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Maintenant disponible : L’identité des familles, la troisième section de La famille compte 

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Maintenant disponible : L’identité des familles

Coup d’œil sur la recherche : Le bien-être des grands-parents transnationaux de familles migrantes

Principales conclusions d’une étude sur le bien-être de grands-parents transnationaux dont les enfants adultes et les petits-enfants vivent à Montréal, au Québec

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Le Canada accueille des personnes migrantes des quatre coins du monde. Or, dans bien des cas, les familles migrantes maintiennent des liens – parfois pendant de très longues périodes, voire de manière permanente – avec leurs parents ou leurs grands-parents qui sont demeurés dans leur pays d’origine.

La présente étude s’intéresse aux effets de la migration familiale sur le bien-être de 20 grands-parents habitant à l’extérieur du Canada, dont les enfants et les petits-enfants résident à Montréal, au Québec.

Elle permet d’enrichir notre compréhension de la structure des familles, soit l’une des composantes du Cadre sur la diversité et le bien-être des familles proposé par l’Institut Vanier.

La réalité des mères travailleuses-navetteuses (Families, Mobility, and Work)

Résumé d’un chapitre sur les répercussions du travail par navettage aéroporté (« fly-in, fly-out ») en lien avec la maternité

9 novembre 2022

Dans le chapitre « A Juggling Act: Mothering While FIFO » (Être mère et travailleuse‑navetteuse : une véritable prouesse), les auteures Griffin Kelly, Maria Fernanda Mosquera Garcia et Sara Dorow, Ph. D., posent un regard sur la réalité et la résilience des « mères travailleuses‑navetteuses ». Elles mettent en relief l’expérience du rôle de mère chez ces femmes qui doivent régulièrement faire la navette aérienne jusque dans l’Ouest canadien (en Alberta et en Colombie-Britannique) pour y travailler. Comme en témoignent les quatre récits qu’elles mettent en lumière, ces conditions engendrent diverses difficultés au fil de la vie pour les femmes qui veulent devenir mères ou qui le sont déjà.

Ce chapitre constitue l’une des nombreuses contributions au livre Families, Mobility, and Work, un recueil d’articles et d’autres produits de connaissance basés sur les travaux de recherche du Partenariat en mouvement. Publié en septembre 2022 par les presses universitaires de l’Université Memorial, cet ouvrage est maintenant disponible en version imprimée, en format électronique ainsi que gratuitement, en libre accès, sur son site Web.

« Quand on est travailleuse-navetteuse, il faut savoir gérer le “soi” qui appartient au campement et l’autre qui reste à la maison, mais les responsabilités maternelles créent des conflits et des obstacles entre ces deux réalités, notamment lorsque l’on tente d’entrevoir l’avenir au-delà des rôles liés au travail et à la maternité. […] ce stress et ces ajustements surviennent dans des espaces-temps distincts où s’entremêlent les impératifs des cycles de croissance-décroissance, et sollicitent encore davantage les réseaux de soins majoritairement féminins, en faisant souvent appel aux mères de ces travailleuses-navetteuses. » [traduction] – Griffin Kelly, Maria Fernanda Mosquera Garcia et Sara Dorow, Ph. D.

Accédez au livre Families, Mobility, and Work (en anglais seulement)

Résumé du chapitre

Il n’existe que peu d’études sur la réalité des femmes de métier en situation de mobilité pour le travail, encore moins à propos des répercussions de cette mobilité sur leur vie de famille (sauf peut-être les travaux récents de Nagy et Teixeira, 2020). Certaines études se sont penchées sur la réalité des femmes, des familles et des mères dans le contexte du navettage aérien pour le travail (« fly-in fly-out »), en se concentrant toutefois sur les épouses de travailleurs-navetteurs (Kaczmarek et Sibbel, 2008; Swenson et Zvonkovic, 2016). La situation des travailleuses-navetteuses employées comme professionnelles ou dans des campements n’a quant à elle été abordée que dans une certaine mesure. Notre rapport est axé sur les constatations de deux études actuelles sur les femmes de métier, principalement dans le secteur des sables bitumineux albertains, en vue de dépeindre la réalité associée au « rôle de mère chez les travailleuses-navetteuses ». Nous proposons quatre mises en situation afin d’illustrer et de personnaliser les difficultés et l’exclusion vécues par certaines travailleuses-navetteuses du secteur de l’extraction dans l’Ouest du Canada, et ce, à différents stades : durant la grossesse au travail, avec de jeunes enfants à élever, et dans le cadre de conflits sur la garde des enfants. Ces récits témoignent de l’importance de s’intéresser aux politiques et aux pratiques des employeurs qui peuvent faire obstacle au travail de ces travailleuses-navetteuses.

À propos des auteures

Griffin Kelly est diplômée du programme de maîtrise du Département de sociologie de l’Université de l’Alberta, où elle a rédigé une thèse sur la réalité des femmes de métier et le harcèlement sexiste parmi les travailleurs des sables bitumineux de l’Alberta.

Maria Fernanda Mosquera Garcia est étudiante à la maîtrise en sociologie de l’Université de l’Alberta. Ses travaux de recherche sont axés sur les réalités liées au déplacement forcé des Latino-Américains et à leur établissement au Canada. Elle agit également à titre d’adjointe de recherche dans le cadre du projet sur la mobilité pour le travail et la santé mentale. Elle a par ailleurs participé au « Prison Project » de l’Université de l’Alberta comme adjointe de recherche.

Sara Dorow, Ph. D., M.A., B.A., est professeure et présidente du Département de sociologie de l’Université de l’Alberta, où elle enseigne et mène des recherches dans divers domaines, notamment la mobilité, la migration, la famille, le travail et le genre, en misant sur des méthodes qualitatives et une approche multidimensionnelle. Elle a dirigé l’équipe albertaine responsable du Partenariat en mouvement dans le cadre de ses travaux de longue date sur la dimension sociale associée à l’exploitation des sables bitumineux dans la région. Ses travaux de recherche antérieurs ont aussi porté sur la famille, la race et le genre en lien avec l’adoption internationale.

