Jennifer Zwicker

Jennifer Zwicker est professeure adjointe et directrice des politiques sociales et de santé à la School of Public Policy de la Faculté de kinésiologie de l’Université de Calgary, titulaire de la Chaire de recherche du Canada (II) sur les politiques relatives aux enfants et aux jeunes handicapés, et scientifique en chef du Réseau pour la santé du cerveau des enfants. Son programme de recherche a pour but d’évaluer les interventions et d’orienter les politiques en matière d’allocation de fonds, de services et d’aide aux jeunes en situation de handicap et à leur famille. Une étroite collaboration entre les parties prenantes et le gouvernement a été essentielle à la transposition de publications évaluées par des pairs en documents d’orientation, en articles d’opinion et en notes d’information à l’intention des ministères provinciaux et fédéraux, et des comités sénatoriaux. Ses travaux ont récemment orienté le groupe de travail sur la stratégie pancanadienne en matière d’autisme de l’Académie canadienne des sciences de la santé ainsi que le groupe de travail composé de spécialistes de la Société royale du Canada dans l’élaboration de politiques inclusives en matière de handicap pendant la pandémie de COVID-19. Elle a été reconnue pour son leadership sur le plan des politiques en tant qu’ancienne membre d’Action Canada, lors de la Conférence canadienne du Gouverneur général sur le leadership et dans le cadre du programme Canada’s Top 40 Under 40 (les 40 meilleur·es de moins de 40 ans).

Annie Pullen Sansfaçon

Annie Pullen Sansfaçon est titulaire d’un Ph. D. en éthique et travail social (de la Montfort University, RU, 2007) et s’intéresse aux approches antioppressives et à l’éthique depuis le tout début de sa carrière. À partir de ces thèmes, elle a développé un axe de recherche visant à mieux comprendre les expériences d’oppression et de résistance des jeunes présentant une diversité de genre, comme les jeunes trans et non binaires, les jeunes bispirituel·les et les jeunes qui détransitionnent, en vue de développer de meilleures pratiques pour les soutenir. Elle s’intéresse également au soutien parental et social, ainsi qu’à l’incidence de celui-ci sur ces différents groupes de jeunes. Les projets de recherche qu’elle dirige tant au niveau national qu’international ont été publiés dans de nombreux articles scientifiques et cinq livres sur la question. Elle a cofondé et codirige actuellement le Centre de recherche sur la justice intersectionnelle, la décolonisation et l’équité (le CRI-JaDE), et est chercheuse associée à l’École de travail social de la Stellenbosch University en Afrique du Sud.

Simona Bignami

Simona Bignami est démographe et se spécialise dans les méthodes quantitatives et l’étude des dynamiques familiales. Elle porte un intérêt général à la relation entre l’influence sociale, la dynamique familiale et les conséquences et les comportements sur le plan démographique, ainsi qu’à la mesure dans laquelle les données empiriques permettent de comprendre cette relation. Ses travaux les plus récents s’attardent aux dynamiques familiales des personnes migrantes et des minorités ethniques, avec l’objectif d’améliorer leur évaluation à l’aide de données et de méthodes novatrices, en plus de mieux comprendre leurs répercussions sur les plans démographique et sanitaire. Ses recherches sur ces thèmes s’inscrivent dans une perspective comparative, allant des pays en développement aux pays développés. Bien que ses travaux soient principalement quantitatifs, elle a acquis une expérience dans la collecte de données d’enquête auprès de ménages, ainsi que dans la réalisation d’entretiens qualitatifs et l’organisation de groupes de discussion dans divers contextes.

Robin McMillan

Au cours de sa carrière, Robin McMillan a passé plus de 30 ans à travailler dans le secteur de la petite enfance. Elle a d’abord travaillé comme éducatrice pendant huit ans auprès d’enfants d’âge préscolaire. Puis elle a quitté la première ligne afin de développer des ressources pour les praticiennes et praticiens à la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance (FCSGE). Elle travaille à la FCSGE depuis 1999, où elle est passée d’assistante de projet à gestionnaire de projet, puis à son rôle actuel de conceptrice de projets, de programmes et de partenariats. Plusieurs réalisations ont marqué sa carrière à la FCSGE, notamment la gestion de plus de 20 projets nationaux et internationaux, y compris un projet de l’ACDI en Argentine et la présentation d’un rapport avec l’honorable sénateur Landon Pearson au Comité des droits de l’enfant à Genève, en Suisse.

Robin a été membre du conseil d’administration de l’Ottawa Carleton Ultimate Association pendant deux ans et a participé à l’organisation de nombreux événements caritatifs locaux. Elle a fondé et animé un groupe local de soutien aux parents, Ottawa Parents of Children with Apraxia (Parents d’enfants atteints d’apraxie à Ottawa), ainsi qu’un groupe national, Apraxia Kids Canada (L’apraxie chez les enfants au Canada). Elle est mariée et a un fils de 17 ans atteint d’un grave trouble de la parole (apraxie verbale) et d’une légère déficience intellectuelle, ce qui l’a propulsée dans le monde du plaidoyer pour le soutien à la parentalité. Elle a d’ailleurs reçu le prix de défenseure de l’année en 2010, décerné par la Childhood Apraxia of Speech Association of North America.

À propos de l’organisme : Nous représentons la communauté du secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants au Canada, à savoir l’ensemble des professionnel·les et des praticien·nes d’un océan à l’autre. Nous donnons voix à la passion, à l’expérience et aux pratiques en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (AGJE) au pays. Nous mettons de l’avant des recherches novatrices en matière de politiques et de pratiques afin de mieux éclairer le développement et la prestation des services. Nous faisons preuve de leadership sur les enjeux qui touchent notre secteur, ayant foi en notre capacité d’influencer positivement la vie des jeunes enfants, à savoir notre véritable objectif, notre raison d’être. Les sujets abordés, explorés et communiqués au sein de notre communauté ont le potentiel de transformer des vies et nous en avons pleinement conscience. Nous sommes une force engagée et passionnée en faveur d’un changement positif là où ça compte le plus, c’est-à-dire auprès des enfants.

Gaëlle Simard-Duplain 

Gaëlle Simard-Duplain est professeure adjointe au Département de sciences économiques de l’Université Carleton. Ses travaux de recherche portent sur les facteurs qui ont une incidence sur la santé et la situation sur le marché du travail. Elle s’intéresse particulièrement à la relation entre les politiques et l’atténuation ou l’exacerbation des inégalités chez les familles, à la fois dans la dynamique au sein des ménages et dans les mécanismes de transmission intergénérationnelle. Pour ce faire, elle a principalement recours à des sources de données administratives, parfois liées à des données d’enquête ou à des méthodes de recherche quasi expérimentales. Gaëlle est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Colombie-Britannique.

Andrea Doucet

Andrea Doucet est titulaire de la Chaire de recherche du Canada (niveau 1) sur l’égalité entre les sexes, le travail et les soins, professeure de sociologie et d’études sur les femmes et le genre à l’Université Brock, et professeure associée à la fois à l’Université Carleton et à l’Université de Victoria (Canada). Elle a publié de nombreux ouvrages sur les politiques soins/travail, les politiques en matière de congé parental, la paternité et les soins, la division entre les sexes et le travail rémunéré et non rémunéré des parents. Elle est l’autrice de deux éditions du livre primé Do Men Mother? (Presses de l’Université de Toronto, 2006, 2018), coautrice de deux éditions du livre Gender Relations : Intersectionality and Social Change (Oxford, 2008, 2017), et coéditrice du livre Thinking Ecologically, Thinking Responsibly: The Legacies of Lorraine Code (SUNY, 2021). Elle écrit actuellement sur les soins socio-écologiques et les liens entre les congés parentaux, les congés liés aux soins et les services de base universels. Parmi ses récentes collaborations de recherche, elle a notamment participé à un projet sur l’expérience de la maternité chez les jeunes Noires avec Sadie Goddard-Durant et divers organismes communautaires canadiens; à un projet axé sur les approches féministe, écologique et autochtone en matière d’éthique de soins et de travail de soin, avec Eva Jewell et Vanessa Watts; ainsi qu’à un projet sur l’inclusion et l’exclusion sociales dans les politiques de congé parental, avec Sophie Mathieu et Lindsey McKay. Elle est directrice de projet et chercheuse principale du Programme canadien de partenariats de recherche du CRSH, Réinventer les politiques soins/travail, et co-coordinatrice du International Network on Leave Policies and Research.

Liv Mendelsohn

Liv Mendelsohn, M.A., M.Ed., est directrice générale du Centre canadien d’excellence pour les aidants, où elle dirige des initiatives en matière d’innovation, de recherche, de politiques et de programmes visant à soutenir les personnes aidantes et les prestataires de soins au Canada. Leader visionnaire comptant plus de 15 ans d’expérience dans le secteur à but non lucratif, Liv est aidante depuis fort longtemps et vit elle-même avec un handicap. Son expérience en tant que membre de la « génération sandwich » alimente son aspiration envers la création d’un mouvement pour les personnes aidantes au Canada afin de changer la façon dont la prestation de soins est perçue, valorisée et soutenue.

Au cours de sa carrière, Liv a fondé et dirigé plusieurs organismes axés sur l’incapacité et la prestation de soins, notamment le Wagner Green Centre for Accessibility and Inclusion ainsi que le festival du film de Toronto ReelAbilities. Liv est présidente du comité consultatif sur l’accessibilité de la Ville de Toronto. Elle a reçu le Prix pour l’équité décerné par la Ville de Toronto et a été reconnue pour son leadership par la University College, l’Université de Toronto, l’organisme Enfants avenir Ontario et les centres communautaires juifs d’Amérique du Nord. Liv est agrégée supérieure de recherche au Massey College et diplômée du Mandel Institute for Non-Profit Leadership ainsi que du programme de bourses DiverseCity de la CivicAction Leadership Foundation.

À propos de l’organisme : Le Centre canadien d’excellence pour les aidants appuie et habilite les personnes aidantes et les prestataires de soins, favorise l’avancement des connaissances et la capacité d’agir dans le domaine des soins, et plaide en faveur de politiques sociales efficaces et visionnaires, tout en privilégiant une approche qui se veut à l’écoute des personnes ayant une incapacité. Notre expertise et nos connaissances, tirées des expériences vécues des personnes aidantes et des prestataires de soins, nous aident à faire campagne pour de meilleurs systèmes et un changement durable. Nous sommes plus qu’un simple bailleur de fonds; nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires et nos bénéficiaires pour atteindre des objectifs communs.

Deborah Norris

Titulaire de diplômes supérieures en sciences familiales, Deborah Norris est professeure au Département d’études de la famille et de gérontologie de l’Université Mount Saint Vincent. Son intérêt persistant envers l’interrelation entre le travail et la vie de famille a amené Deborah à s’investir très tôt dans l’élaboration de programmes d’éducation à la vie familiale au Centre de ressources pour les familles des militaires (CRFM) de la Base des Forces canadiennes (BFC) d’Halifax. Les connaissances acquises au cours de ses échanges avec les participantes et participants aux programmes ont été les étincelles qui ont déclenché chez elle un inébranlable engagement à en apprendre davantage sur la vie des familles des militaires, qui ont été le fil conducteur de ses recherches tout au long de sa carrière. S’inspirant des théories écologique et critique, le programme de recherche de Deborah se veut pratique, collaboratif et interdisciplinaire. Elle a dirigé des études portant sur la résilience chez les familles des militaires et des vétéranes et vétérans; l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle chez les familles des militaires; la relation bidirectionnelle entre les blessures de stress opérationnel et la santé mentale et le bien-être des familles des vétéranes et vétérans; les programmes de psychoéducation familiale pour les familles des militaires et des vétéranes et vétérans; et la transition entre la vie militaire et la vie civile. Elle a collaboré avec des spécialistes du milieu universitaire, des scientifiques du ministère de la Défense nationale (MDN), des membres du personnel d’Anciens Combattants Canada (ACC) ainsi que d’autres parties prenantes. Récemment, elle a élargi son programme de recherche afin de mettre l’accent sur les effets que peut avoir le stress opérationnel sur les familles du personnel de la sécurité publique.

Susan Prentice

Susan Prentice est professeure du programme d’études gouvernementales Duff Roblin à l’Université du Manitoba, où elle enseigne la sociologie. Elle se spécialise dans les politiques familiales, et plus particulièrement dans les politiques liées à la garde des enfants. Elle a publié de nombreux travaux sur les politiques familiales et liées à la garde des enfants, dont les plus récents sont accessibles sur sa page de profil de l’UM. Elle donne des cours sur les politiques familiales aux premier et deuxième cycles universitaires. Susan travaille en étroite collaboration avec des groupes provinciaux et nationaux qui font la promotion des services de garde et est membre du comité de direction de la Child Care Coalition of Manitoba.

Diane-Gabrielle Tremblay

Diane-Gabrielle Tremblay est professeure d’économie et de sociologie du travail, ainsi que de gestion des ressources humaines à l’Université TÉLUQ (Université du Québec). Elle a été nommée présidente de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir en 2002 et directrice de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC) sur la gestion des âges et des temps sociaux en 2009 (www.teluq.ca/aruc-gats). Elle a été nommée Membre de la Société royale du Canada (MSRC) ainsi que du Centre d’excellence de l’Université du Québec, en reconnaissance de la qualité de ses recherches et de ses publications. Ses travaux portent sur la conciliation travail-famille, l’organisation du travail (télétravail, cotravail) et l’aménagement du temps de travail. Diane-Gabrielle a publié de nombreux ouvrages, dont un manuel sur l’économie du travail, un manuel de sociologie du travail, trois livres sur le temps de travail et la conciliation travail-famille, ainsi que des articles dans diverses revues internationales.

Shelley Clark

Shelley Clark, démographe et professeure lauréate du prix James-McGill en sociologie, mène des recherches sur le genre, la santé, les dynamiques familiales et les périodes transitoires de la vie. Après avoir obtenu son doctorat à la Princeton University en 1999, Shelley a travaillé à titre d’adjointe de programme du Population Council à New York (1999-2002) et de professeure adjointe à la Harris School of Public Policy de la University of Chicago (2002-2006). À l’été 2006, elle a intégré le Département de sociologie de l’Université McGill, où elle est devenue en 2012 la directrice fondatrice du Centre de recherche sur la dynamique des populations. Une grande partie de ses recherches au cours des 20 dernières années se sont intéressées à la manière dont les adolescentes et adolescents d’Afrique subsaharienne effectuent leurs principales transitions vers l’âge adulte alors qu’il y sévit une épidémie persistante de VIH/sida. D’autres travaux ont permis de mettre en relief les vulnérabilités sociales, économiques et sanitaires des mères célibataires et de leurs enfants en Afrique subsaharienne. Récemment, Shelley s’est lancée dans un nouveau programme de recherche visant à évaluer les inégalités entre les régions rurales et urbaines ainsi que les dynamiques familiales aux États-Unis et au Canada. Ses découvertes soulignent la diversité des structures familiales dans les régions rurales ainsi que les conséquences d’un accès limité à la contraception sur la fécondité et la santé reproductive des femmes de ces régions.

Isabel Côté

Isabel Côté est professeure titulaire au Département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais. Elle est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux, ainsi que membre du partenariat Familles en mouvance et du Réseau québécois en études féministes (RéQEF). Son programme de recherche a pour but de favoriser une compréhension globale de la procréation pour autrui, en croisant le regard de l’ensemble des parties, à savoir les parents, les donneuses et donneurs, les mères porteuses, les enfants ainsi conçu·es et les familles élargies. Appuyés sur des méthodologies qualitatives novatrices, ses travaux conjuguent les apports théoriques de la sociologie de la famille, de l’anthropologie de la parenté et des études féministes et LGBTQ, en plus de revisiter les réalités familiales contemporaines. De manière innovante, ses travaux positionnent les enfants comme des acteurs à part entière dans la construction des connaissances relatives aux familles issues de la procréation pour autrui. Enfin, ses conclusions de recherche fournissent des informations basées sur des données empiriques utiles au débat social entourant les questions soulevées par la procréation pour autrui, tout en suggérant des pistes d’action en vue de mieux soutenir le bien-être des personnes concernées.

Denise Whitehead

Denise Whitehead est professeure agrégée et présidente du Département des études sur la sexualité, le mariage et la famille, ainsi que des départements de sociologie et de droit de l’Université St. Jerome’s, au sein de l’Université de Waterloo. Denise est avocate de formation (Osgoode Hall, Barreau de l’Ontario) et sociologue (Ph. D. en relations familiales et en développement humain, Université de Guelph). Elle mène des travaux de recherche sociojuridiques sur les pratiques et les politiques en matière de séparation et de divorce qui touchent l’ensemble des membres du système familial. Ses cours abordent un large éventail de sujets, notamment les parents et les enfants, la formation et la dissolution des relations, le droit de la famille, les politiques familiales, les conflits dans les relations étroites et la prestation de soins.

Rapport : La COVID-19 et la parentalité au Canada

3 septembre 2020

Téléchargez le rapport (PDF)

En juin 2020, l’Institut Vanier a produit le rapport Familles « en sécurité à la maison » : La pandémie de COVID-19 et la parentalité au Canada en prévision de la rencontre d’un groupe d’experts des Nations Unies intitulée Families in Development : Focus on Modalities for IYF+30, Parenting Education and the Impact of COVID-19 (Le développement des familles : Regard sur les modalités du 30e anniversaire de l’AIF, l’éducation parentale et les conséquences de la COVID-19). Maintenant disponible en français et en anglais, ce rapport aborde la réalité, les liens et le bien-être des familles pendant la pandémie de COVID-19, en plus d’explorer les ressources, les politiques, les programmes et les initiatives actuellement en vigueur afin de soutenir les familles et la vie familiale.

Le rapport Familles « en sécurité à la maison » répertorie les ressources fédérales, provinciales et territoriales qui ont été créées dans le but de compenser, d’atténuer ou de réduire les répercussions financières qu’ont subies les familles en raison de la pandémie de COVID-19. En plus des interventions gouvernementales, le rapport propose un résumé de la gamme diversifiée de services offerts en soutien aux familles, pour la période allant de la préparentalité à la parentalité d’adolescents, et qui s’adressent aux parents de l’ensemble du Canada, y compris ceux qui sont membres des communautés autochtones et des 2SITLGBQ+ ainsi que les nouveaux arrivants.

La rencontre de ce groupe d’experts a été organisée par la Division du développement social inclusif du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DAES), et a permis à des experts de disciplines variées du monde entier de se réunir virtuellement afin de discuter des conséquences de la COVID-19, d’évaluer les progrès réalisés et les questions émergentes en lien avec la parentalité et l’éducation, et de planifier les célébrations imminentes du 30e anniversaire de l’Année internationale de la famille (AIF). 

 


Familles « en sécurité à la maison » : La pandémie de COVID 19 et la parentalité au Canada

Nora Spinks, Sara MacNaull, Jennifer Kaddatz

Vers la fin de 2019, la nouvelle liée à l’apparition du nouveau coronavirus (COVID‑19) commençait à se répandre partout dans le monde. À l’instar de nombreux autres pays, le Canada commençait alors à envisager la possibilité, pendant des semaines, voire des mois, que les familles soient tenues de vivre en isolement chez elles, que les horaires scolaires et professionnels subissent des changements, et que des répercussions inconnues affectent le bien-être des familles ainsi que les liens qui les unissent.

En 2020, au cœur de la pandémie de COVID-19, les citoyens du monde entier apprennent à composer avec de nouveaux modes de vie et à s’y adapter tout en demeurant « en sécurité à la maison ». Depuis le 10 mars 2020, les Canadiens s’efforcent de respecter les directives de distanciation physique et sociale mises de l’avant par nos gouvernements et établies sur les recommandations des responsables de la santé publique. Au cours des trois derniers mois, nombre de parents ont dû exercer leur rôle dans un contexte de grande incertitude et d’imprévisibilité, et ce, tout en assumant leurs engagements professionnels, leurs responsabilités de soins à la maison et à l’extérieur du foyer, et l’éducation à domicile des enfants de tous âges. Malgré l’impossibilité de planifier et l’incertitude par rapport aux semaines et aux mois à venir, la plupart des familles maintiennent une bonne santé physique et mentale en prenant soin les uns des autres et en traversant la tempête avec leurs voisins et leurs communautés à distance.

En cette période sans précédent, l’Institut Vanier de la famille a réorienté son approche afin d’œuvrer à comprendre les familles au Canada en ce contexte marqué par des changements radicaux sur les plans socioéconomique et environnemental. Les activités quotidiennes des individus et des familles au Canada, leurs réflexions, leurs sentiments et leurs occupations sont tout autant de facteurs importants à considérer et à saisir à court, à moyen et à long termes.

C’est dans ce contexte que des représentants de l’Institut Vanier ont cofondé le Réseau COVID‑19 sur les impacts sociaux, un groupe multidisciplinaire composé d’éminents experts canadiens ainsi que de certains de leurs homologues internationaux. Le Réseau a déterminé des enjeux importants, des indicateurs clés ainsi que des données sociodémographiques pertinentes qui permettront de formuler des réponses fondées sur des données probantes concernant les dimensions socioéconomiques de la crise de la COVID-19 au Canada. Par ailleurs, afin de bien cerner la réalité des familles pendant la pandémie, l’Institut Vanier a mobilisé à l’interne les connaissances provenant d’autres sources disponibles, notamment des données quantitatives d’organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, comme Statistique Canada et UNICEF Canada, ainsi que des renseignements qualitatifs fournis par des individus, des familles et des organismes de partout au pays. L’analyse de ces résultats a permis de mettre en lumière les caractéristiques de la vie de famille avant et durant la pandémie, donnant un aperçu de ce que les Canadiens craignent et de ce qu’ils sont impatients de faire une fois que les mesures de santé publique seront levées.

Conformément à ses principes fondamentaux, l’Institut Vanier honore et respecte les points de vue des diverses familles en adoptant une perspective familiale et une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), lorsque c’est possible1. En examinant l’impact de la pandémie de COVID-19 ainsi que l’ensemble « des coûts et des conséquences » qui y sont associés, y compris les modèles de fécondité, les responsabilités parentales, les relations familiales, la dynamique familiale et le bien-être de la famille, l’Institut mobilise les connaissances de ceux qui s’emploient à étudier, à servir et à soutenir les familles. Il vise à favoriser une prise de décisions éclairées et fondées sur des données probantes lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques et de programmes destinés à toutes les familles au Canada.

L’expérience de la pandémie de COVID-19 au Canada

Au 31 mai 2020, 1,6 million de personnes avaient subi un test de dépistage de la COVID-19 au Canada (soit environ 4,5 % de l’ensemble de la population). Parmi celles-ci, 5 % étaient infectées par le virus, et 8 % en sont décédées2. Les aînés se trouvant dans des établissements de soins de longue durée qui sont décédés de la COVID-19 représentent environ 82 % de l’ensemble des décès reliés au virus3.

Dans cette pandémie, les familles ressemblent à tout autre « système » : leurs forces et leurs faiblesses sont magnifiées, amplifiées et intensifiées au fur et à mesure qu’elles adaptent leurs relations, leurs interactions et leurs comportements aux changements de routine, d’habitudes et de réalité. Les liens familiaux, le bien-être de la famille et la réalité des jeunes ont tous été profondément affectés par la situation.

LES LIENS FAMILIAUX

  • Environ 8 adultes sur 10 (de 18 ans et plus) mariés ou vivant en union libre ont déclaré qu’eux et leur conjoint se soutenaient mutuellement depuis le début de la pandémie de COVID‑19 (figure 1). Ce pourcentage ne varie que légèrement pour ceux qui ont des enfants ou des adolescents à la maison (77 %), comparativement à ceux qui ne comptent pas d’enfant de moins de 18 ans au sein de leur ménage (82 %)4.
  • Moins de 2 adultes sur 10 qui entretiennent une relation sérieuse ont affirmé se disputer davantage depuis le début de la pandémie (figure 1)5.
  • Six parents sur 10 ont affirmé passer plus de temps à discuter avec leurs enfants qu’ils ne le faisaient avant le début du confinement6.
  • Dans les ménages comprenant de jeunes enfants à la maison, les adultes étaient près de deux fois plus susceptibles d’avoir augmenté le temps consacré à créer de l’art, de l’artisanat ou de la musique que ceux qui n’avaient pas d’enfants ni d’adolescents à la maison7.

En revanche…

  • Le tiers des adultes se sont dits très ou extrêmement inquiets à propos des tensions familiales engendrées par le confinement9.
  • 10 % des femmes et 6 % des hommes étaient très ou extrêmement préoccupés par la possibilité de violence à la maison10, 11.
  • Environ 1 Canadien sur 5 avait des proches aînés vivant dans un foyer ou un établissement de soins et, parmi eux, 92 % des femmes et 78 % des hommes se disaient très ou assez préoccupés pour leur santé12.

LE BIEN-ÊTRE DE LA FAMILLE

  • Dans la cadre d’un sondage en production collective (crowdsourcing) mené par Statistique Canada du 24 avril au 11 mai 2020, plus des trois quarts des participants ont indiqué que leur santé mentale était très bonne ou excellente (46 %) ou encore bonne (31 %) pendant la pandémie13.
  • Près de la moitié (48 %) des participants à une initiative d’approche participative de Statistique Canada ont déclaré que leur santé mentale était « à peu près identique », « un peu mieux » ou « beaucoup mieux » qu’elle ne l’était avant le début de la pandémie14.
  • Environ la moitié des adultes ont dit se sentir anxieux, nerveux ou tristes « très souvent » ou « souvent » depuis le début de la crise sanitaire15.
  • Parmi tous les groupes d’âge et dans toutes les semaines de sondage, les femmes ont exprimé une crainte plus vive que les hommes à l’idée de contracter le virus ou qu’une personne de leur famille immédiate le contracte (figure 2)16.

  • Les Canadiens craignaient davantage qu’un proche contracte la COVID-19 qu’ils ne craignaient la contracter eux-mêmes. Voici le pourcentage des adultes qui ressentaient « beaucoup » ou « énormément » d’inquiétude concernant :
    • leur propre santé: 36 %
    • la santé d’un membre de leur ménage : 54 %
    • la santé des personnes vulnérables : 79 %
    • le risque d’engorger le système de santé : 84 %18, 19
  • Plus de 4 adultes sur 10 vivant avec des enfants de moins de 18 ans à la maison ont affirmé avoir éprouvé « très souvent » ou « souvent » de la difficulté à dormir depuis le début de la pandémie20.
  • Lorsqu’on leur a demandé de décrire leur principal état d’esprit au cours des dernières semaines, les Canadiens étaient plus susceptibles d’affirmer qu’ils étaient inquiets (44 %), anxieux (41 %) et qu’ils s’ennuyaient (30 %); pas moins du tiers (34 %) ont aussi indiqué qu’ils se sentaient « reconnaissants »21.
  • Les femmes étaient considérablement plus susceptibles que les hommes d’indiquer ressentir de l’anxiété ou de la nervosité, de la tristesse ou de l’irritabilité ou avoir de la difficulté à dormir pendant la pandémie22.
  • Tous groupes d’âge confondus, les adultes ont continué de faire de l’exercice pendant la pandémie, alors que les deux tiers des adultes de 18 à 34 ans ont affirmé faire de l’exercice aussi souvent ou même plus souvent pendant la pandémie qu’ils n’en faisaient avant qu’elle débute. Les proportions étaient semblables chez les adultes de 35 à 54 ans (62 %) ainsi que chez les 55 ans et plus (65 %)23.
  • Les jeunes adultes (de 15 à 49 ans) étaient plus susceptibles de signaler une consommation accrue de malbouffe que les adultes plus âgés24.
  • Les banques alimentaires ont connu une augmentation moyenne de 20 % de leur demande. Certaines banques alimentaires locales, comme celles de Toronto, en Ontario, ont enregistré des hausses atteignant 50 %25.
  • Parmi les personnes de 15 ans et plus, 9 personnes sur 10 ont indiqué que la pandémie n’avait pas eu d’effet sur leur consommation de produits du tabac ou de cannabis26. Un peu moins de 8 personnes sur 10 ont affirmé que la pandémie n’avait pas affecté leurs habitudes de consommation d’alcool27.

RÉALITÉ DES ADOLESCENTS

  • Les jeunes de 12 à 19 ans ont indiqué avoir obtenu la plupart des renseignements sur la COVID‑19 et les mesures de santé publique de leurs parents28.
  • Les adolescents de 15 à 17 ans ont éprouvé plus d’anxiété que ceux de 12 à 14 ans29.
  • Parmi les adolescents de 15 à 17 ans, 50 % ont indiqué que la pandémie avait eu « beaucoup » ou « assez » d’effets négatifs sur leur santé mentale, par rapport à 34 % chez les adolescents de 12 à 14 ans. Près de 4 adolescents sur 10 âgés de 12 à 17 ans ont signalé « beaucoup » ou « assez » d’effets négatifs sur leur santé physique30.
  • Pendant le confinement, ce qui a le plus manqué à environ la moitié des enfants et des adolescents, tous groupes d’âges confondus, est leurs amis31.
  • Bien que 75 % des adolescents aient déclaré avoir continué leurs travaux scolaires malgré l’isolement, nombre d’entre eux ont affirmé avoir manqué de motivation (60 %) et ne pas avoir aimé ce fonctionnement (57 %) (c.-à-d. l’apprentissage en ligne ou les cours virtuels)32.
  • De nombreux jeunes ont dit faire plus de travaux ménagers et assumer davantage de tâches pendant la pandémie33.
  • Les adolescents plus âgés (de 15 à 17 ans) avaient plus de difficulté à dormir, se sentaient plus anxieux ou nerveux, tristes et irritables. Les adolescents plus jeunes (de 12 à 14 ans) étaient plus susceptibles de se sentir heureux que les plus vieux (figure 3)34.

Réponse à la pandémie de COVID-19 au Canada

Depuis mars 2020, les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral ont instauré une variété de prestations, de crédits, de programmes, d’initiatives et de fonds visant à soutenir les familles de partout au Canada. Ces nouvelles ressources ont pour but de compenser, d’atténuer ou de réduire les répercussions financières de la COVID-19 subies par les familles dans cette période d’incertitude. On retrouve notamment les mesures suivantes :

AUGMENTATION TEMPORAIRE DE L’ALLOCATION CANADIENNE POUR ENFANTS (ACE)

L’Allocation canadienne pour enfants (ACE) est un versement mensuel non imposable fait aux familles admissibles afin de les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants de moins de 18 ans. Le montant du versement varie en fonction du nombre d’enfants, de l’âge des enfants, de l’état matrimonial et du revenu familial net indiqué sur la déclaration d’impôts de l’année précédente. L’ACE peut inclure la Prestation pour enfants handicapés ainsi que tous les programmes connexes offerts par le gouvernement provincial ou territorial36.

Pour les familles qui bénéficient déjà de l’ACE, un montant supplémentaire de 300 $ par enfant a été ajouté à l’allocation en mai 2020. Par exemple, une famille ayant deux enfants aura reçu 600 $ en plus de son versement mensuel habituel de l’ACE, qui pouvait atteindre une somme maximale de 553,25 $ par mois pour chaque enfant de moins de 6 ans et de 466,83 $ par mois pour chaque enfant de 6 à 17 ans37, 38.

PRESTATION CANADIENNE D’URGENCE (PCU)

En avril 2020, le gouvernement fédéral du Canada a instauré la Prestation canadienne d’urgence (PCU) afin de soutenir les travailleurs touchés par la pandémie de COVID-19.

La PCU verse 2 000 $ à chaque période de quatre semaines aux travailleurs qui ont perdu leur revenu en raison de la pandémie. Y sont admissibles les adultes qui ont perdu leur emploi ou qui sont malades, en quarantaine ou qui prennent soin d’une personne qui a contracté la COVID-19. Elle s’applique aux salariés, aux travailleurs contractuels et aux travailleurs indépendants qui ne sont pas en mesure de travailler. La prestation permet également aux travailleurs de gagner jusqu’à 1 000 $ par mois tout en percevant la PCU39.

En raison de la fermeture des écoles et des services de garde de l’ensemble du Canada, la PCU est offerte aux parents qui travaillent et qui doivent rester à la maison sans rémunération afin de s’occuper de leurs enfants jusqu’à ce que les écoles et les services de garde puissent rouvrir et accueillir à nouveau les enfants de tous âges en toute sécurité.

Au début du mois de mai 2020, plus de 7 millions de Canadiens avaient présenté une demande pour bénéficier de la PCU depuis son entrée en vigueur40.

REPORT DES PAIEMENTS HYPOTHÉCAIRES

Les propriétaires de partout au Canada qui sont confrontés à des difficultés financières en raison d’une perte de travail ou d’une baisse de revenus pendant la pandémie peuvent être admissibles à un report de paiements hypothécaires pouvant aller jusqu’à six mois.

Le report de paiement constitue une entente conclue entre les propriétaires et leur prêteur hypothécaire, qui comprend une suspension de tout paiement hypothécaire pendant une période déterminée41.

CRÉDIT SPÉCIAL POUR LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

Le crédit pour la taxe sur les produits et services est un versement trimestriel non imposable qui aide les particuliers et les familles ayant un revenu faible ou modeste à compenser la totalité ou une partie de la taxe sur les produits et services (TPS) ou de la taxe de vente harmonisée (TVH) qu’ils paient42.

En avril 2020, le gouvernement fédéral a offert un paiement spécial unique à ceux qui bénéficient du crédit pour la taxe sur les produits et services. La prestation supplémentaire moyenne s’élevait à près de 400 $ pour les personnes seules et à près de 600 $ pour les couples43.

COMPLÉMENT SALARIAL TEMPORAIRE POUR LES TRAVAILLEURS ESSENTIELS À FAIBLE REVENU

Le gouvernement fédéral dispense un soutien de 3 milliards de dollars afin d’augmenter le salaire des travailleurs essentiels à faible revenu. Ces travailleurs essentiels (qui peuvent varier selon la province ou le territoire) peuvent inclure des professionnels de la santé, des employés d’établissements de soins de longue durée et des employés d’épicerie.

Chaque province ou territoire est responsable de déterminer quels travailleurs sont admissibles à ce soutien et le montant qu’ils percevront44.

EMERGENCY RELIEF SUPPORT FUND FOR PARENTS OF CHILDREN WITH SPECIAL NEEDS (FONDS D’AIDE D’URGENCE POUR LES PARENTS D’ENFANTS AYANT DES BESOINS PARTICULIERS) (Province de la Colombie‑Britannique)

Afin de soutenir les parents d’enfants ayant des besoins particuliers pendant la pandémie de COVID-19, le gouvernement de la Colombie-Britannique a créé un nouveau fonds d’aide d’urgence. Le fonds fournira un paiement direct de 225 $ par mois aux familles admissibles entre les mois d’avril et de juin 2020 (pendant trois mois).

Le paiement peut être utilisé pour se procurer de l’aide afin d’atténuer le stress, notamment de l’aide pour la préparation des repas et l’achat de produits alimentaires; des services d’aide familiale; ou des services d’aide et/ou de counseling pour les aidants, que ce soit en ligne ou par téléphone45.

FONDS DE SOUTIEN DU REVENU POUR RÉPONDRE À LA COVID-19 (Province de l’Île-du-Prince-Édouard)

En avril 2020, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a annoncé un soutien financier destiné aux personnes dont le revenu a été affecté directement par l’état d’urgence de santé publique, ainsi que par les mesures supplémentaires visant à assurer la sécurité des résidents.

Le Fonds de soutien du revenu pour répondre à la COVID-19 aidera les personnes à combler l’écart entre leur perte de revenu et les prestations d’assurance-emploi (AE) ou la prestation d’urgence du Canada (PCU) en fournissant un montant forfaitaire unique imposable de 750 $46.

PROGRAMME DE SOUTIEN AUX FAMILLES (Province de l’Ontario)

En avril 2020, le gouvernement de l’Ontario a annoncé une aide financière directe pour les parents alors que les écoles et les centres de services de garde de l’Ontario étaient fermés en raison de la pandémie de COVID-19.

Le nouveau programme de soutien aux familles offre un versement unique de 200 $ par enfant de 0 à 12 ans et de 250 $ pour les enfants de 0 à 21 ans ayant des besoins particuliers47.

PRESTATION D’URGENCE POUR LES CLIENTS INSCRITS À L’AIDE AU REVENU (Territoires du Nord-Ouest)

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a fourni une prestation d’urgence unique aux clients inscrits à l’aide au revenu en mars 2020, afin de les aider à s’approvisionner en nourriture et en produits de nettoyage pour 14 jours, selon les stocks des magasins.

Le programme d’aide au revenu est conçu pour les résidents de 19 ans et plus dont les besoins sont plus importants que leur revenu. La prestation d’urgence reçue par les particuliers s’élevait à 500 $ et celle des familles, à 1 000 $48.

La parentalité au Canada : les priorités, les politiques, les programmes et les ressources du gouvernement

Le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones appuient les parents canadiens de nombreuses façons. En plus des mesures de soutien instaurées pour aider les familles pendant la pandémie de COVID-19 décrites dans la section précédente, voici une sélection de priorités, de politiques, de ressources et de programmes actuels qui existaient avant la pandémie :

APPRENTISSAGE ET GARDE DES JEUNES ENFANTS

Les besoins en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada sont vastes et diversifiés. Le gouvernement du Canada investit dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants afin de veiller à ce que les enfants connaissent le meilleur départ possible dans la vie. Dans un premier temps, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants ont convenu d’un Cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Ce nouveau cadre jette les bases qui amèneront les gouvernements à travailler à la concrétisation d’une vision commune à long terme selon laquelle tous les enfants du Canada peuvent profiter de l’environnement enrichissant d’un système d’apprentissage et de garde de qualité. Les principes directeurs du Cadre visent à accroître la qualité, l’accessibilité, l’abordabilité, la flexibilité et l’inclusivité. Un cadre distinct pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants autochtones a été élaboré en collaboration avec des partenaires autochtones, reflétant les cultures et les besoins uniques des enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada49, 50.

SERVICES DE GARDE AVANT ET APRÈS L’ÉCOLE

Le gouvernement fédéral du Canada priorise actuellement la collaboration avec les provinces et les territoires afin d’investir pour créer jusqu’à 250 000 places supplémentaires en services de garde avant et après l’école pour les enfants de moins de 10 ans, dont au moins 10 % permettraient un service de garde pour une durée prolongée. Parmi les autres priorités, notons également une réduction de 10 % des frais de garde d’enfants dans le cas des programmes avant et après l’école51.

SPÉCIALEMENT POUR VOUS – PARENTS

« Spécialement pour vous – Parents » est une liste de ressources en ligne créée par le gouvernement fédéral à l’intention des parents sur des sujets comme l’alcool, le tabagisme et les drogues; la violence et l’enfant; les maladies de l’enfance et les maladies de longue durée; les ressources d’éducation; les questions familiales; la vie saine; la santé mentale; les conseils aux parents (développement de l’enfant); la santé en milieu scolaire; et l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Chaque sujet comporte un éventail de sous-thèmes qui orientent les parents grâce à des liens vers les renseignements les plus récents disponibles au Canada sur des questions d’importance pour eux et leurs enfants52.

PROGRAMME DE CONGÉ FAMILIAL PAYÉ GARANTI

En 2019, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social a été mandaté pour travailler avec la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des handicapés afin d’améliorer et d’intégrer l’actuel système de prestations de maternité et parentales basées sur l’assurance-emploi, et de collaborer avec la province de Québec pour permettre une intégration efficace avec son propre système de prestations parentales53.

  • Prestations de maternité et parentales Administrées par le programme d’assurance-emploi (AE) au Canada (à l’exception du Québec), les prestations de maternité et parentales comportent une aide financière (c.-à-d. un remplacement du revenu pour les travailleurs admissibles) destinée aux nouvelles mères et aux nouveaux parents suivant la naissance ou l’adoption d’un enfant. Le nombre de semaines et le montant versé à chaque parent varient selon le type de prestations choisi, le nombre de semaines et le montant maximal payable (tel que déterminé par le gouvernement)54. Au Québec, le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) assure l’administration des prestations de maternité, de paternité, parentales et d’adoption. Le montant versé aux parents dépend également du type de prestations choisi, du nombre de semaines et du montant maximal payable (tel que déterminé par le gouvernement provincial). En 2019, le taux hebdomadaire moyen des prestations parentales standard au Canada atteignait 464,00 $ par mois55, 56.

MODERNISATION DES LOIS FÉDÉRALES CANADIENNES EN MATIÈRE FAMILIALE

Le 21 juin 2019, la sanction royale a été accordée en vue de modifier les lois fédérales canadiennes en matière familiale concernant le divorce, le rôle parental et l’exécution des obligations familiales. Cette initiative, qui constitue la première mise à jour des lois en matière familiale depuis plus de 20 ans, rendra les lois fédérales en matière familiale mieux adaptées aux besoins des familles grâce aux modifications apportées à la Loi sur le divorce, à la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et à la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions. La plupart des modifications apportées à la Loi sur le divorce entreront en vigueur le 1er juillet 2020, alors que celles apportées aux autres lois entreront en vigueur au cours des deux prochaines années. La loi vise quatre objectifs principaux : promouvoir l’intérêt de l’enfant; lutter contre la violence familiale; aider à réduire la pauvreté chez les enfants; et accroître l’accessibilité et l’efficacité du système de justice familiale canadien57.

