Association des sages-femmes de l’Ontario, 40 % des Ontariennes qui souhaiteraient consulter une sage-femme n’y parviennent pas, et c’est également le cas dans d’autres provinces en ce qui concerne l’accès aux services d’une sage-femme. Suivant les avancées réalisées au Québec et au Manitoba, l’Ontario a récemment instauré deux centres autonomes subventionnés dirigés par des sages-femmes. Malgré cela, bon nombre de femmes autochtones ou non autochtones n’ont toujours pas accès à de tels services. C’est notamment le cas de Georgina dont on a parlé précédemment, qui se trouve plutôt confrontée à la solitude, dans un cadre étranger aux traditions maternelles propres à sa culture, et isolée de sa famille. Il en résulte bien souvent des « accouchements stressants »[2].
Les soins postnataux modernes au Canada
À l’ère moderne, la durée de séjour des Canadiennes à l’hôpital après l’accouchement a considérablement diminué, passant de cinq jours en 1984‑1985 à un peu moins de deux jours actuellement dans le cas d’un accouchement par voie basse. Compte tenu des coûts importants associés à toute hospitalisation, les gestionnaires des établissements misent en effet sur des congés hâtifs pour les mères et leurs nouveau-nés afin de limiter ou de réduire les dépenses liées aux soins obstétricaux. Les femmes qui bénéficient d’un bon réseau de soutien et d’un accès aux services subventionnés d’un médecin ou d’une sage-femme apprécient généralement les congés hâtifs de l’hôpital.
Tout comme autrefois, le soutien de la famille s’avère souvent d’une importance capitale en période postnatale. Partout au pays, les pères ou conjoints sont beaucoup plus impliqués après la naissance que ne l’étaient ceux des générations précédentes, notamment à la faveur des régimes de congés parentaux. Cette évolution des rôles familiaux se poursuit encore aujourd’hui : selon Statistique Canada, 31 % des nouveaux pères canadiens ont demandé un congé parental en 2013 (ou avaient l’intention de le faire), soit une augmentation marquée par rapport au taux de 3 % enregistré en 2000. Au Québec, la proportion est encore beaucoup plus élevée, surtout depuis l’instauration du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), soit le seul régime au pays prévoyant des congés destinés particulièrement aux pères. Depuis la mise en œuvre du RQAP en 2006, le recours à de tels congés a presque triplé, passant de 28 % en 2005 à 83 % en 2013.
Toutefois, les femmes qui ne peuvent compter sur le soutien familial ni sur de telles ressources structurées sont parfois confrontées à des problèmes affectant leur propre santé ou celle de leur enfant. Les systèmes de soins de santé provinciaux ou territoriaux couvrent un éventail limité de soins postnataux. À l’échelle fédérale, la participation à cet égard se limite généralement à relayer de l’information par l’entremise des provinces, et à formuler des lignes directrices nationales en matière de soins de maternité et de néonatalité. Dans certaines régions, il est encore possible de bénéficier de la visite optionnelle d’un intervenant ou d’une infirmière en santé publique, mais ailleurs, les services offerts au retour à la maison se limitent à un simple appel téléphonique de la part d’une infirmière en santé publique.
Afin de combler ces lacunes, on a assisté à l’apparition de divers services privés de soins postnataux, même si aucune étude n’a encore été publiée au sujet de tels services à but lucratif au Canada. Les services d’une aide en soins postnataux qui sont proposés sur Internet concernent diverses mesures de soutien concrètes et ciblées, comme les soins au nouveau-né, le soutien à l’allaitement naturel ou au biberon, les services de garde d’enfants, la préparation des repas, les tâches ménagères, etc. Malheureusement, le coût relativement élevé de ces formes de soutien ne convient qu’à ceux et celles qui en ont les moyens. Les services d’aide offerts en ligne coûtent généralement autour de 25 $ de l’heure, ou de 100 $ à 1 000 $ pour divers forfaits d’une nuit ou d’une semaine. Il faudra d’autres études dans ce domaine émergent pour préciser l’éventail des services offerts et en définir les retombées pour les mères et leur famille. Il n’existe actuellement aucun ensemble de données statistiques relativement aux usagers de tels services, sur les tendances à cet égard, ni sur les retombées associées à ces soins tarifés. De tels renseignements permettraient de mieux comprendre la nature et l’étendue des besoins réels à combler[3].
L’avenir des soins de maternité au Canada
Notre histoire montre clairement que ce sont d’abord et avant tout les sages-femmes qui ont assumé la charge des soins de maternité sur notre territoire, et ce, avant même l’arrivée des premiers colons européens et jusqu’à l’ère moderne. Non seulement les sages-femmes procuraient-elles des soins techniques essentiels, mais elles favorisaient aussi le soutien social permettant de favoriser la santé et le bien-être des femmes et de leurs nouveau-nés, à domicile comme au sein de la collectivité. Pourtant, avec la modernisation des soins de maternité, les sages-femmes tout comme l’accouchement naturel ont bientôt été délogés par la médicalisation de la naissance, les obstétriciens prenant le relais des médecins de famille pour les soins de maternité, et les services d’encadrement du travail et de l’accouchement étant dispensés dans un nombre de plus en plus restreint de centres hospitaliers. Ce système de soins modernes se caractérise notamment par un taux élevé de césariennes et, par conséquent, par un taux de morbidité inutilement élevé pour les mères. Jusqu’à présent, le retour des sages-femmes et l’intégration de celles-ci dans notre système de soins de santé se sont révélés insuffisants, puisque les sages-femmes sont encore trop peu nombreuses et concentrées dans les centres urbains, et que leurs services ne sont pas offerts équitablement selon les provinces et territoires.
Le Canada cherche encore et toujours à favoriser l’objectif no 5 des OMD. Les familles sont de plus en plus complexes et les conjoints jouent un rôle accru par rapport à la naissance et aux soins de l’enfant. Les études continuent de mettre en relief les moyens d’améliorer la santé des mères et des nourrissons. Dans un tel contexte, le système de soins de santé continuera d’évoluer et de s’adapter afin d’assurer l’accessibilité et l’efficacité des soins de maternité dans les collectivités d’un océan à l’autre.
Cecilia Benoit, Ph.D., est une scientifique au sein du Centre for Addictions Research of British Columbia et professeure au département de sociologie de l’Université de Victoria. Elle a été codirectrice du Réseau canadien pour la santé des femmes. Elle a également reçu le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » en 2016.
NOTES
[1] Cecilia Benoit et autres, « Medical Dominance and Neoliberalisation in Maternal Care Provision: The Evidence from Canada and Australia » dans Social Science & Medicine, 71:3 (août 2010). (Page consultée le 24 août 2015) http://bit.ly/1Jv2r5j
[2] Cecilia Benoit et autres, « Maternity Care as a Global Health Policy Issue » dans The Palgrave International Handbook of Healthcare Policy and Governance, Ellen Kuhlmann, Robert H. Blank, Ivy Lynn Bourgeault et Claus Wendt (dir.), Basingstoke, Palgrave, 2015. http://bit.ly/1NPii1r
[3] Cecilia Benoit et autres, « Privatisation & Marketisation of Post-birth Care: The Hidden Cost for New Mothers » dans International Journal for Equity in Health, 11:1 (octobre 2012) http://bit.ly/1ikd1BS