Les grands-parents qui viennent en aide aux familles touchées par la mobilité pour le travail (Families, Mobility, and Work)

Résumé d’un chapitre portant sur la mobilité pour le travail et les relations intergénérationnelles

25 octobre 2022

Dans Families, Mobility, and Work – un recueil récemment publié par les presses universitaires de l’Université Memorial qui se penche sur les interrelations entre la vie familiale et la mobilité pour le travail – les chercheurs Christina Murray, B.A., inf. aut., Ph. D., Doug Lionais, Ph. D., et Maddie Gallant, B. Sc. inf., inf. aut., présentent des réflexions sur l’expérience familiale intergénérationnelle de cette réalité migratoire au Canada atlantique.

Leur chapitre « ʺAbove Everything Else I Just Want to Be a Real Grandparent”: Examining the Experiences of Grandparents Supporting Families Impacted by Mobile Labour in Atlantic Canada » (« Je cherche avant tout à être un vrai grand-parent » : Regard sur l’expérience des grands-parents qui soutiennent les familles touchées par la mobilité pour le travail au Canada atlantique) met en relief les conclusions d’une étude qualitative portant sur les possibilités et les défis avec lesquels doivent composer les grands-parents qui viennent en aide aux plus jeunes générations, dont au moins un des parents est appelé à parcourir de longues distances ou se voit séparé de sa famille en raison de son travail.

Ce chapitre constitue l’une des nombreuses et enrichissantes contributions au livre Families, Mobility, and Work – un recueil d’articles et autres produits de connaissance basés sur les travaux de recherche du Partenariat en mouvement. Publié en septembre 2022 par les presses universitaires de l’Université Memorial, ce livre est maintenant disponible en version imprimée, en format électronique ainsi que gratuitement, en libre accès, sur leur site Web.

« Trois thèmes dominants ont pu être dégagés des défis recensés par les grands-parents ayant participé à l’étude : des responsabilités et des rôles accrus; un conflit entre la vision idéalisée ou anticipée du rôle de grand-parent et de la vie de retraité, et ce qu’ils vivent en réalité; ainsi que les défis liés à la négociation des relations avec les autres membres de la famille élargie. » [traduction] – Christina Murray, Doug Lionais et Maddie Gallant

Accédez au livre Families, Mobility, and Work (en anglais seulement)

Résumé du chapitre

Jusqu’à tout récemment, les études sur la migration interprovinciale des travailleurs au Canada se sont peu attardées à la réalité des membres de la famille qui demeurent au foyer. Le projet Tale of Two Islands (L’histoire de deux îles), une étude narrative pluriannuelle, s’est intéressé aux répercussions des longs déplacements pour le travail, entre l’Île du Cap-Breton et l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) et l’Ouest canadien, sur les membres des familles intergénérationnelles, notamment les travailleurs, leurs conjoints ou conjointes et les grands-parents. Dans le cadre de cette étude, des entretiens individuels sous forme de conversations ont été réalisés avec les membres de 10 familles intergénérationnelles de l’Î.-P.-É. et du Cap-Breton, notamment avec 13 grands-parents. Trois groupes de discussion, dont un avec des grands-mères (N12) et un autre avec des grands-pères (N5), ont été organisés à l’Î.-P.-É. Ce chapitre examine les possibilités et les défis avec lesquels doivent composer les grands-parents touchés par la migration interprovinciale des travailleurs ainsi que leurs réflexions quant aux conséquences sur leur vie quotidienne. Parmi les principaux thèmes qui sont ressortis des entretiens et des groupes de discussion, on retrouve les multiples rôles et responsabilités qui incombent aux grands-parents qui s’efforcent de soutenir leurs enfants et leurs petits-enfants adultes touchés par la mobilité pour le travail; le contraste entre leur idéal de grands-parents et ce qu’ils vivent en réalité; ainsi que les pressions familiales et financières qu’ils subissent. Les groupes de discussion réunissaient de nombreux grands-parents affirmant désormais s’occuper de leurs petits-enfants à temps plein en raison de problèmes de santé mentale et de consommation chez les parents, généralement liés à cette migration professionnelle. Le chapitre met en relief les difficultés évoquées, en plus de formuler certaines recommandations en quête de solutions.

À propos des auteurs

Christina Murray, B.A., inf. aut., Ph. D., est professeure agrégée de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard. Sa pratique des soins infirmiers met l’accent sur la santé publique et le développement communautaire. Depuis 2015, elle dirige un programme de recherche narrative concertée et interdisciplinaire axé sur la migration des travailleurs et son incidence sur la santé des particuliers, des familles et des communautés. Elle a participé, à titre de chercheuse principale, à l’étude Tale of Two Islands ainsi qu’au projet de sensibilisation communautaire Families, Work and Mobility, et dirige actuellement un projet axé sur les grands-parents qui élèvent leurs petits-enfants à l’Île-du-Prince-Édouard. Mme Murray a également été lauréate du prix Mirabelli-Glossop 2018 de l’Institut Vanier.

Doug Lionais, Ph. D., est professeur agrégé à la Shannon School of Business de l’Université du Cap-Breton; il enseigne au programme de maîtrise sur le développement économique communautaire. Il a obtenu un doctorat en géographie économique de la Durham University (Royaume-Uni) après avoir obtenu un B.A.A. de l’Université du Cap-Breton. Ses travaux de recherche ont pour but de comprendre les processus menant au développement inégal et à l’appauvrissement des communautés, le développement économique local et régional, ainsi que les formes de pratiques économiques alternatives susceptibles de contrer l’appauvrissement.

Maddie Gallant, B. Sc. inf., inf. aut., est une infirmière diplômée en obstétrique et une ardente défenseure des pratiques fondées sur des données probantes, qui milite envers l’amélioration de l’expérience et du sort des patients dans tous les secteurs des soins de santé. Elle a participé à l’étude Tale of Two Islands en tant qu’adjointe de recherche tout au long du processus. Elle continue aujourd’hui le dépouillement des données mises au jour par l’étude, afin de communiquer et de transmettre les conclusions importantes à d’autres professionnels de la santé, dans l’espoir d’améliorer les soins aux patients au bénéfice des familles touchées par la mobilité liée au travail.

Recherche en bref : La prestation de soins au sein des familles des militaires et des vétérans

Alla Skomorovsky, Jennifer Lee et Lisa Williams

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Les recherches le démontrent : les vétérans canadiens qui passent à la vie civile en raison d’une maladie ou d’une blessure éprouvent souvent de la difficulté à s’adapter à leur nouvelle situation. Toutefois, un nombre croissant d’études universitaires révèlent que « la force derrière l’uniforme » – les familles des militaires et des vétérans qui fournissent des soins à ces derniers – peut également être affectée par le bien-être et les expériences de transition du membre des Forces armées canadiennes (FAC)1, 2.