LOIS ET POLITIQUES PROVINCIALES ET TERRITORIALES SUR LA PROTECTION DES ENFANTS

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada reconnaissent l’importance de la surveillance en vue de l’apport de preuves à l’égard des contextes, des facteurs de risques et des formes de maltraitance des enfants afin d’alimenter les politiques, les programmes, les services et les interventions de sensibilisation. Par l’entremise de leur ministère respectif axé sur la protection de l’enfance, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont la responsabilité d’aider les enfants ayant besoin de protection. Ces organismes constituent également les principales sources de données et de renseignements administratifs sur les cas signalés de maltraitance d’enfants. Prévenir et contrer la maltraitance des enfants est une entreprise complexe qui nécessite l’engagement de tous les ordres de gouvernements et de différents secteurs, notamment les services sociaux, les services policiers, la justice et la santé. À l’échelle fédérale, l’Initiative de lutte contre la violence familiale réunit plusieurs ministères en vue de prévenir et de contrer la violence familiale, y compris la maltraitance des enfants. Le ministère de la Justice est responsable du Code criminel, qui fait état de plusieurs formes de violence envers les enfants. En l’état actuel du Code criminel – qui a fait l’objet de débats à la fois par les défenseurs et les parents –, l’article 43 autorise légalement l’utilisation d’un châtiment corporel infligé aux enfants par des personnes déterminées, pourvu qu’elles n’exercent pas une force déraisonnable selon le contexte58, 59.

Y’A PERSONNE DE PARFAIT

Instauré à l’échelle nationale en 1987 et actuellement géré par l’Agence de la santé publique du Canada, Y’a personne de parfait est un programme d’enrichissement de l’expérience parentale destiné aux parents d’enfants de 0 à 5 ans. Le programme a été conçu pour répondre aux besoins des parents qui sont jeunes, seuls, isolés sur le plan social ou géographique, ou qui ont un faible revenu ou une éducation formelle limitée. Il est offert en milieu communautaire par des animateurs dans le but d’aider les parents et les jeunes enfants. Le programme procure aux parents de jeunes enfants un endroit sécuritaire où ils peuvent renforcer leurs compétences parentales, en acquérir de nouvelles et apprendre de nouvelles notions. Il leur permet aussi d’interagir avec d’autres parents ayant des enfants du même âge que les leurs60.

PROGRAMME D’AIDE PRÉSCOLAIRE AUX AUTOCHTONES DANS LES COLLECTIVITÉS URBAINES ET NORDIQUES

Le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques (PAPACUN) est un programme communautaire national d’intervention précoce qui est financé par l’Agence de la santé publique du Canada. Le PAPACUN met l’accent sur le développement des jeunes enfants autochtones (membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis) et de leur famille à l’extérieur des réserves. Depuis 1995, il fournit du financement aux organismes communautaires autochtones pour contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes favorisant le développement sain des enfants autochtones d’âge préscolaire. Le Programme favorise le développement spirituel, émotionnel, intellectuel et physique des enfants autochtones, tout en aidant leurs parents et leurs tuteurs à titre de premiers éducateurs61.

La parentalité au Canada : du début de la parentalité jusqu’à l’adolescence62

Pour les futurs parents (ou ceux qui envisagent de le devenir), les mois qui précèdent la naissance ou l’adoption d’un enfant peuvent s’avérer à la fois exaltants et déroutants. Avant l’arrivée de ce petit être, il y a plusieurs choses à planifier – y compris l’imprévisible. Au Canada, l’accompagnement comprend en général des consultations régulières et gratuites auprès d’un obstétricien-gynécologue, d’une sage-femme ou d’autres professionnels agréés de la santé afin d’assurer la croissance et le développement sains du bébé. Des programmes et des services sont d’ailleurs offerts dans les collectivités de partout au Canada afin de préparer et de planifier la parentalité.

  • 2SITLGBQ+ Family Planning Weekend Intensive (Fin de semaine de planification familiale intensive pour les 2SITLGBQ+) La structure de ce programme de deux jours vise à découvrir les différentes voies qui mènent à la parentalité ainsi que les stratégies permettant de réaliser sa propre vision de la parentalité et de la famille. Les participants sont encouragés à poser des questions, à recueillir des renseignements et à créer une communauté, tout en abordant des sujets comme la coparentalité, les familles pluriparentales et monoparentales, la grossesse, les difficultés liées à la parentalité et l’autonomie sociale. (LGBTQ+ Parenting Network)
  • Se préparer à la parentalité Destiné aux futurs parents, ce programme présente des renseignements sur la manière de maintenir une bonne santé pendant la grossesse et sur ce à quoi on peut s’attendre lors des premiers jours et des premières semaines de la vie de parents. (Centres pour l’enfant et la famille ON y va)
  • Mommies & Mamas 2B/Daddies & Papas 2B (Futures mamans/futurs papas) Ce cours de 12 semaines s’adresse aux hommes et aux femmes gais/lesbiennes, bisexuels et allosexuels qui envisagent de devenir parents. Le cours comporte des ressources et des discussions visant à approfondir diverses questions pratiques, émotionnelles, sociales, éthiques, financières, médicales, juridiques, politiques et intersectionnelles liées au fait de devenir parent. Parmi les sujets abordés, citons la coparentalité, la maternité de substitution, les modalités parentales, la parentalité non biologique et adoptive, la sensibilisation à la fécondité, les options de soins prénatals et les questions juridiques. (LGBTQ+ Parenting Network)

NOUVEAU-NÉS ET NOURRISSONS

S’occuper d’un nouveau-né ou d’un nourrisson comporte une série de triomphes et de défis. Plusieurs programmes et services sont offerts – souvent gratuitement – aux parents dans l’ensemble du pays, notamment des consultations auprès de pédiatres et de professionnels agréés de la santé. Les services de soins postnatals varient en fonction des régions et des collectivités, et peuvent inclure des mesures de soutien informatives, des visites à domicile d’une infirmière de santé publique ou d’un intervenant non spécialisé, ou du soutien téléphonique (ex. : télésanté) d’une infirmière de santé publique ou d’une sage-femme63. Des organismes de partout au pays proposent également des programmes sous forme de halte-accueil pour les parents, les grands-parents et les responsables d’enfants afin de favoriser un développement et un attachement sains de l’enfant.

  • Racines de l’empathie Le programme est axé sur un nourrisson et un parent qui visitent une classe d’une école locale toutes les trois semaines au cours de l’année scolaire. En compagnie d’un instructeur qualifié de l’organisme Racines de l’empathie, les élèves observent le développement et les émotions du bébé. Ce programme permet au parent et au nourrisson de participer à l’enseignement de la maîtrise des émotions et de l’empathie aux enfants de 5 à 12 ans, tout en renforçant les liens qui les unissent. (Racines de l’empathie)
  • Être parent de mon bébé Le programme est élaboré pour les nouveaux parents afin de leur offrir des occasions d’apprendre, de participer à des discussions sur divers sujets reliés à la petite enfance, le développement de l’enfant et le rôle parental, ainsi que de leur offrir la possibilité de rencontrer d’autres nouveaux parents. (Centres pour l’enfant et la famille ON y va)
  • Bellies & Babies (Bedaines et bébés) Ce groupe d’accueil s’adresse aux femmes enceintes et aux nouveaux parents dont le bébé a moins d’un an. Le groupe offre aux femmes enceintes et aux mères en période postnatale un soutien individuel et par les pairs ainsi que des ressources et des mesures de soutien aux nouveaux parents. Les ressources abordent des sujets comme l’importance des relations sécurisantes en bas âge, la nutrition, l’allaitement, la santé mentale, le développement du nourrisson et le rôle parental. (Sunshine Coast Community Services Society)
  • Les jeunes parents se connectent Ce groupe de soutien informel est destiné aux parents et aux futurs parents de moins de 26 ans. Il offre l’occasion de rencontrer d’autres jeunes parents, de poser des questions et de partager leurs préoccupations. Chaque séance comporte également une activité amusante et interactive pour les enfants et les parents. (Centres pour l’enfant et la famille ON y va)

TOUT-PETITS ET ENFANTS D’ÂGE PRÉSCOLAIRE

Les programmes destinés aux tout-petits et aux enfants d’âge préscolaire comprennent une variété d’activités qui impliquent à la fois les enfants et leurs parents dans le but de soutenir le sain développement de l’enfant et de stimuler l’attachement entre le parent et l’enfant. Certains programmes offrent des activités libres, comme celles proposées par les Repaires jeunesse du Canada ou par des centres de loisirs municipaux. Les programmes libres – qui incluent des ateliers de danse, des heures du conte, des activités artistiques et artisanales et beaucoup plus – sont des occasions pour les parents, les éducateurs et les grands-parents de participer à des activités d’apprentissage visant à créer, à explorer et à jouer. Les haltes-accueils s’adressent également aux mamans, aux papas, aux grands-parents et aux personnes responsables d’enfants, en leur offrant des occasions de rencontrer d’autres membres de la collectivité et d’entrer en contact avec eux.

  • Parenting Skills 0–5 (Compétences parentales – enfants de 0 à 5 ans) Ce cours en ligne sur l’art parental est conçu pour les familles qui rencontrent des difficultés. Il permet aux parents d’acquérir une compréhension de base de l’éducation des enfants durant les cinq premières années de leur vie. Les sujets de ce cours incluent le développement de l’enfant et la personnalité, la discipline, le sommeil et la nutrition. Des cours sur les compétences parentales sont aussi offerts aux parents d’enfants de 5 à 13 ans et de 13 à 18 ans. (BC Council for Families)
  • Fathering (La paternité) S’adressant aux pères, notamment aux nouveaux pères, à ceux qui vivent une séparation ou un divorce, aux pères d’adolescents et aux pères autochtones, ces ressources offrent des renseignements sur la façon de franchir les différentes étapes de l’enfance tout en offrant des conseils pratiques pour soutenir à la fois les pères et leurs enfants. (BC Council for Families)
  • Papa HÉROS (Aider tous et chacun à saisir les occasions qui se présentent) Ce cours de 8 semaines sur le rôle parental (offert dans certains établissements correctionnels du Canada), permet de former un groupe de pères à l’intérieur de l’établissement pour les pères incarcérés et dans la collectivité pour ceux qui ont été incarcérés dans le passé. Ce projet a été conçu pour éduquer les pères sur leur rôle parental, le développement et la croissance de leurs enfants, et leur rôle dans la vie de leurs enfants. Papa HÉROS offre une éducation parentale et un soutien qui contribuent à créer un lien entre les pères et leurs enfants et à améliorer leur santé mentale et leur bien-être. (Regroupement canadien d’aide aux familles de détenu(e)s)

ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE

Une fois que les enfants ont intégré le système d’éducation formel au Canada et qu’ils y progressent, ils font la connaissance de diverses personnes (c.-à-d. des pairs, des pédagogues) et découvrent une variété d’influences (c.-à-d. les médias sociaux). Les programmes et les services destinés aux parents d’enfants d’âge scolaire fournissent des conseils pratiques, des ressources informatives et des occasions de rencontrer d’autres nouveaux parents et de s’engager avec eux au sein de leur collectivité.

  • Parenting School-Age and Adult Children (Le rôle parental avec des enfants d’âge scolaire et adultes) Cette ressource a été créée pour compléter les programmes de parentalité s’adressant aux nouveaux arrivants. On y aborde certaines difficultés auxquelles sont souvent confrontés les parents et les aidants nouvellement arrivés au pays en matière de parentalité dans la société canadienne. L’objectif du programme est d’aider à acquérir des aptitudes de communications efficaces et à mieux comprendre le système scolaire canadien. Il vise aussi à créer un espace sûr où les parents et les aidants pourront trouver les réponses à leurs questions et à leurs préoccupations concernant l’intégration de leurs enfants au sein de la société et de la culture canadiennes. (CMAS)
  • Positive Discipline in Everyday Parenting (Discipline positive dans la parentalité de tous les jours) Cette série d’ateliers met de l’avant la discipline non violente et le respect de l’enfant en tant qu’apprenant. Il s’agit d’une approche de l’enseignement qui aide les enfants à réussir, leur procure des renseignements et soutient leur croissance de la petite enfance à l’âge adulte. (Centres pour l’enfant et la famille ON y va)
  • Newcomer Parent Resource Series (Série de ressources pour les parents nouvellement arrivés au pays) Offerte dans 16 langues (notamment l’urdu, l’arabe et le russe), ces ressources abordent différents sujets d’intérêt adaptés aux besoins spécifiques des parents immigrants et réfugiés ayant de jeunes enfants. Parmi les sujets abordés, citons : conserver sa langue maternelle, guider le comportement de son enfant, aider son enfant à faire face au stress, apprendre par le jeu pour les enfants et écouter son enfant et discuter avec lui. (CMAS)
  • Parenting after Separation: Meeting the Challenges (Le défi du rôle parental après la séparation) Ce programme de 6 semaines s’adresse aux parents récemment séparés. Les parents se rencontrent une fois par semaine pour discuter des difficultés associées à la séparation et au divorce et pour acquérir des stratégies pratiques afin de mieux soutenir leurs enfants. (Family Service Toronto)
  • Foster Parent Support (Soutien aux parents d’accueil) Ce programme offre un soutien direct et de proximité aux parents d’accueil ou aux responsables d’enfants ainsi qu’aux enfants et aux adolescents dont ils ont la charge. Les travailleurs de soutien collaborent directement avec la famille au sein même de son foyer, dans la collectivité ou par téléphone. Ce programme se veut flexible afin de répondre aux besoins uniques de chaque famille d’accueil et peut offrir des mesures de soutien variées, comme l’enseignement d’aptitudes pour la résolution des conflits, de techniques pour désamorcer une situation, de méthodes de résolution collaborative des problèmes et d’approches fondées sur les forces et les traumatismes. (Repaires jeunesse du Canada)

ADOLESCENTS

Être parent d’un adolescent comporte des défis, plus particulièrement en cette époque où la technologie évolue rapidement. L’adolescence peut également être une période difficile à vivre pour les adolescents qui s’interrogent sur leur identité, leur but dans la vie et les objectifs qu’ils visent pour l’avenir. Les programmes destinés aux parents d’adolescents soulignent l’importance de soutenir leurs enfants tout au long de l’adolescence alors qu’ils progressent vers l’âge adulte.

  • Ensemble les parents Il s’agit d’un programme permanent de soutien de groupe et d’information offert par des professionnels et destiné aux parents qui connaissent des moments difficiles avec leur ado. Ce programme aide les parents à aborder leurs émotions (ex. : la culpabilité, l’isolement) et leur offre la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances pouvant les aider à réduire les conflits parents-ados à la maison. (Repaires jeunesse du Canada)
  • Transceptance (Acceptation transgenre) Il s’agit d’un groupe permanent de soutien mensuel par les pairs qui s’adresse aux parents et aux personnes responsables d’adolescents et de jeunes adultes transgenres. Ce programme de soutien apporte appui et information, réduit l’isolement et le stress, et fournit des renseignements, notamment des stratégies pour accepter l’annonce du jeune et la surmonter. (Central Toronto Youth Services)
  • Parents au courant Ce programme d’appui et d’information de 10 semaines vise à mieux comprendre le développement des adolescents, leur santé mentale ainsi que d’autres difficultés courantes auxquelles les parents sont confrontés. Des conférenciers locaux, des ressources communautaires, des idées pratiques et la création de liens avec d’autres parents qui vivent des problèmes semblables contribuent à aider les parents à se sentir mieux outillés pour soutenir leur ado. (Repaires jeunesse du Canada)
  • Families in TRANSition (FIT) (Familles en TRANSition) Ce programme de 10 semaines s’adresse aux parents et aux personnes responsables de jeunes trans ou qui s’interrogent sur leur genre (de 13 à 21 ans) qui ont récemment appris l’identité sexuelle de leur enfant. Le programme offre du soutien aux parents et aux responsables afin qu’ils acquièrent les outils et les connaissances qui les aideront : à améliorer leur communication et à renforcer leur relation avec leur adolescent; à se renseigner sur les options de transition sociale, juridique et physique; à approfondir leurs aptitudes en gestion des émotions fortes; à explorer les croyances sociétales, culturelles et religieuses qui affectent la vie des jeunes trans et leur famille; à acquérir les connaissances nécessaires pour soutenir leur jeune et la famille lorsqu’ils sont confrontés à la discrimination, à la transphobie et/ou à la transmisogynie; et à favoriser la santé mentale et la résilience du jeune. (Central Toronto Youth Services)

Ce qui nous attend

Par sa résilience, sa diversité et sa force, la famille constitue l’institution qui parvient le mieux à s’adapter dans le monde.

Alors que les pays du monde entier portent leur attention vers l’avenir postpandémie, les familles et les réalités familiales continuent d’évoluer et de s’adapter. Lorsque les enfants retourneront à l’école et à la garderie, les parents pourront réintégrer le travail en dehors de la maison, tandis que de nombreux autres poursuivront le travail à distance. Certaines activités parascolaires seront renouvelées, mais d’autres, comme les cours d’arts martiaux, seront peut-être toujours offertes en ligne.

Prédire l’avenir n’a jamais été facile, et on ne connaît pas encore les répercussions qu’aura la pandémie mondiale sur les familles. Il est donc possible que les programmes et les services nécessitent des ajustements afin de soutenir le bien-être physique, mental, émotionnel et social des parents et de leurs enfants dans une perspective tenant compte des traumatismes. Si plusieurs familles sont demeurées en sécurité à la maison, d’autres ont connu une augmentation de la violence, du stress, de l’isolement et de l’anxiété.

L’élaboration de politiques et de programmes ainsi que l’offre de prestations, de ressources, de mesures de soutien et de services nécessiteront une compréhension approfondie des familles au Canada, de leur réalité et de leurs aspirations, de leurs réflexions et de leurs craintes, ainsi que des espoirs et des rêves qu’elles chérissent en cette période évolutive et qui nous laisse entrevoir ce qui nous attend. La recherche et l’innovation qui sous-tendent les nombreuses initiatives, y compris celles mentionnées dans ce document, offriront une orientation pour soutenir la prise de décisions fondée sur des données probantes; l’élaboration, la conception et la mise en œuvre de politiques, de pratiques et de programmes fondés sur des données probantes; ainsi que l’innovation inspirée de données factuelles, et ce, pour tous les ordres de gouvernement, organismes communautaires, milieux de travail et groupes confessionnels, afin que les familles au Canada puissent s’épanouir non seulement aujourd’hui, mais aussi dans l’avenir.

Nora Spinks est directrice générale de l’Institut Vanier de la famille.

Sara MacNaull est directrice des programmes de l’Institut Vanier de la famille.

Jennifer Kaddatz est conseillère principale à l’Institut Vanier de la famille.

Publié le 23 juin 2020

Ce rapport a été publié initialement le 23 juin 2020 sur le site Web du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DAESNU) dans le cadre de la réunion d’un groupe d’experts intitulée Families in Development: Focus on Modalities for IYF+30, Parenting Education and the Impact of COVID-19 (Le développement des familles : Regard sur les modalités du 30e anniversaire de l’AIF, l’éducation parentale et les conséquences de la COVID-19). Cette rencontre a été organisée par la Division pour le développement social inclusif (DDSI) du DAESNU. L’objectif était de réunir virtuellement divers experts du monde entier afin de discuter des conséquences de la COVID-19 sur les familles, d’évaluer les progrès réalisés et les questions émergentes en lien avec la parentalité et l’éducation, et de planifier les célébrations imminentes du 30e anniversaire de l’Année internationale de la famille (AIF).

Annexe A : Aperçu des organismes et des programmes

Fondé en 1977, le BC Council for Families (BCCF) élabore et propose des ressources pour le soutien familial ainsi que des programmes de formation aux professionnels de toute la province de la Colombie-Britannique comme moyen de diffuser les connaissances et de créer des liens avec la communauté. Le BCCF offre des cours en ligne, des ressources et des programmes qui visent à soutenir les parents et les enfants de la petite enfance à l’âge adulte.

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Les Repaires jeunesse du Canada offrent aux enfants et aux adolescents des collectivités de partout au Canada des programmes et des services éducatifs, récréatifs et axés sur le développement de compétences. Les Repaires s’assurent d’offrir des milieux sûrs et aidants où les enfants et les adolescents peuvent explorer de nouvelles possibilités, surmonter les obstacles, tisser des liens positifs et acquérir de l’assurance et des compétences qui leur seront utiles toute leur vie. Plusieurs Repaires proposent également aux parents des programmes et des services de soutien pour le développement de l’enfant et de l’attachement.

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Fondé en 1992, le Regroupement canadien d’aide aux familles des détenu(e)s (RCAFD) vise à bâtir des milieux de vie plus stables et plus sûrs en offrant un soutien aux familles qui doivent composer avec des comportements criminels, l’incarcération et la réinsertion sociale. Le Regroupement s’affaire à développer des ressources pour les enfants, les parents et les familles afin de les aider à mieux comprendre le système et le processus correctionnels au Canada et de soutenir les familles dont l’un des proches est incarcéré.

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L’organisme Central Toronto Youth Services (CTYS) est un centre communautaire agréé de santé mentale pour enfants qui dessert une grande portion des jeunes les plus vulnérables de Toronto. Ses programmes et ses services répondent à une diversité de besoins et aident les jeunes à surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés, comme de graves problèmes de santé mentale, des infractions à la loi, des problèmes de gestion de la colère, la dépression, l’anxiété, la marginalisation ou le rejet, ainsi que des problèmes liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.

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Fondé en 2000, le CMAS a pour mission de prendre soin des enfants immigrants et réfugiés en mettant son expertise à la disposition des organismes qui viennent en aide aux immigrants et d’autres organismes qui œuvrent dans le domaine de la garde d’enfants. Le CMAS s’affaire actuellement à relever les lacunes dans les services et s’efforce de créer des solutions, d’établir et de mesurer les normes de soins, ainsi que de soutenir les services destinés aux familles de nouveaux arrivants en leur fournissant des ressources, de la formation et des consultations.

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Les centres pour l’enfant et la famille ON y va offrent aux enfants – de la naissance jusqu’à l’âge de 6 ans – la possibilité de participer à des programmes basés sur le jeu et le questionnement, et procurent aux parents et aux responsables d’enfants du soutien pour mener à bien leur rôle. L’objectif de ON y va est d’améliorer la qualité et la cohérence des programmes destinés aux enfants et aux familles en Ontario.

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Depuis plus de 100 ans, Family Service Toronto soutient les individus et les familles par le biais de programmes de counseling, de développement communautaire, de défense des droits et d’éducation publique. Cela comprend des services directs en matière d’intervention et de prévention, comme du counseling, du soutien par les pairs et de l’éducation; des activités de création et d’échange de connaissances; ainsi qu’une action sur les systèmes, notamment l’action sociale, la défense des droits, le renforcement communautaire et la collaboration avec des partenaires dans le but de consolider le secteur.

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Fondé en 2001 et situé au Sherbourne Health Centre (à Toronto, en Ontario), le LGBTQ+ Parenting Network soutient les parents gais et lesbiennes, bisexuels, trans et allosexuels par le développement de ressources, la formation et l’organisation communautaire. Le réseau assure la coordination d’un éventail de programmes et d’activités avec et pour les parents LGBTQ, les parents potentiels et leur famille. Il propose notamment des infolettres, des ressources imprimées, des groupes de soutien, des activités sociales, des projets de recherche, des initiatives de sensibilisation et de la formation.

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Depuis plus de 30 ans, Racines de l’empathie s’efforce d’établir des sociétés bienveillantes, pacifiques et empreintes de civilité en stimulant le développement de l’empathie chez les enfants et les adultes. Les objectifs de Racines de l’empathie sont de favoriser le développement de l’empathie, d’inculquer la maîtrise des émotions, de réduire les niveaux d’intimidation, d’agression et de violence, de promouvoir les comportements prosociaux chez les enfants, d’améliorer la compréhension du développement humain, de l’apprentissage et de la sécurité du nourrisson, et de préparer les participants à devenir des citoyens responsables et des parents sensibles.

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Depuis 1974, la Sunshine Coast Community Services Society (SCCSS) offre divers services aux individus et aux familles de la région de Sunshine Coast (en Colombie-Britannique). Les programmes sont axés sur le counseling pour les enfants et les familles; les services relatifs au développement de l’enfant et de l’adolescent; les initiatives et l’engagement communautaires; la violence familiale; et le logement.


Notes

  1. L’ACS+ est un processus analytique qui sert à évaluer les répercussions potentielles des politiques, des programmes et des initiatives sur divers ensembles de personnes : femmes, hommes et individus non binaires. Le « plus » dans ACS+ reconnaît que l’ACS ne se limite pas aux différences biologiques (le sexe) et socioculturelles (le genre). L’identité sexuelle est déterminée par une multitude de facteurs qui se recoupent et font de nous ce que nous sommes; l’ACS+ tient également compte de nombreux autres facteurs identitaires, comme la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge et le fait de vivre avec une incapacité mentale ou physique. Lien : https://bit.ly/30uatJo
  2. Gouvernement du Canada, « Maladie à coronavirus (COVID-19) : Mise à jour sur l’éclosion » (16 juillet 2020). Lien : https://bit.ly/3fN48iE
  3. Marc Montgomery, « COVID-19 Deaths: Calls for Government to Take Control of Long Term Care Homes » dans Radio-Canada International (25 mai 2020). Lien : https://bit.ly/2ZMnteo
  4. Un sondage de la firme Léger, de l’Association d’études canadiennes et de l’Institut Vanier de la famille mené sur une base hebdomadaire à partir du mois de mars (commençant du 10 au 12 mars), et tout au long des mois d’avril et de mai 2020, comprenait environ 1 500 personnes de 18 ans et plus qui ont été interrogées à l’aide d’une technologie ITAO (interview téléphonique assistée par ordinateur) dans le cadre d’une enquête en ligne. Certains sondages hebdomadaires comprenaient également un échantillon de rappel composé de groupes spécifiques de la population. À l’aide des données du Recensement de 2016, les résultats ont été pondérés en fonction du sexe, de l’âge, de la langue maternelle, de la région, du niveau de scolarité et de la présence d’enfants dans le ménage, afin d’assurer un échantillon représentatif de la population. Aucune marge d’erreur ne peut être associée à un échantillon non probabiliste (panel en ligne, dans le présent cas). Toutefois, à des fins comparatives, un échantillon probabiliste de 1 512 répondants aurait une marge d’erreur de ±2,52 %, et ce, 19 fois sur 20.
  5. Ibidem
  6. Ibidem
  7. Ibidem
  8. Ibidem
  9. Statistique Canada, « Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes 1 : Répercussions de la COVID-19 » dans Le Quotidien (8 avril 2020). Lien : https://bit.ly/2ODMEJE
  10. Ibidem
  11. Bien que les données varient, des rapports affirment que les consultations menées par le gouvernement fédéral ont révélé une augmentation de 20 % à 30 % des taux de violence dans certaines régions, soit des observations soutenues par des organismes comme Battered Women Support Services de Vancouver, qui ont signalé une augmentation de 300 % du nombre d’appels liés à la violence familiale pendant la pandémie. Liens : https://bit.ly/2OKYsK0 / https://bit.ly/2ZOiF8f
  12. Sondage mené par la firme Léger, l’Association d’études canadiennes et l’Institut Vanier de la famille.
  13. Statistique Canada, « La santé mentale des Canadiens durant la pandémie de COVID-19 » (27 mai 2020). Lien : https://bit.ly/2OGKE3f
  14. Ibidem
  15. Sondage mené par la firme Léger, l’Association d’études canadiennes et l’Institut Vanier de la famille.
  16. Ibidem
  17. Ibidem
  18. Ibidem
  19. Le système de soins de santé du Canada est financé par les fonds publics, ce qui signifie que tous les résidents canadiens ont un accès satisfaisant aux services hospitaliers et médicaux qui sont médicalement nécessaires sans devoir payer directement de leur poche. Lien : https://bit.ly/2WEoEu5
  20. Sondage mené par la firme Léger, l’Association d’études canadiennes et l’Institut Vanier de la famille.
  21. Angus Reid Institute, « Worry, Gratitude & Boredom: As COVID‑19 Affects Mental, Financial Health, Who Fares Better; Who Is Worse? » (27 avril 2020). Lien : http://angusreid.org/covid19-mental-health/
  22. Sondage mené par la firme Léger, l’Association d’études canadiennes et l’Institut Vanier de la famille.
  23. Ibidem
  24. Statistique Canada, « Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes 1 : Répercussions de la COVID-19 ».
  25. Beatrice Britneff, « Food Banks’ Demand Surges Amid COVID-19. Now They Worry About Long-Term Pressures » dans Global News (15 avril 2020). Lien : https://bit.ly/3boEHRe
  26. Le 17 octobre 2018, la consommation de cannabis à des fins récréatives et médicales chez les adultes est devenue légale au Canada. Lien : https://bit.ly/2CMWRRf
  27. Michelle Rotermann, « Les Canadiens qui s’estiment en moins bonne santé mentale pendant la pandémie de COVID-19 sont plus susceptibles de déclarer une consommation accrue de cannabis, d’alcool et de produits du tabac » dans StatCan et la COVID‑19 : Des données aux connaissances, pour bâtir un Canada meilleur (15 juillet 2020). Lien : https://bit.ly/2CmAwu7
  28. Le Réseau COVID‑19 sur les impacts sociaux de l’Association d’études canadiennes, en partenariat avec Expériences Canada et l’Institut Vanier de la famille, a mené un sondage Web national sur la COVID-19 auprès de la population des 12 à 17 ans au Canada du 29 avril au 5 mai 2020. Au total, 1 191 réponses ont été reçues, et la marge d’erreur probabiliste était de ±3 %. Lien : https://bit.ly/32JVSMq
  29. Ibidem
  30. Ibidem
  31. Angus Reid Institute, « Kids & COVID-19: Canadian Children Are Done with School from Home, Fear Falling Behind, and Miss Their Friends » (11 mai 2020). Lien : https://bit.ly/30ymZHR
  32. Ibidem
  33. Le Réseau COVID‑19 sur les impacts sociaux de l’Association d’études canadiennes.
  34. Ibidem
  35. Ibidem
  36. Agence du revenu du Canada, « Allocation canadienne pour enfants » (24 juin 2020). Lien : https://bit.ly/30v6vA3
  37. Gouvernement du Canada, « Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 » (17 juillet 2020). Lien : https://bit.ly/3jq7hXZ
  38. Gouvernement du Canada, « Allocation canadienne pour enfants : Combien vous pourriez recevoir » (27 janvier 2020). Lien : https://bit.ly/39fuc3B
  39. Gouvernement du Canada, « Élargir l’admissibilité à la Prestation canadienne d’urgence et proposer un nouveau complément salarial pour les travailleurs essentiels » (17 avril 2020). Lien : https://bit.ly/2CVmAa1
  40. Catherine Cullen et Kristen Everson, « Canadians Who Don’t Qualify for CERB Are Getting It Anyway – And Could Face Consequences » dans CBC News (1er mai 2020). Lien : https://bit.ly/39iQiC3
  41. Gouvernement du Canada, « Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 ».
  42. Gouvernement du Canada, « Crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) – Aperçu » (2 juillet 2020). Lien : https://bit.ly/2OK1i26
  43. Gouvernement du Canada, « Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 ».
  44. Ibidem
  45. Province de la Colombie-Britannique, « Province Provides Emergency Fund for Children With Special Needs » (8 avril 2020). Lien : https://bit.ly/30tkczv
  46. Gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, « Nouvelles mesures : un contrôle plus rigoureux des voyageurs et une plus grande aide au revenu » (1er avril 2020). Lien : https://bit.ly/32BREGJ
  47. Gouvernement de l’Ontario, « Le gouvernement de l’Ontario soutient les familles en réaction à la COVID-19 » (6 avril 2020). Lien : https://bit.ly/2OHNQvw
  48. Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, « Backgrounder and FAQs | Income Security Programs » (s.d.). Lien : https://bit.ly/2WEN6vI
  49. Emploi et Développement social Canada, « Apprentissage et la garde des jeunes enfants » (16 août 2019). Lien : https://bit.ly/2ZLwW5l
  50. Gouvernement du Canada, « Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones » (17 septembre 2018). Lien : https://bit.ly/3jq85vT
  51. Gouvernement du Canada, « Lettre de mandat du ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social » (13 décembre 2019). Lien : https://bit.ly/2WGulbf
  52. Gouvernement du Canada, « Spécialement pour vous – Parents » (20 avril 2020). Lien : https://bit.ly/3hmBeX4
  53. Parti libéral du Canada, « Choisir d’avancer : Plus de temps et d’argent afin d’aider les familles à élever leurs enfants. » Lien : https://bit.ly/2ZNiIkp
  54. Agence de la consommation en matière financière du Canada, « Prestations de maternité et prestations parentales » (17 août 2017). Lien : https://bit.ly/3fQVHCT
  55. Gouvernement du Québec, « Régime québécois d’assurance parentale : De quel type de prestation puis-je bénéficier? » (30 mai 2017).
  56. Gouvernement du Canada, Rapport de contrôle et d’évaluation de l’assurance-emploi pour l’exercice financier commençant le 1er avril 2017 et se terminant le 31 mars 2018 (1er juin 2019). Lien : https://bit.ly/2WJ4fEe
  57. Ministère de la Justice, « Améliorer et moderniser le système de justice familiale du Canada » (5 juin 2020). Lien : https://bit.ly/30sDKnI
  58. Gouvernement du Canada, Lois et politiques provinciales et territoriales sur la protection des enfants – 2018 (13 mai 2019). Lien : https://bit.ly/3ePqmPy
  59. Kathy Lynn, « Le débat canadien sur la “fessée” et la violence envers les enfants », L’Institut Vanier de la famille (15 novembre 2016).
  60. Y’a personne de parfait, Renseignements sur l’art d’être parent (s.d.). Lien : https://bit.ly/3fNo58R
  61. Agence de la santé publique du Canada, « Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques (PAPACUN) » (10 avril 2018). Lien : https://bit.ly/2ZNPKB4
  62. Pour plus de renseignements sur les organismes offrant les programmes ou les services aux parents qui sont mentionnés dans la présente
    section, veuillez vous référer à l’Annexe A.
  63. L’Institut Vanier de la famille, « En contexte : comprendre les soins de maternité au Canada » (11 mai 2017).

 

L’IMPACT DE LA COVID-19 : Le bien-être des jeunes au Canada

Edward Ng, Ph. D., et Nadine Badets

27 août 2020

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Le printemps et l’été 2020 ont été une période unique pour les enfants et les adolescents au Canada. Les familles partout au pays ont adapté leurs habitudes, leurs plans et leurs activités pour respecter la distanciation physique et autres mesures de santé publique mises en place pour prévenir la propagation de la COVID-19. Après la fermeture des écoles au printemps, près de cinq millions d’élèves se sont retrouvés en ligne plutôt qu’en classe, sans pouvoir côtoyer leurs camarades et leurs amis; en famille, ils ont apprivoisé la situation évolutive1.

Si les études montrent que la plupart des jeunes respectent les mesures de santé publique et font preuve de résilience, ils sont nombreux à trouver ces bouleversements ardus. Un sondage mené par UNICEF Canada auprès des jeunes révèle les éléments les plus difficiles pour eux : l’impossibilité de sortir de la maison, d’aller à l’école et de passer du temps avec leurs amis2. Ces activités sont importantes pour le bien-être des enfants et des adolescents. Les recherches soulignent en effet le caractère essentiel des interactions sociales pour le développement des jeunes, l’influence positive des pairs étant déterminante dans la réussite scolaire et le succès à l’âge adulte3.

Les jeunes s’inquiètent davantage que les membres de leur famille contractent la COVID-19 que de la contracter eux-mêmes

Les jeunes se sont pour la plupart isolés à la maison, mais certains membres de leur famille immédiate ont continué à se rendre au travail, risquant ainsi de contracter la maladie et de la transmettre.

Dans le sondage sur les impacts sociaux de la COVID-19 mené auprès des jeunes à la mi-mai par l’Association d’études canadiennes, en partenariat avec Expériences Canada et l’Institut Vanier de la famille, près de 4 adolescents de 12 à 17 ans interrogés sur 10 (39 %) ont dit être inquiets de contracter la maladie4, comparativement à plus de la moitié (56 %) des répondants adultes questionnés au début du mois de mai5. Cet écart peut s’expliquer en partie par la perception actuelle d’un plus faible risque de complications de la COVID-19 chez les groupes plus jeunes. En outre, les mêmes ensembles de données du sondage révèlent une plus grande peur des jeunes et des adultes (71 % et 67 %, respectivement) qu’un membre de leur famille immédiate contracte le virus.

De l’ennui, mais du bonheur aussi pour la plupart des jeunes dans le contexte des mesures de santé publique et de la distanciation physique

Dans le même sondage, plus de 80 % des répondants ont signalé qu’ils s’ennuyaient, mais, fait intéressant, une proportion semblable a aussi exprimé être heureuse (89 % des 12 à 14 ans et 84 % des 15 à 17 ans)6. Ces émotions peuvent être en partie causées par les changements d’emploi du temps occasionnés par la fermeture des écoles. Près de 7 jeunes sur 10 ont répondu qu’ils se détendaient plus qu’avant la pandémie : parmi les activités habituelles, ceux-ci disaient visionner des vidéos, des films et des émissions télévisées, ou écouter des balados (78 %), passer du temps sur les médias sociaux (63 %), écouter de la musique (59 %) et jouer à des jeux électroniques (51 %). Les jeunes qui ont déclaré s’ennuyer ou être heureux pendant la pandémie étaient plus susceptibles de répondre qu’ils avaient passé plus de temps à regarder des vidéos, des films ou des émissions télévisées pendant la pandémie qu’avant celle-ci (79 % et 81 %, respectivement).

Bien que la technologie puisse avoir pris plus de place dans la vie de quantité de personnes, elle ne constitue pas la seule façon de s’occuper des jeunes. Près de la moitié (45 %) des participants au sondage ont mentionné qu’ils contribuaient davantage qu’avant aux tâches ménagères, et plus du tiers s’adonne plus à l’art ou au bricolage (36 %), ou font plus de casse-têtes (35 %) qu’avant la pandémie7.

Par ailleurs, même avant la crise sanitaire, les parents exprimaient déjà leurs inquiétudes en lien avec l’obsession des jeunes envers la technologie8, 9. Pendant le confinement, quelque 64 % des parents ayant répondu à une enquête de production participative (crowdsourcing) menée par Statistique Canada étaient inquiets de la quantité de temps passé devant les écrans par leurs enfants10. Toutefois, selon l’UNICEF, les études les plus fiables soutiennent que l’utilisation modérée de la technologie numérique tend à être positive pour le bien-être mental des enfants et des adolescents; à l’inverse, l’utilisation excessive ou l’absence d’utilisation peut avoir un léger effet négatif11. Quant à Internet et à la technologie numérique, bien qu’ils procurent aide et sens d’inclusion, ils présentent aussi un risque de cyberintimidation, peuvent influer sur la santé mentale et aggraver des troubles du sommeil12.

Plus du tiers des jeunes sondés estiment leur santé mentale affectée

Avant la COVID-19, les faits étaient connus : les taux de maladies mentales et de mauvaise santé mentale étaient plus élevés chez les jeunes que chez les groupes plus âgés au Canada. Par exemple, le taux de dépression des 15 à 24 ans surpassait celui de tout autre groupe d’âge13. Une étude récente des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes montre une baisse de 6 % des jeunes de 12 à 17 ans signalant une excellente ou une très bonne santé mentale de 2015 à 2019 (78 % et 73 %, respectivement)14. Qui plus est, en 2018, le suicide était la cause première de décès chez les garçons de 15 à 19 ans, et la deuxième chez les jeunes filles du même groupe d’âge au Canada15.

À la mi-mai, plus du tiers (37 %) des répondants au sondage sur les jeunes ont indiqué avoir ressenti des effets négatifs sur leur santé mentale16. Comparativement à des participants de 18 ans et plus interrogés au début du mois de mai17, les 12 à 17 ans ont exprimé davantage de tristesse (57 % contre 45 %, respectivement) et d’irritabilité (65 % et 39 %) que les adultes. Ils ont aussi signalé plus de troubles de sommeil (50 % contre 35 %).

Un autre sondage mené du 10 au 14 avril 2020 auprès d’adolescents et de jeunes adultes de 14 à 27 ans pour le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) a aussi noté un déclin sur le plan de la santé mentale au début de la pandémie, autant chez les jeunes souffrant de problèmes de santé mentale préexistants que chez ceux qui n’en vivaient pas18.

Un effet immédiat des répercussions de la pandémie sur la santé mentale est la hausse de la demande de services de soutien pour les jeunes dans ce domaine. Jeunesse, J’écoute, un service téléphonique national 24 h/24, 7 j/7 de soutien et d’aide en situation de crise pour les enfants et les adolescents, a reçu près de 2 000 appels et textos par jour19 à la mi-mars 2020, soit deux fois plus que l’année précédente. Le nombre d’appels liés à des crises a aussi augmenté, ce qui s’est traduit par davantage d’interventions des services d’urgence qu’à l’habitude, l’organisme effectuant chaque jour 8 à 10 appels à ces services depuis le début de la pandémie.

Passer plus de temps de qualité en famille, mais s’ennuyer de ses amis

Le transfert du travail et de l’école à la maison, de même que les changements d’habitudes et d’horaires, a offert aux familles plus d’occasions de tisser des liens. Les données du sondage de la mi-mai mené auprès des jeunes le confirment : les deux tiers (67 %) des répondants affirment avoir tenu des conversations plus significatives en famille pendant la pandémie qu’avant20. En comparaison, seulement 50 % des adultes sondés au début du même mois ont indiqué avoir entretenu des échanges plus enrichissants avec leur conjoint ou partenaire.

Sur le plan familial, près du quart (24 %) des parents ont répondu qu’ils avaient passé plus de temps avec leurs enfants pendant le confinement21. La grande majorité des répondants, jeunes comme adultes (74 % et 81 %, respectivement), ont indiqué que les membres de leur famille s’aidaient les uns les autres. Par contre, quelque 43 % des jeunes ont signalé qu’ils se querellaient davantage avec eux, et seulement 19 % des adultes ont affirmé qu’ils se disputaient davantage avec leur conjoint ou partenaire.

En revanche, les jeunes ressentent une grande perte de liens avec leurs amis. Environ 70 % d’entre eux ont affirmé s’être confinés durant la pandémie, sauf pour combler des besoins essentiels. Seuls 24 % ont mentionné avoir visité des amis ou des membres de leur famille pendant la semaine précédant le sondage22.

Selon l’Angus Reid Institute, les jeunes ont affirmé que le pire du confinement à la maison était de s’ennuyer de leurs amis (54 %)23. Plus de la moitié (53 %) d’entre eux ont mentionné que l’isolement dû à la COVID-19 avait eu des effets négatifs sur leurs relations avec leurs amis24. L’enquête de production participative menée par Statistique Canada fournit aussi le point de vue des parents. Près des trois quarts (71 %) des participants étaient inquiets du manque de contacts de leurs enfants avec leurs amis, et 54 % d’entre eux se faisaient du souci au sujet de l’isolement social de leurs enfants25.

L’apprentissage à distance pendant la pandémie de COVID-19 : une leçon difficile?

La gestion de l’école virtuelle à la maison s’est avérée un défi pour de nombreuses familles et quantité d’enseignants partout au Canada. On a décrit cet apprentissage en ligne imposé par la pandémie comme la plus importante expérience d’apprentissage à distance de l’histoire26. À la suite de la fermeture soudaine des écoles, les enseignants ont dû adapter leur façon d’enseigner avec peu de formation et de ressources.

Plus de la moitié (51 %) des jeunes ont affirmé que la pandémie a eu un effet très négatif sur leur année ou leur réussite scolaire27. Seulement 27 % ont répondu qu’ils sont entièrement d’accord et 43 %, partiellement d’accord, avec l’énoncé indiquant qu’ils accomplissent bien leurs travaux scolaires à la maison.

Environ 41 % des 12 à 17 ans ont confié que l’école leur manquait « beaucoup » et 31 %, « un peu ». Parmi les nombreux défis de l’apprentissage à distance, citons la perte de contacts avec les amis, l’école et les ressources scolaires, le manque de motivation, la gestion du temps et l’organisation en ligne28. Bien que 75 % des jeunes soutiennent qu’ils ont gardé le cap sur leurs études pendant le confinement, quantité d’autres se sentaient démotivés (60 %) et n’aimaient pas la façon de faire (57 %) (p. ex., l’apprentissage en ligne et les classes virtuelles)29.

L’apprentissage à distance nécessite un accès à Internet, et si l’Enquête canadienne sur l’utilisation de l’Internet de 2018 a révélé que 94 % des Canadiens disposaient d’un tel accès à domicile, il existe néanmoins des inégalités dans la capacité des élèves à participer activement à l’éducation en ligne. Quelques raisons invoquées par ceux qui n’avaient pas accès à Internet : le caractère abordable du service (28 %), l’équipement (19 %) et la non-disponibilité du service (8 %)30.

Bien qu’environ 8 jeunes sur 10 ont déclaré avoir toujours assez d’argent pour subvenir à leurs besoins essentiels, comme l’alimentation, les vêtements, les soins de santé et le logement31, répondre aux besoins fondamentaux et accéder à un endroit confortable pour étudier pendant la pandémie peut être encore plus difficile pour les jeunes et les familles à faible revenu ou qui viennent de perdre leur emploi et leur revenu. En outre, les fermetures d’écoles peuvent avoir des répercussions sur la sécurité alimentaire, car certains programmes de repas scolaires ont été conçus pour atténuer l’insécurité alimentaire des élèves issus de familles à faible revenu32.

Le suivi à long terme des effets de la COVID-19 est important pour le bien-être des jeunes

Sans école, sans activités parascolaires, sans autres occasions de voir leurs pairs, les jeunes perdent un temps précieux pour socialiser avec leurs amis, leurs camarades de classe, leurs enseignants, leurs entraîneurs et d’autres professionnels, alors que toutes ces relations pourraient être fondamentales pour leur parcours scolaire et le développement de leur personnalité. Bien que les médias sociaux, les textos, les appels téléphoniques et autres technologies de communication ont certainement permis d’atténuer quelque peu ce manque de contacts, la santé mentale des jeunes au Canada a été grandement affectée pendant la pandémie.

Des études antérieures sur les répercussions des interruptions scolaires, comme les grèves d’enseignants et les fermetures d’écoles pendant la pandémie de polio de 1916, ont cerné les effets négatifs à court et à long termes sur le développement scolaire et l’acquisition de connaissances33, 34, 35. Une étude récente concernant les répercussions potentielles de la pandémie sur l’éducation des jeunes au Canada a souligné que les effets négatifs pourraient accroître l’écart en termes de compétences socioéconomiques de 30 %, rien de moins36. Pendant que les autorités provinciales et les conseils scolaires étudient la manière de procéder pour rouvrir les écoles de manière sûre afin de limiter la propagation de la COVID-1937, il sera important de faire preuve d’innovation pour adapter notre système d’éducation et ainsi éviter ou atténuer les écarts en matière de rendement scolaire, dès aujourd’hui et dans les années à venir.

Edward Ng, Ph. D., Institut Vanier, en détachement de Statistique Canada

Nadine Badets, Institut Vanier, en détachement de Statistique Canada

 


Notes

  1. Erin Duffin, « Enrollment in Public Elementary and Secondary Schools in Canada in 2017/18, by Province » dans Statista (29 octobre 2019). Lien : https://bit.ly/311SjPn
  2. UNICEF Canada, U-Report Canada: Impacts of the COVID-19 Pandemic on Young People in Canada – Poll 2: Examining the Issues (mai 2020). Lien : https://bit.ly/2YuMCcr (PDF)
  3. Shqiponja Telhaj, « Do Social Interactions in the Classroom Improve Academic Attainment? » dans IZA World of Labor (juin 2018). Lien : https://bit.ly/3hPqGzR
  4. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne (21 mai 2020). Lien : https://bit.ly/31oB8sA (PDF). Le Réseau COVID-19 sur les impacts sociaux de l’Association d’études canadiennes, en partenariat avec Expériences Canada et l’Institut Vanier de la famille, a mené un sondage Web national sur la COVID-19 auprès de la population des 12 à 17 ans au Canada du 29 avril au 5 mai 2020. Au total, 1 191 réponses ont été reçues, et la marge d’erreur probabiliste était de ±3 %.
  5. Un sondage de l’Institut Vanier de la famille, de l’Association d’études canadiennes et de la firme Léger, mené du 1er au 3 mai 2020, comprenait environ 1 500 personnes de 18 ans et plus qui ont été interrogées à l’aide d’une technologie ITAO (interview téléphonique assistée par ordinateur) dans le cadre d’une enquête en ligne. À l’aide des données du Recensement de 2016, les résultats ont été pondérés en fonction du sexe, de l’âge, de la langue maternelle, de la région, du niveau de scolarité et de la présence d’enfants dans le ménage, afin d’assurer un échantillon représentatif de la population. Aucune marge d’erreur ne peut être associée à un échantillon non probabiliste (panel en ligne, dans le présent cas). Toutefois, à des fins comparatives, un échantillon probabiliste de 1 526 répondants aurait une marge d’erreur de ±2,52 %, et ce, 19 fois sur 20.
  6. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  7. Ibidem
  8. Monica Anderson et Jingjing Jiang, « Teens, Social Media & Technology 2018 » dans Pew Research Center (31 mai 2018). Lien : https://pewrsr.ch/30aWglE (PDF)
  9. Wesley Sanders, et autres. « Parental Perceptions of Technology and Technology-Focused Parenting: Associations with Youth Screen Time » dans Journal of Applied Developmental Psychology (mai-juin 2016). Lien : https://bit.ly/30gsCeV
  10. Statistique Canada, « Les répercussions de la COVID-19 sur les familles et les enfants canadiens » dans Le Quotidien (9 juillet 2020). Lien : https://bit.ly/3liSn6u
  11. Daniel Kardefelt-Winther, How Does the Time Children Spend Using Digital Technology Impact Their Mental Well-Being, Social Relationships and Physical Activity? An Evidence-Focused Literature Review, UNICEF (décembre 2017). Lien : https://bit.ly/33b3TKQ (PDF)
  12. OCDE, « Children & Young People’s Mental Health in the Digital Age » (2018). Lien : https://bit.ly/3jXBFcg (PDF)
  13. Leanne Findley, « Dépression et idéation suicidaire chez les Canadiens de 15 à 24 ans » dans Rapports sur la santé, no 82-003-X au catalogue de Statistique Canada, vol. 28, no 1, 3-11 (18 janvier 2017). Lien : https://bit.ly/3hre1mN
  14. Statistique Canada, « Comprendre l’état de santé mentale perçu des Canadiens avant la pandémie de COVID-19 » dans Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2019 (6 août 2020). Lien : https://bit.ly/3hmrWdX
  15. Statistique Canada, « Les principales causes de décès, population totale, selon le groupe d’âge », tableau 13-10-0394-01 (consulté le 13 août 2020). Lien : https://bit.ly/2QphM0l
  16. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  17. Un sondage de l’Institut Vanier de la famille, de l’Association d’études canadiennes et de la firme Léger, mené du 1er au 3 mai 2020, comprenait environ 1 500 personnes de 18 ans et plus qui ont été interrogées à l’aide d’une technologie ITAO (interview téléphonique assistée par ordinateur) dans le cadre d’une enquête en ligne. À l’aide des données du Recensement de 2016, les résultats ont été pondérés en fonction du sexe, de l’âge, de la langue maternelle, de la région, du niveau de scolarité et de la présence d’enfants dans le ménage, afin d’assurer un échantillon représentatif de la population. Aucune marge d’erreur ne peut être associée à un échantillon non probabiliste (panel en ligne, dans le présent cas). Toutefois, à des fins comparatives, un échantillon probabiliste de 1 526 répondants aurait une marge d’erreur de ±2,52 %, et ce, 19 fois sur 20.
  18. Robert Cribb, « Youth Mental Health Deteriorating Under Pandemic Stresses, New CAMH Study Reveals » dans The Star (28 mai 2020). Lien : https://bit.ly/3ikLMaf
  19. Jeff Semple, « Kids Help Phone Calls for Back Up Amid Record Demand – and Canadians Respond » dans Global News (28 juin 2020). Lien : https://bit.ly/3gbeDMr
  20. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  21. Ibidem
  22. Ibidem
  23. Angus Reid Institute, Kids & COVID-19: Canadian Children Are Done with School from Home, Fear Falling Behind, and Miss Their Friends (11 mai 2020). Lien : https://bit.ly/3kVRReK
  24. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  25. Statistique Canada, « Les répercussions de la COVID-19 sur les familles et les enfants canadiens » dans Le Quotidien (9 juillet 2020). Lien : https://bit.ly/3liSn6u
  26. Paul W. Bennett, « This Grand Distance-Learning Experiment’s Lessons Go Well Beyond What the Students Are Learning » dans CBC News (11 mai 2020). Lien : https://bit.ly/33bNEgo
  27. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  28. UNICEF Canada, U-Report Canada: Impacts of the COVID-19 Pandemic on Young People in Canada – Poll 2: Examining the Issues (mai 2020). Lien : https://bit.ly/2YuMCcr (PDF)
  29. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  30. Statistique Canada, « Enquête canadienne sur l’utilisation de l’Internet » dans Le Quotidien (29 octobre 2019). Lien : https://bit.ly/2EtokZ4
  31. Association d’études canadiennes, Les impacts de la COVID-19 sur la jeunesse canadienne.
  32. Canadian Medical Association Journal, « Indirect Adverse Effects of COVID-19 on Children and Youth’s Mental, Physical Health » dans EurekAlert (25 juin 2020). Lien : https://bit.ly/2BWMvOr
  33. Michael Baker, « Industrial Actions in Schools: Strikes and Student Achievement » dans Canadian Journal of Economics (mars 2011). Lien : https://bit.ly/3gaona6
  34. Michèle Belot et Dinand Webbink, « Do Teacher Strikes Harm Educational Attainment of Students? » dans Labour Economics, vol. 24, no 4, p. 391-406 (2010). Lien : https://bit.ly/3aYuJI3
  35. Keith Meyers et Melissa A. Thomasson, « Paralyzed by Panic: Measuring the Effect of School Closures During the 1916 Polio Pandemic on Educational Attainment » dans NBER Working Paper Series 23890 (septembre 2017). Lien : https://bit.ly/3hSzswU (PDF)
  36. Catherine Haeck et Pierre Lefebvre, « Pandemic School Closures May Increase Inequality in Test Scores » dans Série de cahiers de recherche du Groupe de recherche sur le capital humain (juin 2020). Lien : https://bit.ly/30elgbN (PDF)
  37. Carly Weeks, « Rising Rates of COVID-19 in Children, Adolescents Spark Concerns About Back to School Plans » dans The Globe and Mail (23 juin 2020). Lien : https://tgam.ca/3hTmFuk

 

Entretien avec Lucy Gallo à propos de l’accès, de l’adaptation et de la résilience chez les jeunes LGBTQI2S

Gaby Novoa

29 juin 2020

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Le bien-être financier, physique et mental des communautés LGBTQI2S au Canada a été affecté de façon disproportionnée par la pandémie de COVID-19. Une enquête nationale a révélé que 42 % des membres de la communauté LGBTQI2S ont signalé que la crise avait eu des effets importants sur leur santé mentale, contre 30 % des personnes non LGBTQI2S.

Le 23 juin 2020, nous avons communiqué avec Lucy Gallo, directrice des Services à la jeunesse et au logement de Friends of Ruby, pour découvrir comment les jeunes LGBTQI2S de Toronto ont vécu les derniers mois et de quelle façon son organisme s’est adapté pour continuer à servir et à soutenir ces jeunes.


Parlez-nous de la façon dont Friends of Ruby s’est adapté et a réagi tout au long de la pandémie de COVID-19 pour continuer à servir et à soutenir les jeunes LGBTQI2S.

Nous avons fermé notre espace d’accueil un vendredi, et le lundi suivant, nos conseillers étaient au téléphone pour communiquer avec nos jeunes – ils ont immédiatement assuré les services et les soins requis. Les conseillers ont rapidement adopté l’Internet pour offrir des séances téléphoniques et vidéo, ce qui les tient encore très occupés d’ailleurs, et nous sommes ravis d’avoir lancé un programme de counseling par clavardage. Tous les membres du personnel sont maintenant entièrement formés pour offrir également des services de counseling par clavardage.

Nous avons découvert qu’il y avait des jeunes qui vivaient toujours avec leur famille, à qui certains n’ont pas encore annoncé leur identité sexuelle, et qu’ils ne disposaient pas d’un espace privé pour avoir accès à du counseling téléphonique. Cette option de clavardage leur donne maintenant la possibilité d’accéder à du soutien, tandis que leurs parents croient qu’ils envoient simplement des textos à un ami. C’est un procédé que nous avons toujours souhaité élaborer, mais que nous n’avions jamais entrepris faute de ressources. La pandémie de COVID-19 a donc accéléré les choses et nous a obligés à agir sans attendre. J’ai rapidement organisé la formation des membres du personnel en deux demi-journées et ils peuvent continuellement recevoir de l’aide d’une personne expérimentée en counseling par clavardage.

Comme notre espace d’accueil n’était pas disponible pour les jeunes que nous accompagnons, l’un des thèmes qui ont été soulevés lors de nos conversations avec eux au début de la pandémie était la difficulté d’accéder à de la nourriture. Nous avons répondu en offrant des cartes-cadeaux, et avons également été en mesure d’envoyer des repas en partenariat avec un autre organisme, ce qui nous a permis de livrer deux repas par semaine à certains de nos jeunes.

En nous adaptant à la pandémie, nous avons également essayé d’organiser quotidiennement des groupes virtuels afin de permettre aux jeunes de continuer d’avoir accès à notre organisme au maximum. Cela nous a donné l’occasion de réunir les gens en ligne, de sympathiser et de partager leur quotidien. Notre groupe de discussion pour les personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) a été précieux, compte tenu de l’ampleur du racisme et de ce qui se passe actuellement dans le monde. Ce fut une période difficile pour les jeunes Noirs. Lorsque Toronto, au début de la pandémie, a commencé à annoncer qu’on allait demander aux gens qui sortaient de fournir des documents d’identité et qu’il était possible de dénoncer les autres, beaucoup de jeunes appartenant aux PANDC ne voulaient pas se rendre au centre de peur de subir davantage de racisme. Nous avons également ajouté des heures d’utilisation supplémentaires, en particulier avec notre personnel noir, afin de soutenir nos jeunes Noirs.

Parmi les autres programmes que nous avons continué d’offrir, mentionnons notre groupe d’art-thérapie, les séances virtuelles de l’espace d’accueil, les jeux vidéo et « art for change » (l’art comme moteur de changement). De plus, avec le soutien du Centre for Mindfulness Studies, deux de nos conseillers ont dirigé avec succès un groupe axé sur les compétences reliées à la pleine conscience en vue de faire face au stress et à l’anxiété (Mindfulness-Based Skills for Coping with Stress and Anxiety).

Nous avons également commencé à offrir du soutien en personne et des possibilités d’interaction. Nous avons de nouveau ouvert l’espace d’accueil, amorçant notre propre version de la « phase 2 ». Nous fournissons des produits essentiels que les gens peuvent venir chercher comme des repas à emporter, des trousses de réduction des risques, des trousses d’hygiène menstruelle et plus encore. Ils peuvent maintenant accéder à la gestion de cas en personne – nous avons ouvert une salle disposant de suffisamment de distance – et de plexiglas – et avons aménagé l’espace de telle façon qu’elle pourrait dès maintenant recevoir au moins six personnes. Nous avons également pensé que si un jeune ne pouvait pas joindre son conseiller depuis son domicile ou s’il ne voulait pas discuter en ligne, il pourrait venir dans cette salle et avoir l’intimité nécessaire pour communiquer virtuellement avec son conseiller.

Bon nombre des services que nous avons élaborés ou améliorés au cours des derniers mois seront également offerts après la pandémie. L’objectif est d’offrir ces nouvelles modalités à tous nos jeunes tout comme aux jeunes de partout au Canada qui désirent utiliser nos services de counseling ou communiquer avec nous en ligne.

Parlez-nous des thèmes communs que vous avez rencontrés pendant la pandémie chez les jeunes LGBTQI2S que vous accompagnez.

Je pense que le sentiment de solitude est un thème qui s’impose. Le fait de ne pouvoir accéder à nos locaux a créé beaucoup d’anxiété au début quant à la signification de tout ce phénomène. Comment cela affecte-t-il tout un chacun? Ne plus pouvoir compter sur notre habituelle communauté a été difficile, surtout pour les jeunes qui avaient l’impression de ne pas avoir l’intimité, l’espace ou la sécurité nécessaires à la maison avec leur famille.

Parlez-nous de certaines des leçons que vous avez apprises en adaptant Friends of Ruby afin de continuer d’accompagner les jeunes. Y a-t-il eu des surprises ou des prises de conscience?

Une chose intéressante, et je vais l’utiliser comme exemple parmi tant d’autres, c’est que si une personne a des idées suicidaires et qu’elle se trouve avec vous dans un local, vous pouvez évaluer la situation et, avec un peu de chance, la désamorcer, car cette personne se trouve en sécurité près de vous. Mais ce que j’ai constaté, c’est que lorsqu’on est en ligne et qu’on ne sait pas où se trouve la personne, comment peut-on lui procurer un sentiment de sécurité?

Nous avons dû créer rapidement des documents, puis demander aux jeunes de les lire et d’accepter de fournir des renseignements sur l’endroit où ils se trouvent, comme leur adresse et le moyen de communiquer avec eux si la ligne devait couper. Ce protocole s’applique également dans de nombreux cas. Lorsque nous dirigeons nos groupes thérapeutiques virtuels, comment savoir, lorsqu’une ligne se déconnecte, s’il s’agissait d’une déconnexion accidentelle et que la personne n’est pas contrariée, ou si elle n’a pas délibérément interrompu l’appel à cause d’un aspect du groupe qui l’a bouleversée? Ce sont là quelques-unes de nos prises de conscience. Lorsque la personne se trouve devant nous, la façon de travailler est tellement différente. Ce sont quelques-uns des moyens que nous avons dû adopter et instaurer pour la sécurité de tous.

Parlez-nous des expériences uniques ou des histoires d’adaptation ou de résilience des jeunes que vous accompagnez.

Il y a eu une résilience incroyable parmi nos jeunes à travers tout cela. Les gens que nous avons eu de la difficulté à suivre sont nos jeunes de passage, parce qu’ils n’avaient pas de coordonnées pour nous permettre de les joindre lorsque nous avons fermé nos portes. Puisqu’ils viennent généralement nous voir juste en passant, notre fermeture a complexifié nos contacts, même si quelques-uns sont passés nous saluer et nous dire qu’ils se débrouillaient très bien. Évidemment, nous n’avons pas pu voir tout le monde, mais les gens que nous avons vus ont fait preuve de beaucoup de résilience et d’adaptation.

Les conseillers nous ont dit que plusieurs jeunes n’étaient pas certains de vouloir faire du counseling en ligne. Cependant, une personne qui a continué de travailler pendant la pandémie a déclaré qu’elle appréciait réellement cette option, car elle pouvait suivre un programme de counseling sans avoir à se déplacer entre son lieu de travail et le centre. Cela facilite l’accès au counseling pour certains.

Qu’espérez-vous ou qu’envisagez-vous pour les mois à venir?

À l’heure actuelle, nous prévoyons ouvrir davantage l’espace d’accueil, à mesure que la Ville ouvrira de nouveaux espaces. L’objectif est de permettre à plus de gens de venir sur place et, espérons-le, de favoriser un plus grand sentiment communautaire. Chaque conseiller compte deux ou trois personnes qui attendent une consultation en personne. Nous envisageons de faire venir ces conseillers afin qu’ils puissent voir les personnes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas faire de counseling en ligne. Pour le groupe de discussion des PANDC, nous envisageons de l’animer virtuellement, mais aussi en personne.

Pendant ce temps, les gens pourraient venir sur place pour faire partie du groupe, tandis que d’autres seraient aussi connectés virtuellement : nous pourrions ainsi répondre aux besoins des gens à la fois hors ligne et en ligne. Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous envisageons de lancer une autre session de groupe sur les compétences reliées à la pleine conscience en vue de faire face au stress et à l’anxiété vers la mi-juillet, si possible. Au cours des prochaines semaines, le personnel continuera de discuter des moyens d’étendre nos services, et nous continuerons d’offrir des repas à emporter ainsi que de la gestion de cas, tant en personne que virtuellement.

Communiquez avec Friends of Ruby sur les médias sociaux (Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn) pour suivre l’évolution de leur offre de services et de programmes.

Gaby Novoa, Centre de connaissances sur les familles au Canada, Institut Vanier de la famille

Cet entretien a été révisé afin d’atteindre une longueur, une fluidité et une clarté optimales.

 

Recherche en bref : La prestation de soins au sein des familles des militaires et des vétérans

Alla Skomorovsky, Jennifer Lee et Lisa Williams

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Les recherches le démontrent : les vétérans canadiens qui passent à la vie civile en raison d’une maladie ou d’une blessure éprouvent souvent de la difficulté à s’adapter à leur nouvelle situation. Toutefois, un nombre croissant d’études universitaires révèlent que « la force derrière l’uniforme » – les familles des militaires et des vétérans qui fournissent des soins à ces derniers – peut également être affectée par le bien-être et les expériences de transition du membre des Forces armées canadiennes (FAC)1, 2.

Selon la gravité de la maladie ou de la blessure, les militaires ont parfois besoin d’aide pour s’acquitter des activités quotidiennes (p. ex. : l’entretien du terrain, la préparation des repas, les services de nettoyage) et les membres de la famille sont souvent les premiers à prodiguer, à organiser et/ou à défrayer ces soins, qui peuvent varier en termes d’intensité, de durée et de fréquence. Au fur et à mesure que le militaire ou le vétéran malade ou blessé de la famille s’adapte aux contraintes que la maladie ou la blessure lui impose, à lui et à son nouveau mode de vie civile, il est possible que ses relations familiales se teintent d’une certaine tension.

Au sein des familles des militaires, les conjoints des militaires sont généralement les principaux fournisseurs de soins, et cette tâche peut avoir une incidence négative sur leur propre santé, leur bien-être et leur carrière. Par ailleurs, les recherches démontrent que la prestation de soins à l’égard d’un militaire atteint de maladies psychologiques peut s’avérer particulièrement éprouvante pour les aidants en plus d’accroître le risque ou l’étendue de leur propre détresse psychologique, en raison de la dépendance accrue du militaire à leur égard pour les tâches et le soutien cognitif ou émotionnel.

Peu d’études ont examiné les expériences, les perceptions et les impacts uniques à la transition vers la vie civile sur les familles du personnel des FAC ou des vétérans, plus particulièrement ceux qui ont été libérés pour des raisons médicales en lien avec une maladie ou des blessures. Toutefois, une étude pilote menée en 2014-2015 auprès des familles des FAC qui vivaient une transition vers la vie civile a suggéré que les effets cumulatifs de la maladie ou des blessures d’un militaire combinés à sa transition vers la vie civile pouvaient avoir une incidence significative sur divers aspects de la dynamique familiale3.

Dans la foulée des études mentionnées précédemment, le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM) a réalisé, en 2017-2018, une enquête visant à explorer et à améliorer notre compréhension de ce que vivent les familles des militaires ou des vétérans malades ou blessés à diverses étapes du processus de libération pour raisons médicales, dans le cadre de leur transition de la vie militaire à la vie civile, par une série d’entrevues semi-structurées4.

La maladie et les blessures affectent le bien-être de la famille et les relations familiales

Conformément aux autres études, les entrevues ont indiqué que la santé des membres des FAC et des vétérans avait une incidence directe sur le bien-être des membres de la famille, plus particulièrement lorsque les membres de la famille assument un rôle d’aidant pour le militaire ou le vétéran.

[Comme mentionné par les parents d’un militaire ou d’un vétéran] : Parce que c’était vraiment difficile à l’époque, ce fut un véritable combat. La première fois qu’il est rentré de sa toute première sortie a vraiment été difficile. Ce que je veux dire, c’est qu’il a perdu deux conjointes. Il a vécu deux ruptures familiales en raison de son TSPT. [traduction]

Les militaires et les vétérans ont également constaté l’impact qu’ils avaient sur les membres de leur famille, y compris sur leurs enfants.

Ma fille, qui a 21 ans, est probablement celle qui a été la plus affectée par mon état, en raison de ce qu’elle m’a vu traverser. Et ça a été très difficile pour elle… À cause de mon anxiété, de ma dépression et tout ça… Elle souffre maintenant d’anxiété et de dépression. [traduction]

La plupart des conjoints ont relié la tension exercée sur leur bien-être familial, social et personnel principalement à la maladie ou aux blessures du militaire ou du vétéran, et non à la transition elle-même.

Je crois que tout est en lien avec l’ensemble du processus… L’un des membres de votre famille fait face à ses propres problèmes de santé mentale, mais il ne recherche pas de traitement actif pour ses problèmes, et il se dit que… vous savez, avec sa dépression, son anxiété ou son TSPT. Alors le partenaire doit prendre le relais dans le ménage. C’est difficile de porter ça tout le temps. [traduction]

Des familles ont mentionné avoir vu leurs relations avec le militaire ou le vétéran des FAC devenir plus tendues. Plus précisément, plusieurs membres de ces familles, qui étaient également des conjoints, ont ressenti un manque de satisfaction et d’intimité dans leurs relations avec le militaire ou le vétéran, en plus d’éprouver un éloignement émotionnel ou du ressentiment.

Il n’avait plus aucun intérêt pour le sexe, et cela a complètement transformé notre relation. Et comme nous étions un couple, cela a été difficile à surmonter… la perte d’intimité avec son partenaire.

Dans l’intimité, il était un peu distant émotionnellement, vraiment plus distant, en fait. C’était comme s’il était à l’extérieur et qu’il regardait vers l’intérieur.

Je contribue plus qu’à mon tour. Et en fait, si je repense à toute cette situation, il y a des moments où… je voudrais qu’il participe plus à ses soins que je ne le fais moi-même. Alors oui, il y a un peu de ressentiment dans tout ça, si je suis vraiment honnête avec moi-même. [traduction]

La prestation de soins interfère avec d’autres responsabilités familiales et les perturbe

Les membres de la famille qui fournissent des soins au militaire ou au vétéran malade ou blessé – principalement les conjoints – ont mentionné que le fardeau des aidants était un facteur important qui contribuait à affaiblir leur santé physique ou à réduire leur bien-être psychologique. On mentionne, entre autres, les exigences cognitives et physiques supplémentaires imposées aux aidants, comme la surveillance constante du membre des FAC ou du vétéran, l’aide physique apportée au membre des FAC ou du vétéran pour accomplir ses activités quotidiennes et la prise en charge des tâches auparavant partagées (p. ex. : le jardinage, la préparation des repas, le ménage).

Il est incapable physiquement de faire ce qu’il faisait auparavant, avant d’être blessé, alors je me charge maintenant de… tout – principalement sur le plan physique – dans la maison. Et j’ai fini par me blesser au dos à cause de cela. Il faut bien que quelqu’un s’occupe de toutes ces tâches… alors j’ai fini par me blesser au dos et maintenant, je ne peux même plus travailler à cause de cela. [traduction]

Certains aidants conjugaux ont également souligné qu’ils se sentaient émotionnellement et mentalement épuisés en raison des responsabilités accrues et du manque de temps dont ils disposaient pour s’occuper d’eux-mêmes. Parmi les autres conséquences de la prestation de soins, on note les effets négatifs sur la santé et les répercussions sur le travail.

Je crois que cela crée de l’isolement chez l’aidant. Par exemple, je voulais être présente pour mon époux et conjoint. Je voulais prendre soin de lui, lui offrir tout ce dont il a besoin, mais ensuite… je ne dis pas que c’est la faute des autres, mais est-ce qu’il est possible d’avoir une pause?

J’ai l’impression que je ne reçois aucun soutien, alors je m’occupe de tout cela par moi-même, vous savez. J’ai l’impression que je porte le poids de… de tout le ménage… J’ai l’impression que je dois m’occuper de tout toute seule. Alors j’ai l’impression de sacrifier ma propre santé. [traduction]

Comparativement aux aidants conjugaux, les parents qui prodiguaient des soins ont précisé que la maladie ou la blessure du militaire ou du vétéran n’affectait généralement pas leur vie personnelle ni leur santé. Toutefois, cela pourrait s’expliquer par le fait que les soins offerts sont moins fréquents et que les parents ont une moins grande proximité avec le bénéficiaire.

La communication entre les partenaires peut atténuer l’impact de la prestation de soins

Malgré les effets négatifs qu’ont eus la prestation de soins, l’expérience de transition et la maladie ou la blessure sur leur relation conjugale, plusieurs aidants conjugaux ont également observé une croissance dans leur relation. D’après les participants de l’étude, une communication de qualité et claire au sein de leur relation a été un facteur important qui semble avoir eu un impact sur la gravité des effets négatifs. Suivant leur expérience commune de transition et de communication, plusieurs aidants conjugaux ont indiqué s’être rapprochés du membre des FAC ou du vétéran, en plus d’être devenus une équipe plus forte. Il est donc possible qu’une communication efficace renforce la tolérance des conjoints à l’égard des responsabilités et du fardeau supplémentaires liés à la prestation de soin.

Nous sommes devenus presque davantage une équipe qu’un couple. Qu’est-ce qu’on doit faire? Bon d’accord, comment devrions-nous le faire? Alors oui, notre vie se concentre principalement sur ça.

La communication est la clé ici, plus particulièrement dans le cadre d’une relation. [traduction]

Les leçons tirées et la voie à suivre

Cette étude a permis de faire la lumière sur ce que vivent les familles des FAC pendant la transition vers la vie civile. Les résultats démontrent que l’expérience de la transition ne touche pas seulement le militaire ou le vétéran – elle affecte également les membres de sa famille ainsi que ses aidants. La plupart des membres de ces familles, et plus particulièrement les aidants, ont signalé avoir ressenti de la détresse et un malaise au cours du processus de transition, mais la plupart des rapports liés au déclin du bien-être physique, psychologique et social ont été attribués aux conséquences de la maladie ou de la blessure.

Certaines limites méthodologiques importantes de la présente étude doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Tout d’abord, l’étude a été réalisée en supposant que tous les membres des FAC et des vétérans malades ou blessés qui participaient à l’étude avaient des besoins liés à la prestation de soins et disposaient d’un aidant (p. ex. : un conjoint, un frère ou une sœur, un parent) parce qu’ils avaient été libérés de leur service militaire pour des raisons médicales, et cela a influencé l’élaboration des questions posées pendant les entrevues. Toutefois, il est devenu évident au fil des entrevues que certains membres des FAC ou vétérans libérés ne disposaient d’aucun aidant, ou qu’ils ne considéraient pas nécessairement avoir besoin de soins, même s’ils souffraient de diverses limitations en raison de leur maladie ou de leur blessure. Deuxièmement, bien qu’un nombre important de membres des FAC ou de vétérans aient participé à l’étude, ils en étaient à différentes étapes de leur transition. En raison de la durée de l’entrevue, il a été impossible d’inclure certaines questions détaillées sur chaque étape du processus de transition. Enfin, en raison de la méthodologie qualitative utilisée dans cette étude, les résultats ne sont pas représentatifs de la population dans son ensemble.

Pour pallier ces limites et tirer parti de cette étude, le DGRAPM a élaboré un programme de recherche exhaustif en lien avec les familles des militaires, qui collabore étroitement avec d’autres organismes gouvernementaux, notamment Anciens Combattants Canada et Statistique Canada. Ce corpus de recherches vise à améliorer la vie du personnel militaire, des vétérans et de leur famille partout au pays.

En examinant les défis que vivent les familles des membres des FAC ou des vétérans malades ou blessés, cette étude propose des orientations visant à améliorer l’expérience de la transition chez les familles des militaires ainsi qu’à maintenir leur bien-être global. Puisque les libérations pour raisons médicales semblent être en hausse depuis 20135, cette question revêt une importance croissante pour les vétérans, leur famille et la société canadienne dans son ensemble. Il est essentiel de continuer d’approfondir l’expertise nécessaire pour soutenir ces familles et de trouver des moyens pour assurer le bien-être individuel et familial des membres des FAC et des vétérans.

Alla Skomorovsky, Ph. D., est psychologue en recherche pour le compte du Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM), où elle est membre de l’équipe des programmes sur les politiques sociales et le soutien à la famille. Elle mène des études quantitatives et qualitatives dans les domaines de la résilience, du stress, de l’adaptation, de l’identité et du bien-être des familles des militaires.

Jennifer Lee, Ph. D., est présidente du Groupe des ressources humaines et du rendement (HUM) pour le Programme de coopération technique (TTCP) – Groupe technique 21 sur la résilience – ainsi que directrice intérimaire de la recherche sur le soutien au personnel et aux familles au sein du DGRAPM, où elle supervise le travail de son équipe sur un éventail de sujets, notamment : l’inconduite sexuelle; la diversité et l’inclusion; la santé des militaires, des vétérans et de leur famille; et, plus récemment, les répercussions de la légalisation du cannabis sur le personnel des Forces armées canadiennes.

Lisa Williams, M., est chercheuse au sein du DGRAPM, où elle est membre de l’équipe des programmes sur les politiques sociales et le soutien à la famille. Elle mène des études quantitatives et qualitatives sur des sujets liés au bien-être des militaires, des vétérans et de leur famille.


Notes

  1. Jim Thompson, M. D., et autres, « Enquête sur la transition à la vie civile : Rapport sur les vétérans de la Force régulière » dans Anciens Combattants Canada (2011). Lien : https://bit.ly/2J8gYex
  2. Apprenez-en davantage dans Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada (mise à jour de novembre 2018). Lien : https://bit.ly/3tXg7kh
  3. Alla Skomorovsky et autres, Pilot Study on the Well-Being of Ill or Injured Canadian Armed Forces (CAF) Members and Their Families : Well-Being Model Development (2019). Rapport scientifique. DRDC-RDDC-2017-R203
  4. En tout, 72 entrevues semi-structurées ont été réalisées, et 16 d’entre elles ont été supprimées de l’analyse en raison de leur inadmissibilité (p. ex. : libération pour des raisons non médicales, plus de 5 ans après la libération). Sur les 56 entrevues admissibles, on dénombre 31 entrevues individuelles avec des membres des FAC ou des vétérans, 11 entrevues individuelles avec des aidants primaires et 14 entrevues combinées. Les participants étaient des vétérans des FAC qui ont été libérés pour des raisons médicales au cours des 5 années précédentes ou des membres des FAC qui s’attendaient à être libérés dans un avenir rapproché (c.-à-d. durant les 24 mois de l’enquête) en raison d’une maladie psychologique ou physique ou encore de blessures. Leurs aidants primaires, définis sur le plan opérationnel comme la personne qui procure au membre des FAC ou du vétéran la plupart des soins ou du soutien (physique ou psychologique), ont également été inclus dans le processus d’entrevues. Les aidants primaires étaient en général un membre de la famille (p. ex. : frère, sœur, parent) et, dans la vaste majorité des cas, le conjoint. Les participants admissibles ont soit été rencontrés en personne ou contactés par téléphone à un moment qui leur convenait.
  5. Linda Van Til et autres, « Well-Being of Canadian Regular Force Veterans, Findings from LASS 2016 Survey » dans Anciens Combattants Canada – Rapport technique de la Direction de la recherche (23 juin 2017). Lien : https://bit.ly/32NfpJw

Publié le 25 juillet 2019

Coup d’œil sur les grands-parents au Canada (mai 2019 – mise à jour)

Au Canada, les grands-parents forment un groupe très diversifié et plusieurs participent activement au bien-être de la famille et à son fonctionnement, notamment dans leurs rôles de mentors, d’éducateurs, d’aidants, de gardiens d’enfants, d’historiens, de guides spirituels et de « dépositaires de la mémoire familiale ».

Certes, la population du Canada est vieillissante et l’espérance de vie continue de s’allonger, c’est pourquoi il faut s’attendre à voir les grands-parents de plus en plus présents dans le quotidien de nombreuses familles au cours des prochaines années. Au Canada, le nombre d’aînés au sein de la population active ne cesse d’augmenter, et ceux-ci jouent un rôle de plus en plus senti sur le marché du travail. Cependant, ce virage entraîne aussi des répercussions pour les familles qui comptent sur les grands-parents pour s’occuper des petits-enfants ou d’autres membres de la famille. Par ailleurs, le cadre de vie des grands-parents continue de se transformer, à l’heure où ceux-ci sont de plus en plus nombreux à cohabiter avec les générations plus jeunes tout en contribuant aux ménages des familles.

Les données récemment publiées dans le cadre de l’Enquête sociale générale de 2017 nous ont permis de mettre à jour l’une de nos ressources les plus consultées, soit la publication Coup d’œil sur les grands-parents au Canada, qui propose un portrait statistique des grands-parents, de leurs relations familiales et de certaines des tendances socioéconomiques qui sont au cœur de cette évolution.

Quelques faits saillants :

  • En 2017, 47 % des Canadiens de 45 ans et plus étaient grands-parents, comparativement à 57 % en 19951.
  • En 2017, l’âge moyen des grands-parents était de 68 ans (contre 65 ans en 1995), alors que l’âge moyen des nouveaux grands-parents était de 51 ans pour les femmes et de 54 ans pour les hommes en 20172, 3.
  • En 2017, près de 8 % des grands-parents avaient 85 ans et plus; cette proportion s’établissait à 3 % en 19954.
  • En 2017, 5 % des grands-parents du Canada vivaient sous le même toit que leurs petits-enfants, soit une légère augmentation par rapport aux 4 % de 19955.
  • En 2017, les grands-parents nés à l’extérieur du Canada étaient plus de deux fois plus enclins que leurs homologues nés au Canada à cohabiter avec leurs petits-enfants (9 % et 4 %, respectivement), soit le résultat d’une interaction complexe entre le choix, la culture et le contexte6.

Téléchargez le document Coup d’œil sur les grands-parents au Canada (mai 2019) de l’Institut Vanier de la famille.