Selon la gravité de la maladie ou de la blessure, les militaires ont parfois besoin d’aide pour s’acquitter des activités quotidiennes (p. ex. : l’entretien du terrain, la préparation des repas, les services de nettoyage) et les membres de la famille sont souvent les premiers à prodiguer, à organiser et/ou à défrayer ces soins, qui peuvent varier en termes d’intensité, de durée et de fréquence. Au fur et à mesure que le militaire ou le vétéran malade ou blessé de la famille s’adapte aux contraintes que la maladie ou la blessure lui impose, à lui et à son nouveau mode de vie civile, il est possible que ses relations familiales se teintent d’une certaine tension.

Au sein des familles des militaires, les conjoints des militaires sont généralement les principaux fournisseurs de soins, et cette tâche peut avoir une incidence négative sur leur propre santé, leur bien-être et leur carrière. Par ailleurs, les recherches démontrent que la prestation de soins à l’égard d’un militaire atteint de maladies psychologiques peut s’avérer particulièrement éprouvante pour les aidants en plus d’accroître le risque ou l’étendue de leur propre détresse psychologique, en raison de la dépendance accrue du militaire à leur égard pour les tâches et le soutien cognitif ou émotionnel.

Peu d’études ont examiné les expériences, les perceptions et les impacts uniques à la transition vers la vie civile sur les familles du personnel des FAC ou des vétérans, plus particulièrement ceux qui ont été libérés pour des raisons médicales en lien avec une maladie ou des blessures. Toutefois, une étude pilote menée en 2014-2015 auprès des familles des FAC qui vivaient une transition vers la vie civile a suggéré que les effets cumulatifs de la maladie ou des blessures d’un militaire combinés à sa transition vers la vie civile pouvaient avoir une incidence significative sur divers aspects de la dynamique familiale3.

Dans la foulée des études mentionnées précédemment, le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM) a réalisé, en 2017-2018, une enquête visant à explorer et à améliorer notre compréhension de ce que vivent les familles des militaires ou des vétérans malades ou blessés à diverses étapes du processus de libération pour raisons médicales, dans le cadre de leur transition de la vie militaire à la vie civile, par une série d’entrevues semi-structurées4.

La maladie et les blessures affectent le bien-être de la famille et les relations familiales

Conformément aux autres études, les entrevues ont indiqué que la santé des membres des FAC et des vétérans avait une incidence directe sur le bien-être des membres de la famille, plus particulièrement lorsque les membres de la famille assument un rôle d’aidant pour le militaire ou le vétéran.

[Comme mentionné par les parents d’un militaire ou d’un vétéran] : Parce que c’était vraiment difficile à l’époque, ce fut un véritable combat. La première fois qu’il est rentré de sa toute première sortie a vraiment été difficile. Ce que je veux dire, c’est qu’il a perdu deux conjointes. Il a vécu deux ruptures familiales en raison de son TSPT. [traduction]

Les militaires et les vétérans ont également constaté l’impact qu’ils avaient sur les membres de leur famille, y compris sur leurs enfants.

Ma fille, qui a 21 ans, est probablement celle qui a été la plus affectée par mon état, en raison de ce qu’elle m’a vu traverser. Et ça a été très difficile pour elle… À cause de mon anxiété, de ma dépression et tout ça… Elle souffre maintenant d’anxiété et de dépression. [traduction]

La plupart des conjoints ont relié la tension exercée sur leur bien-être familial, social et personnel principalement à la maladie ou aux blessures du militaire ou du vétéran, et non à la transition elle-même.

Je crois que tout est en lien avec l’ensemble du processus… L’un des membres de votre famille fait face à ses propres problèmes de santé mentale, mais il ne recherche pas de traitement actif pour ses problèmes, et il se dit que… vous savez, avec sa dépression, son anxiété ou son TSPT. Alors le partenaire doit prendre le relais dans le ménage. C’est difficile de porter ça tout le temps. [traduction]

Des familles ont mentionné avoir vu leurs relations avec le militaire ou le vétéran des FAC devenir plus tendues. Plus précisément, plusieurs membres de ces familles, qui étaient également des conjoints, ont ressenti un manque de satisfaction et d’intimité dans leurs relations avec le militaire ou le vétéran, en plus d’éprouver un éloignement émotionnel ou du ressentiment.

Il n’avait plus aucun intérêt pour le sexe, et cela a complètement transformé notre relation. Et comme nous étions un couple, cela a été difficile à surmonter… la perte d’intimité avec son partenaire.

Dans l’intimité, il était un peu distant émotionnellement, vraiment plus distant, en fait. C’était comme s’il était à l’extérieur et qu’il regardait vers l’intérieur.

Je contribue plus qu’à mon tour. Et en fait, si je repense à toute cette situation, il y a des moments où… je voudrais qu’il participe plus à ses soins que je ne le fais moi-même. Alors oui, il y a un peu de ressentiment dans tout ça, si je suis vraiment honnête avec moi-même. [traduction]

La prestation de soins interfère avec d’autres responsabilités familiales et les perturbe

Les membres de la famille qui fournissent des soins au militaire ou au vétéran malade ou blessé – principalement les conjoints – ont mentionné que le fardeau des aidants était un facteur important qui contribuait à affaiblir leur santé physique ou à réduire leur bien-être psychologique. On mentionne, entre autres, les exigences cognitives et physiques supplémentaires imposées aux aidants, comme la surveillance constante du membre des FAC ou du vétéran, l’aide physique apportée au membre des FAC ou du vétéran pour accomplir ses activités quotidiennes et la prise en charge des tâches auparavant partagées (p. ex. : le jardinage, la préparation des repas, le ménage).

Il est incapable physiquement de faire ce qu’il faisait auparavant, avant d’être blessé, alors je me charge maintenant de… tout – principalement sur le plan physique – dans la maison. Et j’ai fini par me blesser au dos à cause de cela. Il faut bien que quelqu’un s’occupe de toutes ces tâches… alors j’ai fini par me blesser au dos et maintenant, je ne peux même plus travailler à cause de cela. [traduction]

Certains aidants conjugaux ont également souligné qu’ils se sentaient émotionnellement et mentalement épuisés en raison des responsabilités accrues et du manque de temps dont ils disposaient pour s’occuper d’eux-mêmes. Parmi les autres conséquences de la prestation de soins, on note les effets négatifs sur la santé et les répercussions sur le travail.