Battams, N. (2019). Coup d’oeil sur les grands-parents au Canada (mai 2019). L’institut Vanier de la famille. https://doi.org/10.61959/disx1332f


Publié le 28 mai 2019

1 Statistique Canada, « Histoire de famille : les grands-parents au Canada » dans Le Quotidien (7 février 2019). Lien : https://bit.ly/2SyX80d.
2 Ibidem
3 Aucunes données comparables ne peuvent être fournies puisque c’était la première fois que la question était posée dans l’Enquête sociale générale.
4 Ibidem
5 Statistique Canada, « Histoire de famille : les grands-parents au Canada ».
6 Ibidem

Fête des Mères 2019 : Les nouvelles mamans sont plus âgées et plus susceptibles d’être en emploi qu’auparavant

Le 12 mai 2019, jour de la fête des Mères, est l’occasion de reconnaître et de célébrer les millions de femmes au Canada qui élèvent (seules ou de façon conjointe) les générations futures, souvent en assumant plusieurs rôles tant à la maison, que dans leur milieu de travail et au sein de leur communauté. Le rapport complexe entre les femmes, le travail et la famille à l’échelle du pays a connu une importante évolution au fil des générations, alors que les nouvelles mamans sont aujourd’hui plus âgées et plus susceptibles d’être en emploi que par le passé – des tendances qui se reflètent dans les données récemment publiées par Statistique Canada.

Ainsi, d’après de récentes données statistiques de l’état civil, les femmes, partout au pays, attendent de plus en plus longtemps avant d’avoir des enfants – en effet, les taux de fécondité des femmes en début de vingtaine et en fin de trentaine ont basculé au cours des 20 dernières années. Plusieurs d’entre elles se concentrent d’abord à terminer leurs études postsecondaires, puis à amorcer leur carrière – suivant ainsi une tendance à long terme observée au cours des dernières décennies.

  • En 2017, au Canada, le taux de fécondité des femmes de 20 à 24 ans s’élevaient à 36 naissances vivantes pour 1 000 femmes, comparativement à 58 pour 1 000 en 20001.
  • En 2017, au Canada, le taux de fécondité des femmes de 35 à 39 ans était de 56 naissances vivantes pour 1 000 femmes, soit près du double par rapport à l’an 2000 (34 pour 1 000)2.
  • En 2016, l’âge moyen des mères à la naissance du premier enfant était de 29,2 ans, comparativement à 27,1 ans en 20003.

La plupart de ces nouvelles mamans sont (et demeurent) sur le marché du travail au moment de la naissance ou de l’adoption de leur nouveau-né, et elles ont souvent recours au soutien communautaire pour arriver à concilier les responsabilités professionnelles et familiales.

  • En 2016, le taux d’emploi des mères dont le plus jeune enfant était âgé de 0 à 2 ans s’élevait à 71 %, comparativement à 66 % en 2001. Comme les années précédentes, c’est au Québec que ce taux était le plus élevé en 2016 (80 %)4.
  • En 2017, 79 % des nouvelles mères au pays avaient un emploi assurable, et 90 % d’entre elles bénéficiaient de prestations de maternité et/ou parentales5.
    • Comme les années précédentes, les nouvelles mères au Québec étaient plus susceptibles d’occuper un emploi assurable (97 %) et d’avoir reçu des prestations que leurs homologues ailleurs au Canada (91 %).
  • En 2016-2017, 85 % de toutes les demandes de prestations parentales avaient été faites par des femmes, comparativement à 89 % en 20026, 7.

Depuis décembre 2017, les nouveaux et les futurs parents bénéficient d’une plus grande flexibilité quant au moment et à la durée de la période de prestations.

  • Les nouveaux et les futurs parents sont maintenant en mesure d’opter pour des prestations parentales prolongées, qui leur permettent de recevoir leurs prestations parentales de l’AE sur une période pouvant s’étendre jusqu’à 18 mois, à hauteur de 33 % des gains hebdomadaires moyens. Comparativement aux prestations parentales standards, cette option prolonge la durée de la période de prestation, mais diminue le taux de prestation, qui s’élevaient initialement, respectivement, à 12 mois et à 55 % des gains hebdomadaires moyens8.
  • Les femmes enceintes peuvent dorénavant avoir accès à des prestations jusqu’à 12 semaines avant leur date prévue d’accouchement – soit quatre semaines plus tôt que la limite précédente de huit semaines (aucune semaine supplémentaire n’est disponible)9.
  • En 2017, parmi les nouvelles mères qui avaient travaillé en tant qu’employées au cours des deux années précédentes, plus de 1 sur 5 avaient pris ou prévoyaient prendre un congé de travail de plus de 12 mois (21 %)10.

 


Publié le 8 mai 2019

Notes

1 Statistique Canada, Taux brut de natalité, taux de fécondité par groupe d’âge et indice synthétique de fécondité (naissances vivantes), tableau 13-10-0418-01 (dernière mise à jour le 2 mai 2019). Lien : https://bit.ly/2vSef0p

2 Ibidem

3 Claudine Provencher et autres, « Fécondité : aperçu, 2012 à 2016 » dans Rapport sur l’état de la population du Canada, no 91-209-X au catalogue de Statistique Canada (5 juin 2018). Lien : https://bit.ly/2DzQdxz

4 Martha Friendly et autres, « Early Childhood Education and Care in Canada 2016 » dans Child Care Research and Research Unit (CRRU) (avril 2018). Lien : https://bit.ly/2TC1BwL

5 Statistique Canada, « Enquête sur la couverture de l’assurance-emploi, 2017 » dans Le Quotidien (15 novembre 2018). Lien : https://bit.ly/2vHyptB

6 Emploi et Développement social Canada, « La nouvelle prestation parentale partagée de l’assurance-emploi de cinq semaines sera offerte dans un mois » dans Communiqué de presse (18 février 2019). Lien : https://bit.ly/2ImMSEG

7 Commission de l’assurance-emploi du Canada, Employment Insurance 2002 Monitoring and Assessment Report (31 mars 2003). Lien : https://bit.ly/2VRq99k

8 Pour en apprendre davantage, consultez le document « Contenu du webinaire : changements aux prestations spéciales de l’AE » dans Transition (24 janvier 2018). Lien : https://bit.ly/2WvuoUS

9 Ibidem

10 Statistique Canada, « Enquête sur la couverture de l’assurance-emploi, 2017 ».

Faits et chiffres : les familles autochtones au Canada

L’Institut Vanier de la famille reconnaît et valorise la place des familles autochtones au Canada, qui portent toute la richesse et le dynamisme des nations vivant sur le territoire depuis des temps immémoriaux1. À l’heure d’engager un dialogue avec les communautés autochtones pour jeter les bases d’un ensemble de données qui serviront à étayer un processus décisionnel factuel, nous reconnaissons l’importante diversité des réalités et des expériences des peuples autochtones, notamment les familles des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Par conséquent, la présentation des données et des statistiques dans cette ressource est axée sur des groupes ciblés, dans la mesure du possible.

Comme toutes les familles du Canada, les familles autochtones se caractérisent par leur grande diversité et leur volonté de s’adapter ou de réagir aux tendances socioéconomiques, culturelles et contextuelles. Le document Faits et chiffres : les familles autochtones au Canada met en relief diverses données de Statistique Canada illustrant les réalités familiales propres aux Autochtones du Canada.

Quelques faits saillants2

  • En 2016, environ 977 000 Canadiens s’identifiaient aux Premières Nations, 758 000 aux Métis et 65 000 aux Inuits, soit des populations à croissance rapide qui devraient représenter collectivement 2,0 à 2,6 millions de personnes d’ici 2036.
  • En 2016, l’âge moyen parmi les Premières Nations (30,6 ans), les Métis (34,7 ans) et les Inuits (27,7 ans) au Canada était inférieur de près de dix ans à celui de leurs homologues non autochtones (40,9 ans).
  • En 2016, la proportion des enfants de 4 ans et moins vivant avec au moins un de leurs grands-parents était de 21 % chez les Premières Nations, de 11 % chez les Métis et de 23 % chez les Inuits (soit des proportions plus élevées que chez leurs homologues non autochtones, à 10 %).
  • En 2016, 23 % des Premières Nations, 9 % des Métis et 41 % des Inuits vivaient dans un logement surpeuplé, comparativement à 9 % chez leurs homologues non autochtones.
  • En 2016, plus de la moitié (51 %) de tous les enfants de 4 ans et moins en foyers d’accueil au Canada étaient Autochtones, même si ceux-ci ne représentaient que 7,7 % de tous les enfants de ce groupe d’âge.

 

Téléchargez le document Faits et chiffres : les familles autochtones au Canada (juin 2018), publié par l’Institut Vanier de la famille.

La terminologie employée pour désigner les peuples autochtones et leur identité est en constante évolution. Nous avons cherché à cerner et à privilégier la terminologie la plus actuelle tout en admettant qu’il existe toujours des préférences personnelles et diversifiées. Au fil de ce dialogue, n’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires, à l’adresse : publications@institutvanier.ca.

Notes


  1. Autorité sanitaire des Premières Nations (ASPN), « FNHA and the Truth and Reconciliation Commission Report » dans First Nations Health Authority Support for Truth and Reconciliation Recommendations (2015).
  2. Pour plus de détails sur les sources d’informations, consultez le feuillet de renseignements.

Recherche en bref : La réalité scolaire pour les enfants des familles de militaires

Emily Beckett

Téléchargez le document Recherche en bref : La réalité scolaire pour les enfants des familles de militaires

Le Canada compte plus de 64 000 enfants au sein des familles de militaires1, et plusieurs d’entre eux sont confrontés à une importante mobilité. D’après certaines études, les familles des militaires déménagent de trois à quatre fois plus souvent que leurs homologues civils2. Or, même si la plupart des familles des militaires manifestent une grande capacité d’adaptation et beaucoup de résilience lorsqu’elles sont confrontées à une réinstallation, plusieurs recherches récentes ont permis de constater que les déménagements récurrents risquent de nuire au bien-être de la famille3.

Près des trois dixièmes (27 %) des conjoints des militaires interrogés disent avoir dû déménager au moins quatre fois à cause des impératifs de la vie militaire4.

Les réinstallations fréquentes peuvent bousculer la vie de famille à plusieurs égards, et certaines études suggèrent que les perturbations les plus marquées du point de vue des jeunes se font sentir à l’école et dans les activités parascolaires5. Les parents des familles de militaires sont d’ailleurs conscients de ces effets : plus de la moitié des conjoints de militaires interrogés (54 %) s’accordent pour dire que « les enfants des militaires sont désavantagés par la méconnaissance de la réalité des militaires dans les écoles civiles publiques »6. Toutefois, des travaux de recherche ont aussi montré que le milieu scolaire de l’enfant permet souvent de faciliter la transition et, par conséquent, de favoriser le bien‑être des jeunes dans les familles des militaires.

Heidi Cramm, Ph. D., et Linna Tam-Seto, doctorante, ont réalisé une recension des écrits (School Participation and Children in Military Families: A Scoping Review, en anglais seul.), où elles s’intéressent à l’impact de ces transitions sur le bien-être des enfants et des jeunes des familles de militaires, particulièrement en ce qui concerne leur réalité scolaire. Après avoir passé en revue quelque 112 articles spécialisés, les deux chercheuses ont constaté que certaines réalités communes aux familles des militaires finissent souvent par nuire à la qualité et au degré de participation des enfants dans les activités scolaires ou parascolaires, que ce soit à cause de l’éloignement d’un parent en déploiement, d’une réinstallation, des risques associés aux missions militaires des parents, ou des perturbations de la dynamique familiale pendant ou après un déploiement. Même si la vaste majorité des articles recensés dans le cadre de cette initiative reflètent la situation en contexte américain, il semble que les familles des militaires au Canada partagent à peu près la même réalité et les mêmes préoccupations, comme en témoignent les Résultats de l’évaluation des besoins de la communauté des Forces armées canadiennes (FAC) de 20167.

Se réinstaller progressivement dans une nouvelle collectivité

Les enfants des familles de militaires qui fréquentent une nouvelle école n’éprouvent pas nécessairement des difficultés scolaires, mais l’état actuel de la recherche montre qu’il leur faut néanmoins de quatre à six mois à chaque déménagement pour s’habituer complètement à leur nouvelle réalité scolaire. Bien que ces situations soient temporaires, les interruptions successives risquent d’entraîner des incidences à long terme en limitant les possibilités plus tard dans la vie de ces élèves, notamment quant à leur capacité de prendre des risques ou de relever des défis.

Axées surtout sur la réalité aux États-Unis, les études recensées par Mmes Cramm et Tam-Seto révèlent que les difficultés des élèves en transition semblent surtout associées à la durée des déploiements (nombre total de mois d’absence des parents en mission), au degré de résilience, de même qu’à la santé mentale du parent qui prend le relai du conjoint en mission. Ces travaux de recherche mettent aussi en relief les difficultés de réinsertion dans la routine et la structure familiale qui touchent parfois les militaires au terme d’un déploiement. D’après les données probantes, ces effets négatifs s’intensifient en fonction du nombre de mois de déploiement. Il sera particulièrement important d’en tenir compte dans le portrait de la situation des familles des militaires au Canada.

La vie militaire : des répercussions sur le parcours scolaire et l’accès aux mesures de soutien

Les travaux de recherche examinés par Mmes Cramm et Tam-Seto mettent en relief diverses incidences sur le rendement scolaire des élèves (majoritairement américains) qui déménagent d’un territoire à l’autre (ex. : déficits ou dédoublements dans les apprentissages). Différents facteurs entrent en ligne de compte selon les régions, notamment en ce qui concerne les normes en vigueur, les crédits exigés ou encore l’âge d’entrée à la maternelle. Les chercheuses ont aussi constaté que le niveau de stress à la maison durant un déploiement et au cours de la période de réinsertion qui s’ensuit influence souvent le comportement à l’école et la dynamique en classe, alors que ces élèves vivent parfois des difficultés sur le plan affectif, des problèmes de concentration ou d’anxiété, ou des relations conflictuelles avec leurs pairs. L’enquête sur l’évaluation des besoins de la communauté des FAC ne précise pas si la mobilité est la principale cause des difficultés qu’éprouvent les enfants des répondants, mais 13 % d’entre eux avouent que ceux-ci ont manifesté des problèmes comportementaux ou affectifs à l’école durant l’année précédente. D’autres recherches seront nécessaires pour compléter le tableau et mieux comprendre la situation des familles des militaires au Canada.

En 2016, plus d’un septième (13 %) des militaires des Forces armées canadiennes interrogés affirmaient que leur enfant avait éprouvé des problèmes comportementaux ou affectifs à l’école durant l’année précédente.

D’après certaines études, l’adaptation comportementale et affective influencerait le rendement scolaire des jeunes (ex. : comportement, présence, attitude vis-à-vis de l’école ou de l’approche éducative). On peut penser que les difficultés associées au changement d’école sont encore plus grandes pour les élèves ayant besoin de ressources éducatives spécialisées8. À ce chapitre, 8,2 % des familles des FAC interrogées ont des enfants ayant des besoins spéciaux9, et plusieurs d’entre elles nécessitent des ressources et des mesures de soutien. Or, chaque déménagement complique l’accès à de tels services.

Les nombreux parents des familles de militaires qui ont un enfant atteint d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont confrontés aux mêmes difficultés que toutes les autres familles où quelqu’un a des besoins particuliers : non seulement doivent-ils trouver les ressources adéquates dans le dédale du système d’éducation et du réseau de soins de santé, mais ils sont aussi confrontés à la difficulté d’obtenir une évaluation et un diagnostic10. Or, les familles restent parfois des mois voire des années sur une liste d’attente pour recevoir enfin un diagnostic. Dans un tel contexte, certaines familles de militaires sont contraintes de repartir à la fin d’une affectation avant même d’avoir eu accès à des soins ou à des services.

En fait, plusieurs ressources éducatives spécialisées ne sont pas accessibles sans diagnostic. Mmes Cramm et Tam-Seto ont constaté que l’école freine parfois l’accès à certaines ressources en présumant que les difficultés scolaires de l’élève sont uniquement liées au mode de vie des militaires ou qu’elles sont temporaires en lien avec le déploiement d’un parent. À l’inverse, certains intervenants privilégient des ressources éducatives spécialisées pour pallier des déficits d’apprentissage qui sont en réalité liés aux réinstallations et nécessiteraient des mesures moins ciblées. Dans le réseau scolaire américain, plusieurs se sentent mal outillés pour pouvoir bien cibler les élèves des familles de militaires qui méritent un traitement auprès de spécialistes cliniques.

Consolider les collectivités malgré l’importante mobilité

D’après les études consultées, l’importante mobilité entrave souvent la capacité des enfants des familles de militaires à nouer et à entretenir des relations personnelles et à s’intégrer à un cercle social avec les enfants de leur âge. Il n’est pas rare que leurs homologues civils ne comprennent pas la réalité que supposent ces déménagements successifs ou le déploiement d’un parent – ou qu’ils n’y soient pas sensibles –, ce qui teinte leurs relations avec les enfants des militaires. Néanmoins, les interactions entre les jeunes des familles militaires et non militaires sont fréquentes, puisque de nos jours 85 % des familles des militaires au Canada vivent à l’extérieur d’une base, c’est-à-dire dans les collectivités civiles (comparativement à seulement 20 % vers le milieu des années 90)11.

Mmes Cramm et Tam-Seto ont constaté que les enfants des familles de militaires qui vivent en milieu civil aux États-Unis sont particulièrement vulnérables à l’isolement et à la solitude, et il s’agit là de données importantes puisqu’il existe des liens nets entre le bien-être et l’adhésion à un cercle social solide, d’après les études12. En outre, l’état actuel de la recherche laisse entrevoir que le sentiment d’appartenance communautaire est souvent déterminant pour la santé mentale et la résilience13.

La mobilité risque également d’entraver la participation à certaines activités parascolaires pour les jeunes des familles de militaires. Par exemple, il pourrait être trop tard pour un jeune qui emménage avec sa famille et qui souhaiterait se joindre à une équipe de soccer, alors que la période d’entraînement est peut‑être terminée et que l’équipe a été complétée avant le début de l’année scolaire. Certaines équipes de sports d’élite ou d’autres programmes de leadership hésitent parfois à recruter les élèves des familles de militaires de crainte d’avoir à les remplacer s’ils doivent déménager à nouveau.

D’après le rapport de 2016 sur l’évaluation des besoins de la communauté des FAC, près des trois dixièmes (29 %) des répondants qui considéraient le bien-être de leurs enfants comme leur principal souci durant l’année précédente disent avoir besoin d’aide dans leurs démarches pour assurer le bien-être de leurs enfants (ex. : mise en forme, gestion du stress, consolidation des liens familiaux). Dans certains cas, les parents dont le conjoint est en déploiement ne sont pas en mesure d’aller reconduire leurs enfants aux activités parascolaires ou d’assumer toutes les responsabilités compte tenu des besoins accrus à la maison pour s’occuper des enfants (23 % de tous les répondants affirment avoir eu des problèmes liés à la garde des enfants, qu’il s’agisse de la qualité et de la disponibilité des services, de la distance à parcourir, du coût, etc.).

Les professionnels de l’éducation sont en position privilégiée pour faciliter les transitions

Les études montrent que les enseignants, les conseillers et d’autres professionnels de l’éducation sont en situation privilégiée pour faciliter la transition des jeunes des familles de militaires. La recension de certaines études aux États-Unis suggère que le milieu scolaire offre parfois un facteur « de protection » durant une réinstallation, et que les éducateurs sont susceptibles d’aider les élèves des familles de militaires en consolidant leur résilience et leurs mécanismes d’adaptation.

De fait, les déménagements sont déstabilisants en soi et perturbent les habitudes et la routine, si bien que plusieurs familles de militaires et leurs enfants dépendent largement du personnel et du milieu scolaire relativement au soutien socioaffectif. Parmi les parents des FAC qui considéraient le bien‑être de leurs enfants comme leur principal souci durant l’année précédente, plus du tiers des répondants (34 %) disaient avoir besoin de soutien affectif ou social. Les études tendent à montrer que l’implication éventuelle des familles dans la vie scolaire de leur enfant favorise souvent l’engagement et la réussite scolaires, diminue les risques de décrochage et augmente les chances de faire des études postsecondaires.

Toutefois, Mmes Cramm et Tam-Seto ont aussi constaté que plusieurs intervenants du milieu de l’éducation aux États-Unis se disent dépassés par l’ampleur des besoins de leurs élèves, si bien qu’il leur semble difficile de tenir compte des enjeux particuliers des familles des militaires (réinstallations successives, déploiement des parents, peur de voir leurs parents blessés ou tués dans le cadre d’un déploiement), de répondre aux besoins de ces familles et de communiquer efficacement avec elles.

Même si plusieurs des études et des rapports analysés et cités par Mmes Cramm et Tam-Seto portent sur la réalité vécue à l’étranger, leurs conclusions permettent néanmoins de mieux comprendre la situation des familles des militaires au Canada, qui ont en commun plusieurs « éléments stressants de la vie militaire » avec leurs homologues américains, entre autres l’importante mobilité, les périodes récurrentes d’éloignement ainsi que les risques14. Les études recensées donnent à penser que les écoles et les professionnels de l’éducation ayant une bonne littératie militaire (conscientisation à l’égard de ces stresseurs et de la réalité des familles des militaires) peuvent jouer un rôle majeur pour faciliter la transition des jeunes. Au cours des prochaines années, il sera impératif de disposer d’études axées plus particulièrement sur le milieu scolaire en contexte canadien.

Des ressources et de l’information pour favoriser le soutien aux familles des militaires

Les initiatives visant à accroître la littératie militaire des professionnels de l’éducation ont un important rôle à jouer pour épauler les jeunes des familles de militaires ainsi que leurs proches, et plusieurs ont déjà exprimé le souhait d’avoir accès à des ressources pour les aider en ce sens. Divers outils existent déjà pour favoriser la création et la consolidation d’équipes de conseillers scolaires (et de collègues) bien au fait de la « littératie militaire » dans les écoles au Canada, afin de transmettre de l’information et des ressources ciblées à propos du mode de vie des militaires et des vétérans. À ce chapitre, le Cercle canadien du leadership pour les familles des militaires et des vétérans et l’Association canadienne de counseling et de psychothérapie ont publié en 2017 un guide intitulé Les conseillers et les conseillères en milieu scolaire travaillant auprès des familles des militaires et des vétérans.

Les familles des militaires et des vétérans sont fortes, diversifiées et résilientes, et leur contribution unique s’avère précieuse pour les collectivités du pays. Bon nombre d’entre elles sont confrontées à une importante mobilité, ce qui se répercute sur le bien-être des enfants et des jeunes dans l’entourage des militaires et, finalement, sur le mieux-être et l’efficacité des militaires eux-mêmes parmi les Forces armées canadiennes15. Pour permettre à ces familles de prospérer au sein de collectivités et de milieux de travail inclusifs, il faudra accroître la conscientisation vis-à-vis de leur réalité et du « mode de vie des militaires », auprès des professionnels de l’éducation et des intervenants qui s’emploient à étudier, à servir et à soutenir les familles des militaires.

Pour consulter la version intégrale de l’étude :

Heidi Cramm, Ph.D., et Linna Tam-Seto, doctorante, « School Participation and Children in Military Families: A Scoping Review » dans Journal of Occupational Therapy, Schools, & Early Intervention (1er mars 2018). Lien : https://bit.ly/2qiWfcU

 

Téléchargez le document Recherche en bref : La réalité scolaire pour les enfants des familles de militaires



Emily Beckett est une auteure professionnelle qui habite à Ottawa (Ontario).

Publié le 22 mai 2018

Cet article a été révisé par le colonel Russ Mann (retraité), conseiller spécial de l’Institut Vanier de la famille et ancien directeur des Services aux familles des militaires, en collaboration avec Heidi Cramm, Ph. D., et Linna Tam-Seto, doctorante.

Notes

  1. Heidi Cramm et autres, « L’état actuel de la recherche sur les familles des militaires » dans Transition (19 janvier 2016).
  2. Kerry Sudom, « Quality of Life among Military Families: Results from the 2008/2009 Survey of Canadian Forces Spouses » dans Director General Military Personnel Research and Analysis, Chief Military Personnel (août 2010). Lien :  http://bit.ly/2b8Hp3U
  3. Pour en savoir davantage : Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada
  4. Sudom, 2010
  5. Pamela Arnold et autres « Needs of Military-Connected School Divisions in South-Eastern Virginia » dans Old Dominion University, Center for Educational Partnerships (septembre 2011), lien : https://bit.ly/2EQGs9F; Angela J. Huebner et autres, « Parental Deployment and Youth in Military Families: Exploring Uncertainty and Ambiguous Loss » dans Family Relations, vol. 56, no 2 (avril 2007), lien : https://bit.ly/2qT6zrH; Kristin N. Mmari et autres, « Exploring the Role of Social Connectedness among Military Youth: Perceptions from Youth, Parents, and School Personnel » dans Child and Youth Care Forum, vol. 39, no 5 (octobre 2010), lien : https://bit.ly/2vm4aey.
  6. Sanela Dursun et Kerry Sudom, « Impacts of Military Life on Families: Results from the Perstempo Survey of Canadian Forces Spouses » dans Director General Military Personnel Research and Analysis, Chief Military Personnel (novembre 2009). Lien : http://bit.ly/1pbjBgC.
  7. Prairies Research Associates, Résultats de l’évaluation des besoins de la communauté des FAC de 2016 (septembre 2017).
  8. Cramm, 2016
  9. Heidi Cramm, « L’accès aux soins de santé pour les familles des militaires ayant un enfant touché par l’autisme » dans Transition (6 novembre 2017).
  10. Cramm, 2017
  11. Ibidem
  12. Maire Sinha, « Rapports des Canadiens avec les membres de leur famille et leurs amis » dans Mettre l’accent sur les Canadiens : résultats de l’Enquête sociale générale, no 89-652-X au catalogue de Statistique Canada (dernière mise à jour au 30 novembre 2015). Lien : https://bit.ly/2FCPTtI
  13. Statistique Canada, « Appartenance à la communauté » dans Gens en santé, milieux sains, no 82-229-X au catalogue de Statistique Canada (janvier 2010). Lien : https://bit.ly/2rercj2
  14. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, « Sur le front intérieur : Évaluation du bien-être des familles des militaires canadiens en ce nouveau millénaire » dans Rapport spécial au ministre de la Défense nationale (novembre 2013). Lien : https://bit.ly/2Ktqtm2
  15. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes

 

Ligne du temps interactive sur les familles au Canada

Il y a cinquante ans, il aurait été difficile d’imaginer la société et les familles d’aujourd’hui, et encore plus de les comprendre. Des données montrent que les familles et la vie de famille au Canada ont gagné en diversité et en complexité au fil des générations, et cet état de fait s’illustre particulièrement lorsque l’on s’intéresse aux grandes tendances à long terme.

Malgré l’évolution des familles, ces dernières ont toujours eu le même impact au fil des ans. De fait, compte tenu des divers rôles et fonctions qu’elles remplissent au bénéfice des individus ou des collectivités, les familles demeurent encore et toujours la pierre d’assise de notre société et le moteur de notre économie, et occupent une place centrale dans nos vies.

Notre Ligne du temps interactive sur les familles au Canada permet de mieux comprendre l’évolution des familles au Canada depuis un demi-siècle. Cette ressource en ligne publiée par l’Institut Vanier met en lumière certaines tendances touchant divers volets, comme la maternité et la paternité, les relations familiales, les modes de cohabitation, les enfants et les aînés, la conciliation travail-vie personnelle, la santé et le bien-être, les soins familiaux, etc.

Consultez la Ligne du temps interactive sur les familles au Canada*

 

Liste complète des sujets :

  • Maternité
    • Âge maternel
    • Fécondité
    • Participation au marché du travail
    • Éducation
    • Mères au foyer
  • Paternité
    • Relations familiales
    • Emploi
    • Soins et travail non rémunéré
    • Travail-vie personnelle
  • Démographie
    • Espérance de vie
    • Aînés et personnes âgées
    • Enfants et jeunes
    • Familles d’immigrants
  • Familles et ménages
    • Structure familiale
    • Budget de la famille
    • Taille des ménages
    • Logement
  • Santé et bien-être
    • Bébés et naissances
    • Santé
    • Espérance de vie
    • Mort et fin de vie

Toutes les références relativement aux statistiques illustrées dans la Ligne du temps interactive sur les familles au Canada sont accessibles ici.

 

* Nota : La ligne du temps n’est accessible qu’à partir d’un ordinateur de bureau. Elle ne fonctionne pas sur les téléphones intelligents.


Publié le 8 février 2018

L’accès aux soins de santé pour les familles des militaires ayant un enfant touché par l’autisme

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Heidi Cramm, Ph. D.

Les familles des militaires au Canada composent avec une importante mobilité, qui les force à déménager de trois à quatre fois plus souvent que leurs homologues civils1. Cette mobilité tend à compliquer l’accès aux soins de santé pour ces familles, d’autant plus que la plupart d’entre elles vivent hors d’une base militaire (une situation touchant 85 % des familles, comparativement à seulement 20 % au milieu des années 90). Dans un tel contexte, ces familles doivent s’en remettre aux réseaux civils de soins de santé provinciaux ou territoriaux. Or, cette situation n’est certainement pas sans conséquences pour les quelque 8,2 % des familles de militaires qui vivent avec un enfant ayant des besoins particuliers, notamment ceux touchés par un trouble du spectre de l’autisme (TSA)2.

Qu’est-ce que l’autisme?

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental courant qui toucherait un enfant sur 68. Même si cette situation affecte principalement la communication sociale des personnes atteintes ainsi que leur capacité à partager leur réalité affective ou la joie ressentie, il existe tout un éventail de symptômes et de comportements associés :

  • Environ 25 % des personnes ayant un TSA ne communiquent pas verbalement, et éprouvent de la difficulté (ou accusent un retard) relativement aux interactions non verbales pour manifester leur intérêt (en pointant du doigt, par des gestes, etc.).
  • Les personnes avec un TSA ont souvent de la difficulté à saisir certaines subtilités de la langue ou de la communication, comme les métaphores, le sarcasme, les expressions familières et les blagues.
  • Les sujets touchés par un TSA adoptent souvent des comportements répétitifs (balancements, battements des mains, mouvements des doigts, etc.).
  • Les personnes ayant un TSA sont souvent très réfractaires au changement et ont des habitudes bien ancrées.
  • La plupart des sujets atteints d’un TSA affichent certaines caractéristiques parmi un vaste éventail de déficits d’intégration sensorielle (sensibilité extrême au bruit, au toucher, aux odeurs, au goût, etc.), alors que d’autres présentent un seuil particulièrement élevé à la douleur.
  • Certains enfants ayant un TSA sont exceptionnellement doués en musique, en arts visuels ou dans certains domaines scolaires.
  • Par ailleurs, jusqu’à 90 % des enfants avec un TSA ont aussi reçu un diagnostic pour un problème médical ou encore un trouble psychologique ou comportemental connexe (TDAH, anxiété, trouble du sommeil, trouble de l’alimentation, crises épileptiques, handicap intellectuel, troubles gastro-intestinaux, etc.).

La rapidité d’intervention favorise les progrès des enfants ayant un TSA

Des études montrent que l’intervention précoce s’avère la démarche la plus efficace en lien avec un pronostic de TSA3, en favorisant éventuellement chez ces personnes diverses compétences liées à l’apprentissage, à la communication et aux interactions sociales. Le diagnostic d’autisme survient généralement au cours de la petite enfance, soit dès l’âge de 18 à 24 mois.

Dans plusieurs provinces, les familles sont cependant confrontées à de longues périodes d’attente pour obtenir un diagnostic ou bénéficier d’une intervention professionnelle, et ce, en raison du « goulot d’étranglement » dans l’accès aux centres de diagnostic appropriés, où le temps d’attente est parfois de deux ans ou plus.

On estime que de 21 % à 27 % des familles des militaires n’ont pas accès à un médecin de famille (contre 15 % pour l’ensemble de la population)4. Cette difficulté complique les choses pour certaines familles de militaires (comme celles ayant un enfant avec un TSA) puisque plusieurs services et traitements aux enfants ayant des besoins particuliers ne sont accessibles que par l’intermédiaire des médecins de famille. À chaque déménagement, les familles qui progressaient lentement dans une liste d’attente reviennent malgré eux au dernier rang d’une autre liste.

Mieux comprendre la réalité des familles des militaires ayant un enfant avec un TSA

Dans une étude qualitative récente, des chercheurs ont interrogé les familles des militaires vivant avec un enfant ayant un TSA, dans le but de mieux saisir la nature de leurs interactions avec le réseau de soins de santé en quête de services pour leurs enfants5.

Plusieurs de ces familles admettent avoir de la difficulté à faire reconnaître et valider l’état de leur enfant, et à obtenir un diagnostic médical à cet égard. Ces familles considèrent qu’il est généralement laborieux de faire évaluer leur enfant pour un TSA, et que les longs délais d’évaluation menant à un éventuel diagnostic entraînent souvent des retards importants dans les traitements subséquents.

L’un des parents interrogés raconte que les programmes disponibles dans la nouvelle collectivité de sa famille étaient réservés aux personnes déjà diagnostiquées comme autistes, si bien que son fils a dû attendre pour obtenir des soins. N’ayant pas pris conscience du fait qu’un diagnostic était nécessaire pour accéder aux soins dans ce nouveau milieu, cette famille s’y est installée sans diagnostic préalable, mais les parents ont ensuite compris que les programmes dans cette région ne seraient pas accessibles pour leur fils. Ce dernier a donc dû patienter plusieurs mois avant d’obtenir les soins dont il avait besoin.

Les difficultés d’accès aux soins ont aussi des répercussions sur les finances familiales. En effet, devant la perspective des listes d’attente et les possibles incidences à long terme sur le développement de leur enfant, plusieurs familles décident d’assumer directement les coûts des services d’évaluation en pratique privée. L’un des participants explique en ces termes la décision de sa famille de recourir à des services privés d’évaluation et de prise en charge plutôt que de patienter sur une liste d’attente déjà plus longue que la durée du séjour en affectation : « Comme la liste d’attente était trop longue pour obtenir une évaluation, nous avons choisi de payer pour des services en pratique privée. Une fois le diagnostic en main, un organisme communautaire nous a inscrits sur une autre liste d’attente pour des services thérapeutiques en analyse appliquée du comportement, mais l’attente était de deux ans. Nous n’aurions jamais eu le temps de nous hisser jusqu’en haut de cette liste-là, alors nous avons commencé à payer aussi en pratique privée. »

Devant la perspective des listes d’attente et les possibles incidences à long terme sur le développement de leur enfant, plusieurs familles décident d’assumer directement les coûts des services d’évaluation en pratique privée.

Au moment de repartir au terme de leur affectation, certaines familles en attente de soins n’avaient même pas encore atteint le haut de la liste d’attente. Plusieurs d’entre elles racontent avoir dû déménager et repartir à zéro, et ce, alors que les services attendus étaient enfin à portée de main, ou presque. Ainsi, l’un des participants dont l’enfant était sur la liste d’attente a été informé par l’équipe d’intervention qu’une place se libérait en septembre. Trop peu trop tard : la famille repartait déjà en juillet…

Par ailleurs, l’offre de services varie beaucoup d’une province à l’autre (ainsi que le financement et les critères d’admissibilité). Plusieurs familles ont été consternées de perdre l’accès à des services auxquels elles avaient droit auparavant, ceux-ci n’étant plus offerts dans leur nouveau milieu. « Nous nous sommes rendu compte que l’école (dans notre province actuelle) n’offrait pas les mêmes services que dans la province précédente. Il n’y avait tout simplement rien à faire », souligne l’un des participants à l’étude.

Du reste, ces variations régionales existent aussi dans les frontières d’une même province. Ainsi, un autre répondant a été contraint de retirer son enfant d’un programme d’éducation très bénéfique parce que sa famille devait se réinstaller, pour finalement se rendre compte qu’il n’existait aucun programme semblable dans sa nouvelle ville (toujours dans la même province). Plusieurs familles ont décrit des réalités similaires ailleurs, que ce soit après avoir déménagé d’une province à l’autre, ou encore d’une région à l’autre dans une même province.

Le démarchage perpétuel pour l’accès aux soins de santé : éprouvant pour le bien-être familial

Malgré la grande résilience des familles des militaires, les difficultés d’accès aux services de soins de santé pour un enfant ayant un TSA pèsent parfois lourd sur le bien-être des membres de la famille et de la famille en soi. Dans le cadre de cette étude, les participants ont été nombreux à exprimer leur frustration et leur désarroi devant la tâche herculéenne de démystification des rouages du système pour offrir à leurs enfants les services disponibles, quels qu’ils soient. L’un des répondants raconte d’ailleurs avoir littéralement « fondu en larmes » lorsque leur tour est enfin venu dans le processus des listes d’attente, pour finalement constater que les services fournis ne répondaient pas aux attentes.

Certains participants ont dû demander l’aide de la famille élargie pour s’occuper de leur enfant. Ainsi, l’une d’entre eux explique que ses parents ont pris leur retraite et déménagé dans la même collectivité que sa famille en affectation pour pouvoir les aider, « parce qu’ils savaient que nous avions besoin de plus de soutien, et d’un bon coup de main ». D’autres répondants regrettent que leur famille élargie soit trop éloignée pour pouvoir les épauler, et qu’il leur soit tout simplement « impossible d’être près de nous ». Quant aux Centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM), plusieurs répondants évoquent des expériences variables puisque les services offerts n’étaient pas les mêmes d’une base à l’autre.

Au surplus, les relations entre parents sont souvent mises à rude épreuve : alors qu’ils cherchent à obtenir du soutien pour les soins et à se constituer un réseau d’aide à l’échelle locale, ils doivent également composer avec les entraînements militaires, les déploiements et les affectations. À terme, ils se retrouvent parfois devant des choix déchirants lorsqu’on leur propose une nouvelle affectation (peut-être synonyme d’avancement professionnel), et doivent alors tenir compte des répercussions sur les soins de santé de leur enfant atteint d’un TSA.

Les relations entre parents sont souvent mises à rude épreuve, alors que ceux-ci cherchent à obtenir du soutien pour les soins et à se constituer un réseau d’aide à l’échelle locale, tout en composant avec les entraînements militaires, les déploiements et les affectations.

Comme l’évoquent quelques-uns des participants, ce sont parfois les membres de la famille au service des Forces armées canadiennes (FAC) qui sont forcés de prendre certains virages, comme changer de métier ou réclamer une affectation particulièrement adaptée aux besoins de l’enfant, malgré les incidences sur leur cheminement professionnel et, à terme, sur l’ensemble de la famille. L’un des répondants ainsi que sa famille ont même envisagé la possibilité de vivre séparément (restriction imposée) pour assurer à leur enfant les services nécessaires, en dépit des conséquences néfastes pour l’ensemble de la famille en cas de séparation prolongée.

Dans certaines familles de militaires, ce sont les conjoints civils qui doivent parfois limiter leur participation au marché du travail en raison des impératifs de soins à l’enfant. De tels « compromis » sont fréquents au sein des familles de militaires. En effet, selon une étude publiée en 2009 par le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM), plus de la moitié des conjoints des FAC interrogés (51 %) ont sacrifié certains aspects de leur vie professionnelle à cause du service militaire de leur partenaire. Or, limiter la participation au marché du travail risque aussi d’affecter le budget familial, et il s’agit là d’une considération importante à la perspective d’une facture de soins privés pour un enfant. Cette situation est d’autant plus problématique pour les familles dont les deux parents sont en service militaire (deux militaires au sein des FAC).

Les familles des militaires souhaitent du soutien pour interagir avec le réseau

Selon certains militaires, il existe diverses avenues à privilégier pour aider les autres familles de militaires ayant un enfant atteint d’un TSA. Plusieurs d’entre eux souhaiteraient pouvoir entrer en contact avec des familles de militaires déjà installées dans leur future collectivité pour les aider à mieux cerner l’accès aux services d’aide en lien avec les TSA. Alors que plusieurs considèrent qu’une telle collaboration pourrait intervenir par les voies officielles, d’autres pensent plutôt qu’il vaudrait mieux privilégier un processus parallèle.

Plusieurs souhaiteraient pouvoir entrer en contact avec des familles de militaires déjà installées dans leur future collectivité pour les aider à mieux cerner l’accès aux services d’aide en lien avec les TSA.

L’étude s’est aussi intéressée aux options envisageables pour actualiser et étoffer l’information transmise aux familles. Sur cette question, certains souhaiteraient avoir accès à une personne-ressource offrant une sorte de guichet unique pour faciliter les interactions avec les différents services offerts dans les écoles, au sein de la collectivité et dans les établissements de santé. Par contre, comme l’évoque l’un des participants, une approche aussi formelle risque de « filtrer l’information », privant ainsi les parents de renseignements utiles quant à la véritable efficacité d’un service ou d’un autre.

Cette étude qualitative a donc permis de soulever d’importants enjeux, mais plusieurs questions restent encore en suspens. Dans quelle mesure peut-on miser sur les réseaux officiels ou informels existants pour aider les familles en transit? Dans une perspective interprovinciale, comment atténuer les interruptions et les délais dans les soins que certaines familles de militaires ont évoqués? Le cas échéant, quelles sont les options envisageables pour compenser la charge financière des parents en l’absence de services publics, ou lorsque de tels services sont inaccessibles? Les écarts interrégionaux sont-ils les mêmes que les écarts interprovinciaux? Il faudra certainement approfondir la recherche sur ces enjeux et miser sur le concours et les perspectives des familles elles-mêmes en vue d’améliorer la situation des familles des militaires dans toute leur diversité.

 

Heidi Cramm, Ph. D., agit à titre de codirectrice scientifique intérimaire au sein de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans (ICRSMV). Elle est titulaire du prix de la recherche sur la santé des familles militaires Colonel Russell-Mann 2016.

 

Notes


  1. Heidi Cramm et autres, « Making Military Families in Canada a Research Priority » dans Journal of Military, Veteran and Family Health, vol. 1, no 2 (novembre 2015). Lien : http://bit.ly/2zx46G1
  2. Pour en apprendre davantage : Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada.
  3. Geraldine Dawson, « Early Behavioral Intervention, Brain Plasticity, and the Prevention of Autism Spectrum Disorder » dans Development and Psychopathology, vol. 20, no 3 (7 juillet 2008). Lien: https://bit.ly/2yt8GZI
  4. Nathan Battams, « Coup d’œil sur les familles des militaires et des vétérans au Canada », dans Coup d’œil sur les statistiques (novembre 2016).
  5. La plupart des familles ayant participé à cette étude comptaient un couple marié, et le tiers d’entre elles comptaient deux parents dans les Forces armées canadiennes (FAC). La plupart des familles représentaient des militaires de la Force régulière (principalement dans l’Armée de terre).

Faits et chiffres : les naissances multiples au Canada (mise à jour de 2017)

Saviez-vous qu’environ 12 000 naissances multiples surviennent chaque année au Canada depuis une décennie? Les parents de bébés multiples vivent une réalité unique, que ce soit avant, durant ou après la naissance de leurs jumeaux, triplés ou autres multiples. En prévision de la Journée nationale de sensibilisation aux naissances multiples le 28 mai prochain, nous avons préparé une mise à jour de notre fiche de renseignements sur les naissances multiples au Canada.

Téléchargez le document Faits et chiffres : les naissances multiples au Canada (mise à jour de 2017) publié par l’Institut Vanier de la famille.

 


Publié le 23 mai 2017

Coup d’œil sur les femmes, le travail et la famille au Canada

Le Canada compte plus de 18 millions de femmes (9,8 millions d’entre elles étant des mères), dont plusieurs assument de multiples responsabilités à la maison, au travail et au sein de leur collectivité. Depuis plusieurs générations, les femmes au Canada entretiennent des rapports changeants avec le monde du travail, et cette situation évolue et se renouvelle encore et toujours. La réalité des femmes est très différente de celle des hommes à cet égard et se caractérise par une grande diversité parmi les femmes elles-mêmes, où entrent en ligne de compte de nombreux facteurs en lien notamment avec les normes et les attentes culturelles, le statut familial, l’incapacité et certaines caractéristiques démographiques.

Afin de mieux comprendre les réalités multiples et évolutives des femmes au Canada par rapport au travail et à la famille, l’Institut Vanier de la famille a publié Coup d’œil sur les femmes, le travail et la famille au Canada. Ce document sert de complément à notre ligne du temps intitulée Cinquante ans : les femmes, le travail et la famille au Canada, qui illustre visuellement les expériences diversifiées des femmes au Canada en lien avec le travail et la famille.

Quelques faits saillants…

  • Parmi les femmes du principal groupe d’âge actif (25 à 54 ans), la proportion des femmes sur le marché du travail a connu une hausse considérable au fil des générations, passant de 35 % en 1964 à 82 % en 2016.
  • Le taux d’emploi varie en fonction des différentes catégories parmi les femmes du principal groupe d’âge actif, notamment chez les immigrantes récentes (53 %), les femmes se réclamant d’identité autochtone (67 %) et les femmes ayant une incapacité (de 52 à 56 % selon les sous-groupes d’âge).
  • En moyenne, les gains horaires moyens des femmes sans enfants sont 12 % plus élevés que celles avec enfants. On parle parfois de « taxe à la maternité » pour évoquer cet écart salarial.
  • En 2016, près du tiers (32 %) des travailleuses à temps partiel de 25 à 44 ans disaient travailler à temps partiel pour pouvoir prendre soin des enfants.
  • 70 % des mères ayant un enfant de 5 ans ou moins occupaient un emploi en 2015, contre seulement 32 % en 1976.
  • Au Québec, à peine 11 % de toutes les nouvelles mères n’ont pas bénéficié de prestations de congé parental ou de maternité en 2013, comparativement à 36 % dans le reste du Canada. Cet écart s’explique par les différents critères d’admissibilité à l’assurance-emploi d’une province à l’autre.
  • Au Canada, 72 % de toutes les mères interrogées se disent satisfaites de leur équilibre travail-vie personnelle, mais cette proportion recule à 63 % chez les mères qui assument aussi une charge d’aidante familiale.
  • 75 % des mères en emploi ayant accès à des modalités de travail flexibles se disent satisfaites de leur équilibre travail-vie personnelle, contre seulement 69 % chez celles qui n’y ont pas accès.

Cette publication bilingue sera régulièrement mise à jour en fonction des nouvelles données. Inscrivez-vous à notre lettre d’information électronique mensuelle pour connaître les mises à jour et les autres nouvelles concernant les publications, les projets et les initiatives de l’Institut Vanier.

Téléchargez le document Coup d’œil sur les femmes, le travail et la famille au Canada publié par l’Institut Vanier de la famille.

 


Publié le 9 mai 2017

Favoriser la santé des mères et de leur bébé en milieu carcéral

Ruth Elwood Martin, Ph. D., et Brenda Tole

Lorsqu’une amie lui a parlé d’un poste à temps partiel comme médecin de famille dans un centre correctionnel pour femmes, Ruth Elwood Martin était catégorique : travailler dans une clinique carcérale ne l’intéressait pas du tout. À ses yeux, c’était tomber au plus bas dans la profession médicale, convaincue qu’il s’agissait d’un emploi de dernier recours pour des médecins sans travail.

Elle ne sait toujours pas ce qui l’a poussée à pratiquer en milieu carcéral, mais c’est bel et bien ce qui est arrivé. À sa première journée de travail en 1994, elle se serait crue sur une autre planète, découvrant derrière les barreaux un monde tout à fait inconnu qui se dévoilait de l’intérieur, par ceux et celles qui y vivaient. En une seule journée, Ruth y a vu plus de pathologies et de diagnostics lourds qu’en une année complète dans sa pratique en médecine familiale du quartier West Side à Vancouver.

Les femmes qu’elle y a rencontrées lui ont raconté les drames de leur enfance, de leur adolescence ou de l’âge adulte. Déposant son stylo, Ruth ne pouvait qu’écouter ces histoires troublantes, tant du point de vue médical que social, témoin d’une réalité qu’elle n’aurait pas eu la force d’affronter elle-même. Cette première journée dans ses nouvelles fonctions a bouleversé sa vie : elle avait compris que sa vocation était d’exercer la médecine en milieu carcéral. Ruth s’est souvent dit que si le hasard lui avait rendu l’enfance aussi difficile qu’à ces femmes, elle aurait probablement fini exactement comme elles.

En 2003, Brenda Tole s’est vue confier le réaménagement d’un ancien centre provincial de détention pour hommes. Son mandat consistait à rouvrir un nouvel établissement à sécurité moyenne, le « Centre correctionnel pour femmes Alouette » destiné aux détenues purgeant une peine provinciale. Dans un centre de détention, le directeur de prison exerce un peu le même type d’influence qu’un directeur d’école, comme le savent pertinemment les parents d’enfants d’âge scolaire. Et le climat qui prévaut se reflète sur l’état de santé général des détenus.

Dès l’ouverture du Centre Alouette en 2004, Brenda a su donner le ton et inculquer son style au sein de l’établissement. Selon elle, il suffisait de poser la notion de respect mutuel entre le personnel et les détenues pour obtenir des résultats généralement très satisfaisants. C’est dans cette optique qu’elle a planifié et orchestré les opérations, plutôt qu’en présumant qu’un pour cent de la population carcérale était susceptible de saborder les attentes.

Brenda avait compris une chose : plus on fait confiance aux gens, plus ils le reconnaîtront et réagiront positivement. Autrement dit, accorder davantage de responsabilités aux détenues et favoriser l’engagement du personnel dans les différents projets ne pouvait qu’être bénéfique à tous.

C’est lors d’une réunion d’intervenants de la santé en vue de planifier les services de soins au Centre Alouette que Brenda a fait la rencontre de Sarah Payne, directrice des services de maternité du centre Fir Square rattaché au BC Women’s Hospital, un centre d’aide aux mères toxicomanes. Là-bas, on avait constaté les bénéfices sur la santé des bébés qui cohabitaient avec leur mère en établissement, comparativement à ceux qui en étaient séparés à la naissance1. Sarah en a profité pour évoquer auprès de Brenda la possibilité d’en faire autant au Centre Alouette, c’est-à-dire de permettre aux détenues de cohabiter avec leur nouveau-né après leur accouchement au BC Women’s Hospital, afin de favoriser l’allaitement, les soins et les rapprochements affectifs.

L’incarcération : une séparation néfaste pour la santé des nouvelles mères et de leur bébé

La proposition n’a pas paru invraisemblable à Brenda, puisque le sujet suscitait déjà un intérêt croissant dans la littérature spécialisée validée par des pairs. En effet, les études montrent que vivre une grossesse ou avoir un enfant figurent parmi les plus importants facteurs de motivation pour les détenues. À l’échelle internationale, on a constaté que les pratiques en milieu correctionnel qui favorisent les contacts entre les femmes et leur enfant entraînent des retombées positives pour les unes et les autres (évaluées notamment à partir des visites, des courriels, des enregistrements, des conversations téléphoniques et des lettres). Les enfants de mères en détention subissent effectivement des effets néfastes imputables à l’absence de leur mère ou au fait de n’avoir que très peu de contacts avec elle. Néanmoins, la cohabitation entre la mère et son enfant en milieu carcéral demeurait encore rare à l’époque au Canada, même si les bénéfices en étaient largement reconnus ailleurs dans le monde.

Les détenues ayant des enfants à charge ne sont pas des cas isolés. À l’échelle internationale, on estime que 6 % de toutes les femmes incarcérées vivent une grossesse durant leur séjour en prison2. Environ 20 000 enfants seraient touchés annuellement par l’incarcération des mères au Canada3, où le nombre restreint de centres correctionnels accroît l’éloignement géographique entre les mères et leur enfant ainsi que leur famille.

Dans la plupart des pays du monde, il est de pratique courante de transférer les détenues qui accouchent pendant leur détention vers une unité mère-enfant en milieu carcéral. D’après les rapports publiés à cet égard, de tels services existent dans 22 pays, notamment en Angleterre, au pays de Galles, en Australie, au Brésil, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, en Grèce, en Italie, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande, en Russie, en Espagne, en Suède, en Suisse, dans certains États américains, au Kirghizistan, au Ghana, en Égypte, au Mexique, en Inde et au Chili4, 5, 6.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’allaitement bénéficie à la fois à la mère et au nourrisson, et c’est l’une des raisons justifiant la cohabitation des détenues avec leur nouveau-né7. Les experts internationaux en santé recommandent l’allaitement comme unique source d’alimentation des bébés jusqu’à l’âge de six mois, si possible, et à la demande par la suite jusqu’à l’âge de deux ans. Les bébés qui ne sont pas allaités sont plus à risque de souffrir de diabète, d’allergies ou d’infections respiratoires ou gastro-intestinales8.

Outre les bienfaits nutritifs et pour la santé qui sont largement connus, certaines études ont montré que l’allaitement peut contribuer au développement psychosocial9 en raison du lien mère-enfant que favorisent la proximité physique, le contact visuel et la qualité de l’alimentation. Or, il faut nécessairement que la mère et son nourrisson cohabitent en permanence pour pouvoir commencer et poursuivre l’allaitement à la demande.

Les mères qui retournent en prison sans leur bébé après la naissance sont souvent invitées à prendre des inhibiteurs de la lactation et, dans bien des cas, des antidépresseurs. Dans un tel contexte, plusieurs d’entre elles éprouvent un immense chagrin et une grande culpabilité, jusqu’au découragement et au désespoir. Pour surmonter ces difficultés, il n’est pas rare qu’elles se tournent vers la consommation de drogues.

Des unités mère-enfant pour favoriser le bien-être des mères détenues et de leur bébé

En 2005, Brenda a posé la question suivante à Ruth : « En tant que médecin de la prison, que diriez-vous de permettre aux mères de revenir ici avec leur bébé après l’accouchement à l’hôpital? » C’était l’une des idées les plus brillantes que Ruth ait entendues depuis longtemps, et elle a fait en sorte d’élargir sa pratique en milieu carcéral pour donner divers conseils relativement aux nourrissons, fournir de l’aide à l’allaitement et procéder à l’examen des nouveau-nés.

C’est ainsi que le Centre Alouette s’est doté d’une unité mère-enfant axée sur le mieux-être des nourrissons, notamment grâce à divers partenariats et collaborations avec d’autres ministères et organismes communautaires. Ainsi, la Direction générale des services correctionnels, l’équipe soignante du Centre Alouette, le personnel carcéral (à la fois la direction et l’équipe de première ligne) de même que d’autres représentants des ministères provinciaux ont convenu de favoriser la cohabitation des mères et de leur bébé au Centre Alouette après l’accouchement, sur recommandation du BC Women’s Hospital et avec l’accord du ministère de l’Enfance et du Développement de la famille, celui-ci ayant le dernier mot en ce qui concerne le placement de l’enfant.

Une équipe multidisciplinaire a donc été mise sur pied pour évaluer le placement des mères et de leur enfant en centre de détention, réunissant divers représentants du BC Women’s Hospital, de l’équipe de direction et de soins du Centre Alouette, ainsi que du ministère de l’Enfance et du Développement de la famille. Dans le cas de mères autochtones, les décisions étaient prises conjointement avec les collectivités autochtones concernées, au besoin. Les mères et leur famille ont été impliquées à toutes les étapes du processus. Par ailleurs, les services prénataux et postnataux du centre Fir Square à l’intention des mères ont permis de consolider la confiance de ces dernières dans leur rôle parental tout en les aidant à mieux planifier leur avenir ainsi que celui de leur bébé. Tous les contrôles pertinents ont été mis en œuvre pour s’assurer que les mères et leur bébé bénéficient d’un cadre sécuritaire et positif au Centre Alouette, avec la coopération des mères elles-mêmes, des autres détenues et du personnel carcéral.

À partir de ce moment, les détenues ayant accouché et souhaitant prendre soin de leur enfant ont été autorisées à cohabiter avec leur nourrisson et à s’en occuper à l’intérieur des murs, sous réserve d’une autorisation du Ministère. Pour la durée de cette initiative (soit de 2005 à 2007), treize bébés sont nés de mères détenues, dont neuf ont cohabité en milieu carcéral avec leur mère, et ce, jusqu’à sa libération. Huit nourrissons ont été allaités pendant la période d’incarcération de la mère, et le plus long séjour d’un bébé en prison a duré quinze mois. La santé et le développement des bébés étaient suivis par les infirmières en santé publique des services communautaires, les soignants du Centre Alouette ainsi que les travailleurs sociaux du Ministère.

Au moment de leur libération, la plupart des mères et leur bébé ont été dirigés vers une résidence supervisée par la Fraser Health Authority, qui offrait des services de soutien aux femmes ayant des antécédents en toxicomanie. Les mères et leur enfant y ont été pris en charge au cours d’un séjour visant à faciliter la transition des mères au sein de la collectivité.

Cette initiative concertée avec le BC Women’s Hospital a exercé une influence positive déterminante sur les mères elles-mêmes, mais aussi sur le personnel carcéral, sur les autres détenues ainsi que sur les équipes des ministères et des organismes partenaires du Centre Alouette.

Les unités mère-enfant : pour faciliter l’engagement maternel

Au début, les autres organismes et ministères ont semblé surpris et méfiants devant ce projet de cohabitation des nouveau-nés avec leur mère en milieu carcéral. Les équipes du Centre Alouette et du BC Women’s Hospital ont pris le temps d’organiser de nombreux échanges pour tous les intervenants afin de favoriser les chances de réussite de cette initiative.

Certains se sont d’abord montrés réticents à l’idée d’accorder un tel « privilège » aux mères détenues, reléguant ainsi au second plan les droits de l’enfant de bénéficier de la présence de sa mère pour favoriser l’allaitement et renforcer les liens affectifs et d’appartenance. Cependant, les attitudes ont évolué peu à peu, la méfiance et les réticences cédant le pas progressivement à des sentiments plus ouverts et bienveillants. Les organismes communautaires se sont dits prêts à fournir des services de soutien aux enfants et aux mères en milieu carcéral. Grâce à une telle collaboration, le Centre Alouette n’a pas eu à concevoir de nouveaux programmes et services ciblés pour le milieu carcéral.

Quant aux mères qui bénéficiaient de cette initiative, elles se disaient très heureuses et reconnaissantes de pouvoir continuer d’allaiter leur bébé et d’en prendre soin au sein de l’établissement de détention. Par l’entremise d’un organisme communautaire, elles ont eu l’occasion de participer à des ateliers d’éducation parentale offerts par des infirmières en santé publique et par un représentant du Ministère. Elles ont aussi collaboré au suivi médical de leur bébé par le médecin du Centre Alouette pour évaluer la santé et la sécurité de l’enfant. Par ailleurs, plusieurs mères ont été autorisées à séjourner sous surveillance au sein de la collectivité, avant et après la naissance de leur bébé, pour participer à divers programmes offerts par des organismes communautaires qui étaient prêts à les accueillir.

Toutefois, la présence de nouveau-nés au Centre Alouette a réveillé de pénibles souvenirs chez d’autres femmes qui n’avaient pas eu la chance de cohabiter avec leur enfant. Le rappel de cette séparation a fait resurgir un grand vide chez elles. En revanche, un sentiment généralisé d’espoir s’est aussi propagé à toute la population carcérale et le climat au sein de l’établissement s’en est trouvé amélioré à plusieurs égards. Dans le cadre d’un projet de recherche participatif sur la santé en milieu carcéral, plusieurs détenues ont accepté de partager leur expérience par écrit, et leurs propos ont été ultérieurement repris dans un ouvrage intitulé Arresting Hope10.

Enfin, plusieurs des détenues ont été touchées d’une manière ou d’une autre par l’implication des divers ministères et organismes, la plupart d’entre elles ayant jusque-là perdu à peu près toute confiance envers les instances gouvernementales en raison de leur parcours antérieur. Devant les efforts concertés de ces organismes pour permettre la cohabitation des mères avec leur bébé, certaines ont changé la perception qu’elles avaient à leur endroit. Des détenues ont même manifesté leur intérêt à collaborer avec ces organismes pour reprendre contact avec leurs propres enfants, ou à se prendre en main pour leur assurer une existence meilleure.

En présence de ces mères si empressées auprès de leur bébé pendant leur détention – tous deux étant appelés à recouvrer ensemble leur liberté –, plusieurs ont eu le sentiment renouvelé que cette initiative servait bien plus que les droits des enfants : c’était tout simplement la bonne chose à faire.

La légitimité des unités mère-enfant confirmée par la Cour suprême de la C.-B.

En 2008, lorsque Brenda a quitté le Centre Alouette pour partir à la retraite, la Direction générale des services correctionnels de la C.‑B. a décidé de fermer l’unité mère-enfant du centre de détention. Ayant accouché après la fermeture de l’unité, les détenues Amanda Inglis et Patricia Block ont contesté cette décision devant les tribunaux et la cause s’est rendue jusqu’en Cour suprême de la C.-B., en mai 2013, au terme de cinq années de recours judiciaires. Pendant le témoignage convaincant des deux plaignantes, Patricia a notamment relaté au tribunal que pas moins de cinq personnes différentes s’occupaient de sa fille pendant qu’elles étaient séparées l’une de l’autre, ainsi que toutes les difficultés rencontrées pour poursuivre l’allaitement pendant son incarcération.

Elle a raconté qu’à un certain moment, la mère de la famille d’accueil qui s’occupait de sa fille avait cessé d’utiliser le lait maternel que Patricia avait tiré pour son enfant, craignant que « ce ne soit pas du bon lait ». Patricia avait alors dû en informer le Ministère, qui avait ordonné à la mère de la famille d’accueil de nourrir le bébé avec le lait maternel. Seule dans sa cellule à tirer son lait pour son bébé qui était confié à des proches, Patricia admettait trouver un tout autre sens au dicton anglais selon lequel « rien ne sert de pleurer sur le lait renversé » (It’s no use crying over spilt milk.).

En décembre 2013, dans l’affaire Inglis c. la Colombie-Britannique (ministère de la Sécurité publique), la juge Carol Ross statuait que la fermeture de l’unité mère-enfant portait préjudice aux mères et aux bébés touchés par une telle décision en contravention de l’article 7 de la Charte relativement à la sécurité de la personne, et que la violation de ces droits contrevenait aux principes de justice fondamentale. Dans sa décision, le tribunal affirmait par ailleurs que la fermeture de l’unité était discriminatoire en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte, portant sur le droit à l’égalité pour les membres des groupes en cause, nommément les mères purgeant une peine provinciale qui souhaiteraient cohabiter avec leur bébé pendant leur emprisonnement, ainsi que les bébés de ces mères.

En l’occurrence, la juge demandait au gouvernement de la Colombie-Britannique d’appliquer les dispositions réglementaires de la Correction Act Regulation conformément aux exigences de l’article 7 et du paragraphe 15(1) de la Charte, en lui allouant un délai de six mois pour se conformer aux directives de la Cour et remédier à la situation jugée inconstitutionnelle11.

Des lignes directrices pour favoriser l’instauration de programmes au Canada

En mars 2014, le CCPHE (Collaborating Centre for Prison Health and Education) organisait une réunion de travail de deux jours à l’Université de la Colombie-Britannique dans le but d’énoncer des lignes directrices fondées sur des pratiques exemplaires éprouvées, en vue de faciliter la création d’unités mère-enfant partout au Canada. Les experts ont donc été invités à s’exprimer dans le cadre de quatre panels axés respectivement sur les droits de l’enfant, le contexte correctionnel, les programmes et les processus, ainsi que l’évaluation.

Pour élaborer les lignes directrices, divers délégués d’une trentaine d’organismes avaient été choisis pour prendre part à cette réunion, entre autres de la Direction générale des services correctionnels de la C.‑B., du Service correctionnel du Canada, de l’organisme New Zealand Corrections, ainsi que de l’initiative « Women in2 Healing » (qui représente d’ex-mères détenues).

Sarah Payne a par la suite été mandatée par le CCPHE pour ébaucher un cadre directeur à partir des conclusions de la rencontre. Mme Payne s’en est remise à la méthode d’« analyse du contenu » pour faire en sorte que tous les thèmes évoqués dans le cadre de la réunion soient repris dans les nouvelles lignes directrices. Enfin, les diverses ressources et études internationales présentées par les experts durant la réunion ont aussi été soumises à l’examen.

Les lignes directrices qui résultent de ce processus sont fondées sur 16 principes directeurs et pratiques exemplaires considérés comme essentiels pour assurer la santé optimale de l’enfant et de la mère dans un centre de détention, en tenant compte notamment des particularités du contexte correctionnel, de la grossesse, de la naissance, de l’éducation, des soins en milieu hospitalier et carcéral, de la planification en vue d’une libération et de l’engagement des partenaires communautaires. Les délégués de la Direction générale des services correctionnels de la C.‑B. ainsi que du Service correctionnel du Canada qui étaient présents à la rencontre de concertation ont fait en sorte d’intégrer les principes et les pratiques exemplaires de ces lignes directrices à même les politiques et les procédures de leurs organismes respectifs.

Évaluation rétroactive pour évaluer le projet d’unité mère-enfant

La création de l’unité mère-enfant au Centre Alouette avait été guidée par la nécessité de faire cohabiter les bébés avec leur mère de retour au centre de détention, un principe réitéré par la Cour suprême de la C.‑B. en 2013, qui jugeait inconstitutionnel de les séparer. À l’instar du programme fédéral et d’autres programmes aux États-Unis, le « nouveau » programme provincial de la C.‑B. est actuellement fondé sur la prémisse que les mères détenues qui obtiennent une telle permission bénéficient d’un privilège plutôt que d’un droit. Ces dernières sont tenues de faire une demande et de se conformer à un processus d’approbation qui s’avère long, éprouvant et laborieux.

Il y a actuellement quelques cas de cohabitation de mères avec leur enfant dans certains centres correctionnels fédéraux au Canada. Cependant, la cohabitation des mères et de leur nouveau-né est encore une affaire complexe dans les établissements de détention provinciaux, malgré la réouverture d’une unité mère-enfant modernisée au Centre Alouette en 2014. Si l’on souhaite améliorer la santé des mères et des nouveau-nés en milieu carcéral au Canada, il faudra consacrer des efforts supplémentaires pour conscientiser les gens et mieux comprendre les impacts permanents pour la santé ainsi que les incidences culturelles, épigénétiques et légales qui découlent du choix de séparer la mère et son enfant à la naissance.

Dix ans après le projet d’unité mère-enfant instauré au Centre Alouette, soit de 2005 à 2007, une évaluation de suivi est en cours. Par l’entremise d’entrevues de fond avec les mères dont les enfants ont séjourné au Centre Alouette, ce processus cherche à mieux comprendre leur expérience et à évaluer l’état actuel de santé et de développement social de leur enfant.

Jusqu’ici, toutes les mères interviewées soutiennent que la décision de cohabiter avec leur bébé en prison a transformé leur vie. Pour chacune d’entre elles, les moments partagés avec leur enfant au Centre Alouette, en matière de qualité et de quantité, ont indéniablement influencé positivement et à long terme les liens mère-enfant. Toutes ces mères disent entretenir désormais des relations très étroites avec leur enfant, et c’est avec empathie et bienveillance qu’elles n’hésitent pas à évoquer toutes leurs qualités.

 

Notes

  1. Ronald R. Abrahams et autres, « Rooming-in Compared with Standard Care for Newborns of Mothers Using Methadone or Heroin » dans Le médecin de famille canadien, vol. 53, no 10 (octobre 2007). http://bit.ly/2k4K29I
  2. Marian Knight et Emma Plugge, « The Outcomes of Pregnancy Among Imprisoned Women: A Systematic Review » dans BJOG: An International Journal of Obstetrics and Gynaecology, vol. 112, no 11 (décembre 2005). doi.org/10.1111/j.1471-0528.2005.00749.x
  3. Alison Cunningham et Linda Baker (2003), Waiting for Mommy: Giving a Voice to the Hidden Victims of Imprisonment, London (Ontario), Centre for Children and Families in the Justice System.
  4. Helen Fair, « International Profile of Women’s Prisons » dans World Prison Brief (7 février 2008). http://bit.ly/2knx0BM
  5. Kiran Bedi (2006), It’s Always Possible: Transforming One of the Largest Prisons in the World, New Delhi, Stirling Paperbacks.
  6. Women’s Prison Association, « Mothers, Infants and Imprisonment: A National Look at Prison Nurseries and Community-Based Alternatives » dans Institute on Women & Criminal Justice (mai 2009). http://bit.ly/2hwPK0L
  7. Organisation mondiale de la santé, « Alimentation du nourrisson et du jeune enfant » dans Aide-mémoire (juillet 2015). http://bit.ly/29kGb3r
  8. Santé Canada (2013), La nutrition du nourrisson né à terme et en santé : Recommandations de la naissance à six mois. Énoncé conjoint de Santé Canada, de la Société canadienne de pédiatrie, des Diététistes du Canada et du Comité canadien pour l’allaitement. http://bit.ly/2jVMQDZ
  9. Grace S. Marquis, « Impacts de l’allaitement sur le développement psychosocial et affectif du jeune enfant : commentaires sur Woodward et Liberty, Greiner, Pérez-Escamilla, et Lawrence» dans Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants (mars 2008). http://bit.ly/2kW4yXe
  10. Ruth Elwood Martin, Mo Korchinski, Lyn Fels et Carl Leggo (dir.) (2014), Arresting Hope: Women Taking Action in Prison Health Inside Out, Inanna Publications.
  11. Inglis v. British Columbia (Minister of Public Safety), 2013 BCSC 2309 (SC), H.M.J. Ross. http://bit.ly/2jiUVk0

Ruth Elwood Martin, Ph. D., est professeure clinicienne à l’École de santé publique et des populations de l’Université de la Colombie-Britannique. En 2015, elle a reçu le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne ». 

Brenda Tole a dirigé le Centre correctionnel pour femmes Alouette, de l’ouverture de l’établissement en 2004 jusqu’à sa retraite en 2008.

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Publié le 7 février 2017

L’accompagnement à distance pour favoriser la résilience au foyer

En matière de santé mentale et de bien-être, chacun s’efforce de trouver un équilibre pour soi-même et sa famille. Un jour ou l’autre, la plupart des ménages sont néanmoins affectés plus ou moins directement par des problèmes de santé mentale, à divers degrés. Les enfants n’y font pas exception puisqu’on estime qu’un cinquième des enfants d’âge scolaire vivent avec un trouble mental, comportemental ou neurodéveloppemental1.

Pour soutenir les enfants touchés par ces difficultés et pour favoriser leur résilience, il est primordial d’intervenir rapidement grâce à des soins de qualité fondés sur l’expérience clinique. Cependant, il est parfois difficile de concilier la situation particulière de certaines familles avec la prestation de services en personne. En effet, le temps d’attente pour obtenir des soins cliniques, l’éloignement géographique ainsi que la crainte de préjugés réels ou éventuels compliquent l’accès à des services appropriés.

Ces difficultés affectent tout particulièrement les familles des militaires, où l’un des parents est souvent assujetti à un horaire imprévisible qui suppose davantage de déplacements, d’éloignement, de perturbations dans la routine, de transitions et de stress que chez leurs homologues civils. Du reste, les familles des militaires éprouvent souvent des difficultés à obtenir des soins continus pour leurs enfants, en raison de leur mobilité accrue et des déménagements fréquents2.

La flexibilité pour faciliter les soins en santé mentale auprès des familles

En milieu clinique, il existe de nombreux programmes et mesures de soutien en santé mentale pour les jeunes, mais plusieurs n’offrent pas la flexibilité nécessaire pour permettre aux familles d’aider leurs enfants sans délaisser les autres responsabilités familiales et professionnelles. Souvent, l’offre de services en santé mentale convient plutôt mal à l’horaire des enfants d’âge scolaire, et les absences répétées pour assister régulièrement à des rendez-vous en clinique risquent d’entraver le rendement scolaire des enfants ou encore leurs relations sociales avec les amis et les pairs.

Pour plusieurs parents, il est parfois difficile, voire impossible, de s’absenter du travail pour accompagner leur enfant à un rendez-vous en personne, soit parce que leur milieu de travail n’offre pas une telle flexibilité, soit en raison des conséquences financières pour la famille. En effet, près de 70 % des familles comptant un couple avec au moins un enfant de moins de 16 ans sont des familles à deux revenus. Dans près des trois quarts de ces couples, les deux parents travaillent à temps plein3. Dès lors, les absences pour assister à de tels rendez-vous se font particulièrement sentir dans certaines familles monoparentales. Chez les familles des militaires, compte tenu des déploiements et de l’importante mobilité, la flexibilité devient un facteur primordial pour assurer le soutien nécessaire aux enfants.

Strongest Families Institute : la famille au cœur des services en santé mentale

Fondé en 2011, le Strongest Families Institute (SFI) est un organisme sans but lucratif qui fournit du soutien en santé mentale auprès des enfants selon leurs besoins particuliers et ceux de leur famille, et ce, en utilisant une approche flexible, éprouvée en clinique et exempte de préjugés. Fondés sur les conclusions de six années d’études au Centre de recherche en santé familiale du IWK Health Centre à Halifax (Nouvelle-Écosse), les programmes et modules du SFI sont désormais accessibles dans l’ensemble du pays. Les services du SFI ont été reconnus à l’échelle nationale au titre des avantages sociaux par la Commission de la santé mentale du Canada (en 2012), et le SFI s’est vu décerner le Prix principal Encana de la Fondation des Prix Ernest C. Manning (en 2013).

Les programmes du SFI sont axés sur la famille, dans le cadre d’une approche favorisant la participation directe des membres de la famille tout au long du processus. De fait, la famille joue un rôle souvent très important dans la qualité des soins en santé mentale puisqu’elle bénéficie d’un point de vue privilégié vis-à-vis de la condition particulière de l’enfant, ce qui lui permet d’offrir une précieuse rétroaction aux fournisseurs de services pendant le processus d’accompagnement.

Favoriser la résilience par le transfert de compétences… à distance

Les programmes du SFI misent sur l’apprentissage basé sur les compétences, où les diverses compétences favorisant la santé mentale et la résilience sont transmises par l’entremise de modules éducatifs axés sur la psychologie, afin d’aider les familles à gérer les difficultés qui sont liées soit à des problèmes comportementaux (ex. : refus d’écouter, irritabilité, accès de colère, agressivité, déficience de l’attention, hyperactivité), soit à l’anxiété (ex. : angoisse de séparation, craintes généralisées, sociales ou spécifiques).

Le SFI privilégie une méthode unique d’accompagnement à distance, en misant sur les technologies pour soutenir directement les familles par téléphone ou par Internet, dans le confort, l’intimité et la convivialité de leur foyer4. Des études ont montré que l’accompagnement à distance peut engendrer d’importantes améliorations pour les enfants ayant reçu un diagnostic lié à l’anxiété ou ayant un comportement perturbateur5.

« Mon accompagnateur m’a fait découvrir plusieurs compétences fort utiles, particulièrement dans le contexte de la vie de famille toujours changeante des militaires. Il nous a aidés à affronter plusieurs difficultés. Mon enfant est devenu plus patient et plus accessible. Il a appris à contenir son stress quand son père s’absente (en déploiement). À l’école, ses notes et son comportement s’améliorent aussi. Les épisodes se font plus rares, et les enseignants l’ont aussi remarqué. »

– Parent d’un enfant de 9 ans inscrit au programme pour enfants actifs (comportemental)

Plusieurs irritants associés à la stigmatisation sont éliminés du fait que l’apprentissage intervient au foyer familial plutôt qu’en milieu clinique. À l’aide de documents et de vidéos d’apprentissage des compétences (sous forme de guides pratiques ou via des plateformes en ligne intelligentes), les familles acquièrent une nouvelle compétence chaque semaine, qu’elles sont invitées à mettre en pratique dans leurs activités quotidiennes.

Le programme « Être parent d’un enfant actif » du SFI est axé sur le comportement de l’enfant de 3 à 12 ans. Les parents et leur enfant cheminent conjointement et définissent un plan structuré pour mieux affronter des difficultés auxquelles l’enfant pourrait être confronté dans le cadre de ses activités ou à divers moments. Par exemple, parents et enfants pourront concevoir ensemble une stratégie fondée sur les compétences du programme pour s’assurer du bon déroulement d’une éventuelle sortie, comme faire l’épicerie ou effectuer un long trajet en voiture. En fonction de cette approche simple, mais structurée et orientée, les parents collaborent avec leur enfant et leur accompagnateur pour favoriser un comportement donné et récompenser la réussite.

Le programme « Se débarrasser de ses inquiétudes » du SFI est destiné aux 6 à 17 ans. Cette initiative aide la famille à acquérir des compétences pratiques pour faire face aux inquiétudes de la vie courante, comme l’angoisse de séparation, les difficultés liées au rendement, l’anxiété sociale et certaines peurs souvent associées à la vie militaire. Enfin, le SFI propose aussi un programme pour enfants de 5 à 12 afin de les aider à surmonter l’énurésie (« Nuits sèches à venir »).

Des accompagnateurs pour assurer le suivi et la stabilité du processus

Du début à la fin, des accompagnateurs encadrés et très qualifiés assument la prestation des programmes du SFI auprès des enfants et des familles. À partir de protocoles définis, les accompagnateurs procèdent à des réunions téléphoniques structurées pour faire le point sur la documentation que la famille a reçue. Au cours de chaque séance, l’accompagnateur revient sur la compétence mise en pratique au cours de la semaine et recourt à diverses stratégies éprouvées qui font appel à ces compétences (comme les jeux de rôle ou le modelage verbal) pour ensuite évaluer les progrès.

Peu importe la situation géographique ou les déménagements successifs, les horaires flexibles et personnalisables se plient aux contraintes familiales. L’approche axée sur la flexibilité et l’accompagnement à distance s’avère particulièrement précieuse pour les familles des militaires puisqu’elle contourne plusieurs des défis de l’éloignement géographique, évitant ainsi toute brisure dans le continuum de soins. En outre, les accompagnateurs aident les familles à planifier les changements résultant d’une réaffectation, et demeurent accessibles durant et après la transition, afin de favoriser le maintien des compétences. Lorsque surviennent des changements plus déstabilisants, comme un transfert d’école ou de garderie, cette forme de planification permet de mieux encadrer les familles.

Pour la famille qui déménage, quelle que soit la destination, l’accompagnateur demeure une ressource familière et centrale. Les accompagnateurs possèdent des connaissances approfondies en littératie militaire, qui concernent la capacité de comprendre la réalité unique des familles des militaires ainsi que les « facteurs de stress de la vie militaire » auxquels elles sont éventuellement confrontées, comme l’importante mobilité, les risques ainsi que l’éloignement prolongé ou imprévisible. Dans un tel contexte, les soins et le soutien sont personnalisés en fonction des réalités et des besoins de chaque famille.

« Le programme m’a beaucoup aidé, surtout en ce qui concerne l’anxiété en général. Il reste encore des choses à régler, mais l’anxiété est devenue moins préoccupante dans mon cas. Sur le plan social ou en ce qui a trait à l’autonomie, j’accomplis des choses que je n’aurais pas osé faire avant. Le stress lié à l’école s’est passablement amélioré aussi. Je me suis concentré sur ces aspects-là et on a réussi à réduire le stress. »

– Participant de 16 ans au programme Se débarrasser de ses inquiétudes (anxiété)

 

Les programmes du SFI se sont révélés fructueux comme en témoigne le degré de satisfaction des familles. Grâce à des tests rigoureux et à des contrôles aléatoires, on a constaté des résultats positifs dont les effets perduraient encore jusqu’à un an après les services, qu’il s’agisse de cas légers ou modérés. Les programmes ont obtenu un taux de réussite de 85 % ou plus, relativement à la résolution des problèmes de l’enfant, et le taux d’abandon se situait sous la barre des 10 %. Selon les données obtenues, ces interventions contribuent largement à consolider les relations familiales, à améliorer le moral et le niveau de stress des parents, et à favoriser le rendement scolaire de l’enfant.

Apprentissage transférable : des mesures de soutien flexibles qui tiennent compte de la diversité et de l’unicité des familles

Les familles et leurs enfants sont uniques. Par conséquent, il n’existe aucune solution « toute faite » pour favoriser la santé mentale et encadrer les troubles comportementaux ou neurodéveloppementaux. La flexibilité et l’accessibilité qui caractérisent les programmes du SFI sont susceptibles d’accroître le recours aux mesures de soutien en santé mentale et d’en augmenter l’efficacité, puisque les familles ont alors accès à des services hors du cadre clinique, sans contraintes d’horaire. Le principe d’accompagnement à distance et l’approche de soutien continu auprès des familles, notamment dans le cadre de conversations téléphoniques structurées avec les accompagnateurs, procurent aux familles qui collaborent avec le SFI l’accès à des soins flexibles, efficaces et respectueux de leur vécu et de leur réalité.

 

Notes

  1. Ann Douglas (2015). Parenting Through the Storm, Toronto, HarperCollins.
  2. Heidi Cramm et autres. « L’état actuel de la recherche sur les familles des militaires » dans Transition (19 janvier 2016).
  3. Sharanjit Uppal. « Profils d’emploi des familles avec enfants » dans Regards sur la société canadienne (24 juin 2015), no 75-006-X au catalogue de Statistique Canada, http://bit.ly/2dqiuZH.
  4. Patricia Lingley-Pottie et Patrick J. McGrath (2008). « Telehealth: A Child-Friendly Approach to Mental Health Care Reform » dans Journal of Telemedicine and Telecare, vol. 14, p. 225–226, doi:10.1258/jtt.2008.008001.
  5. Patrick J. McGrath et autres (2011). « Telephone-Based Mental Health Interventions for Child Disruptive Behavior or Anxiety Disorders: Randomized Trials and Overall Analysis » dans Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, vol. 50, no 11, p. 1162–1172, doi:10.1016/j.jaac.2011.07.013.

 


À propos de Strongest Families Institute

Strongest Families Institute (SFI) est un organisme national sans but lucratif offrant des programmes d’accompagnement à distance fondés sur l’expérience clinique, à l’intention des enfants et des familles confrontés à des problèmes qui minent leur santé mentale et leur bien-être. Fondé en 2011, le SFI mise sur les technologies, la recherche et une équipe d’intervenants très qualifiés pour fournir aux familles divers services adaptés à leur horaire et leur lieu de résidence.

Au fil des ans, le SFI a conclu de nombreux partenariats en vue d’améliorer sa prestation de services. Certaines de ces collaborations ont permis d’améliorer l’offre de services aux familles des militaires et des vétérans, notamment dans le cadre de partenariats avec les Services aux familles des militaires (Ottawa), la Fondation « True Patriot Love » (« Cause pour la cause » de Bell), ainsi que dans le cadre d’un projet concerté avec l’ICRSMV.