Je crois que cela crée de l’isolement chez l’aidant. Par exemple, je voulais être présente pour mon époux et conjoint. Je voulais prendre soin de lui, lui offrir tout ce dont il a besoin, mais ensuite… je ne dis pas que c’est la faute des autres, mais est-ce qu’il est possible d’avoir une pause?

J’ai l’impression que je ne reçois aucun soutien, alors je m’occupe de tout cela par moi-même, vous savez. J’ai l’impression que je porte le poids de… de tout le ménage… J’ai l’impression que je dois m’occuper de tout toute seule. Alors j’ai l’impression de sacrifier ma propre santé. [traduction]

Comparativement aux aidants conjugaux, les parents qui prodiguaient des soins ont précisé que la maladie ou la blessure du militaire ou du vétéran n’affectait généralement pas leur vie personnelle ni leur santé. Toutefois, cela pourrait s’expliquer par le fait que les soins offerts sont moins fréquents et que les parents ont une moins grande proximité avec le bénéficiaire.

La communication entre les partenaires peut atténuer l’impact de la prestation de soins

Malgré les effets négatifs qu’ont eus la prestation de soins, l’expérience de transition et la maladie ou la blessure sur leur relation conjugale, plusieurs aidants conjugaux ont également observé une croissance dans leur relation. D’après les participants de l’étude, une communication de qualité et claire au sein de leur relation a été un facteur important qui semble avoir eu un impact sur la gravité des effets négatifs. Suivant leur expérience commune de transition et de communication, plusieurs aidants conjugaux ont indiqué s’être rapprochés du membre des FAC ou du vétéran, en plus d’être devenus une équipe plus forte. Il est donc possible qu’une communication efficace renforce la tolérance des conjoints à l’égard des responsabilités et du fardeau supplémentaires liés à la prestation de soin.

Nous sommes devenus presque davantage une équipe qu’un couple. Qu’est-ce qu’on doit faire? Bon d’accord, comment devrions-nous le faire? Alors oui, notre vie se concentre principalement sur ça.

La communication est la clé ici, plus particulièrement dans le cadre d’une relation. [traduction]

Les leçons tirées et la voie à suivre

Cette étude a permis de faire la lumière sur ce que vivent les familles des FAC pendant la transition vers la vie civile. Les résultats démontrent que l’expérience de la transition ne touche pas seulement le militaire ou le vétéran – elle affecte également les membres de sa famille ainsi que ses aidants. La plupart des membres de ces familles, et plus particulièrement les aidants, ont signalé avoir ressenti de la détresse et un malaise au cours du processus de transition, mais la plupart des rapports liés au déclin du bien-être physique, psychologique et social ont été attribués aux conséquences de la maladie ou de la blessure.

Certaines limites méthodologiques importantes de la présente étude doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Tout d’abord, l’étude a été réalisée en supposant que tous les membres des FAC et des vétérans malades ou blessés qui participaient à l’étude avaient des besoins liés à la prestation de soins et disposaient d’un aidant (p. ex. : un conjoint, un frère ou une sœur, un parent) parce qu’ils avaient été libérés de leur service militaire pour des raisons médicales, et cela a influencé l’élaboration des questions posées pendant les entrevues. Toutefois, il est devenu évident au fil des entrevues que certains membres des FAC ou vétérans libérés ne disposaient d’aucun aidant, ou qu’ils ne considéraient pas nécessairement avoir besoin de soins, même s’ils souffraient de diverses limitations en raison de leur maladie ou de leur blessure. Deuxièmement, bien qu’un nombre important de membres des FAC ou de vétérans aient participé à l’étude, ils en étaient à différentes étapes de leur transition. En raison de la durée de l’entrevue, il a été impossible d’inclure certaines questions détaillées sur chaque étape du processus de transition. Enfin, en raison de la méthodologie qualitative utilisée dans cette étude, les résultats ne sont pas représentatifs de la population dans son ensemble.

Pour pallier ces limites et tirer parti de cette étude, le DGRAPM a élaboré un programme de recherche exhaustif en lien avec les familles des militaires, qui collabore étroitement avec d’autres organismes gouvernementaux, notamment Anciens Combattants Canada et Statistique Canada. Ce corpus de recherches vise à améliorer la vie du personnel militaire, des vétérans et de leur famille partout au pays.

En examinant les défis que vivent les familles des membres des FAC ou des vétérans malades ou blessés, cette étude propose des orientations visant à améliorer l’expérience de la transition chez les familles des militaires ainsi qu’à maintenir leur bien-être global. Puisque les libérations pour raisons médicales semblent être en hausse depuis 20135, cette question revêt une importance croissante pour les vétérans, leur famille et la société canadienne dans son ensemble. Il est essentiel de continuer d’approfondir l’expertise nécessaire pour soutenir ces familles et de trouver des moyens pour assurer le bien-être individuel et familial des membres des FAC et des vétérans.

Alla Skomorovsky, Ph. D., est psychologue en recherche pour le compte du Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM), où elle est membre de l’équipe des programmes sur les politiques sociales et le soutien à la famille. Elle mène des études quantitatives et qualitatives dans les domaines de la résilience, du stress, de l’adaptation, de l’identité et du bien-être des familles des militaires.

Jennifer Lee, Ph. D., est présidente du Groupe des ressources humaines et du rendement (HUM) pour le Programme de coopération technique (TTCP) – Groupe technique 21 sur la résilience – ainsi que directrice intérimaire de la recherche sur le soutien au personnel et aux familles au sein du DGRAPM, où elle supervise le travail de son équipe sur un éventail de sujets, notamment : l’inconduite sexuelle; la diversité et l’inclusion; la santé des militaires, des vétérans et de leur famille; et, plus récemment, les répercussions de la légalisation du cannabis sur le personnel des Forces armées canadiennes.

Lisa Williams, M., est chercheuse au sein du DGRAPM, où elle est membre de l’équipe des programmes sur les politiques sociales et le soutien à la famille. Elle mène des études quantitatives et qualitatives sur des sujets liés au bien-être des militaires, des vétérans et de leur famille.