Ligne du temps – Cinquante ans : les hommes, le travail et la famille au Canada

La paternité au Canada a beaucoup évolué au cours du dernier demi-siècle, alors que les hommes ont délaissé progressivement le rôle de « pourvoyeur » pour se consacrer davantage aux responsabilités entourant les soins, cherchant de plus en plus à assumer en parallèle leurs diverses responsabilités au travail, à la maison et au sein de leurs collectivités.

À l’occasion de la fête des Pères de 2016, nous avons créé une ligne du temps qui s’échelonne sur 50 ans pour illustrer ces tendances et mettre en relief les profils socioéconomiques, culturels et contextuels qui influencent la paternité et les relations familiales – et vice-versa. En voici quelques exemples :

  • Les pères sont de plus en plus nombreux à prendre congé pour s’occuper des nouveau-nés. Plus du quart des nouveaux pères au Canada (27 %) se sont prévalus d’un congé parental rémunéré en 2014 (ou avaient l’intention de le faire), alors qu’à peine 3 % d’entre eux en avaient fait autant en 2000.
  • Le nombre de « pères au foyer » est en hausse. En 2014, les pères représentaient environ 11 % des parents au foyer, comparativement à seulement 1 % en 1976.
  • Les pères de jeunes enfants s’absentent plus souvent du travail pour des motifs familiaux. En 2015, les pères d’enfants de moins de 5 ans ont déclaré s’être absentés du travail en moyenne 2,0 journées annuellement en raison de leurs responsabilités personnelles ou familiales, par rapport à 1,2 journée en 2009.
  • Les « pères seuls » en situation de faible revenu sont moins nombreux. En 2008, l’incidence de faible revenu se situait à 7 % lorsque la famille monoparentale était dirigée par un homme, par rapport à 18 % en 1976.
  • Les pères participent de plus en plus aux tâches domestiques. Les hommes qui affirment participer aux tâches ménagères y consacraient en moyenne 184 minutes par jour en 2010, comparativement à 171 minutes en 1998.
  • Les pères qui bénéficient de modalités de travail flexibles se disent plus satisfaits quant à l’équilibre travail-vie personnelle. Parmi les pères ayant des enfants de moins de 18 ans et travaillant à plein temps selon un horaire flexible, le taux de satisfaction à l’égard de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle en 2012 atteignait 81 %, comparativement à 76 % de ceux qui n’avaient pas accès à cette flexibilité.
  • Une proportion croissante des enfants considèrent qu’il est facile de discuter avec leur papa. En 2013-2014, 66 % des filles de 11 ans et 75 % des garçons du même âge affirmaient qu’il était facile de discuter avec leur père de sujets préoccupants, par rapport à 56 % chez les filles et à 72 % chez les garçons deux décennies auparavant.

Cette publication bilingue présente un caractère intemporel puisqu’elle sera régulièrement mise à jour en fonction des nouvelles données. Inscrivez-vous à notre lettre électronique mensuelle pour connaître les mises à jour et les autres nouvelles concernant les publications, les projets et les initiatives de l’Institut Vanier.

Amusez-vous à découvrir notre nouvelle ligne du temps, et bonne fête des Pères aux quelque 8,6 millions de papas du Canada!

Téléchargez la ligne du temps intitulée Cinquante ans : les hommes, le travail et la famille au Canada.

 

Ligne du temps – Cinquante ans : les femmes, le travail et la famille au Canada

Même si les mères au Canada ont toujours joué un rôle central dans la vie de famille, il ne fait aucun doute que le contexte socioéconomique, culturel et contextuel évolue sans cesse, tout comme l’influence qu’il exerce sur la maternité, et vice-versa.

Par rapport aux générations précédentes, les mères sont de plus en plus nombreuses à conjuguer des responsabilités familiales et professionnelles, et les interrelations dynamiques qui existent entre les femmes, le travail et la famille continuent de se renouveler. À l’occasion de la fête des Mères 2016, nous avons créé une ligne du temps échelonnée sur 50 ans pour illustrer ces interrelations dans une perspective élargie, en mettant en relief certaines tendances à long terme ayant émergé au fil du dernier demi-siècle, notamment :

  • une croissance du taux de participation des femmes au marché du travail, lequel est passé de 40 % en 1968 à 82 % en 2014, chez les femmes âgées de 25 à 54 ans;
  • une progression constante du nombre de mères en situation de « pourvoyeur », qui représentaient 21 % des familles formées d’un couple ayant un seul revenu en 2014, comparativement à 4 % en 1976;
  • un recul marqué de l’incidence de faible revenu chez les mères seules, ce taux étant passé de 54 % en 1976 à 21 % en 2008;
  • une baisse du taux de fécondité, qui s’établissait à 3,94 enfants par femme en plein baby-boom (1959), pour chuter à 1,61 enfant en 2011;
  • une hausse constante de l’âge moyen des femmes à la naissance d’un premier enfant, soit de 24,3 ans en 1974 à 28,5 ans en 2011;
  • une augmentation du temps que les mères consacrent à leurs familles, soit 421 minutes par jour (7 heures) en 2010, par rapport à 403 minutes par jour (6,7 heures) en 1986.

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Téléchargez la ligne du temps intitulée Cinquante ans : les femmes, le travail et la famille au Canada.

Et si on aidait nos (jeunes) aidants?

Andrea Breen, Ph. D.

Si vous googlez « Les jeunes d’aujourd’hui sont », le moteur propose quatre compléments : « … sont irresponsables », « … sont immatures », « … sont paresseux », « … sont narcissiques ». Ce que le moteur de recherche oublie, c’est qu’ils jouent de plus en plus le rôle d’aidants non rémunérés auprès des adultes dans leurs familles et leurs collectivités. Selon les données colligées par Statistique Canada, dans le cadre de l’Enquête sociale générale de 2012, le Canada compte 1,9 million de « jeunes aidants », soit 27 % de la population de 15 à 29 ans. Ces jeunes fournissent des soins non rémunérés à des personnes diminuées par la maladie, l’incapacité, une dépendance ou une blessure.

Les statistiques sont étonnantes : les jeunes de 15 à 24 ans consacrent autant de temps à leur charge de soins que les adultes de la tranche des 45 à 54 ans1. Pour la plupart, à l’instar des adultes, il s’agit de quelques heures de soins par semaine auprès de leurs proches. Toutefois, environ 5 % d’entre eux y consacrent plus d’une trentaine d’heures hebdomadairement. Les jeunes aidants s’occupent principalement de leurs grands-parents (40 %), mais aussi de leurs parents (27 %), de leurs amis et de leurs voisins (14 %), ainsi que de leurs frères et sœurs ou de la famille élargie (11 %). Près d’un cinquième des jeunes aidants (19 %) disent s’occuper de trois personnes ou plus2.

Or, le Canada se classe derrière les É.-U., le Royaume-Uni, l’Australie et l’Afrique subsaharienne au chapitre de la sensibilisation du public à l’égard des jeunes aidants et de l’élaboration de politiques connexes34. D’ailleurs, le terme jeunes aidants demeure encore méconnu pour bon nombre de Canadiens, ce qui explique notamment que les besoins et les difficultés de ces jeunes passent souvent inaperçus. Le gouvernement fédéral a instauré diverses mesures de soutien pour les aidants (comme les prestations de soignant et le crédit d’impôt pour aidants familiaux), mais ces mesures sont destinées aux adultes qui travaillent5. Même si le Tribunal canadien des droits de la personne a statué du caractère illégitime de toute forme de discrimination basée sur l’état familial, il n’existe encore aucune jurisprudence au pays concernant les jeunes aidants. De même, les écoles et les établissements postsecondaires ne disposent toujours d’aucune politique axée sur le soutien et l’encadrement pour les jeunes aidants.

À vrai dire, les connaissances actuelles au sujet des jeunes aidants au pays proviennent principalement de travaux récents réalisés par un groupe restreint de chercheurs et d’organismes communautaires avant-gardistes. On commence à peine à s’intéresser aux incidences sur le développement psychosocial des jeunes aidants canadiens et à diverses questions importantes en matière de soins. Comment ces responsabilités influencent-elles ou limitent-elles le sentiment identitaire, les relations, les choix en matière d’éducation, le cheminement professionnel, les loisirs, la vie personnelle ou les considérations financières? Quels sont les effets sur la santé mentale et le bien-être des jeunes aidants? Quels types de politiques et de pratiques faut-il privilégier dans les écoles, les collectivités, les milieux de travail et les établissements postsecondaires pour mieux soutenir les jeunes aidants?

D’après certaines études préliminaires, le fait de prodiguer des soins entraîne divers bénéfices pour l’aidant lui-même lorsque ce dernier peut compter sur des mesures de soutien. Ainsi, s’occuper d’un proche s’avère souvent favorable sur le plan du développement socioaffectif et permet de consolider les sentiments de compétence et d’autonomie tout en favorisant l’empathie et la compassion6. J’ai moi-même constaté certains de ces bénéfices chez les jeunes aidants parmi mes étudiants universitaires. Plusieurs d’entre eux ont même choisi une carrière en gérontologie après avoir été appelés à s’occuper de grands-parents dans le besoin. D’autres œuvrent maintenant auprès d’enfants ayant des besoins spéciaux, après avoir pris soin d’un frère ou d’une sœur. Enfin, certains étudiants orientent leurs choix professionnels vers la santé mentale après s’être occupés d’un parent atteint de troubles mentaux. Dans de tels cas, on peut effectivement penser que le fait d’avoir connu la réalité des soins à un âge précoce a positivement influencé l’identité en ouvrant à ces jeunes un avenir sous le signe du dévouement pour l’autre.

Pourtant, il y a aussi un prix à payer pour ceux qui s’acquittent d’une responsabilité de soins. À cet égard, les jeunes aidants sont particulièrement vulnérables à l’isolement social, aux problèmes de santé mentale et aux difficultés dans le cheminement scolaire7. On estime que 47 % des jeunes aidants suivent un programme d’études8. Ces derniers sont confrontés à divers obstacles comme les retards récurrents, l’absentéisme, le manque de temps pour remplir divers mandats, l’anxiété et les problèmes de concentration. Ces écueils mettent éventuellement en péril l’équilibre entre leurs études et leur charge de soins9. Je connais moi-même un adolescent du Nunavut qui a dû abandonner l’école récemment pour s’occuper de sa grand-mère en fin de vie. Il s’agit là d’une situation beaucoup plus fréquente qu’on le croit généralement. À l’échelle nationale, on estime que 7 % des jeunes aidants finissent par abandonner l’école10. Et le portrait semble particulièrement préoccupant dans les régions nordiques du Canada : en 2006, environ 46 % des jeunes du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut avaient fourni des soins non rémunérés à des proches11. Dans quelle proportion les enseignants et les directeurs sont-ils au fait de cette réalité touchant leurs propres étudiants?

Ces jeunes aidants forment toutefois un groupe hétérogène dont la réalité et les besoins sont très variés, si bien qu’il n’est pas simple de leur assurer du soutien. Certains sous-groupes sont néanmoins particulièrement vulnérables, notamment ceux qui consacrent beaucoup de temps aux soins, ceux qui bénéficient de soutien social précaire, ainsi que les aidants vivant dans des collectivités marginalisées, pour qui les difficultés s’ajoutent alors à d’autres problèmes liés à l’isolement et à l’absence de visibilité. Et n’oublions pas les plus jeunes parmi les aidants : en effet, on ne sait à peu près rien des enfants et des préadolescents qui s’occupent de leurs proches dans le besoin, puisque les données de Statistique Canada ne concernent que les jeunes aidants de plus de 15 ans.

Il y a quelques années, il m’a été donné d’accompagner un jeune garçon de 12 ans suspendu de l’école en raison d’importants problèmes comportementaux. Après un certain temps, nous nous sommes rendu compte que ce garçon s’occupait de sa mère alcoolique et dépressive avec l’aide de son frère un peu plus âgé. Les garçons se chargeaient des tâches ménagères, de faire les courses et de préparer les repas, et cherchaient de leur mieux à trouver de l’aide pour leur mère. Dans les faits, ils étaient confrontés aux mêmes défis que bon nombre d’aidants d’âge adulte, soit l’épuisement, l’inquiétude constante au sujet d’un être cher, un sentiment d’impuissance devant la maladie, le manque de temps pour d’autres activités, les problèmes de santé mentale, l’aggravation de la pauvreté et l’isolement. Cependant, leur vulnérabilité était exacerbée par le fait qu’ils n’étaient encore que des enfants. Ces garçons vivaient dans la crainte qu’on s’aperçoive de leur situation et qu’on les oblige à quitter leur foyer. Ils s’inquiétaient pour eux-mêmes ainsi que pour leur mère qui, pensaient-ils, ne survivrait sans doute pas si elle était séparée d’eux.

La situation de cette famille n’est qu’un exemple des lacunes de l’approche interventionniste et des modèles de financement axés sur l’individu. Même si l’on cherche à isoler ce garçon pour tenter de « régler » ses problèmes comportementaux, il sera quand même confronté de plus en plus durement à des problèmes de santé mentale et physique, à des difficultés scolaires, à la criminalité et à d’autres risques éventuels, et ce, tant qu’on ne viendra pas concrètement en aide à sa famille. Combien y a-t-il de jeunes dans une telle situation au sein de nos collectivités? Combien d’enfants doivent s’occuper de leurs parents ou tuteurs trop malades, trop blessés ou trop handicapés pour prendre soin d’eux-mêmes? Jusqu’ici, ces questions demeurent sans réponses parce que nous n’avons pas cherché à les obtenir.

La première fois que j’ai entendu le terme « jeunes aidants », c’était dans une entrevue avec la directrice générale de l’Institut Vanier, Nora Spinks, à l’émission Ontario Today de la CBC. J’ai voulu savoir quelles avenues il fallait privilégier en recherche dans ce domaine, et sa réponse fut la suivante : les jeunes aidants de moins de 10 ans sont l’un des groupes les plus importants à cibler. Selon elle, il faut notamment s’inquiéter de l’impact des technologies numériques, qui risquent de voiler l’existence des très jeunes aidants aux yeux de la société. Comme elle le souligne, il est devenu facile de s’isoler lorsque survient une crise familiale puisque les interactions sociales sont largement virtuelles. Qu’il s’agisse d’effectuer des transactions bancaires ou de commander des repas en ligne, l’utilisateur demeure anonyme pour peu qu’il détienne un numéro de carte de crédit. Personne ne saura qu’un enfant de 9 ans s’en occupe.

Les changements démographiques comme le vieillissement de la population, la diminution de la taille des familles, l’augmentation du nombre de ménages caractérisés par l’absence d’une génération, de même que le phénomène de dispersion géographique font en sorte que les jeunes aidants sont de plus en plus nombreux au Canada12,13. Il importe de sensibiliser la population à leur sujet et de susciter des actions concrètes au bénéfice des jeunes aidants. Il y a encore beaucoup à faire en matière de recherche, de programmes et de politiques pour mettre en lumière le rôle des aidants et mieux les encadrer; il faudra avant tout se pencher sur la situation des enfants, des adolescents et des jeunes adultes de nos écoles et collectivités, et prendre acte des difficultés méconnues auxquelles ils sont confrontés tout en reconnaissant la valeur inestimable de ces nombreux jeunes aidants.

 


Andrea Breen est professeure adjointe en études des relations familiales et du développement humain à l’Université de Guelph. Ses recherches sont principalement axées sur le récit et les incidences du bien-être, de la résilience et des changements sociaux, ainsi que sur le recours aux technologies pour favoriser le mieux-être des enfants, des jeunes et des familles. Mme Breen possède une vaste expérience dans l’élaboration de programmes éducatifs novateurs pour les écoles et les établissements de détention ou de santé mentale. Elle a déjà agi à titre d’experte scientifique en chef pour l’application parentale kidü. Mme Breen est titulaire d’un doctorat en éducation et en psychologie du développement de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario rattaché à l’Université de Toronto. Elle possède également une maîtrise dans le domaine des risques et de la prévention de la Harvard Graduate School of Education, de même qu’un baccalauréat en éducation de l’Université McGill.

 


RÉFÉRENCES

Battams, Nathan (2013). « Les jeunes aidants au Canada » dans Traits de famille, no 59, Institut Vanier de la famille.

Bleakney, Amanda (2014). Les jeunes Canadiens fournissant des soins, Statistique Canada.

Charles, Grant, Stainton, Tim et Marshall, Sheila (2012). Les jeunes aidants au Canada : Les avantages et les coûts cachés des soins prodigués par les jeunes, Institut Vanier de la famille.

Groupe de travail action Canada (2013). Qui aide les jeunes aidants? Faire connaître une tranche invisible de la population.

Stamatopoulos, Vivian (2015a). « Supporting young carers: A qualitative review of young carer services in Canada » dans International Journal of Adolescence and Youth. 

Idem (2015b). « One million and counting: the hidden army of young carers in Canada » dans Journal of Youth Studies.

 


NOTES

1 Battams (2013)

2 Bleakney (2014)

3 Becker (2007)

4 Stamatopolous (2015a)

5 Idem

6 Charles, Stainton, et Marshall (2002)

7 Charles et autres (2012)

8 Bleakney (2014)

9 Charles et autres (2012)

10 Bleakney (2014)

11 Stamatopoulos (2015b)

12 Stamatapoulos (2015a)

13 Stamatapoulos (2015b)

 


PROGRAMMES ET RÉSEAUX 

Cowichan Family Caregivers Support Society Young Carers’ Network

Hospice Toronto Young Carers Program

Powerhouse Project : Young Carers Initiative

Young Carers Project of Waterloo Region

 

Les familles et le sommeil

David B. Posen, M. D.

Le sommeil est une affaire de famille : quand les besoins de chacun sont comblés, tous les membres de la famille en bénéficient; par contre, dès que l’un d’eux se trouve en déficit, tout le monde s’en ressent. Des études ont montré que le manque de sommeil est aujourd’hui aussi préoccupant que pouvaient l’être les effets néfastes du tabagisme, il y a 50 ans. C’est du moins ce qu’a constaté le Dr Charles Czeisler, qui dirige la Division de la médecine du sommeil à la Harvard Medical School. Les ménages canadiens sont nombreux à devoir composer avec des lacunes quant à cette ressource familiale essentielle. Et un tel déficit (qui tient notamment aux longues heures de travail, aux progrès technologiques et à la culture du « toujours accessible ») se répercute sur la productivité au travail, le rendement scolaire et la santé en général, sans compter les effets marqués sur la vie de famille et les familles elles-mêmes.

Quels sont les bienfaits du sommeil?

Le sommeil a des fonctions multiples. C’est le moment de renouveler l’énergie dont le corps a besoin : il s’agit d’une période de récupération et de repos profond, un peu comme si l’on entrait en « mini-hibernation ». Les hormones responsables du stress tombent au neutre, le rythme cardiaque décélère, la pression artérielle diminue, le métabolisme ralentit et la température corporelle descend. C’est aussi durant le sommeil que le corps sécrète les hormones de croissance, qui sont essentielles au développement des enfants, et qui contribuent au renouvellement et à la restauration des cellules chez les adultes. Lorsque nous dormons, notre système immunitaire fonctionne à plein régime et produit des lymphocytes T pour combattre les infections. C’est aussi à ce moment que sont sécrétées les hormones qui commandent la faim et la satiété (la leptine et la ghréline), c’est-à-dire celles qui modulent l’appétit, la prise alimentaire et le poids corporel.

Les symptômes d’un sommeil déficitaire sont les mêmes que ceux du stress.

L’importance du sommeil ne se limite pas seulement à la physiologie, mais touche aussi les fonctions mentales qui sont régies par celui-ci. Pendant le sommeil, le cerveau en profite pour faire « le ménage », c’est-à-dire traiter et organiser les informations accumulées au cours de la journée, tout en laissant tomber celles qui ne sont pas pertinentes (la couleur du chandail d’une personne croisée dans le métro, par exemple). C’est aussi pendant le sommeil que le cerveau consolide les processus de la mémoire et les nouveaux acquis. De fait, les recherches ont montré que l’apprentissage s’intensifie pendant le sommeil.

Les symptômes d’un sommeil déficitaire sont les mêmes que ceux du stress. Autrement dit, sur le plan physiologique, le manque de sommeil se manifeste sous forme de stress dans notre organisme. Lorsque le sommeil est insuffisant, le taux de cortisol (la principale hormone liée au stress chronique) demeure élevé plus longtemps, ce qui entraîne des effets néfastes pour le corps. De même, les personnes qui manquent de sommeil éprouvent plus de difficulté à affronter des situations stressantes, à résoudre des problèmes, à faire preuve de créativité et d’innovation, ou encore à se montrer sociables et de bonne compagnie.

L’incidence du sommeil (et du manque de sommeil) sur la famille

Il existe des interrelations complexes entre les habitudes de sommeil et la vie de famille, si bien que les incidences d’une carence de sommeil sont aussi bien ressenties par le sujet lui-même que par ses proches. Pour illustrer ces effets, observons d’abord le cas de conjoints vivant sous le même toit. En règle générale, le couple partage le même lit, ce qui suppose une dynamique particulière qui influe éventuellement sur la durée et la qualité du sommeil des conjoints. Lorsque deux personnes dorment ensemble, d’importants facteurs liés au sommeil entrent en ligne de compte et sont sujets à d’éventuelles négociations (ou ententes), notamment la taille du lit, la fermeté du matelas, la température ambiante de la chambre à coucher et la présence d’appareils électroniques (puisque des études ont révélé que la lumière émise par les téléviseurs, les téléphones intelligents, les tablettes ou les liseuses à écran lumineux sont susceptibles de nuire à la qualité du sommeil).

Par ailleurs, on peut penser que l’heure du coucher ou du lever du conjoint influera aussi sur le sommeil de l’autre. Si les membres du couple ont des horaires divergents, les habitudes de sommeil de l’un et l’autre peuvent être perturbées par le va-et-vient ou la routine de chacun. Peut-être même que, pour passer un peu plus de temps avec son conjoint, l’un des deux partenaires aura tendance à se coucher un peu plus tard qu’il ne le souhaiterait, quitte à perdre quelques précieuses heures de sommeil. Dès lors, il importe que les partenaires qui partagent le même lit discutent ouvertement de la quantité de sommeil dont chacun a besoin. De telles décisions et accords mutuels auront des retombées certaines sur la qualité du sommeil des partenaires, mais elles risquent parfois d’entraîner des conflits, ou au contraire d’offrir la possibilité d’exprimer de la considération, du respect et une volonté de compromis.

Dès le début de toute cohabitation jusqu’aux derniers jalons de la vie, toutes les familles sont touchées par les questions liées au sommeil, tant sur le plan individuel que collectif.

Ces décisions sont des choix conscients qui concernent le sommeil et la chambre à coucher. Toutefois, il existe aussi des facteurs involontaires. Par exemple, l’un des principaux éléments perturbateurs du repos tient sans doute au sommeil bruyant ou agité du partenaire, les problèmes les plus souvent cités étant les mouvements fréquents et les ronflements. Il existe d’ailleurs plusieurs causes au ronflement, certaines étant mécaniques (comme la position du dormeur), et d’autres physiologiques (amygdales palatines ou pharyngiennes surdimensionnées, luette élargie). Dans certains cas, le ronflement atteint une intensité sonore digne d’un site industriel, qui fait pratiquement vibrer les carreaux, au risque de déranger les dormeurs d’une autre chambre, pendant que le ronfleur lui-même, étonnamment, n’est pas le moins du monde importuné.

L’apnée obstructive du sommeil et le syndrome des jambes sans repos figurent parmi les troubles du sommeil les plus répandus. L’apnée du sommeil se manifeste par de nombreux épisodes d’arrêts respiratoires involontaires au cours d’une même nuit (plusieurs fois par heure, en fait), et il n’est pas rare que la personne soit prise de soubresauts qui visent à la réveiller pour reprendre son souffle. Quant au syndrome des jambes sans repos, le sujet ressent un inconfort aux jambes qu’il ne peut soulager qu’en les agitant frénétiquement, ce qui dérange évidemment le partenaire de lit. Lorsque de tels troubles se manifestent à un certain âge, il n’est pas rare que les couples choisissent de dormir dans des lits séparés, voire de faire carrément chambre à part.

Nouveaux parents : un sommeil parsemé d’embûches

Dès qu’un couple décide d’avoir des enfants, un vaste éventail de nouveaux facteurs entrent en ligne de compte et viennent bousculer les habitudes et l’hygiène du sommeil. Tout commence généralement dès la grossesse : les femmes enceintes ont souvent de la difficulté à dormir parce que le bébé grossit et qu’il bouge, ou encore parce que les allers-retours à la salle de bain se multiplient. Et quand bébé arrive, les perturbations du sommeil deviennent la norme : le nouveau-né pleure pour faire savoir qu’il a faim, qu’il faut changer sa couche ou qu’il a besoin qu’on s’occupe de lui. Ces besoins ont des conséquences pour la nouvelle mère (surtout si elle allaite son enfant), mais aussi pour son partenaire. Il s’agit toujours d’une période éprouvante quant au sommeil, si bien que la négociation devient un élément central.

Lorsque les enfants auront grandi un peu (vers l’âge de 3 ou 4 ans), ils pourront se lever et s’habiller seuls, mais il faudra alors décider si l’un des parents se lève lui aussi, ou si les enfants prendront plutôt l’habitude de s’occuper tout seuls dans la salle familiale ou au sous-sol pendant que leurs parents sont encore au lit. Plusieurs parents créent une sorte de dépendance à cet égard, c’est-à-dire que les enfants s’attendent à avoir de la compagnie et à recevoir de l’attention dès le lever, ce qui revient à priver l’un des parents, ou les deux, des quelques heures de sommeil dont ils auraient encore besoin.

En raison de leur physiologie, les adolescents ont besoin de dormir plus longtemps

L’étape suivante dans les rapports qu’entretiennent les parents avec le sommeil se manifeste au début de l’adolescence de leurs enfants. En effet, c’est à ce moment que survient un phénomène appelé « rupture des rythmes périodiques », où l’adolescent se couche de plus en plus tard, mais dort comme une souche le lendemain matin. Ce processus est généralement mal compris des parents, qui déplorent souvent que leur enfant ne pense qu’à s’amuser le soir (en retardant l’heure du coucher), mais qu’il faut littéralement le tirer du lit le lendemain pour aller à l’école (parce qu’il a du mal à se lever, ou s’en trouve tout simplement incapable). En réalité, certains facteurs biologiques permettent d’expliquer une telle situation.

Chez les adultes, le taux de cortisol diminue progressivement vers 22 h et l’organisme sécrète alors de la mélatonine, l’hormone du sommeil. C’est à ce moment que le sommeil nous gagne. Plus tard, quelque part entre 6 h et 8 h, la sécrétion de mélatonine s’arrête et l’organisme bénéficie alors d’une poussée de cortisol : c’est l’heure du réveil et le début de la journée.

Pour les adolescents toutefois, ce processus est retardé d’une ou deux heures, si bien que la relâche du cortisol et l’entrée en scène de la mélatonine ne se produisent que plus tard en soirée, alors que le processus inverse du lendemain matin survient lui aussi avec une ou deux heures de retard. Il existe donc une cause physiologique expliquant que les adolescents se couchent tard : ils ne sont tout simplement pas fatigués. Et s’il faut les tirer du lit à l’heure où ils étaient déjà debout auparavant, c’est parce que leur cerveau en a encore pour une heure ou deux en « mode sommeil ». L’adolescent reste au lit parce qu’il ne peut pas se réveiller, ou alors avec beaucoup de difficulté.

Les adolescents sont souvent tiraillés entre leurs besoins physiologiques et les impératifs scolaires.

En plusieurs endroits, l’heure du début des classes au secondaire a été repoussée à 9 h, voire à 10 h, pour mieux tenir compte du rythme biologique des adolescents. Par la suite, certaines commissions scolaires ont constaté une présence accrue à l’école, une amélioration des résultats scolaires, et une diminution des problèmes comportementaux chez les élèves qui ont la chance de dormir en fonction de leur propre horloge biologique. De plus, ces horaires adaptés bénéficient également aux familles, où les conflits du matin sont moins lourds au moment de réveiller les enfants, sans compter que l’humeur de la maisonnée et la collaboration des adolescents s’améliorent avec le repos nécessaire.

Les adolescents sont souvent tiraillés entre leurs besoins physiologiques et les impératifs scolaires. L’un des problèmes récurrents touche les devoirs et les études qui s’éternisent tard en soirée. Il est vrai que la plupart des adolescents manquent de sommeil (les plus chanceux dorment à peine sept heures par nuit, alors qu’il leur en faudrait neuf ou dix). Or, si l’on ajoute à cela la tendance généralisée à se coucher bien après minuit pour terminer des devoirs ou se préparer à des examens, la situation devient beaucoup plus problématique : plus les jeunes sont fatigués, moins ils sont en mesure d’obtenir de bons résultats aux examens qu’ils avaient préparés. Au surplus, certains adolescents travaillent à temps partiel pendant l’année scolaire, ce qui suppose d’autres difficultés pour concilier l’école et le travail sans toutefois négliger le temps de sommeil d’autant plus long dont ils auraient besoin.

Stanley Coren, psychologue à l’Université de la Colombie-Britannique de Vancouver, a procédé à une méta-analyse pour évaluer les incidences du déficit de sommeil sur le quotient intellectuel, et les résultats sont pour le moins étonnants. Dans une entrevue accordée à un quotidien, M. Coren affirme qu’« une heure de sommeil en moins sur un total de huit heures équivaut à soustraire un point au Q.I., et chaque heure subséquente qu’il faut retrancher entraîne la perte de deux autres points. Ces déficits sont cumulatifs, si bien qu’une carence de deux heures de sommeil par nuit durant une semaine, soit cinq jours, correspond à une perte de 15 points ». [traduction]

D’ailleurs, les tests par IRM fonctionnelle corroborent ce constat : l’activité électrique du cerveau diminue lorsque le sujet est privé de sommeil. Ainsi, l’élève qui passe une nuit blanche verrait ses capacités cognitives considérablement diminuées le lendemain en fin d’après-midi, si bien que son rendement serait alors lourdement hypothéqué, parfois même jusqu’au lendemain matin.

Le travail par postes exige des habitudes de sommeil irrégulières

Le travail par quarts entraîne aussi divers facteurs de perturbation du sommeil pour les membres de la famille. J’ai moi-même travaillé comme médecin de famille pendant 17 ans, ce qui impliquait notamment d’être disponible sur appel au moins une fois par semaine, en plus des soirées à l’urgence et des veilles pour les accouchements après minuit. Par conséquent, il n’était pas rare que mon téléphone ou mon téléavertisseur retentisse en plein milieu de la nuit, ce qui dérangeait mon épouse. Le même scénario se produit dans toutes les familles où quelqu’un doit être disponible pour les urgences de nuit, comme c’est le cas des médecins, des infirmières de salle d’opération, des techniciens d’hôpital, du personnel de sécurité, ou même des propriétaires d’entreprises lorsqu’une alarme se déclenche en pleine nuit.

Les travailleurs de nuit vont à l’encontre de leur propre physiologie.

Ceux et celles qui travaillent par postes sur une base régulière doivent aussi composer avec un sommeil perturbé, comme les policiers, les pompiers, les conducteurs d’ambulance, les ambulanciers paramédicaux, les agents de sécurité, les travailleurs d’usine et les préposés à l’entretien ménager des édifices à bureaux. Les travailleurs de nuit vont à l’encontre de leur propre physiologie, puisqu’il leur faut être éveillé à l’heure où leur rythme biologique est plutôt programmé pour le sommeil.

À la fin de leur quart, ces travailleurs retournent à la maison pour dormir un peu, ce qui entraîne des incidences pour toute la famille, puisque chacun est alors tenu de se faire le plus silencieux possible, c’est-à-dire d’éviter partiellement ou complètement d’utiliser la radio ou la télé, ou encore de s’abstenir de converser au téléphone ou d’inviter des amis à la maison. Lorsqu’un membre de la famille tente désespérément de trouver le sommeil en plein jour, tous les bruits deviennent dérangeants puisque l’organisme est programmé pour être en éveil. Par conséquent, les exigences auxquelles se plient les autres membres de la famille pour respecter un horaire atypique ou des habitudes de sommeil irrégulières sont parfois source de frictions, si bien que la communication, l’ouverture et la négociation deviennent alors primordiales.

En vieillissant, le besoin de sommeil évolue au gré des changements physiologiques

Enfin, d’autres circonstances se manifestent à l’autre bout du spectre de l’âge, notamment en ce qui a trait à la ménopause chez les femmes, qui occasionne parfois des bouffées de chaleur nocturnes susceptibles de perturber le sommeil. Chez les hommes vieillissants, c’est souvent l’augmentation du volume de la prostate qui les contraint à se rendre à la salle de bain plusieurs fois chaque nuit. Dans ces circonstances, certaines personnes ont du mal à se rendormir. Par ailleurs, les problèmes de santé qui accompagnent parfois le vieillissement peuvent miner la qualité du sommeil, notamment lorsque la respiration se fait plus difficile en raison de troubles pulmonaires ou cardiaques, ou à cause de maux et de douleurs liées à l’arthrite, à une blessure ou à d’autres affections musculo-squelettiques.

Les personnes âgées doivent aussi composer avec certains troubles du sommeil qui sont plus fréquents parmi ce groupe d’âge. C’est le cas de l’apnée obstructive du sommeil, surtout chez les sujets en surpoids. Il s’agit d’un problème encore largement sous-diagnostiqué et trop peu pris en charge. Lorsque l’apnée du sommeil se manifeste chez un sujet qui dort par ailleurs suffisamment, la quantité de sommeil est adéquate mais pas la qualité. Dans de tels cas, les membres de la famille représentent alors une plus-value, puisque c’est souvent la personne qui partage le même lit qui remarquera les symptômes (et non le sujet lui-même).

Le sommeil : une affaire de famille

Avec l’alimentation et l’exercice, le sommeil constitue l’une des trois clés de voûte d’une bonne santé. Dès le début de toute cohabitation jusqu’aux derniers jalons de la vie, toutes les familles sont touchées par les questions liées au sommeil, tant sur le plan individuel que collectif. Il s’avère donc essentiel de connaître ses propres besoins, et ceux des autres membres de la famille, pour favoriser une bonne hygiène du sommeil et éviter les effets néfastes d’un déficit à cet égard. De fait, chacun devrait bien comprendre les rouages du sommeil pour pouvoir en discuter et porter à cette question toute l’attention qu’elle mérite. Le sommeil est véritablement une affaire de famille, qui a des incidences importantes sur le bien-être physique et psychologique. En somme, la gestion du sommeil contribue à resserrer les liens familiaux, puisqu’elle donne à chacun l’occasion de se montrer attentionné, respectueux, compréhensif et prévenant envers l’autre.

 


Le Dr David Posen a publié des livres à succès (Always Change a Losing Game: Winning Strategies for Work, Home and Health et The Little Book of Stress Relief). Il est aussi réputé à l’échelle internationale comme présentateur et conférencier. Son champ de spécialisation porte sur le stress et la gestion du changement. Dans son plus récent livre intitulé Is Work Killing You?, il s’intéresse aux interrelations entre le travail et le bien-être.

Tout le monde à table! La tradition (persistante) du repas familial

Paul Fieldhouse

Pour la plupart des Canadiens, les repas font partie du quotidien et sont devenus si routiniers, si ordinaires que l’on tient pratiquement la chose pour acquise. Pourtant, cette activité occupe une part centrale dans les relations sociales et les rituels culturels, et revêt une symbolique et une fonction pratique dans le cadre des rassemblements. Dans toutes les cultures, partager la nourriture a toujours constitué un moyen quasi universel de répondre au besoin d’association; l’hospitalité, le sens du devoir, la gratitude, le don de soi et la compassion s’y concrétisent. Un repas en commun, c’est bien plus que manger : c’est aussi échanger, créer et consolider des liens et des amitiés, enseigner et apprendre. Dès lors, on ne s’étonnera pas de l’importance capitale qu’occupent les repas familiaux dans la vie de famille.

Le repas familial à l’ère moderne

Pour mieux comprendre le concept, il faut d’abord préciser ce que l’on entend par « repas familial ». Malgré la simplicité apparente de cette notion, on se rend compte, en y regardant de plus près, que la notion de repas de famille est sans doute une sorte de raccourci désignant un concept bien plus fictif que concret.

En effet, c’est souvent l’image type de la famille nucléaire filant le parfait bonheur qui vient alors à l’esprit, où maman, papa et les enfants sont réunis autour d’une table élégamment dressée, dégustant les fruits (et autres plats) d’un processus de cuisine à proprement parler qui est pratiquement occulté. Or, ce stéréotype a été perpétué – voire créé de toutes pièces – à partir du milieu du XXe siècle, véhiculé par la publicité et la culture de masse associées à la télévision et aux magazines. C’est un idéal culturel solidement ancré, et que l’on a longtemps cherché à atteindre et à recréer : le symbole par excellence de la stabilité et de l’unité familiale.

Toutefois, si l’on regarde un peu l’histoire, on constate rapidement que le concept du repas réunissant la famille nucléaire est une idée relativement récente. Dans l’Angleterre victorienne, les enfants des riches familles aristocratiques mangeaient le plus souvent dans la cuisine avec la gouvernante ou les domestiques ou encore dans les salles à manger communes des pensionnats, plutôt qu’à la « table familiale ». Quant aux plus pauvres, ils ne possédaient parfois même pas de table autour de laquelle se réunir.

Pour les jeunes enfants, les « conversations autour de la table » sont une porte d’accès au dialogue familial et aux pensées, idées et émotions exprimées au sein de la famille.

En Amérique du Nord, c’est au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que la classe moyenne a commencé à accorder une certaine importance au repas familial digne de ce nom. Et ce n’est qu’un peu plus tard, à la faveur de la croissance économique et de la prospérité de l’après-guerre, que la notion du repas familial « traditionnel » est devenue la norme pour toutes les classes sociales, ne serait-ce qu’un certain temps.

Bien entendu, les relations qui existent au sein des familles et des ménages se déclinent en plusieurs tons. Cela étant, comment parvenir à une définition commune du « repas familial »? Faut-il nécessairement que tous les membres du clan soient présents? Doivent-ils forcément partager le même menu et s’asseoir autour d’une table? Faut-il que le repas soit fait maison, ou qu’il ait tout au moins été préparé chez soi? Les convives doivent-ils tous appartenir au même ménage? Peut-on quand même parler de repas familial si des amis ou des invités y prennent part?

Pour définir ce concept, certains ont déjà avancé qu’un tel repas doit réunir au moins un adulte et un enfant, alors que d’autres parlent de « repas familial » dès que deux personnes ou plus mangent ensemble, ou que plusieurs personnes du même ménage partagent de la nourriture. Toutes ces formules ne manquent pas d’intérêt, mais elles ne suffisent pourtant pas à définir cette notion de repas familial. Et sans définition globale, il demeure très difficile d’évaluer la fréquence des repas en famille et, le cas échéant, le profil de leur évolution.

Le rôle et la fonction rythmique du repas familial

Le repas familial est un rituel quotidien qui symbolise la vie familiale commune. Il contribue à l’organisation de la famille, offrant à ses membres l’occasion de se réunir sur une base régulière, et favorisant leur bien-être sur le plan physiologique, psychologique et social. Au quotidien, il contribue à donner un certain rythme et une structure à la journée, ce qui peut avoir un effet rassurant d’un point de vue psychologique. Sur le plan physiologique ou biologique, c’est évidemment un moyen de répondre aux besoins alimentaires des membres de la famille, même si plusieurs facteurs déterminent l’efficacité de ce volet, notamment l’accès à des aliments sains et abordables, un minimum de connaissances en matière de nutrition, ainsi que diverses compétences pour l’achat et la préparation des aliments.

Une fois servi aux convives réunis autour de la table familiale, le produit final est le fruit d’une série d’actions qui ont nécessité du temps et du savoir-faire, et qui supposent des choix cognitifs et du travail physique. De fait, on a souvent tendance à oublier le processus – pratiquement inapparent – de la préparation des repas, dont chacune des étapes consiste essentiellement à « décider d’une suite d’actions », qu’il s’agisse de planifier le menu, de faire l’épicerie, de cuisiner et de faire le service.

Encore aujourd’hui, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à s’acquitter de telles tâches, mais ces derniers s’impliquent tout de même davantage qu’autrefois dans la préparation du repas familial. Cuisiner pour la famille comporte une part de plaisir et de satisfaction, qui suppose néanmoins certains renoncements en temps, en argent et en ressources affectives.

Compte tenu de la somme de travail que représente un repas familial, on ne saurait ignorer toute la charge affective investie par les personnes qui ont préparé le repas. Que ce soit par amour ou par sens du devoir, il s’agit dans tous les cas d’une forme de dévouement envers les membres de la famille. Chacun à sa manière, tous les membres de la famille peuvent mettre la main à la pâte pour prendre part à cet exercice de solidarité familiale, que ce soit pour faire l’épicerie, préparer les plats, dresser la table ou desservir. Et lorsque ce n’est pas le cas, cet aspect risque aussi de causer des tensions familiales. Par ailleurs, certaines études ont montré que le fait de se sentir incapable d’organiser régulièrement des repas de famille conformément à l’idéal collectif peut engendrer de la frustration et un sentiment de dépréciation.

Les repas familiaux sont bénéfiques pour les enfants et les adolescents

La salle à manger est un endroit important pour la socialisation des enfants : le repas en famille représente le premier contact avec les règles et les normes des comportements admis, ainsi qu’avec les valeurs et les attentes familiales. C’est l’occasion pour les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire d’apprendre quels sont les aliments propres à leur culture et, plus simplement, de distinguer toute nourriture de ce qui n’en est pas.

Sur le plan nutritionnel, le repas familial expose les enfants à toute une gamme d’aliments sains et contribue à modeler de bonnes habitudes alimentaires, tout en les incitant à élargir leurs goûts et à respecter les signaux de l’appétit associés à la satiété. C’est donc une occasion d’inculquer de saines habitudes, mais c’est aussi une arme à double tranchant : si le repas familial se compose généralement de féculents, d’aliments gras et de produits très sucrés au détriment des fruits et légumes, ce sont ces habitudes qui seront acquises et éventuellement perpétuées.

Du reste, les enfants profitent aussi des repas en famille pour développer diverses aptitudes, comme celle de tenir un verre ou de manipuler des baguettes, en plus d’acquérir et d’enrichir leurs compétences linguistiques et leurs connaissances à travers les échanges. En effet, les « conversations autour de la table » sont pour eux une porte d’accès au dialogue familial (particulièrement pour les jeunes enfants) et aux pensées, idées et émotions exprimées au sein de la famille.

Les regrets exprimés quant à la disparition des repas familiaux cachent sans doute un dépit, voire une crainte, du changement des structures et du mode de vie des familles.

En prêtant l’oreille aux récits, anecdotes et autres nouvelles, les enfants apprennent à mieux connaître le monde des adultes, et à y discerner les intérêts et la personnalité de leurs parents; en contrepartie, les adultes découvrent aussi les traits de leurs enfants et leur intérêt à l’égard du monde qui les entoure. D’ailleurs, les repas familiaux sont l’occasion pour les parents de jauger l’humeur et les besoins de leurs enfants, afin de mieux connaître leurs problèmes et de les aider à les régler.

Des études ont aussi prouvé que le repas familial aurait un « effet protecteur », c’est-à-dire que les enfants et les adolescents qui mangent plus régulièrement en compagnie de leurs proches bénéficient d’une meilleure alimentation et sont moins sujets à l’embonpoint. En outre, ceux-ci seraient moins touchés par divers troubles affectifs, obtiendraient de meilleurs résultats scolaires et seraient moins vulnérables aux comportements à risque, notamment aux problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie.

Toutefois, il s’avère difficile de déterminer clairement pourquoi les repas familiaux auraient un tel effet protecteur, et il est encore plus complexe d’isoler la part qui leur est effectivement attribuable par rapport aux autres facteurs familiaux. À cet égard, une étude menée récemment par deux sociologues américains permet de croire que la plupart des liens de cause à effet entre les repas familiaux et les éventuels bénéfices pour les jeunes dépendent surtout des caractéristiques socioéconomiques de la famille, qui font en sorte que de tels repas en famille sont possibles.

Les familles se transforment, et les repas familiaux aussi

Au fil du temps, le repas familial a fini par représenter la quintessence de la famille dans l’imaginaire collectif, et on constate que chaque génération a déploré, chacune à son tour, le déclin des traditions à cet égard. Déjà dans les années 1920, on s’inquiétait du fait que l’accès aux loisirs et l’avènement de l’automobile puissent nuire aux repas en famille!

Selon la sociologue Anne Murcott, cet « idéal » dépeint une réalité surtout propre à la classe moyenne, puisque ce sont ces familles-là qui craignent le plus de s’en éloigner. Or, si le repas en famille incarne la stabilité en période de changement, les regrets exprimés quant à sa disparition graduelle cachent sans doute un dépit, voire une crainte, de voir changer les structures et les modes de vie des familles.

Pourtant, les données provenant d’études de marché s’avèrent très variables en ce qui concerne les repas familiaux, et ne permettent pas d’établir des conclusions nettes. Par exemple, une entreprise commerciale d’études de marché informait ses clients que 80 % des familles canadiennes prenaient un repas en famille au moins quatre fois par semaine, en 2013; au Québec, la proportion atteignait 90 %. Or, selon une enquête menée pour le compte d’un autre client en 2014, la même firme établissait qu’à peine 20 % des familles mangeaient ensemble plus de deux fois par semaine, et que 5 % d’entre elles n’avaient jamais l’occasion de se réunir autour d’un repas.

Si les données des études de marché sont parfois contradictoires, les études universitaires et les données colligées par les gouvernements sont par ailleurs relativement rares. Néanmoins, des données probantes aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Scandinavie révèlent qu’environ un repas sur deux se prend en famille. D’après les données de la Child Trends Data Bank recueillies auprès des enfants aux États-Unis pour la période de 2003 à 2013, la fréquence des repas en famille aurait peu changé au fil des ans, alors que 55 % des enfants de 6 à 11 ans déclarent prendre un repas en famille à raison de six ou sept jours par semaine, cette proportion reculant à 30 % chez les enfants de 12 à 17 ans.

Selon un sondage réalisé en 2010 au Royaume-Uni, 25 % des familles se réunissaient presque tous les jours pour manger, alors que seulement 10 % des familles ne mangeaient jamais ensemble le soir, et que 5 % d’entre elles ne passaient pas plus de 10 minutes ensemble à table.

Au lieu de se désoler du déclin du repas familial, peut-être faudrait-il revoir notre rapport à l’alimentation et, corollairement, réévaluer le véritable sens des liens qui nous unissent aux gens qui partagent délibérément notre table, c’est-à-dire la famille, les amis et les proches.

Au Canada pour la période de 1996 à 2005, les données indiquent que les gens qui travaillent ont moins de temps à consacrer aux activités familiales (y compris les repas en famille) et sont plus susceptibles de manger seuls au moins une fois par jour. Dans son Enquête sociale générale de 2010, Statistique Canada révèle que les Canadiens ne prennent que 60 à 70 minutes pour manger à la maison (les jeunes étant les plus pressés à cet égard), et ce, même si les gens consacrent environ le quart de leurs heures d’éveil à des activités liées à l’alimentation (manger à la maison ou au restaurant, cuisiner, faire la vaisselle, etc.). En 2011, un autre rapport sur les habitudes de consommation révélait que 55 % des Canadiens réservaient un quart d’heure ou moins à la préparation des repas.

Bien que ces statistiques semblent indiquer un recul du temps consacré aux repas en famille, elles ne donnent aucune information concrète sur l’évolution du nombre et du type de repas familiaux. Il faut toutefois reconnaître que les changements démographiques quant aux modes de cohabitation ont sûrement un impact. Selon les données du recensement effectué au Canada en 2011, les ménages composés d’une seule personne représentaient jusqu’à 27,6 % de tous les foyers, soit une proportion trois fois plus importante qu’en 1961 (cette hausse touchant particulièrement le Québec).

Par conséquent, la proportion accrue des repas pris en solitaire n’est pas étonnante. Dans la même veine, un sondage mené récemment aux États-Unis indique que 60 % des repas consommés ailleurs qu’à la maison se prennent seuls.

Pourtant, il semble bien que la majorité des gens valorisent encore et toujours les repas en famille, peu importe la manière de les définir, et qu’ils souhaiteraient pouvoir en bénéficier. Dans le cadre de l’enquête au Royaume-Uni évoquée précédemment, on a constaté que les trois quarts des gens désiraient mettre plus d’accent sur les repas en famille, mais plusieurs répondants admettent du même souffle être confrontés à de nombreux obstacles pour y parvenir, notamment le manque de temps, les exigences professionnelles, les activités sociales, les activités structurées (en particulier les activités parascolaires des enfants), ainsi que la multiplication des possibilités de manger ailleurs qu’à la maison.

D’ailleurs, le repas familial à l’heure du midi a déjà pratiquement disparu, et la même chose est en voie de se produire pour le petit-déjeuner puisque les parents déclarent manquer de temps pour préparer ce repas à leurs enfants avant l’école.

Les gens ont donc tendance à manger au moment et à l’endroit qui leur convient, et de manière moins formelle et structurée.

En 2012, le rapport d’un expert-conseil en milieu de travail révélait que trois travailleurs sur dix ne s’arrêtent pas pour manger à l’heure du midi, et que quatre sur dix mangent seuls à leur bureau. En France, la situation est très différente puisque le rituel du repas en bonne compagnie est encore au cœur de la vie sociale quotidienne. En Italie, les trois quarts de la population prennent le temps de manger chez eux en mi-journée.

Chez les Nord-Américains, la tendance est à prendre plusieurs petits repas et collations répartis sur la journée, alors que les Français mangent plutôt trois fois par jour, soit le matin, le midi et le soir, ce qui témoigne de l’attachement aux habitudes traditionnelles liées aux repas. À 13 h, près de la moitié de la population française est attablée pour le repas du midi, et vers 20 h 15, plus du tiers des Français prennent le souper. Qu’il s’agisse d’un repas en famille ou en compagnie d’amis ou de collègues, ils prennent 80 % de leurs repas avec des convives.

Les statistiques au sujet des repas familiaux n’indiquent à peu près rien quant à la forme ou la qualité de ces rassemblements, mais il semble toutefois évident que les habitudes changent au même rythme que l’organisation sociale, notamment en ce qui a trait aux responsabilités professionnelles et à la technologie. Ainsi, les repas à heures fixes en compagnie des proches semblent avoir cédé le pas à une structure moins rigide, où « grignoter » par-ci par-là devient la norme, contrairement aux fameux « trois repas par jour » si chers à plusieurs aînés, particulièrement ceux d’ascendance européenne.

Et alors qu’il semble de plus en plus compliqué pour la famille de se réunir pour manger ensemble à la maison, les produits alimentaires n’ont jamais été aussi accessibles, notamment dans les centres urbains, et il est possible de manger à toute heure du jour ou de la nuit ailleurs qu’à la maison, c’est-à-dire dans les restaurants, les centres commerciaux, les services au volant ou même les commerces qui n’ont aucune vocation alimentaire, comme les magasins à grande surface et les centres de jardinage. Les gens ont donc tendance à manger au moment et à l’endroit qui leur convient, et de manière moins formelle et structurée.

Qu’adviendra-t-il du repas en famille?

Bref, les familles se réunissent encore pour manger ensemble, mais c’est souvent au centre commercial, dans un établissement de restauration rapide ou encore dans l’auto en se rendant au match de basketball ou à la leçon de danse… Dans quelle mesure peut-on considérer qu’il s’agit de repas familiaux? À vrai dire, les dénominateurs communs y sont toujours, c’est-à-dire la nourriture et la présence de la famille, mais d’aucuns diront qu’il manque une dimension symbolique et culturelle importante associée au repas partagé en famille à la maison. La transmission culturelle inhérente aux repas de famille et la fonction rythmique qui structure le quotidien sont-elles alors partiellement occultées? Si le repas se prend dans la voiture familiale, par exemple, les parents ne pourront peut-être pas manifester leur amour et leur sens des responsabilités de la même manière qu’à la maison, et il leur sera plus difficile dans un tel contexte de montrer les bonnes manières associées aux repas. Du reste, le cadre n’est sans doute pas le plus propice à créer un refuge par rapport au monde extérieur ou à refléter l’unité familiale.

Le fait de manger ensemble – peu importe le menu et l’endroit – contribue éventuellement à créer et à consolider des liens entre les membres de la famille.

Pourtant, malgré les circonstances, on aurait tort de sauter aux conclusions : même en auto ou attablés à un restaurant-minute, n’est-il pas possible de discuter de la journée de l’un ou de s’informer des travaux scolaires de l’autre? Certains n’hésitent pas à mettre en doute une telle hypothèse, mais d’autres études laissent plutôt croire que les familles agissent à peu près comme à la maison même lorsqu’elles mangent à l’extérieur.

En somme, le fait de manger ensemble – peu importe le menu et l’endroit – contribue éventuellement à créer et à consolider des liens entre les membres de la famille. Au lieu de se désoler du déclin du repas familial, peut-être faudrait-il revoir notre rapport à l’alimentation et, corollairement, réévaluer le véritable sens des liens qui nous unissent aux gens qui partagent délibérément notre table, c’est-à-dire la famille, les amis et les proches.

Il est possible de préserver ce que les repas familiaux ont d’enrichissant, et de privilégier ces aspects chaque fois que l’occasion de manger se présente. Ne faudrait-il pas recommencer à voir les repas comme des moments favorables à la convivialité et aux liens sociaux? Plutôt que de manger seul, sur le coin du bureau ou en voiture, on peut toujours se réunir pour profiter d’un bon repas et de la présence des autres.

 


Paul Fieldhouse est professeur auxiliaire au Département des sciences de la nutrition pour les humains de l’Université du Manitoba. Il est aussi conseiller en recherche et en politiques pour le compte du gouvernement du Manitoba. M. Fieldhouse est titulaire d’un doctorat interdisciplinaire en alimentation et en sciences religieuses.

Cet article est une version revue et mise à jour de l’article « Manger ensemble : le rituel du repas familial », publié d’abord dans le magazine Transition (Vol. 45 no 1).

L’état actuel de la recherche sur les familles des militaires

Heidi Cramm, Deborah Norris, Linna Tam-Seto, Maya Eichler et Kimberley Smith-Evans

Depuis les années 1990, on assiste à une transformation de la nature, de la fréquence et de l’intensité des opérations militaires. Or, cette transformation a aussi des conséquences sur les familles des militaires canadiens. De fait, le rythme des opérations s’est accentué et celles-ci se succèdent presque en continu, et le rôle du personnel des Forces armées canadiennes (FAC) est passé de « soldats de maintien de la paix à artisans de la paix à guerriers »1. En 2013, le Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes publiait un rapport majeur sur la santé et le bien-être des familles des militaires, sous le titre Sur le front intérieur : Évaluation du bien-être des familles des militaires canadiens en ce nouveau millénaire. Ce rapport mettait en relief le contexte associé à l’évolution des opérations militaires des FAC, le sens à lui donner ainsi que les conséquences qui en découlent, et ce, tant du point de vue des militaires et des vétérans que de leur famille.

Le rapport de l’ombudsman insistait notamment sur les facteurs qui touchent la plupart des militaires et leur famille durant la majeure partie de la carrière militaire, soit la mobilité, l’absence du foyer et la notion de risque2. De fait, les familles des militaires canadiens sont appelées à déménager de trois à quatre fois plus souvent que les familles civiles, en ayant très peu d’influence sur le choix des endroits, du moment et de la durée à cet égard, ce qui perturbe entre autres la continuité des soins de santé et l’accès à ceux-ci. Les déménagements fréquents affectent aussi la participation à l’école et le rendement scolaire des enfants, en plus d’avoir une incidence sur l’accès aux services éducatifs pour les enfants ayant une incapacité ou des difficultés d’apprentissage particulières3. En outre, les réinstallations affectent les possibilités professionnelles des non-militaires de la famille, ainsi que la capacité des familles de s’occuper des proches plus vulnérables, comme les parents vieillissants. Il n’est pas rare pour celles-ci de devoir composer avec des absences prolongées en raison d’un déploiement ou d’un entraînement militaire, sans compter le caractère bien réel associé aux risques de blessures ou de maladies permanentes, ou même de décès, en lien avec les entraînements intensifs ou les déploiements4. Bien que les familles des militaires canadiens accordent beaucoup de valeur au service militaire dont s’acquitte l’un des leurs et qu’ils en tirent une grande fierté, il n’en demeure pas moins que la mobilité et l’absence du foyer de même que « les bouleversements incessants de la vie militaire5 » sont des agents perturbateurs importants pour celles-ci. Certains conjoints non militaires interrogés aux fins de cette étude estimaient que leurs enfants « payaient un prix pour le service au pays de leur parent6 ».

« Les facteurs qui touchent la plupart des militaires et leur famille durant la majeure partie de la carrière militaire [sont] la mobilité, l’absence du foyer et la notion de risque. »

Même si des recherches ont cours depuis environ un quart de siècle au sujet des familles des militaires canadiens, les initiatives concrètes visant à consolider ce créneau d’étude ont souffert – du moins jusqu’à tout récemment – de l’insuffisance des ressources financières en recherche civile et des difficultés à maintenir un cadre collaboratif. Toutefois, cette situation a évolué grâce aux réseaux mis sur pied par l’entremise de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans. À l’heure actuelle, les études portant sur la situation des familles des militaires en service concernent très majoritairement la réalité vécue aux États-Unis. Ces dernières années, les textes spécialisés publiés dans le domaine mettaient surtout l’accent sur les conséquences de la vie militaire pour les familles, de même que sur les moyens de favoriser la résilience au sein des familles des militaires7. En ce sens, on entend par résilience la « force d’adaptation ou la capacité de maintenir ou de retrouver un état psychologique sain malgré l’adversité8 ». [traduction]

« Ces dernières années, les textes spécialisés publiés [sur les familles des militaires] mettaient surtout l’accent sur les conséquences de la vie militaire pour les familles, de même que sur les moyens de favoriser la résilience au sein des familles des militaires. »

Dans l’ensemble, les perspectives de la recherche axée sur les familles des militaires avaient principalement comme objet les risques ou les problèmes inhérents9. De fait, il n’existe que très peu d’études sur les facteurs (ou la combinaison de facteurs) favorisant la résilience perpétuelle qui sous-tend la vie de famille chez les militaires10. On sait peu de choses concernant les mécanismes qui soutiennent cette résilience. Au contraire, on s’est surtout penché sur les conséquences des déploiements en lien avec divers aspects psychologiques, sociaux, éducatifs et comportementaux11–14. Par exemple, on a constaté que la santé psychologique d’un parent en déploiement ou de celui qui reste au foyer est susceptible d’influencer les enfants à différents moments de leur développement. L’étude américaine Children on the Homefront portant sur les incidences des opérations militaires sur le bien-être des enfants a ainsi permis de constater que la santé mentale des parents qui restent à la maison pendant le déploiement du conjoint influence largement la prévalence de problèmes affectifs, sociaux et éducatifs chez les enfants, et ce, pendant et après le déploiement15. Dans un rapport publié récemment sur l’état actuel de la recherche au Canada et à l’étranger en ce qui a trait aux conséquences sur la santé et le bien-être de la famille à la suite de blessures de stress opérationnels (BSO)16, on soulignait les effets néfastes manifestes à cet égard sur la dynamique familiale de même que sur la santé et le bien-être des membres de la famille. En outre, ces familles seraient plus vulnérables que les autres aux difficultés affectives, psychologiques, comportementales, sociales et d’apprentissage, et leurs membres plus sujets à la négligence ou à la maltraitance17.

« La santé psychologique d’un parent en déploiement ou de celui qui reste au foyer est susceptible d’influencer les enfants à différents moments de leur développement. »

Or, il s’avère difficile de déterminer à quel point les conclusions de telles études sont pertinentes en fonction de la réalité canadienne. De fait, les familles des militaires canadiens (particulièrement ceux qui ne sont pas en service actif) déplorent le fait que « nous savons peu de choses sur le sujet dans le contexte canadien18 ». En effet, même s’il est possible d’élargir plusieurs de ces constats pour les appliquer à la réalité du Canada, il existe toutefois d’importantes différences qui justifieraient de chercher à mieux connaître les besoins uniques des enfants, des conjoints et des familles des militaires canadiens19. Au Canada, par exemple, contrairement à ce qui prévaut au États-Unis, les familles des militaires ont recours au système civil de soins de santé et, par conséquent, ont la responsabilité de trouver un médecin omnipraticien ou spécialiste suivant leurs besoins, et ce, tout en tenant compte bien souvent des particularités et des critères d’admissibilité des différents régimes provinciaux de soins de santé. Dès lors, les membres des familles de militaires sont privés du caractère permanent des soins et tributaires de nouvelles listes d’attente à chaque déménagement, ce qui mine effectivement la possibilité de bénéficier de soins réguliers auprès d’un professionnel de la santé attitré. Faute de pouvoir trouver un nouveau médecin, plusieurs familles de militaires canadiens n’hésitent pas à retourner consulter leur médecin traitant dans la région de leur affectation précédente. Lorsque certains membres de la famille ont besoin de soins médicaux particuliers ou sont atteints d’une incapacité, il peut s’avérer frustrant et coûteux de chercher des soins dans un nouveau régime de soins de santé, sans compter les difficultés résultant des divergences dans les critères d’admissibilité et les politiques de remboursement. Dans certains cas, les difficultés tiennent aussi au fait que certains médecins de famille « ont une compréhension superficielle des caractéristiques de la vie militaire, ce qui peut aussi avoir une incidence sur la qualité et la continuité des soins20 ».

Les difficultés vécues par les familles des militaires par rapport au système de soins de santé trouvent aussi écho dans le domaine de l’éducation. Il y a 20 ans, 80 % des familles des FAC vivaient sur une base militaire et y fréquentaient une école encadrée par le ministère de la Défense nationale. Or, non seulement ce système d’éducation est-il disparu, mais 85 % des familles des FAC vivent désormais à l’extérieur des bases militaires et fréquentent les écoles de quartier21, où le personnel enseignant non militaire connaît mal les facteurs de stress associés à la vie des militaires, de même que les répercussions sur leurs conjoints et enfants. De plus, contrairement à ce qui existe aux États-Unis ou au Royaume-Uni, les ministères fédéraux du Canada ne versent aucun financement aux commissions scolaires des différentes provinces pour adapter les programmes d’éducation en fonction de la réalité des familles des militaires, qu’il s’agisse d’un transfert d’école, d’un déploiement ou des problèmes associés à une BSO chez l’un des parents22, 23. À chaque transfert d’école, les élèves atteints d’une incapacité ou nécessitant des services éducatifs particuliers doivent se soumettre à nouveau au processus d’évaluation et d’attribution des ressources, ce qui représente une importante source de stress pour ces familles24.

« Il faudra s’employer à définir clairement les enjeux et les besoins particuliers [en matière de santé] en contexte canadien. »

Le Canada s’est doté de programmes et de services ciblés au bénéfice des familles, notamment pour l’encadrement en situation de crise, le soutien par les pairs, les services de psychoéducation, ainsi que les services de consultation offerts par l’entremise de divers organismes, comme les Centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM), mais l’offre de tels services demeure inégale selon les régions et les centres urbains. Par ailleurs, le Canada a fait preuve de leadership en mettant sur pied divers programmes et services axés sur la famille, comme la production de la série de webinaires Le pouvoir de l’esprit25 destinée aux adolescents. Cependant, il n’a pas été démontré clairement dans quelle mesure la plupart de ces initiatives se fondent sur des éléments factuels, ni à quel point leur efficacité repose sur une évaluation rigoureuse.

Pour s’assurer que les conjoints et partenaires des militaires ainsi que les quelque 64 100 enfants canadiens qui grandissent au sein d’une famille de militaires puissent bénéficier des mêmes avantages en matière de santé que leurs concitoyens civils, il faudra s’employer à définir clairement les enjeux et les besoins particuliers en contexte canadien. Toutefois, malgré l’importance de cibler ces besoins, il faudra aussi que les chercheurs s’intéressent aux connaissances et aux compétences dont devront disposer les éducateurs, les fournisseurs de soins de santé et les partenaires communautaires afin d’épauler et soutenir efficacement les familles des militaires. À terme, ces constatations serviront de base à d’éventuels programmes et initiatives fondés sur des données probantes.

 


 

Auteurs

Heidi Cramm, School of Rehabilitation Therapy, Université Queen’s, Kingston (Ont.)

Deborah Norris, Département de gérontologie et d’études de la famille, Université Mount Saint Vincent, Halifax (N.-É.)

Linna Tam-Seto, School of Rehabilitation Therapy, Université Queen’s, Kingston (Ont.)

Maya Eichler, Département de politique et d’études canadiennes, Université Mount Saint Vincent, Halifax (N.-É.)

Kimberley Smith-Evans, Département de politique et d’études canadiennes, Université Mount Saint Vincent, Halifax (N.-É.)

 

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Cet article est tiré de « Making Military Families in Canada a Research Priority », qui présente une discussion sur les priorités de recherche futures. L’article original, publié en ligne dans le Journal of Military, Veteran and Family Health en novembre 2015 (Volume 1 n° 2), peut être consulté sur le site Web du journal.

 

NOTES

  1. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes (2013). Sur le front intérieur : Évaluation du bien-être des familles des militaires canadiens en ce nouveau millénaire, Ottawa, Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
  2. Ibidem
  3. Bradshaw, CP., Sudhinaraset, M., Mmari, K. et autres (2010). « School Transitions Among Military Adolescents: A Qualitative Study of Stress and Coping » dans School Psychology Review, vol. 39, n° 1, p. 84-105.
  4. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
  5. Ibidem
  6. Ibidem
  7. Saltzman, WR., Lester, P., Beardslee, WR. et autres (2011). « Mechanisms of Risk and Resilience in Military Families: Theoretical and Empirical Basis of A Family-Focused Resilience Enhancement Program » dans Clinical Child and Family Psychology Review, vol. 14, n° 3, p. 213-230. [MEDLINE : 21655938]
  8. Herrman, H., Stewart, DE., Diaz-Granados, N. et autres (2011). « What Is Resilience? » dans Canadian Journal of Psychiatry, vol. 56, n° 5, p. 258-265. [MEDLINE : 21586191]
  9. Easterbrooks, MA., Ginsburg, K. et Lerner, RM. (2013). « Resilience Among Military Youth » dans Future Child, vol. 23, n° 2, p. 99-120. [MEDLINE : 25518694]
  10. Palmer, C. (2008). « A Theory of Risk and Resilience Factors in Military Families » dans Military Psychology, vol. 20, n° 3, p. 205-217.
  11. Aronson, KR. et Perkins, DF. (2013). « Challenges Faced by Military Families: Perceptions of United States Marine Corps School Liaisons » dans Journal of Child and Family Studies, vol. 22, n° 4, p. 516-525.
  12. Cederbaum, JA., Gilreath, TD., Benbenishty, R. et autres (2014). « Well-Being and Suicidal Ideation of Secondary School Students from Military Families » dans Journal of Adolescent Health, vol. 54, n° 6, p. 672-677. [MEDLINE : 24257031]
  13. Cozza, SJ. (2011). « Children of Military Service Members: Raising National Awareness of the Family Health Consequences of Combat Deployment » dans Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine, vol. 165, n° 11, p. 1044-1046. [MEDLINE : 21727261]
  14. Chandra, A., Lara-Cinisomo, S., Jaycox, LH. et autres (2010). « Children on the Homefront : The Experience of Children from Military Families » dans Pediatrics, vol. 125, n° 1, p. 16-25. [MEDLINE : 19969612]
  15. Ibidem
  16. Norris, D., Cramm, H., Eichler, M., Tam-Seto, L. et Smith-Evans, K. (2015). Operational Stress Injury: The Impact on Family Mental Health and Well-Being. A Report to Veterans Affairs Canada.
  17. Ibidem
  18. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
  19. Dursun, S. et Sudom, K. (2009). Impacts of Military Life on Families: Results from the Perstempo Survey of Canadian Forces Spouses, Ottawa, Recherche et développement pour la défense Canada.
  20. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
  21. Services de soutien aux familles des militaires. Services de bien-être et moral des Forces canadiennes (s.d.). Le mode de vie des familles des Forces canadiennes : mythes et réalité. (Page Web consultée le 10 septembre 2015)
  22. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
  23. National Military Family Association (2006). Department of Defense Support to Civilian Schools Educating Military Children, Alexandria (Virginie), The Association.
  24. Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
  25. Services de soutien aux familles des militaires. Services de bien-être et moral des Forces canadiennes (s.d.). Le pouvoir de l’esprit. Comprendre la BSO d’un membre de votre famille. (Page Web consultée le 10 septembre 2015)

 

La vie en ligne des jeunes Canadiens

Matthew Johnson

La Semaine éducation médias se tiendra du 2 au 6 novembre. Il s’agit d’un événement soulignant l’importance de l’enseignement des médias et de la littératie numérique aux enfants et aux adolescents, afin que leurs interactions avec les médias soient positives et enrichissantes. Dans le blogue cette semaine, Matthew Johnson de HabiloMédias s’intéresse au comportement des jeunes en ligne et se questionne sur le rôle des parents dans la façon dont leurs enfants abordent le Web.


 

Natifs du numérique; technophiles; narcissiques; innovateurs; méchants. Beaucoup d’hypothèses sont lancées à propos des enfants en ligne. Toutefois, les étiquettes utilisées sont souvent trompeuses et déphasées par rapport à l’usage que font vraiment les jeunes des technologies en réseau. Dans le but de mieux comprendre les pratiques en ligne des enfants et des jeunes Canadiens, l’initiative HabiloMédias (un organisme canadien sans but lucratif d’éducation aux médias et de littératie numérique) a mené un vaste sondage national auprès d’élèves de la 4e à la 11e année* dans le cadre du projet de recherché Jeunes Canadiens dans un monde branché, dont les premières démarches remontent à l’an 2000.

Huit ans, c’est long quand il s’agit d’Internet. Entre la publication de la phase II de l’étude d’HabiloMédias intitulée Jeunes Canadiens dans un monde branché en 2005, et la réalisation d’un sondage national auprès des élèves pour la phase III en 2013, Internet a connu une énorme transformation : les vidéos en ligne, auparavant lentes et pleines de bogues, sont devenues l’une des activités les plus populaires sur le Web, tandis que le réseautage social est maintenant largement répandu tant chez les adultes que chez les jeunes.

Les expériences vécues en ligne par les jeunes ayant également changé, HabiloMédias a interrogé 5 436 élèves canadiens de la 4e à la 11e année, dans des classes de chaque province et territoire, afin de découvrir la teneur de cette évolution. Le premier rapport issu de ce sondage, La vie en ligne, porte sur ce que les jeunes font en ligne, les sites qu’ils consultent et leurs comportements face à la sécurité en ligne, les règles d’utilisation d’Internet à la maison et la déconnexion de la technologie numérique.

Presque tous les jeunes ont accès à Internet

Personne ne sera surpris d’apprendre que presque tous les jeunes vont en ligne. En fait, 99 % des élèves interrogés ont accès à l’Internet en dehors de l’école grâce à l’utilisation de différents appareils. Le plus gros changement qui s’est produit depuis le dernier sondage réside dans la multiplication des appareils mobiles comme les tablettes, les téléphones intelligents et les lecteurs MP3 optimisés pour le Web, qui fournissent aux jeunes un accès au Web en continu – et souvent sans surveillance.

Le précédent rapport Jeunes Canadiens dans un monde branché, paru en 2005, révélait que la plupart des d’élèves consultaient Internet à partir d’un ordinateur familial à la maison (c’est-à-dire dans le salon ou la cuisine, pour que les parents puissent garder un œil bienveillant sur leurs enfants pendant que ceux-ci naviguaient en ligne). Désormais, les appareils personnels et mobiles en réseau (comme les tablettes et les téléphones intelligents) constituent le principal point d’accès pour bon nombre de ces élèves.

On a constaté que l’accès à Internet grâce à un ordinateur portable et personnel augmentait en fonction de l’âge, alors que l’utilisation d’un ordinateur familial partagé avait chuté. Ainsi, 64 % des élèves de 4e année ont déclaré qu’ils utilisaient un ordinateur familial pour accéder à du contenu en ligne hors de l’école, mais cette proportion chute à 37 % pour les élèves de 11e année. Par contre, les données indiquent que 24 % des élèves de 4e année possèdent un téléphone cellulaire ou un téléphone intelligent, et cette proportion grimpe à 52 % chez les élèves de 7e année et à 85 % parmi les élèves de 11e année.

Par ailleurs, il ne faudra peut-être pas s’étonner de constater que la possession de tels appareils est en corrélation avec le niveau d’aisance de la famille. En effet, la proportion d’élèves très aisés qui possèdent un ordinateur portable est plus élevée comparativement aux élèves moyennement aisés (74 % par rapport à 61 %), et il en va de même pour le cellulaire (49 % par rapport à 41 %), ainsi que pour les consoles de jeux vidéo (45 % par rapport à 38 %).

Les élèves sont non seulement branchés, mais ils restent branchés : plus du tiers de ceux qui possèdent un cellulaire disent dormir avec leur téléphone au cas où ils recevraient des appels ou des messages pendant la nuit. Cette réalité touche autant les filles que les garçons (respectivement 39 % et 37 % de ceux qui possèdent un cellulaire). Cette tendance augmente d’une année à l’autre jusqu’à un peu plus de la moitié des élèves de 11e année (51 %), mais un cinquième des élèves de 4e année disent déjà en faire autant.

Les élèves savent pertinemment qu’ils passent beaucoup de temps « branchés » : 40 % des filles et 31 % des garçons disent s’inquiéter de passer trop de temps en ligne. Lorsqu’ils ont été interrogés sur la façon dont ils se sentiraient si, pendant une semaine, ils ne pouvaient se connecter à Internet sauf pour faire des travaux scolaires, un peu moins de la moitié (49 %) ont affirmé qu’ils seraient bouleversés ou malheureux. Il est intéressant de constater que les élèves anglophones à l’extérieur du Québec ont plus tendance à être bouleversés à cet égard que leurs homologues francophones du Québec (51 % contre 40 %). Toutefois, 46 % de tous les élèves indiquent que cela les laisserait indifférents, et 5 % mentionnent même qu’ils seraient soulagés ou heureux de ne pas pouvoir se connecter à Internet.

Plusieurs élèves essaient de maintenir un équilibre entre leurs activités virtuelles et celles de la vie réelle, et affirment qu’ils choisissent parfois de se déconnecter pour passer plus de temps avec leur famille et des amis (77 %), pour sortir à l’extérieur, jouer à un jeu ou pratiquer un sport (71 %), pour lire un livre (44 %) ou seulement pour profiter d’un moment de solitude (45 %). Seuls 4 % affirment ne jamais se déconnecter pour l’une ou l’autre de ces raisons.

Les jeunes vont sur Internet pour apprendre, jouer et socialiser

Que font les jeunes Canadiens lorsqu’ils sont en ligne? Pour plusieurs, Internet constitue un outil d’apprentissage et de partage de l’information : environ la moitié (49 %) des élèves de tous les niveaux de classe disent s’être connectés pour trouver de l’information sur les nouvelles et l’actualité, et la moitié des élèves de la 7e à la 11e année ont partagé des liens menant à divers articles d’actualité. Toutefois, ils sont relativement peu nombreux à participer à des débats en ligne, c’est-à-dire à publier des commentaires sur un site d’actualités (71 % des élèves de la 7e à la 11e année ne l’ont jamais fait) ou à se joindre à un groupe de militants (65 % de tous les élèves ne l’ont jamais fait).

Les élèves recherchent des renseignements sur des sujets sensibles tels que les questions de santé mentale, la sexualité, la santé physique et les difficultés relationnelles.

Cependant, il n’y a pas que les nouvelles et l’actualité qui intéressent les enfants et les jeunes. Plusieurs déclarent utiliser l’Internet pour trouver de l’information sur la santé et le bien-être, qu’il s’agisse de questions de santé physique (20 % des filles et 16 % des garçons), de santé mentale (14 % des filles et 9 % des garçons) ou de difficultés relationnelles (18 % des filles et 9 % des garçons). La proportion d’élèves qui recourent à Internet comme source d’information augmente progressivement de la 4e à la 11e année.

Par rapport aux élèves plus jeunes, un pourcentage supérieur d’élèves de la 7e à la 11e année recherchent des renseignements sur des sujets sensibles tels que les questions de santé mentale, la sexualité, la santé physique et les difficultés relationnelles. Toutefois, près du quart (22 %) des élèves n’utilisent pas Internet pour trouver de l’information sur ces sujets. Près du tiers des élèves sont déjà allés en ligne pour demander conseil à un spécialiste (30 %) ou à d’autres jeunes (33 %) concernant un problème personnel, mais seul un faible pourcentage d’entre eux le font souvent.

Les deux tiers des élèves disent s’adonner à des jeux en ligne, mais cette activité est beaucoup plus populaire chez les garçons (71 %) que chez les filles (47 %). À la différence d’autres activités en ligne qui ont tendance à augmenter en fonction de l’âge, la proportion d’élèves qui jouent à des jeux en ligne diminue au fil du temps, passant du niveau le plus élevé atteint en 5e année à hauteur de 77 % jusqu’au niveau le plus bas en 10e année, soit 42 %.

Par ailleurs, il n’est pas surprenant de constater que le réseautage social figure également parmi les activités populaires, particulièrement parmi les répondants les plus âgés. La participation accrue aux activités liées au réseautage social est en corrélation avec la documentation sur le développement, selon laquelle les rapports sociaux sont de plus en plus importants au fur et à mesure du passage de l’enfance à l’adolescence. De la 4e à la 11e année, les activités qui consistent à lire sur les sites d’autres personnes passent de 18 à 72 %, publier sur Twitter de 5 à 42 %, suivre des amis ou des membres de la famille sur Twitter de 8 à 39 %, publier sur son propre site de 19 à 50 % et suivre des vedettes sur Twitter de 5 à 32 %. Les filles ont davantage tendance que les garçons à utiliser le réseautage social pour communiquer avec leurs amis ou les membres de leur famille (45 % publient sur leur propre site de réseautage social, comparativement à 36 % des garçons).

Plusieurs parents règlementent l’utilisation que font leurs enfants d’Internet

La présence parentale demeure un facteur à considérer dans la vie en ligne des enfants, puisque 84 % des élèves interrogés disent devoir se conformer à des règles à la maison relativement à leurs activités en ligne. Les règles les plus courantes concernent les activités suivantes : publier des renseignements personnels en ligne (55 %), discuter avec des étrangers en ligne ou sur un cellulaire (52 %), éviter certains sites (48 %), traiter les gens avec respect en ligne (47 %) et rencontrer en personne quelqu’un que l’élève ne connaît que par Internet (44 %).

Les règles à la maison pour régir les activités en ligne ont changé depuis l’enquête de 2005. Bien que les groupes de discussion menés par HabiloMédias en 2012 (parents et élèves) aient permis de comprendre que les parents étaient de plus en plus préoccupés par les activités des jeunes en ligne, le nombre moyen de règles d’utilisation d’Internet à la maison a néanmoins diminué depuis 2005. Par exemple, dans le cadre de la précédente enquête, 74 % des élèves mentionnaient l’existence d’une règle à la maison concernant toute rencontre avec une personne connue par l’intermédiaire d’Internet, alors que le pourcentage n’est plus que de 44 % aujourd’hui. En ce qui touche les renseignements personnels, 69 % des élèves devaient se conformer à une règle sur la communication d’information personnelle en 2005, mais seulement 55 % d’entre eux suivent une règle concernant la publication de renseignements personnels sur Internet en 2013.

84 % des élèves interrogés disent devoir se conformer à des règles à la maison relativement à leurs activités en ligne.

Conformément à l’étude précédente, les règles d’utilisation d’Internet à la maison ont des effets positifs significatifs sur ce que les élèves font en ligne, réduisant ainsi les comportements à risque comme afficher ses renseignements personnels, visiter des sites de jeux d’argent, consulter de la pornographie en ligne et parler à des inconnus. En général cependant, le nombre de règles chute considérablement après la 7e année, et les filles de tous âges sont plus susceptibles que les garçons de devoir suivre des règles d’utilisation. En effet, les règles en ligne concernant les activités suivantes sont plus fréquemment imposées aux filles qu’aux garçons : communiquer avec des inconnus (61 % des filles par rapport à 40 % des garçons), rencontrer en personne quelqu’un connu par l’intermédiaire d’Internet (52 % par rapport à 35 %), avertir leurs parents de toute situation qui les rend mal à l’aise en ligne (46 % par rapport à 30 %), et traiter les gens avec respect en ligne (54 % par rapport à 40 %).

La tendance à imposer davantage de règles aux filles tient sans doute à leur plus grande vulnérabilité, mais cette situation s’explique peut-être aussi par le fait qu’Internet n’évoque pas la même réalité pour les filles que pour les garçons. Les filles sont moins susceptibles d’adhérer à l’affirmation selon laquelle « Internet est un endroit sécuritaire pour moi », et ont plus tendance à se dire d’accord avec l’affirmation suivante : « Il pourrait m’arriver quelque chose si je parle à quelqu’un que je ne connais pas en ligne. » Malgré ces différences, tant les garçons que les filles ont confiance en leur capacité de s’occuper d’eux-mêmes, puisque neuf répondants sur dix sont d’accord avec l’affirmation « Je sais comment me protéger en ligne ».

Les jeunes tirent leurs connaissances sur la vie en ligne de plusieurs sources

Les élèves considèrent leurs parents comme une source précieuse pour apprendre des choses à propos d’Internet : près de la moitié (45 %) déclarent que ceux-ci les ont informés au sujet de la cyberintimidation, de la sécurité en ligne et de la gestion de la vie privée. Toutefois, les parents ne représentent pas leur seule source d’information sur les questions relatives à Internet, puisque les élèves mentionnent qu’ils en ont aussi été informés par leurs enseignants (41 %), leurs amis (18 %) ou en lisant en ligne (19 %). En vieillissant, les élèves sont plus susceptibles d’affirmer avoir été informés sur ces questions par leurs enseignants que par leurs parents. Ainsi, les élèves de la 4e à la 6e année étaient plus nombreux à avoir été informés par leurs parents (75 %) que par leurs enseignants (50 %) au sujet de la sécurité en ligne. Un nombre inquiétant d’élèves disent cependant ne pas avoir été informés du tout sur ces sujets. Ainsi, plus de la moitié des élèves de la 4e à la 6e année n’ont appris aucune stratégie pour authentifier l’information en ligne, que ce soit à la maison ou à l’école.