Notes

  1. Jim Thompson, M. D., et autres, « Enquête sur la transition à la vie civile : Rapport sur les vétérans de la Force régulière » dans Anciens Combattants Canada (2011). Lien : https://bit.ly/2J8gYex
  2. Apprenez-en davantage dans Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada (mise à jour de novembre 2018). Lien : https://bit.ly/3tXg7kh
  3. Alla Skomorovsky et autres, Pilot Study on the Well-Being of Ill or Injured Canadian Armed Forces (CAF) Members and Their Families : Well-Being Model Development (2019). Rapport scientifique. DRDC-RDDC-2017-R203
  4. En tout, 72 entrevues semi-structurées ont été réalisées, et 16 d’entre elles ont été supprimées de l’analyse en raison de leur inadmissibilité (p. ex. : libération pour des raisons non médicales, plus de 5 ans après la libération). Sur les 56 entrevues admissibles, on dénombre 31 entrevues individuelles avec des membres des FAC ou des vétérans, 11 entrevues individuelles avec des aidants primaires et 14 entrevues combinées. Les participants étaient des vétérans des FAC qui ont été libérés pour des raisons médicales au cours des 5 années précédentes ou des membres des FAC qui s’attendaient à être libérés dans un avenir rapproché (c.-à-d. durant les 24 mois de l’enquête) en raison d’une maladie psychologique ou physique ou encore de blessures. Leurs aidants primaires, définis sur le plan opérationnel comme la personne qui procure au membre des FAC ou du vétéran la plupart des soins ou du soutien (physique ou psychologique), ont également été inclus dans le processus d’entrevues. Les aidants primaires étaient en général un membre de la famille (p. ex. : frère, sœur, parent) et, dans la vaste majorité des cas, le conjoint. Les participants admissibles ont soit été rencontrés en personne ou contactés par téléphone à un moment qui leur convenait.
  5. Linda Van Til et autres, « Well-Being of Canadian Regular Force Veterans, Findings from LASS 2016 Survey » dans Anciens Combattants Canada – Rapport technique de la Direction de la recherche (23 juin 2017). Lien : https://bit.ly/32NfpJw

Publié le 25 juillet 2019

Recherche en bref : Au-delà des « aperçus ponctuels », les soins familiaux analysés « tout au long de la vie »

Janet Fast, Norah Keating, Jacquie Eales, Choong Kim et Yeonjung Lee

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Selon les données de la dernière Enquête sociale générale (ESG) sur « Les soins donnés et reçus », 28 % des Canadiens auraient prodigué des soins à un membre de la famille ou à un ami au cours de la dernière année1. Mais de telles données ponctuelles ne permettent pas de brosser un portrait complet de la réalité en matière de prestation de soins. En examinant la question sur la durée complète de la vie, on obtient un meilleur aperçu de la façon dont les Canadiens participent aux soins au cours de leur vie, ce qui met en relief un certain nombre de « parcours » de soins dont on fait couramment l’expérience dans la vie2. En fait, la moitié (46 %) de tous les Canadiens auraient prodigué des soins à un moment ou l’autre de leur vie, ce qui démontre que les soins familiaux constituent une expérience beaucoup plus courante que ce que bien des gens avaient imaginé. Il est temps d’aller au-delà des aperçus ponctuels et d’analyser les soins familiaux sur toute la durée de la vie.

Une recherche novatrice de l’Université de l’Alberta, menée à l’aide des données de l’ESG 2012 de Statistique Canada, permet de dégager, pour la première fois, cinq trajectoires (ou parcours) de soins distinctes sur toute la durée de la vie de 3 299 adultes âgés de 65 ans et plus : éclosion tardive, rappel, superposé, prolongé et séquentiel. Cette perspective innovatrice montre non seulement l’évolution des soins au cours de la vie, mais aussi les diverses façons par lesquelles ils évoluent selon les personnes. Il nous est maintenant possible d’examiner l’impact cumulatif de la prestation de soins tout au long de la vie et d’identifier les aidants qui sont le plus à risque de développer une mauvaise santé, de connaître l’isolement social et de vivre la pauvreté plus tard dans leur vie, ce qui permettra de mieux cibler les interventions politiques à privilégier.

Une approche portant sur toute la durée de la vie met en relief divers modèles de prestation de soins dans la vie des aidants

L’étude montre que la moitié des Canadiens âgés de 65 ans et plus – ou plus de 2 millions de personnes – ont prodigué des soins à d’autres personnes à une ou plusieurs occasions au cours de leur vie.

TRAJECTOIRES DE SOINS

Éclosion tardive

Un aidant sur deux (54 %) suit un parcours d’éclosion tardive. Il se caractérise par un épisode court et unique de prestation de soins (moins de 5 ans), la plupart du temps au profit du conjoint ou d’un parent. Ce parcours commence au début de la soixantaine (63 ans en moyenne); 43 % des aidants en parcours d’éclosion tardive sont des hommes et 57 % sont des femmes.

Rappel

Un aidant sur quatre (25 %) suit un parcours de rappel. Il se caractérise par un premier long épisode de prestation de soins, la plupart du temps au profit d’un parent ou d’un conjoint, suivi d’épisodes plus courts et de plus en plus fréquents de soins offerts aux amis ou aux voisins de la même génération. Ce parcours commence au début de la cinquantaine (52 ans en moyenne) et dure près de 14 ans; 41 % des aidants en parcours de rappel sont des hommes et 59 % sont des femmes.

 

Superposé

Un aidant sur 10 (11 %) suit un parcours superposé. Il se caractérise par un épisode de prestation de soins d’au moins 10 ans, principalement au profit des parents ou des beaux-parents, les soins étant généralement offerts à plus d’une personne à la fois. Ce parcours commence au début de la cinquantaine (52 ans en moyenne); 36 % des aidants en parcours superposé sont des hommes et 64 % sont des femmes.

 

Prolongé

Un aidant sur 16 (6 %) suit un parcours prolongé. Il se caractérise par un premier très long épisode de prestation de soins au profit de la famille proche, suivi d’un deuxième long épisode de soins offerts à la famille ou aux amis proches. Les soins prodigués aux enfants ou aux frères et sœurs atteints d’une maladie ou d’une incapacité chronique y figurent de façon considérable. Ce parcours commence au début de la trentaine (34 ans en moyenne) et est celui qui dure le plus longtemps (une moyenne de 33 années); 37 % des aidants en parcours prolongé sont des hommes et 63 % sont des femmes.