La vie en ligne a soulevé de nombreuses questions nécessitant un examen plus approfondi. Toutefois, il semble déjà évident qu’en dépit de leur confiance dans les outils numériques – ou peut-être à cause d’elle –, les jeunes Canadiens, et particulièrement les enfants du primaire, ont besoin de faire l’apprentissage de compétences en littératie numérique. Les parents et les enseignants ont quant à eux besoin qu’on leur fournisse des outils et des ressources pour les aider à leur inculquer ces compétences.

 


* Les études d’HabiloMédias sont effectuées à travers le Canada. Et pour cette raison, les termes « élèves de la 7e à la 11e année » sont utilisés, et se rapportent au Québec aux élèves de la première à la cinquième année du secondaire.

Cet article a été présenté dans le magazine Transition à l’automne 2013 (vol. 43, no 3).

Matthew Johnson est directeur de l’éducation pour l’organisme HabiloMédias, le centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique.

Pour de plus amples informations ou pour accéder à des ressources sur les médias et la littératie numériques, visitez les sites Web de HabiloMédias et de la Semaine éducation médias.

Les soins de maternité modernes au Canada

Par Cecilia Benoit

Mère d’ascendance micmaque, Georgina arrive au terme de sa grossesse. C’est un peu à contrecœur qu’elle se prépare à quitter sa collectivité de Port aux Basques, à l’extrême sud-ouest de Terre-Neuve, pour aller accoucher à la seule maternité qu’il reste dans sa région, soit à l’hôpital régional Western Memorial de Corner Brook, à quelque 220 kilomètres du lieu de résidence de sa famille et de ses amis. Il y a fort à parier qu’elle n’aura jamais rencontré auparavant le médecin accoucheur ou la sage-femme qui s’occupera d’elle, et les probabilités que son accouchement se termine en césarienne sont de 30 %.

L’objectif no 5 parmi les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) définis par les Nations Unies consiste à « améliorer la santé maternelle ». Il vise essentiellement à favoriser le droit universel des femmes de bénéficier des soins maternels les plus adéquats possible, mais c’est toutefois l’objectif pour lequel les progrès sont les plus lents. À l’instar de Georgina, ce sont les femmes autochtones, celles qui vivent dans la pauvreté ou celles qui habitent en régions rurales ou éloignées qui sont les plus touchées. Le Canada a fait des progrès considérables tout au long du XXe siècle pour améliorer la santé maternelle et instaurer un système universel de soins de maternité, mais il n’en demeure pas moins que plusieurs lacunes persistent, notamment en ce qui a trait à la médicalisation de l’accouchement et aux inégalités dans l’accès aux services de maternité.

Petit historique des naissances au Canada

Dans toutes les cultures, la grossesse et l’accouchement sont des jalons importants de l’existence. Autrefois, la responsabilité des soins à cet égard revenait principalement aux sages-femmes. Les soins pendant la grossesse étaient dispensés dans la collectivité, et l’accouchement se passait à la maison.

Même s’il s’agit d’un phénomène bien antérieur à l’apparition de l’État providence moderne, la médicalisation des soins de maternité au Canada a néanmoins été intégrée et consolidée dans les programmes et la réglementation dans la foulée des politiques de soins universels adoptées et mises en œuvre dès 1972, c’est-à-dire le régime d’assurance maladie.

Le modèle canadien de soins de santé est souvent décrit comme un système de santé universel à payeur unique. Toutefois, le financement et l’offre de services sont dans les faits beaucoup plus complexes. Ils reposent sur la participation des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, des fournisseurs au sein de la collectivité, des compagnies d’assurance privée, de même que sur les individus.

La plupart des médecins travaillent en pratique privée. Leurs services sont payés par divers régimes d’assurance provinciaux ou territoriaux, dont le financement provient des recettes générales des provinces ou territoires, ainsi que de paiements de transferts du gouvernement fédéral par l’entremise du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ou, plus récemment, du Transfert canadien en matière de santé.

Or, en vertu du régime d’assurance maladie, seuls les soins de maternité dispensés par un médecin étaient admissibles au regard du système public de soins de santé, si bien que les médecins (surtout des hommes) ont fini par prendre le relais des sages-femmes dans le domaine des naissances. Par ailleurs, dans le régime public de soins de santé ainsi créé, les médecins ont préservé leur droit de pratiquer comme entrepreneurs autonomes, et ce, où bon leur semble.

C’est donc dire que le système créé dans le cadre du régime d’assurance maladie n’a pas tenu compte des inégalités qui existaient dans l’accès aux services d’un médecin, et ce, tout en faisant du centre hospitalier la plaque tournante du réseau de soins de maternité. En outre, par crainte des infections et par souci d’intimité, on a fini par éloigner les conjoints et les proches de cette réalité vieille comme le monde : l’accouchement.

Les naissances à l’ère moderne au Canada

Au début des années 1980, presque toutes les Canadiennes accouchaient dans des hôpitaux régionaux sous la supervision d’un médecin de famille accoucheur ou d’un obstétricien, avec l’aide d’infirmières en obstétrique. Toutefois, ces changements institutionnalisés ont eu pour conséquence d’isoler les femmes et d’éloigner les nouveaux pères. Or, des recherches ont révélé que les femmes qui bénéficient du soutien de leur conjoint pendant le travail ont moins tendance à exiger des analgésiques, et posent un regard plus positif sur l’accouchement. Suivant la parution d’études montrant l’importance des liens parents-enfants, le système de soins de santé s’est toutefois ajusté afin de permettre aux deux parents de participer activement au processus de la naissance. Aujourd’hui, les conjoints sont présents pour la majorité des naissances, et assument un rôle accru non seulement dans les premiers moments de la vie du nouveau-né, mais aussi en ce qui touche les soins à l’enfant et les tâches domestiques au cours des années qui suivent.

De 1990 à 2013, le nombre de décès liés à la maternité au Canada est passé de 6 à 12 cas par tranche de 100 000 naissances.

En 2013, l’UNICEF classait le Canada au 22e rang (parmi 29 pays riches) en ce qui a trait au taux de mortalité infantile. Le taux s’avérait particulièrement important parmi les peuples autochtones.

À l’heure actuelle, le Canada affiche le plus faible taux de mortalité maternelle en Amérique, notamment grâce aux avancées réalisées au XXe siècle en matière d’éducation des femmes, ainsi que sur le plan de la nutrition, de la régulation des naissances et de l’accès universel aux services médicaux. Il n’en demeure pas moins que, de 1990 à 2013, le taux de mortalité lié à la maternité au Canada est passé de 6 à 12 décès par tranche de 100 000 naissances. À titre comparatif, le taux de mortalité au Japon et dans certains pays européens est désormais deux fois plus faible qu’au Canada, sinon mieux. Par ailleurs, il est tout aussi déconcertant de constater qu’en 2013, le Canada arrivait au 22e rang parmi 29 pays riches au classement de l’UNICEF pour le taux de mortalité infantile, la prévalence de décès à cet égard étant particulièrement élevée chez les Autochtones.

Ces dernières décennies, le nombre de médecins de famille assurant le suivi d’accouchement a considérablement reculé, tout comme le nombre d’hôpitaux offrant des soins de maternité. Du même coup, la proportion de naissances supervisées par des obstétriciens a grimpé en flèche. Ainsi, les obstétriciens participent aujourd’hui à 80 % des naissances dans les hôpitaux ontariens.

Parallèlement, les taux de naissances par césarienne ont connu une augmentation constante, si bien que la proportion d’accouchements par césarienne à l’échelle nationale est passée de 17,6 % en 1995 à 22,5 % en 2001, pour atteindre 27,3 % en 2013 (voir le tableau ci-dessous). À l’heure actuelle, le taux de naissances par césarienne oscille entre les plafonds de 32 % en Colombie-Britannique ou 31 % à Terre-Neuve-et-Labrador, et les taux les plus faibles de 23,1 % en Saskatchewan ou 21,41 % au Manitoba. L’Organisation mondiale de la santé considère que la procédure de naissance par césarienne – qui permet de sauver des vies – demeure sous-utilisée lorsque le taux est inférieur à 10 %, mais devient surutilisée lorsque le taux dépasse 15 %. On a établi que le recours non nécessaire à la césarienne pourrait accroître la morbidité maternelle, notamment en ce qui a trait à l’augmentation des risques de dépression et de stress post-traumatique, à la diminution du taux d’allaitement et aux risques accrus de complications lors des grossesses subséquentes. Les médias laissent généralement entendre que les mères exigent aujourd’hui de plus en plus la césarienne, mais bien peu de données permettent en fait d’établir une corrélation entre l’augmentation du taux national de naissances par césarienne depuis 20 ans et les soi-disant exigences des mères qui souhaiteraient accoucher sans douleur (on parle d’accouchement « de convenance » ou « people »).

 

Les sages-femmes aujourd’hui au Canada

Au cours des années 1990, l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec ont instauré des programmes de formation structurés pour les sages-femmes, leurs services étant financés par les fonds publics et régis par un cadre réglementaire. Depuis, la plupart des autres régions ont emboîté le pas. Cependant, cette profession n’est toujours pas régie ni subventionnée à Terre-Neuve-et-Labrador, au Yukon, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick (voir le tableau). Par ailleurs, à peine 9 % des naissances au Canada sont actuellement confiées à des sages-femmes. Cette proportion est plus élevée dans certaines régions (19 % en Colombie-Britannique, par exemple), mais l’offre ne suffit pas à la demande, si bien qu’un grand nombre de femmes aux quatre coins du pays ne parviennent tout simplement pas à trouver une sage-femme dûment qualifiée dont les services sont financés par les fonds publics.

Du reste, ce sont les femmes les moins éduquées, les jeunes mères, les femmes célibataires, celles vivant en régions rurales ou éloignées, ou encore celles qui appartiennent à des collectivités défavorisées sur le plan socioéconomique qui éprouvent le plus de difficulté à retenir les services subventionnés d’une sage-femme. Selon l’Association des sages-femmes de l’Ontario, 40 % des Ontariennes qui souhaiteraient consulter une sage-femme n’y parviennent pas, et c’est également le cas dans d’autres provinces en ce qui concerne l’accès aux services d’une sage-femme. Suivant les avancées réalisées au Québec et au Manitoba, l’Ontario a récemment instauré deux centres autonomes subventionnés dirigés par des sages-femmes. Malgré cela, bon nombre de femmes autochtones ou non autochtones n’ont toujours pas accès à de tels services. C’est notamment le cas de Georgina dont on a parlé précédemment, qui se trouve plutôt confrontée à la solitude, dans un cadre étranger aux traditions maternelles propres à sa culture, et isolée de sa famille. Il en résulte bien souvent des « accouchements stressants »[2].

Les soins postnataux modernes au Canada

À l’ère moderne, la durée de séjour des Canadiennes à l’hôpital après l’accouchement a considérablement diminué, passant de cinq jours en 1984‑1985 à un peu moins de deux jours actuellement dans le cas d’un accouchement par voie basse. Compte tenu des coûts importants associés à toute hospitalisation, les gestionnaires des établissements misent en effet sur des congés hâtifs pour les mères et leurs nouveau-nés afin de limiter ou de réduire les dépenses liées aux soins obstétricaux. Les femmes qui bénéficient d’un bon réseau de soutien et d’un accès aux services subventionnés d’un médecin ou d’une sage-femme apprécient généralement les congés hâtifs de l’hôpital.

Tout comme autrefois, le soutien de la famille s’avère souvent d’une importance capitale en période postnatale. Partout au pays, les pères ou conjoints sont beaucoup plus impliqués après la naissance que ne l’étaient ceux des générations précédentes, notamment à la faveur des régimes de congés parentaux. Cette évolution des rôles familiaux se poursuit encore aujourd’hui : selon Statistique Canada, 31 % des nouveaux pères canadiens ont demandé un congé parental en 2013 (ou avaient l’intention de le faire), soit une augmentation marquée par rapport au taux de 3 % enregistré en 2000. Au Québec, la proportion est encore beaucoup plus élevée, surtout depuis l’instauration du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), soit le seul régime au pays prévoyant des congés destinés particulièrement aux pères. Depuis la mise en œuvre du RQAP en 2006, le recours à de tels congés a presque triplé, passant de 28 % en 2005 à 83 % en 2013.

Toutefois, les femmes qui ne peuvent compter sur le soutien familial ni sur de telles ressources structurées sont parfois confrontées à des problèmes affectant leur propre santé ou celle de leur enfant. Les systèmes de soins de santé provinciaux ou territoriaux couvrent un éventail limité de soins postnataux. À l’échelle fédérale, la participation à cet égard se limite généralement à relayer de l’information par l’entremise des provinces, et à formuler des lignes directrices nationales en matière de soins de maternité et de néonatalité. Dans certaines régions, il est encore possible de bénéficier de la visite optionnelle d’un intervenant ou d’une infirmière en santé publique, mais ailleurs, les services offerts au retour à la maison se limitent à un simple appel téléphonique de la part d’une infirmière en santé publique.

Afin de combler ces lacunes, on a assisté à l’apparition de divers services privés de soins postnataux, même si aucune étude n’a encore été publiée au sujet de tels services à but lucratif au Canada. Les services d’une aide en soins postnataux qui sont proposés sur Internet concernent diverses mesures de soutien concrètes et ciblées, comme les soins au nouveau-né, le soutien à l’allaitement naturel ou au biberon, les services de garde d’enfants, la préparation des repas, les tâches ménagères, etc. Malheureusement, le coût relativement élevé de ces formes de soutien ne convient qu’à ceux et celles qui en ont les moyens. Les services d’aide offerts en ligne coûtent généralement autour de 25 $ de l’heure, ou de 100 $ à 1 000 $ pour divers forfaits d’une nuit ou d’une semaine. Il faudra d’autres études dans ce domaine émergent pour préciser l’éventail des services offerts et en définir les retombées pour les mères et leur famille. Il n’existe actuellement aucun ensemble de données statistiques relativement aux usagers de tels services, sur les tendances à cet égard, ni sur les retombées associées à ces soins tarifés. De tels renseignements permettraient de mieux comprendre la nature et l’étendue des besoins réels à combler[3].

L’avenir des soins de maternité au Canada

Notre histoire montre clairement que ce sont d’abord et avant tout les sages-femmes qui ont assumé la charge des soins de maternité sur notre territoire, et ce, avant même l’arrivée des premiers colons européens et jusqu’à l’ère moderne. Non seulement les sages-femmes procuraient-elles des soins techniques essentiels, mais elles favorisaient aussi le soutien social permettant de favoriser la santé et le bien-être des femmes et de leurs nouveau-nés, à domicile comme au sein de la collectivité. Pourtant, avec la modernisation des soins de maternité, les sages-femmes tout comme l’accouchement naturel ont bientôt été délogés par la médicalisation de la naissance, les obstétriciens prenant le relais des médecins de famille pour les soins de maternité, et les services d’encadrement du travail et de l’accouchement étant dispensés dans un nombre de plus en plus restreint de centres hospitaliers. Ce système de soins modernes se caractérise notamment par un taux élevé de césariennes et, par conséquent, par un taux de morbidité inutilement élevé pour les mères. Jusqu’à présent, le retour des sages-femmes et l’intégration de celles-ci dans notre système de soins de santé se sont révélés insuffisants, puisque les sages-femmes sont encore trop peu nombreuses et concentrées dans les centres urbains, et que leurs services ne sont pas offerts équitablement selon les provinces et territoires.

Le Canada cherche encore et toujours à favoriser l’objectif no 5 des OMD. Les familles sont de plus en plus complexes et les conjoints jouent un rôle accru par rapport à la naissance et aux soins de l’enfant. Les études continuent de mettre en relief les moyens d’améliorer la santé des mères et des nourrissons. Dans un tel contexte, le système de soins de santé continuera d’évoluer et de s’adapter afin d’assurer l’accessibilité et l’efficacité des soins de maternité dans les collectivités d’un océan à l’autre.

 


Cecilia Benoit, Ph.D., est une scientifique au sein du Centre for Addictions Research of British Columbia et professeure au département de sociologie de l’Université de Victoria. Elle a été codirectrice du Réseau canadien pour la santé des femmes. Elle a également reçu le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » en 2016.

 

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NOTES

[1]     Cecilia Benoit et autres, « Medical Dominance and Neoliberalisation in Maternal Care Provision: The Evidence from Canada and Australia » dans Social Science & Medicine, 71:3 (août 2010). (Page consultée le 24 août 2015) http://bit.ly/1Jv2r5j

[2]     Cecilia Benoit et autres, « Maternity Care as a Global Health Policy Issue » dans The Palgrave International Handbook of Healthcare Policy and Governance, Ellen Kuhlmann, Robert H. Blank, Ivy Lynn Bourgeault et Claus Wendt (dir.), Basingstoke, Palgrave, 2015. http://bit.ly/1NPii1r

[3]     Cecilia Benoit et autres, « Privatisation & Marketisation of Post-birth Care: The Hidden Cost for New Mothers » dans International Journal for Equity in Health, 11:1 (octobre 2012) http://bit.ly/1ikd1BS

Les mères seules et leur famille au Canada : diversité, force et résilience

La fête des Mères approche, et les enfants – petits ou grands – en profiteront pour souligner le dévouement de ces mères et grand-mères, sans oublier les arrière-grands-mères de plus en plus nombreuses! Alors que les mamans sont à l’honneur, on s’inquiète souvent du nombre de mères seules et du bien-être de leur famille.

« Pour beaucoup de gens, le terme mère seule évoque l’image d’une pauvre personne, vulnérable et accablée. On a tendance à les mettre dans le même panier, c’est-à-dire parmi le nombre croissant de ces mères qui peinent à élever seules leurs enfants, rappelle la directrice générale de l’Institut Vanier de la famille, Nora Spinks. Or, il s’agit là d’un stéréotype qui ne tient pas compte des diverses réalités familiales vécues par toutes ces mères seules. Bien souvent, les statistiques ne rendent pas justice à cette diversité, tout comme à la complexité de la vie de famille. »

« En 2011, les familles monoparentales ne représentaient que 16 % des quelque 9,4 millions de familles au Canada, et 80 % d’entre elles étaient dirigées par des femmes, ajoute Mme Spinks. Du reste, même si on est porté à penser que les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses au fil des ans, la réalité est en fait plus nuancée. »

Cette croyance résulte entre autres de la place prépondérante accordée aux statistiques colligées depuis les années 60, alors que régnait le modèle de la famille « traditionnelle » dont les deux parents étaient mariés. Cependant, puisque les structures familiales évoluent au fil du temps, on peut constater que les familles monoparentales n’étaient pas si rares en jetant un coup d’œil un peu plus loin en arrière : en 1931, 12 % des enfants vivaient avec un parent seul, soit à peu près la même proportion qu’en 1981 (13 %).

Cependant, bien que ces chiffres puissent paraître similaires, la réalité des familles de ces différentes époques n’était pas la même. En effet, au cours de la première moitié du XXe siècle, plusieurs des familles monoparentales l’étaient devenues à la suite du décès de la mère à l’accouchement. En 1931, les quatre cinquièmes des enfants de familles monoparentales avaient perdu un parent à la suite d’un décès dans la famille. À la fin du siècle, ce n’était plus le cas que d’un dixième des enfants des familles monoparentales.

Après le baby-boom, c’est plutôt l’augmentation du nombre de séparations et de divorces qui a contribué à accroître la proportion de mères seules, particulièrement à la faveur de la réforme de la loi sur le divorce, en 1968. Cela fait partie des nombreux changements qui ont totalement modifié la vie des femmes au Canada à la même époque : l’introduction de la pilule contraceptive, qui a largement favorisé la planification familiale pour les femmes, et le fait que ces dernières ont été de plus en plus nombreuses à faire des études supérieures et à occuper un emploi, ce qui a contribué à l’augmentation des revenus.

Cette croissance se poursuit toujours et le bien-être économique des femmes continue de s’améliorer. De 1998 à 2008, les revenus des mères seules ont augmenté de 51 % (comparativement à 13 % chez les hommes). Par conséquent, l’écart des revenus a fondu entre les familles monoparentales dirigées par une femme et celles dirigées par un homme : en 1998, le revenu familial des femmes seules ne correspondait qu’à 53 % de celui des hommes, mais il atteignait déjà 70 % en 2008.

De fait, la proportion des mères seules (et de la monoparentalité en général) a toujours varié en importance au fil du temps : les facteurs ne sont pas les mêmes, mais l’évolution constante est une réalité. Les familles savent s’adapter et réagir aux changements, peu importe leur profil ou le nombre de parents qu’on y retrouve.

Par ailleurs, l’étiquette accolée aux « mères seules » entraîne souvent une autre idée fausse, selon laquelle ces mamans seraient démunies. À vrai dire, le terme « seule » suppose tout simplement que ces femmes élèvent une famille sans autre soutien (cette réalité s’applique également à l’expression jumelle « mère seul soutien de famille »).

Bien souvent, ces mamans ne sont pas seules pour élever leurs enfants. Dans certains cas, elles reçoivent notamment l’aide de leur ex-conjoint à cet égard. En 2011, 35 % des parents séparés ou divorcés affirmaient que les décisions concernant la santé, la religion ou l’éducation de leurs enfants étaient prises conjointement ou à tour de rôle. Pour la même année, 9 % de ces parents déclaraient que leurs enfants passaient autant de temps chez l’un ou l’autre parent.

Le soutien peut provenir aussi d’autres membres de la famille. En 2011, 8 % des grands-parents habitaient sous le même toit que leurs petits-enfants, et le tiers d’entre eux vivaient en fait chez un parent « seul ». « C’est donc dire que quelque 600 000 grands-mamans et grands-papas vivent au domicile familial, et plusieurs d’entre eux procurent des soins et du soutien aux deux générations », souligne Mme Spinks.

La cohabitation multigénérationnelle est de plus en plus courante, notamment parmi les familles immigrantes et autochtones. Les générations qui vivent sous le même toit peuvent ainsi partager les coûts, mettre en commun leurs épargnes et se répartir les responsabilités de soins. Les trois quarts des grands-parents vivant au sein d’un foyer monoparental affirment y contribuer financièrement.

Enfin, bon nombre des mères seules bénéficient du soutien d’une personne avec qui elles entretiennent une relation intime stable, même lorsque les partenaires « vivent en couple chacun chez soi » (on parle de couples VCCS). Selon Statistique Canada, 8 % des femmes de 20 ans ou plus (soit 1,9 million de femmes) vivent ainsi une union non cohabitante. Par contre, il n’existe aucune donnée pour savoir combien d’entre elles sont des mères seules.

Bref, les familles sont diversifiées et les formes de soutien qu’elles procurent ou reçoivent le sont tout autant, même si les statistiques ne rendent pas toujours justice à la panoplie de réseaux d’entraide ou de formes de soutien qui existent à cet égard. Les mères seules bénéficient aussi parfois de l’aide d’amis ou de membres de la famille, qu’il s’agisse des soins aux enfants, d’un prêt financier, d’un logement, d’un moyen de transport, de jouets, livres ou autres biens usagés, de repas ou de provisions, ou encore de soutien affectif.

« Il faut savoir faire preuve d’ouverture lorsque l’on aborde le sujet des mères seules d’aujourd’hui. Compte tenu de la diversité et de la complexité de la vie familiale, il faut reconnaître que les familles – quelles qu’elles soient – sont capables de s’adapter et de se montrer fortes et résilientes. Les idées préconçues et les stéréotypes que l’on entretient à l’égard de certaines structures familiales ne mènent qu’à l’incompréhension, affirme Mme Spinks. C’est ce principe même qui guide l’Institut Vanier de la famille depuis sa création il y a cinquante ans, et sur lequel continueront de se fonder nos travaux pendant encore plusieurs années au sujet des familles du Canada. »

La force de la diversité : l’impact positif des enfants ayant une incapacité

Michelle R. Lodewyks

Dans bien des cas, les études qui portent sur la réalité des familles où vivent des enfants atteints d’une incapacité s’intéressent essentiellement aux incidences négatives d’une telle situation pour l’entourage familial. Ces familles sont souvent perçues comme des « victimes », et l’on croit volontiers qu’elles croulent littéralement sous la charge de soins, la détresse émotionnelle, les exigences physiques, le fardeau financier et les difficultés interpersonnelles. Quant aux enfants eux-mêmes, on a tendance à les dépeindre avant tout comme une source de stress et d’anxiété. Devant un tel tableau un peu tragique, on a presque l’impression que les familles ayant des enfants handicapés vivent dans une « tristesse perpétuelle », et c’est précisément cette approche qui alimente l’idée généralisée selon laquelle l’incapacité est un péril qu’il vaudrait mieux éviter, voire éradiquer. Or, ce type d’interprétation influence considérablement la perception actuelle des gens – et leur réaction – à l’égard des personnes ayant une incapacité, y compris chez les professionnels dans leurs interactions avec les jeunes handicapés. Du reste, cette perception teinte effectivement toute l’approche qu’adopte la société à l’égard de ces enfants, et ce, dès leur naissance. Par conséquent, le public n’a pas pleinement conscience, en règle générale, des nombreuses retombées positives et de la contribution significative que les enfants atteints d’une incapacité procurent à leur famille, à leur collectivité et à l’ensemble de la société.

Afin de mieux comprendre les effets positifs pour ces familles, on a réalisé diverses entrevues dans le cadre d’une étude qualitative ayant pour but de juxtaposer divers faits vécus aux données de recherche existantes. Les parents et les enfants interrogés ont cité plusieurs effets positifs qu’ont ces enfants sur leur famille, ainsi que divers aspects favorables de leur contribution à la vie de famille. Ainsi, on ne sera pas surpris de constater qu’il n’existe souvent aucune différence entre un enfant handicapé et un autre enfant en ce qui a trait aux effets positifs et à la contribution de l’enfant pour sa famille. Néanmoins, puisque les enfants handicapés sont souvent catégorisés à part des autres et que leur influence positive sur la famille reste souvent en plan dans l’idée des gens, il s’avère essentiel de souligner de telles similitudes. Par contre, certaines conclusions de cette étude s’avèrent particulièrement révélatrices, notamment en ce qui a trait aux effets positifs uniques que l’on peut associer aux enfants ayant une incapacité, et au fait que leur apport à la famille et à la vie de famille s’avère tout aussi unique.

Élever un enfant ayant une incapacité favorise le développement individuel

Les parents qui ont participé à cette étude soulignent que leur parcours parental auprès d’un enfant handicapé leur a permis de mieux reconnaître et apprécier la valeur, le potentiel et les forces des personnes ayant une incapacité. Plusieurs d’entre eux expliquent d’ailleurs comment leur expérience les a amenés vers une meilleure acceptation des différences, à accroître leur capacité d’évaluer la valeur intrinsèque et immanente des personnes, et à « apprécier de manière plus rationnelle la nature des gens ».

L’une des participantes affirme que son expérience lui a permis de réévaluer l’aide qu’elle peut procurer aux personnes avec qui elle travaille, et dit avoir compris qu’il vaut mieux inciter les gens à progresser sur le plan personnel que de leur imposer des limites ou leur dire ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. Les frères et sœurs d’enfants handicapés ont remarqué que leurs relations fraternelles particulières leur ont permis d’avoir un nouveau regard sur les personnes atteintes d’un handicap. En effet, le fait d’être exposé au handicap au sein même de leur milieu familial les rendrait plus à l’aise au contact d’autres enfants handicapés, voire plus portés à s’intéresser aux personnes handicapées en général. Par ailleurs, plusieurs de ces enfants ont déjoué les pronostics, c’est-à-dire que leur développement n’a pas nécessairement suivi la courbe qu’on avait prévue au départ : dans bien des cas, les prédictions les plus sombres de certains médecins n’avaient à peu près rien à voir avec la réalité. Voici les propos de l’un des participants : « Avant moi, je ne sais pas quelle était l’opinion de mes parents au sujet des personnes handicapées. Je crois que tout ça leur a permis de comprendre qu’il ne faut pas y attacher trop d’importance… Ces personnes peuvent être aussi productives que les autres, avoir des buts et faire preuve d’une grande détermination, même si ce n’est pas toujours facile. »

Tous les parents de l’étude considèrent qu’élever un enfant handicapé leur a permis d’acquérir ou d’améliorer certains traits de caractère positifs. Les membres de la famille admettent avoir changé à certains égards, notamment quant à la capacité de s’ouvrir aux autres et de se montrer plus aimants, chaleureux, empathiques, créatifs, équilibrés, doux, calmes, expressifs, responsables, autonomes et altruistes.

L’élévation de leur propre niveau de tolérance et d’acceptation figure souvent parmi les acquis les plus souvent évoqués par les parents d’un enfant handicapé. En effet, les membres de la famille apprennent nécessairement à mieux accepter la diversité et les comportements d’autrui, ce qui cultive chez eux un plus profond respect envers les autres familles ayant un enfant atteint d’une incapacité, de même qu’une plus grande compassion envers les gens en général.

En outre, plusieurs parents affirment que leurs enfants ont fait d’eux de « meilleurs individus », de « meilleurs parents », ou que les autres membres de la famille sont devenus de « meilleures personnes » grâce à eux. Certains de ces bienfaits ont même des échos en milieu de travail. Ainsi, l’un des participants pense être devenu une « meilleure personne au travail » à force de mieux comprendre le trouble de l’autisme dont son fils est atteint. Il affirme qu’un tel bagage a modifié sa propre manière d’être avec les gens, notamment avec ses collègues qu’il peut aider lorsqu’il s’agit de mieux comprendre et interpréter le comportement de l’un des employés, lui aussi autistique.

Fierté, joie et rapprochements pour les parents

Tous les parents ayant pris part à cette étude témoignent des émotions positives vécues grâce à leurs enfants. Le sentiment de fierté semble d’ailleurs commun à la plupart d’entre eux. À ce propos, l’un des parents avoue que cette fierté ne tient sans doute pas « aux mêmes accomplissements que chez les autres enfants du même âge [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][que son fils] », ce qui ne l’empêche pas d’avoir de nombreuses raisons d’être fière. Les parents rapportent que la créativité de leur enfant ou les connaissances qu’il a acquises sont une véritable source de fierté ou d’admiration, tout comme son aptitude à distinguer le bien du mal, ses stratégies pour surmonter la peur, sa détermination à parvenir à ses fins, et sa capacité de défendre ses propres intérêts. Pour leur part, les dix enfants interrogés disent avoir constaté qu’ils suscitent eux-mêmes des émotions positives chez leurs proches, et plus de la moitié d’entre eux sont conscients d’être une source de fierté pour leur famille.

L’une des mères insiste aussi pour dire que sa fille lui a appris à apprécier les petites choses de la vie beaucoup plus que la moyenne des gens, si bien qu’elle « célèbre désormais de petits riens qu’il ne viendrait même pas aux autres l’idée de célébrer ». Aux yeux d’une autre mère, la fierté éprouvée pour sa fille se résume ainsi : « Je suis très fière d’elle parce qu’elle refuse de laisser ses incapacités prendre le contrôle de sa vie. Elle est atteinte de plusieurs incapacités, mais ce n’est pas ça qui va la ralentir… Elle pourrait se dire : “Ah! je n’y arrive pas”, et baisser les bras… Mais elle est toujours prête à repousser ses limites et à faire de son mieux. »

Plusieurs parents prétendent par ailleurs que leur enfant leur a permis de rencontrer des gens, de se lier d’amitié et d’établir de nouvelles relations. Certes, on peut dire de manière générale que tous les enfants contribuent plus ou moins à élargir le réseau social de leur famille, mais pour certains des répondants, leur contexte familial particulier est principalement en cause. L’un des couples évoque les liens particulièrement précieux créés avec d’autres familles par l’entremise du réseau de soutien pour les parents en situation similaire. Ces relations leur ont donné la chance d’aider d’autres parents qui leur demandaient conseil.

L’un des parents souligne que l’« éclatement » de la famille guette peut-être ceux et celles qui élèvent un enfant atteint d’une incapacité, mais beaucoup de parents considèrent que leur enfant a plutôt contribué à consolider leur mariage, à faire d’eux de meilleurs parents ou à renforcer les liens familiaux. Deux des parents affirment même que la communication s’est améliorée au sein du couple grâce à leur enfant. Le père se souvient des difficultés que sa conjointe et lui-même vivaient à l’époque où ils ont reçu le diagnostic de leur fils, et du rôle que chacun a dû jouer pour aider l’autre à « passer au travers ». Selon lui, ce cheminement leur a appris à « parler plus ouvertement de sentiments et d’autres choses », au bénéfice de la communication au sein du couple.

Certains parents insistent pour dire que la présence de leur enfant a apporté un vent de fraîcheur ou une nouvelle perspective au sein de la famille. L’un des pères dit d’ailleurs qu’il y a quelque chose de précieux dans la façon toute particulière de voir les choses chez son fils, et il ajoute que c’est l’un des aspects qu’il apprécie le plus chez lui : « Sa vision des choses est si différente de tout le monde. Il ne pense pas comme nous… J’adore l’entendre exprimer sa façon de penser. Il ajoute une tout autre dimension à notre foyer, et je n’imagine même pas comment ce serait sans cette dimension-là. C’est… c’est véritablement le cœur de ce que nous sommes. Il est fantastique! »

En faisant référence à ses talents innés pour l’écriture et pour la composition musicale, l’un des enfants se dit convaincu que son trouble autistique lui aura permis de réussir en musique grâce à sa grande capacité de concentration. Il conclut ainsi : « Je pense que la musique a des effets positifs pour moi, et que c’est aussi une source d’inspiration pour tout le monde qui en écoute. »

On a demandé à une autre enfant de définir la nature de sa propre influence au sein de sa famille : « J’imagine que l’ambiance familiale serait un peu moins animée sans moi. En tout cas, il y aurait moins souvent de conversations intéressantes au souper. » Elle évoque aussi « toute la question du yin et du yang », en présumant que sa présence fait probablement contrepoids à la douceur des gens de sa famille.

Les familles apprennent de leur expérience unique et cherchent à partager leurs acquis

Avant de conclure chacun des entretiens, on a demandé aux participants ce qu’ils souhaiteraient que les gens comprennent mieux à leur sujet, ainsi qu’à propos de leur famille et de leur réalité. Les parents ont répondu que leur expérience n’est pas « toujours rose », qu’ils ont été confrontés à des « défis », à des « problèmes », à des « obstacles » et à des « moments difficiles », mais qu’ils ne tiennent pas leur enfant responsable des aspects négatifs de leur parcours. L’un des parents admet d’ailleurs que les difficultés rencontrées pour s’adapter à l’incapacité de son enfant avaient moins à voir avec ce dernier qu’avec les idées préconçues des gens, ou avec la représentation que se font les autres parents de ce que serait leur propre vie dans un tel contexte : « C’est sûr qu’il faut traverser cette période difficile où on a un peu tendance à nier la situation, explique-t-elle. Tout cela cause un grand chagrin, mais on finit par comprendre que ces sentiments viennent de soi, de ses propres idées, ou de ce qu’en pensent les autres. »

D’autres parents de l’étude s’accordent pour dire que la colère, le stress, l’anxiété ou les crises sont moins liés à l’enfant lui-même qu’à l’ignorance des gens et à la compréhension insuffisante de cette problématique sur le plan sociétal. L’une des mères demande souvent aux gens de revoir leur manière de dire – ou de ne pas dire – les choses. À son avis, on a tendance à étiqueter les personnes ayant une déficience intellectuelle en évoquant une sorte de retard, alors que « le retard est bien souvent du côté des gens soi-disant “normaux” qui ne comprennent pas la situation ».

Ces conclusions corroborent celles d’une étude antérieure où les parents laissaient entendre que leur peine était principalement liée aux messages récurrents des gens, teintés de négativisme ou de désespoir, notamment de la part de professionnels, d’intervenants du système de santé, de membres de la famille élargie et d’amis. Il est donc permis de croire qu’il existe une source de stress et de négativisme qui est étrangère à l’enfant, et que l’attitude de la famille à l’égard de ce dernier est peut-être conditionnée – du moins en partie – par les croyances culturelles à l’égard de l’incapacité. Dès lors que la société entretient des préjugés négatifs vis-à-vis de tout handicap, et que les perceptions culturelles sont elles aussi essentiellement négatives, il va de soi que le négativisme risque d’affecter la famille et de teinter la perspective et le jugement des parents relativement à leur enfant et à leur propre rôle parental.

Les parents qui ont pris part à cette étude disent vouloir dissiper les présomptions négatives que l’on entretient au sujet de leur enfant, et élargir les horizons pour remettre en contexte toute forme de négativisme. Certains d’entre eux décrivent leur situation comme « un cadeau plutôt qu’un fardeau », en insistant pour dire qu’il n’y a rien d’intrinsèquement négatif dans le fait d’avoir un enfant atteint d’une incapacité au sein d’une famille. De leur point de vue, ils n’ont absolument aucun regret lié aux impacts de leur enfant dans leur vie. Tout en reconnaissant que l’éducation d’un enfant handicapé comporte son lot de stress, de travail acharné et de dévouement, certains parents mettent en relief la chance que d’autres n’ont pas de connaître toute la richesse d’une telle expérience. À ce propos, l’un des pères résume ainsi ce qu’il a vécu avec son fils : « Est-ce que c’est une catastrophe qu’il vous faut? Une tragédie? Alors donnez-moi un bout de papier et je vais vous en citer des catastrophes : cette personne qui est morte dans un accident de voiture ou encore cette jeune mère qui a été tuée, ou peut-être le tsunami… Voilà de véritables tragédies. Moi, je vois plutôt ça comme une balle courbe : il faut juste apprendre à frapper la balle courbe et tout est réglé… Je ne dis pas que c’est facile, mais on apprend à vivre avec ça. »

Ces parents affirment que ce qu’ils demandent le plus souvent aux autres, c’est de ne présumer de rien sur la base de l’incapacité de leur enfant, et de savoir reconnaître les aptitudes et le potentiel de celui-ci. En invitant les gens à faire un effort particulier pour apprendre au contact de ces enfants, ils tiennent à dire que leur enfant peut apporter beaucoup à la société et qu’il mérite tout le respect qu’on lui doit. À ce propos, l’un des parents ajoute : « Je pense à toute l’ampleur qui a été donnée à la question des personnes atteintes de trisomie 21 au sein de nos sociétés… On a littéralement cherché à éradiquer ce groupe de personnes en procédant à des analyses sanguines et par d’autres moyens. Tout cela contribue à déprécier l’existence qui est la leur. Pourtant, ils ont aussi quelque chose à offrir, quelque chose de très spécial qu’il faut prendre le temps d’observer parce qu’ils ont beaucoup à nous apprendre. »

Enfin, lorsqu’on demande aux enfants ce qu’ils ont à partager avec les autres, ils lancent aussi des messages fort éloquents. L’un des enfants souhaiterait que les autres « comprennent que j’ai certains handicaps, mais ça ne fait pas de moi une moins bonne personne ». Un autre tient à ce que les gens se souviennent de ceci : « Plusieurs pensent que je ne suis pas très vif d’esprit… Je tiens à leur dire que je comprends vraiment bien le monde qui nous entoure et tout ce qui s’y passe, et que ce n’est pas ma paralysie cérébrale ou mon fauteuil roulant qui m’en empêchent. Je ne suis pas simple d’esprit : j’ai de grandes ambitions et un bel avenir. Je ne veux pas qu’on me prenne en pitié, parce que je sais que j’aurai une très belle vie, qui sera riche et intéressante! »

Les bénéfices de la diversité au-delà du cercle familial

Apprendre à mieux comprendre les familles qui voient leur situation sous un angle positif entraîne divers effets positifs, tout comme le fait de communiquer cette perception au plus grand nombre en insistant pour dire qu’élever un enfant ayant une incapacité n’est pas nécessairement tragique, mais qu’il s’agit au contraire d’une expérience enrichissante et gratifiante. Sachant cela, les professionnels du monde médical (particulièrement au niveau du dépistage et du diagnostic prénataux) disposeront d’information concrète à partager avec les parents qui reçoivent un tel diagnostic. Cette perception positive bénéficiera par ailleurs aux autres parents d’un enfant handicapé, pour les inciter à miser davantage sur la plus-value que représente leur enfant dans leur vie.

Il va sans dire que les conclusions de cette étude n’enlèvent en rien les défis et les difficultés que vivent ces familles, et rien n’indique que de savoir ce qu’elles pensent améliorera automatiquement le sort des familles ayant un enfant handicapé. Toutefois, le seul fait de prendre conscience des forces et des aspects positifs favorise le changement et donne à penser qu’il est possible de mieux comprendre et de limiter le stress d’une telle expérience en misant sur la contribution et l’apport de ces enfants. L’adaptation progressive pourrait en bénéficier. Du reste, plus les familles verront leur propre expérience d’un bon œil, plus leur attitude contribuera à contrer les idées préconçues quant aux impacts de l’incapacité, à soutenir les nouveaux parents qui se trouvent dans cette situation, et à désamorcer en partie la peur et l’anxiété devant la perspective d’élever un enfant handicapé. En agissant de la sorte, il y a tout lieu de croire que l’on peut privilégier une approche plus positive à l’égard de l’incapacité.


Cet article s’inspire du texte Parent and Child Perceptions of the Positive Effects That a Child with a Disability Has on the Family.

Michelle Lodewyks travaille comme chargée d’enseignement au programme de soutien communautaire auprès des personnes handicapées du Collège Red River. Elle est titulaire d’une maîtrise en études de la condition des personnes handicapées de l’Université du Manitoba.

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