 

Séquentiel

Un aidant sur 25 (4 %) suit un parcours séquentiel. Il se caractérise par un modèle de prestation de soins à long terme offerts à autrui (parents proches, parents éloignés, amis ou voisins), souvent prodigués à plusieurs personnes à la fois. Ce parcours commence au milieu de la trentaine (36 ans en moyenne) et s’étend sur plus de trois décennies (une moyenne de 31 années). Parmi tous les parcours de soins, le parcours séquentiel compte la plus forte proportion d’aidants féminins (71 %).

 

Consultez l’étude complète « Life Course Trajectories of Family Care » en libre accès sur Intenga Connect.

Auteurs

Janet Fast, Ph. D., est économiste familiale et professeure au sein du Département d’écologie humaine de l’Université de l’Alberta.

Norah Keating, Ph. D., est gérontologue familiale et directrice de l’initiative Global Social Issues on Aging au sein de l’International Association of Gerontology and Geriatrics.

Jacquie Eales, M. Sc., est spécialiste en communication et en application des connaissances ainsi que directrice de recherche au sein du Département d’écologie humaine de l’Université de l’Alberta.

Choong Kim est économiste appliqué et doctorant au sein du Département d’écologie humaine de l’Université de l’Alberta.

Yeonjung Lee, Ph. D., est spécialiste en États-providence comparatifs et en gérontologie, ainsi que professeure adjointe au sein de la Faculté du travail social de l’Université de Calgary.

 

 

Notes

  1. Maire Sinha, « Portrait des aidants familiaux, 2012 » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (septembre 2013). Lien : https://bit.ly/30j2ldH.
  2. Joohong Min, Yeonjung Lee, Janet Fast, Jacquie Eales et Norah Keating, « Life Course Trajectories of Family Care » dans Innovation in Aging, vol. 2, no 1 (novembre 2018). Lien : https://bit.ly/2MwiXf8.

 

Recherche en bref : La réalité scolaire pour les enfants des familles de militaires

Emily Beckett

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Le Canada compte plus de 64 000 enfants au sein des familles de militaires1, et plusieurs d’entre eux sont confrontés à une importante mobilité. D’après certaines études, les familles des militaires déménagent de trois à quatre fois plus souvent que leurs homologues civils2. Or, même si la plupart des familles des militaires manifestent une grande capacité d’adaptation et beaucoup de résilience lorsqu’elles sont confrontées à une réinstallation, plusieurs recherches récentes ont permis de constater que les déménagements récurrents risquent de nuire au bien-être de la famille3.

Près des trois dixièmes (27 %) des conjoints des militaires interrogés disent avoir dû déménager au moins quatre fois à cause des impératifs de la vie militaire4.

Les réinstallations fréquentes peuvent bousculer la vie de famille à plusieurs égards, et certaines études suggèrent que les perturbations les plus marquées du point de vue des jeunes se font sentir à l’école et dans les activités parascolaires5. Les parents des familles de militaires sont d’ailleurs conscients de ces effets : plus de la moitié des conjoints de militaires interrogés (54 %) s’accordent pour dire que « les enfants des militaires sont désavantagés par la méconnaissance de la réalité des militaires dans les écoles civiles publiques »6. Toutefois, des travaux de recherche ont aussi montré que le milieu scolaire de l’enfant permet souvent de faciliter la transition et, par conséquent, de favoriser le bien‑être des jeunes dans les familles des militaires.

Heidi Cramm, Ph. D., et Linna Tam-Seto, doctorante, ont réalisé une recension des écrits (School Participation and Children in Military Families: A Scoping Review, en anglais seul.), où elles s’intéressent à l’impact de ces transitions sur le bien-être des enfants et des jeunes des familles de militaires, particulièrement en ce qui concerne leur réalité scolaire. Après avoir passé en revue quelque 112 articles spécialisés, les deux chercheuses ont constaté que certaines réalités communes aux familles des militaires finissent souvent par nuire à la qualité et au degré de participation des enfants dans les activités scolaires ou parascolaires, que ce soit à cause de l’éloignement d’un parent en déploiement, d’une réinstallation, des risques associés aux missions militaires des parents, ou des perturbations de la dynamique familiale pendant ou après un déploiement. Même si la vaste majorité des articles recensés dans le cadre de cette initiative reflètent la situation en contexte américain, il semble que les familles des militaires au Canada partagent à peu près la même réalité et les mêmes préoccupations, comme en témoignent les Résultats de l’évaluation des besoins de la communauté des Forces armées canadiennes (FAC) de 20167.

Se réinstaller progressivement dans une nouvelle collectivité

Les enfants des familles de militaires qui fréquentent une nouvelle école n’éprouvent pas nécessairement des difficultés scolaires, mais l’état actuel de la recherche montre qu’il leur faut néanmoins de quatre à six mois à chaque déménagement pour s’habituer complètement à leur nouvelle réalité scolaire. Bien que ces situations soient temporaires, les interruptions successives risquent d’entraîner des incidences à long terme en limitant les possibilités plus tard dans la vie de ces élèves, notamment quant à leur capacité de prendre des risques ou de relever des défis.

Axées surtout sur la réalité aux États-Unis, les études recensées par Mmes Cramm et Tam-Seto révèlent que les difficultés des élèves en transition semblent surtout associées à la durée des déploiements (nombre total de mois d’absence des parents en mission), au degré de résilience, de même qu’à la santé mentale du parent qui prend le relai du conjoint en mission. Ces travaux de recherche mettent aussi en relief les difficultés de réinsertion dans la routine et la structure familiale qui touchent parfois les militaires au terme d’un déploiement. D’après les données probantes, ces effets négatifs s’intensifient en fonction du nombre de mois de déploiement. Il sera particulièrement important d’en tenir compte dans le portrait de la situation des familles des militaires au Canada.

La vie militaire : des répercussions sur le parcours scolaire et l’accès aux mesures de soutien

Les travaux de recherche examinés par Mmes Cramm et Tam-Seto mettent en relief diverses incidences sur le rendement scolaire des élèves (majoritairement américains) qui déménagent d’un territoire à l’autre (ex. : déficits ou dédoublements dans les apprentissages). Différents facteurs entrent en ligne de compte selon les régions, notamment en ce qui concerne les normes en vigueur, les crédits exigés ou encore l’âge d’entrée à la maternelle. Les chercheuses ont aussi constaté que le niveau de stress à la maison durant un déploiement et au cours de la période de réinsertion qui s’ensuit influence souvent le comportement à l’école et la dynamique en classe, alors que ces élèves vivent parfois des difficultés sur le plan affectif, des problèmes de concentration ou d’anxiété, ou des relations conflictuelles avec leurs pairs. L’enquête sur l’évaluation des besoins de la communauté des FAC ne précise pas si la mobilité est la principale cause des difficultés qu’éprouvent les enfants des répondants, mais 13 % d’entre eux avouent que ceux-ci ont manifesté des problèmes comportementaux ou affectifs à l’école durant l’année précédente. D’autres recherches seront nécessaires pour compléter le tableau et mieux comprendre la situation des familles des militaires au Canada.

En 2016, plus d’un septième (13 %) des militaires des Forces armées canadiennes interrogés affirmaient que leur enfant avait éprouvé des problèmes comportementaux ou affectifs à l’école durant l’année précédente.

D’après certaines études, l’adaptation comportementale et affective influencerait le rendement scolaire des jeunes (ex. : comportement, présence, attitude vis-à-vis de l’école ou de l’approche éducative). On peut penser que les difficultés associées au changement d’école sont encore plus grandes pour les élèves ayant besoin de ressources éducatives spécialisées8. À ce chapitre, 8,2 % des familles des FAC interrogées ont des enfants ayant des besoins spéciaux9, et plusieurs d’entre elles nécessitent des ressources et des mesures de soutien. Or, chaque déménagement complique l’accès à de tels services.

Les nombreux parents des familles de militaires qui ont un enfant atteint d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont confrontés aux mêmes difficultés que toutes les autres familles où quelqu’un a des besoins particuliers : non seulement doivent-ils trouver les ressources adéquates dans le dédale du système d’éducation et du réseau de soins de santé, mais ils sont aussi confrontés à la difficulté d’obtenir une évaluation et un diagnostic10. Or, les familles restent parfois des mois voire des années sur une liste d’attente pour recevoir enfin un diagnostic. Dans un tel contexte, certaines familles de militaires sont contraintes de repartir à la fin d’une affectation avant même d’avoir eu accès à des soins ou à des services.

En fait, plusieurs ressources éducatives spécialisées ne sont pas accessibles sans diagnostic. Mmes Cramm et Tam-Seto ont constaté que l’école freine parfois l’accès à certaines ressources en présumant que les difficultés scolaires de l’élève sont uniquement liées au mode de vie des militaires ou qu’elles sont temporaires en lien avec le déploiement d’un parent. À l’inverse, certains intervenants privilégient des ressources éducatives spécialisées pour pallier des déficits d’apprentissage qui sont en réalité liés aux réinstallations et nécessiteraient des mesures moins ciblées. Dans le réseau scolaire américain, plusieurs se sentent mal outillés pour pouvoir bien cibler les élèves des familles de militaires qui méritent un traitement auprès de spécialistes cliniques.

Consolider les collectivités malgré l’importante mobilité

D’après les études consultées, l’importante mobilité entrave souvent la capacité des enfants des familles de militaires à nouer et à entretenir des relations personnelles et à s’intégrer à un cercle social avec les enfants de leur âge. Il n’est pas rare que leurs homologues civils ne comprennent pas la réalité que supposent ces déménagements successifs ou le déploiement d’un parent – ou qu’ils n’y soient pas sensibles –, ce qui teinte leurs relations avec les enfants des militaires. Néanmoins, les interactions entre les jeunes des familles militaires et non militaires sont fréquentes, puisque de nos jours 85 % des familles des militaires au Canada vivent à l’extérieur d’une base, c’est-à-dire dans les collectivités civiles (comparativement à seulement 20 % vers le milieu des années 90)11.

Mmes Cramm et Tam-Seto ont constaté que les enfants des familles de militaires qui vivent en milieu civil aux États-Unis sont particulièrement vulnérables à l’isolement et à la solitude, et il s’agit là de données importantes puisqu’il existe des liens nets entre le bien-être et l’adhésion à un cercle social solide, d’après les études12. En outre, l’état actuel de la recherche laisse entrevoir que le sentiment d’appartenance communautaire est souvent déterminant pour la santé mentale et la résilience13.

La mobilité risque également d’entraver la participation à certaines activités parascolaires pour les jeunes des familles de militaires. Par exemple, il pourrait être trop tard pour un jeune qui emménage avec sa famille et qui souhaiterait se joindre à une équipe de soccer, alors que la période d’entraînement est peut‑être terminée et que l’équipe a été complétée avant le début de l’année scolaire. Certaines équipes de sports d’élite ou d’autres programmes de leadership hésitent parfois à recruter les élèves des familles de militaires de crainte d’avoir à les remplacer s’ils doivent déménager à nouveau.

D’après le rapport de 2016 sur l’évaluation des besoins de la communauté des FAC, près des trois dixièmes (29 %) des répondants qui considéraient le bien-être de leurs enfants comme leur principal souci durant l’année précédente disent avoir besoin d’aide dans leurs démarches pour assurer le bien-être de leurs enfants (ex. : mise en forme, gestion du stress, consolidation des liens familiaux). Dans certains cas, les parents dont le conjoint est en déploiement ne sont pas en mesure d’aller reconduire leurs enfants aux activités parascolaires ou d’assumer toutes les responsabilités compte tenu des besoins accrus à la maison pour s’occuper des enfants (23 % de tous les répondants affirment avoir eu des problèmes liés à la garde des enfants, qu’il s’agisse de la qualité et de la disponibilité des services, de la distance à parcourir, du coût, etc.).

Les professionnels de l’éducation sont en position privilégiée pour faciliter les transitions

Les études montrent que les enseignants, les conseillers et d’autres professionnels de l’éducation sont en situation privilégiée pour faciliter la transition des jeunes des familles de militaires. La recension de certaines études aux États-Unis suggère que le milieu scolaire offre parfois un facteur « de protection » durant une réinstallation, et que les éducateurs sont susceptibles d’aider les élèves des familles de militaires en consolidant leur résilience et leurs mécanismes d’adaptation.

De fait, les déménagements sont déstabilisants en soi et perturbent les habitudes et la routine, si bien que plusieurs familles de militaires et leurs enfants dépendent largement du personnel et du milieu scolaire relativement au soutien socioaffectif. Parmi les parents des FAC qui considéraient le bien‑être de leurs enfants comme leur principal souci durant l’année précédente, plus du tiers des répondants (34 %) disaient avoir besoin de soutien affectif ou social. Les études tendent à montrer que l’implication éventuelle des familles dans la vie scolaire de leur enfant favorise souvent l’engagement et la réussite scolaires, diminue les risques de décrochage et augmente les chances de faire des études postsecondaires.

Toutefois, Mmes Cramm et Tam-Seto ont aussi constaté que plusieurs intervenants du milieu de l’éducation aux États-Unis se disent dépassés par l’ampleur des besoins de leurs élèves, si bien qu’il leur semble difficile de tenir compte des enjeux particuliers des familles des militaires (réinstallations successives, déploiement des parents, peur de voir leurs parents blessés ou tués dans le cadre d’un déploiement), de répondre aux besoins de ces familles et de communiquer efficacement avec elles.

Même si plusieurs des études et des rapports analysés et cités par Mmes Cramm et Tam-Seto portent sur la réalité vécue à l’étranger, leurs conclusions permettent néanmoins de mieux comprendre la situation des familles des militaires au Canada, qui ont en commun plusieurs « éléments stressants de la vie militaire » avec leurs homologues américains, entre autres l’importante mobilité, les périodes récurrentes d’éloignement ainsi que les risques14. Les études recensées donnent à penser que les écoles et les professionnels de l’éducation ayant une bonne littératie militaire (conscientisation à l’égard de ces stresseurs et de la réalité des familles des militaires) peuvent jouer un rôle majeur pour faciliter la transition des jeunes. Au cours des prochaines années, il sera impératif de disposer d’études axées plus particulièrement sur le milieu scolaire en contexte canadien.

Des ressources et de l’information pour favoriser le soutien aux familles des militaires

Les initiatives visant à accroître la littératie militaire des professionnels de l’éducation ont un important rôle à jouer pour épauler les jeunes des familles de militaires ainsi que leurs proches, et plusieurs ont déjà exprimé le souhait d’avoir accès à des ressources pour les aider en ce sens. Divers outils existent déjà pour favoriser la création et la consolidation d’équipes de conseillers scolaires (et de collègues) bien au fait de la « littératie militaire » dans les écoles au Canada, afin de transmettre de l’information et des ressources ciblées à propos du mode de vie des militaires et des vétérans. À ce chapitre, le Cercle canadien du leadership pour les familles des militaires et des vétérans et l’Association canadienne de counseling et de psychothérapie ont publié en 2017 un guide intitulé Les conseillers et les conseillères en milieu scolaire travaillant auprès des familles des militaires et des vétérans.

Les familles des militaires et des vétérans sont fortes, diversifiées et résilientes, et leur contribution unique s’avère précieuse pour les collectivités du pays. Bon nombre d’entre elles sont confrontées à une importante mobilité, ce qui se répercute sur le bien-être des enfants et des jeunes dans l’entourage des militaires et, finalement, sur le mieux-être et l’efficacité des militaires eux-mêmes parmi les Forces armées canadiennes15. Pour permettre à ces familles de prospérer au sein de collectivités et de milieux de travail inclusifs, il faudra accroître la conscientisation vis-à-vis de leur réalité et du « mode de vie des militaires », auprès des professionnels de l’éducation et des intervenants qui s’emploient à étudier, à servir et à soutenir les familles des militaires.

Pour consulter la version intégrale de l’étude :

Heidi Cramm, Ph.D., et Linna Tam-Seto, doctorante, « School Participation and Children in Military Families: A Scoping Review » dans Journal of Occupational Therapy, Schools, & Early Intervention (1er mars 2018). Lien : https://bit.ly/2qiWfcU

 

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Emily Beckett est une auteure professionnelle qui habite à Ottawa (Ontario).

Publié le 22 mai 2018

Cet article a été révisé par le colonel Russ Mann (retraité), conseiller spécial de l’Institut Vanier de la famille et ancien directeur des Services aux familles des militaires, en collaboration avec Heidi Cramm, Ph. D., et Linna Tam-Seto, doctorante.

Notes

  1. Heidi Cramm et autres, « L’état actuel de la recherche sur les familles des militaires » dans Transition (19 janvier 2016).
  2. Kerry Sudom, « Quality of Life among Military Families: Results from the 2008/2009 Survey of Canadian Forces Spouses » dans Director General Military Personnel Research and Analysis, Chief Military Personnel (août 2010). Lien :  http://bit.ly/2b8Hp3U
  3. Pour en savoir davantage : Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada
  4. Sudom, 2010
  5. Pamela Arnold et autres « Needs of Military-Connected School Divisions in South-Eastern Virginia » dans Old Dominion University, Center for Educational Partnerships (septembre 2011), lien : https://bit.ly/2EQGs9F; Angela J. Huebner et autres, « Parental Deployment and Youth in Military Families: Exploring Uncertainty and Ambiguous Loss » dans Family Relations, vol. 56, no 2 (avril 2007), lien : https://bit.ly/2qT6zrH; Kristin N. Mmari et autres, « Exploring the Role of Social Connectedness among Military Youth: Perceptions from Youth, Parents, and School Personnel » dans Child and Youth Care Forum, vol. 39, no 5 (octobre 2010), lien : https://bit.ly/2vm4aey.
  6. Sanela Dursun et Kerry Sudom, « Impacts of Military Life on Families: Results from the Perstempo Survey of Canadian Forces Spouses » dans Director General Military Personnel Research and Analysis, Chief Military Personnel (novembre 2009). Lien : http://bit.ly/1pbjBgC.
  7. Prairies Research Associates, Résultats de l’évaluation des besoins de la communauté des FAC de 2016 (septembre 2017).
  8. Cramm, 2016
  9. Heidi Cramm, « L’accès aux soins de santé pour les familles des militaires ayant un enfant touché par l’autisme » dans Transition (6 novembre 2017).
  10. Cramm, 2017
  11. Ibidem
  12. Maire Sinha, « Rapports des Canadiens avec les membres de leur famille et leurs amis » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (dernière mise à jour au 30 novembre 2015). Lien : https://bit.ly/2FCPTtI
  13. Statistique Canada, « Appartenance à la communauté » dans Gens en santé, milieux sains, no 82-229-X au catalogue de Statistique Canada (janvier 2010). Lien : https://bit.ly/2rercj2
  14. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, « Sur le front intérieur : Évaluation du bien-être des familles des militaires canadiens en ce nouveau millénaire » dans Rapport spécial au ministre de la Défense nationale (novembre 2013). Lien : https://bit.ly/2Ktqtm2
  15. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes