Mackenzie Kolton

Mackenzie se consacre avec passion à la défense des droits des personnes 2ELGBTQIA+ et à la sensibilisation à leur réalité. Elle occupait auparavant le poste de responsable de l’innovation des programmes au sein de l’organisme Grands Frères Grandes Sœurs du Canada, où elle a participé à la création de la première formation en santé mentale centrée sur les réalités queers au Manitoba, tout en supervisant le département 2ELGBTQIA+ et son équipe. Elle a également travaillé pendant six ans avec l’organisme The Get REAL Movement, à titre de fondatrice du programme au Manitoba et de principale conférencière auprès de plus de 150 000 élèves, éducatrices et éducateurs, familles et entreprises à travers le pays. En sa qualité d’accompagnatrice de gestionnaires de haut niveau, elle a collaboré avec plus de 100 conseils scolaires nationaux, afin de les aider à mettre en place des stratégies novatrices favorables à l’inclusion.

Egale est un organisme phare au Canada pour les personnes 2ELGBTQIA+ et les défis auxquels elles sont confrontées. Nous nous employons à améliorer et à préserver des vies en misant sur la recherche, l’éducation, la sensibilisation ainsi que la défense des droits de la personne et de l’égalité, au Canada et ailleurs dans le monde. Notre travail contribue à bâtir des sociétés et des systèmes qui reflètent une vérité universelle, à savoir que toutes les personnes sont égales et qu’aucune ne devrait être mise à l’écart.

Nicole Denier

Nicole Denier est sociologue et se spécialise dans le travail, les marchés du travail et les inégalités. Elle a dirigé des projets primés sur les liens entre la diversité familiale et les inégalités sur le plan économique, notamment des recherches sur le bien-être économique des personnes 2ELGBTQI+ au Canada et des immigrantes et immigrants en Amérique du Nord. Nicole est actuellement professeure agrégée en sociologie à l’Université de l’Alberta. Elle est codirectrice du programme de bourses pour les personnes en début de carrière du Work and Family Researchers Network et fait partie des comités de rédaction des revues Canadian Studies in Population et Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie.

Robin McMillan

Au cours de sa carrière, Robin McMillan a passé plus de 30 ans à travailler dans le secteur de la petite enfance. Elle a d’abord travaillé comme éducatrice pendant huit ans auprès d’enfants d’âge préscolaire. Puis elle a quitté la première ligne afin de développer des ressources pour les praticiennes et praticiens à la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance (FCSGE). Elle travaille à la FCSGE depuis 1999, où elle est passée d’assistante de projet à gestionnaire de projet, puis à son rôle actuel de conceptrice de projets, de programmes et de partenariats. Plusieurs réalisations ont marqué sa carrière à la FCSGE, notamment la gestion de plus de 20 projets nationaux et internationaux, y compris un projet de l’ACDI en Argentine et la présentation d’un rapport avec l’honorable sénateur Landon Pearson au Comité des droits de l’enfant à Genève, en Suisse.

Robin a été membre du conseil d’administration de l’Ottawa Carleton Ultimate Association pendant deux ans et a participé à l’organisation de nombreux événements caritatifs locaux. Elle a fondé et animé un groupe local de soutien aux parents, Ottawa Parents of Children with Apraxia (Parents d’enfants atteints d’apraxie à Ottawa), ainsi qu’un groupe national, Apraxia Kids Canada (L’apraxie chez les enfants au Canada). Elle est mariée et a un fils de 17 ans atteint d’un grave trouble de la parole (apraxie verbale) et d’une légère déficience intellectuelle, ce qui l’a propulsée dans le monde du plaidoyer pour le soutien à la parentalité. Elle a d’ailleurs reçu le prix de défenseure de l’année en 2010, décerné par la Childhood Apraxia of Speech Association of North America.

À propos de l’organisme : Nous représentons la communauté du secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants au Canada, à savoir l’ensemble des professionnel·les et des praticien·nes d’un océan à l’autre. Nous donnons voix à la passion, à l’expérience et aux pratiques en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (AGJE) au pays. Nous mettons de l’avant des recherches novatrices en matière de politiques et de pratiques afin de mieux éclairer le développement et la prestation des services. Nous faisons preuve de leadership sur les enjeux qui touchent notre secteur, ayant foi en notre capacité d’influencer positivement la vie des jeunes enfants, à savoir notre véritable objectif, notre raison d’être. Les sujets abordés, explorés et communiqués au sein de notre communauté ont le potentiel de transformer des vies et nous en avons pleinement conscience. Nous sommes une force engagée et passionnée en faveur d’un changement positif là où ça compte le plus, c’est-à-dire auprès des enfants.

Liv Mendelsohn

Liv Mendelsohn, M.A., M.Ed., est directrice générale du Centre canadien d’excellence pour les aidants, où elle dirige des initiatives en matière d’innovation, de recherche, de politiques et de programmes visant à soutenir les personnes aidantes et les prestataires de soins au Canada. Leader visionnaire comptant plus de 15 ans d’expérience dans le secteur à but non lucratif, Liv est aidante depuis fort longtemps et vit elle-même avec un handicap. Son expérience en tant que membre de la « génération sandwich » alimente son aspiration envers la création d’un mouvement pour les personnes aidantes au Canada afin de changer la façon dont la prestation de soins est perçue, valorisée et soutenue.

Au cours de sa carrière, Liv a fondé et dirigé plusieurs organismes axés sur l’incapacité et la prestation de soins, notamment le Wagner Green Centre for Accessibility and Inclusion ainsi que le festival du film de Toronto ReelAbilities. Liv est présidente du comité consultatif sur l’accessibilité de la Ville de Toronto. Elle a reçu le Prix pour l’équité décerné par la Ville de Toronto et a été reconnue pour son leadership par la University College, l’Université de Toronto, l’organisme Enfants avenir Ontario et les centres communautaires juifs d’Amérique du Nord. Liv est agrégée supérieure de recherche au Massey College et diplômée du Mandel Institute for Non-Profit Leadership ainsi que du programme de bourses DiverseCity de la CivicAction Leadership Foundation.

À propos de l’organisme : Le Centre canadien d’excellence pour les aidants appuie et habilite les personnes aidantes et les prestataires de soins, favorise l’avancement des connaissances et la capacité d’agir dans le domaine des soins, et plaide en faveur de politiques sociales efficaces et visionnaires, tout en privilégiant une approche qui se veut à l’écoute des personnes ayant une incapacité. Notre expertise et nos connaissances, tirées des expériences vécues des personnes aidantes et des prestataires de soins, nous aident à faire campagne pour de meilleurs systèmes et un changement durable. Nous sommes plus qu’un simple bailleur de fonds; nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires et nos bénéficiaires pour atteindre des objectifs communs.

Isabel Côté

Isabel Côté est professeure titulaire au Département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais. Elle est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux, ainsi que membre du partenariat Familles en mouvance et du Réseau québécois en études féministes (RéQEF). Son programme de recherche a pour but de favoriser une compréhension globale de la procréation pour autrui, en croisant le regard de l’ensemble des parties, à savoir les parents, les donneuses et donneurs, les mères porteuses, les enfants ainsi conçu·es et les familles élargies. Appuyés sur des méthodologies qualitatives novatrices, ses travaux conjuguent les apports théoriques de la sociologie de la famille, de l’anthropologie de la parenté et des études féministes et LGBTQ, en plus de revisiter les réalités familiales contemporaines. De manière innovante, ses travaux positionnent les enfants comme des acteurs à part entière dans la construction des connaissances relatives aux familles issues de la procréation pour autrui. Enfin, ses conclusions de recherche fournissent des informations basées sur des données empiriques utiles au débat social entourant les questions soulevées par la procréation pour autrui, tout en suggérant des pistes d’action en vue de mieux soutenir le bien-être des personnes concernées.

Célébrer la famille choisie au sein de la communauté LGBTQ+

Gaby Novoa

18 février 2021

Le 22 février 2021, c’est le jour de la Famille choisie, soit l’occasion de célébrer les relations significatives entre les membres de la communauté LGBTQ+ à l’échelle nationale1, 2. Les familles formées par choix, et de façon délibérée, jouent un rôle fondamental dans la vie de nombreuses personnes LGBTQ+, alors que s’y inscrivent des relations étroites procurant soins, affirmation et sentiment d’appartenance.

Les études démontrent que la marginalisation due à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre d’une personne est liée à des taux plus élevés de rejet familial, de problèmes de santé mentale, de toxicomanie et d’exposition à la violence chez les personnes LGBTQ+, comparativement à leurs homologues hétérosexuels et/ou cisgenres3. Ces vulnérabilités sont encore plus importantes chez les personnes présentant une identité intersectionnelle sur le plan notamment de la race, de la classe sociale, de la religion ou des capacités/incapacités. Les familles choisies, les amitiés et les liens communautaires positifs sont donc essentiels, puisque les relations sociales sont des facteurs clés du bien-être et de la résilience4.

Les familles choisies se heurtent à davantage d’obstacles bien qu’elles remplissent des rôles sensiblement similaires à ceux des familles biologiques

La Fondation Émergence, un organisme à but non lucratif du Québec qui s’emploie à soutenir et à servir la communauté LGBTQ+ par l’éducation et la sensibilisation, fait valoir l’importance de la famille choisie5. Julien Rougerie, chargé de programmes pour l’organisme, soutient que les rôles au sein des familles choisies et biologiques sont souvent identiques : fournir de l’amour, du soutien, des soins et des relations.

Toutefois, la différence pour les familles qui ne sont pas unies par les liens du sang est que leurs rôles sont souvent entravés par davantage d’obstacles, à commencer par le manque de reconnaissance formelle de leurs liens comme étant valides ou « légitimes ». À titre d’exemple, des recherches ont montré que les personnes âgées LGBTQ+ vivant dans des maisons de soins de longue durée ne parviennent pas toujours à obtenir les accès ou les autorisations nécessaires pour voir leurs proches lorsque les protocoles et les règlements en vigueur ne s’appliquent pas à ceux et celles dont le statut familial ne cadre pas avec l’image traditionnelle que l’on se fait de la famille et des membres qu’elle comporte. De plus, la crainte de révéler son orientation sexuelle peut conduire une personne à taire l’identité de son partenaire ou de son conjoint. Lorsque les institutions, comme les systèmes de soins de santé ou de soins de longue durée, ne reconnaissent pas ces diverses formations familiales, elles bloquent la voie aux soins et à des liens pourtant essentiels.

Une étude a révélé qu’en dehors de leur partenaire, 59 % des adultes gais/lesbiennes et bisexuels âgés de 50 ans et plus se tournent de prime abord vers leurs amis en cas d’urgence, alors que seulement 9 % d’entre eux contactent plutôt un « membre de la famille »6. M. Rougerie souligne que les personnes âgées LGBTQ+ souffrent souvent de l’éloignement de leur famille biologique ou de la rupture avec celle-ci, alors qu’elles ont grandi dans un contexte socioculturel et politique ouvrant la porte à davantage de stigmatisation et de sanctions autour d’une sexualité « hors norme ». La dépendance et l’interdépendance avec la famille choisie revêtent donc une signification particulière chez les personnes âgées LGBTQ+, pour qui les aidants à un âge avancé sont souvent des membres de leur famille choisie.

La famille choisie et le bien-être sont interreliés

En prévision du jour de la Famille choisie, l’Institut Vanier a demandé aux personnes s’identifiant en tant que LGBTQ+ d’exprimer ce que signifient de tels liens à leurs yeux. Un grand nombre de réponses et de réflexions ont mis en relief les notions de réconfort, de sécurité et de force :

« Ma famille choisie prend de plus en plus d’importance dans ma vie. Elle me donne l’impression de vivre une certaine fraternité, de la confiance et de la camaraderie. Elle permet de bâtir des réseaux qui sont solides, comme le sont les points d’attache et les spirales d’une toile d’araignée. »

  

« Pour moi, la famille choisie est la communauté de soutien dont on s’entoure. Ce sont les relations les plus étroites qu’on entretient – quelle que soit leur nature – et qui font qu’on se sent vraiment chez soi. »

 

« La famille choisie est sincère, saine, sécuritaire, forte, pleine de ressources, d’émotions, d’habitudes. C’est une communauté, une création qu’on partage (par l’alimentation notamment), une communion et un rituel. » 

 

« Pour moi, la famille choisie, c’est un groupe de personnes vers lesquelles on peut se tourner quand on est confronté à des difficultés ou qu’on a quelque chose à célébrer, des personnes sur qui on peut compter sans qu’elles portent de jugement, surtout lorsqu’il s’agit d’orientation sexuelle et de questions qui touchent les fréquentations ou l’identité de genre. Il ne s’agit pas vraiment d’être toujours ensemble ou même d’être les meilleurs amis, mais plutôt de savoir qu’on peut se confier à quelqu’un et trouver du réconfort auprès de lui, et être certain qu’on nous aime pour ce qu’on est EN PLUS DE notre côté queer, et non pas malgré lui. »

 

« La famille choisie signifie qu’il reste toujours une place, et que celle-ci est pour toi. » 

 

« Pour moi, la famille choisie, c’est réclamer quelque chose que tu n’avais pas auparavant. » 

 

« Avoir une famille choisie est une extension de l’amour qu’on a envers soi. Choisir de m’entourer de personnes qui m’aiment et me soutiennent est la meilleure façon de me reconnaître et de me valoriser. »

  

« La famille choisie est comme une grande réunion de famille, mais sans chaises inconfortables, sans ambiance pénible (chargée de secrets) et sans règles tacites étranges sur ce qu’on peut ou ne peut pas dire. Il s’agit plutôt d’un ensemble de personnes qui entrent et sortent de ma vie. Je me tourne vers eux et ils sont là pour moi. Tout n’y est pas rose : ils m’apprennent des choses difficiles (notamment comment éviter la jalousie et comment faire mon deuil). Dans les bons moments comme dans les moments difficiles, je me sens privilégié d’avoir la famille que j’ai choisie. » 

 

« La famille choisie est un lieu sans jugement. Un endroit où on se sent en sécurité et fidèle à soi-même. C’est un endroit “où on n’a pas besoin de se faire tout petit, de faire semblant ou de jouer la comédie”7. »

 

« La famille choisie est celle qui vous aide à maintenir un climat de paix dans lequel vous pouvez vous montrer sous votre vrai jour. »

 

« Pour moi, une famille choisie est avant tout une famille liée par la confiance et une sorte de loyauté toute simple parce qu’elle reconnaît et anticipe le changement et la croissance. » 

 

[traductions]

Nos sincères remerciements à ceux et celles qui ont accepté de partager leurs réflexions.

Gaby Novoa, Carrefour du savoir sur les familles au Canada, Institut Vanier de la famille


Notes

  1. Friends of Ruby – un organisme de soutien axé sur le bien-être progressif des jeunes LGBTQI2S par le biais de services sociaux et d’aide au logement – a lancé le jour de la Famille choisie en février 2020. Lien : https://www.friendsofruby.ca/
  2. Nathan Battams, « Entretien avec Lucy Gallo au sujet des jeunes LGBTQI2S et du jour de la Famille choisie », L’Institut Vanier de la famille (février 2020).
  3. Jonathan Garcia et autres, « Social Isolation and Connectedness as Determinants of Well-Being: Global Evidence Mapping Focused on LGBTQ Youth » dans Global Public Health (octobre 2019). Lien : https://bit.ly/3p8BCMg
  4. Ibidem
  5. Fondation Émergence. Lien : https://bit.ly/3aeMS5F
  6. Fondation Émergence, « Assurer la bientraitance des personnes aînées lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans » (2018). Lien : https://bit.ly/3psjb5n
  7. Les mots cités sont une traduction des paroles de la chanson « Family » de Blood Orange.

 

Entretien avec Lucy Gallo à propos de l’accès, de l’adaptation et de la résilience chez les jeunes LGBTQI2S

Gaby Novoa

29 juin 2020

Téléchargez cet article (PDF)

Le bien-être financier, physique et mental des communautés LGBTQI2S au Canada a été affecté de façon disproportionnée par la pandémie de COVID-19. Une enquête nationale a révélé que 42 % des membres de la communauté LGBTQI2S ont signalé que la crise avait eu des effets importants sur leur santé mentale, contre 30 % des personnes non LGBTQI2S.

Le 23 juin 2020, nous avons communiqué avec Lucy Gallo, directrice des Services à la jeunesse et au logement de Friends of Ruby, pour découvrir comment les jeunes LGBTQI2S de Toronto ont vécu les derniers mois et de quelle façon son organisme s’est adapté pour continuer à servir et à soutenir ces jeunes.


Parlez-nous de la façon dont Friends of Ruby s’est adapté et a réagi tout au long de la pandémie de COVID-19 pour continuer à servir et à soutenir les jeunes LGBTQI2S.

Nous avons fermé notre espace d’accueil un vendredi, et le lundi suivant, nos conseillers étaient au téléphone pour communiquer avec nos jeunes – ils ont immédiatement assuré les services et les soins requis. Les conseillers ont rapidement adopté l’Internet pour offrir des séances téléphoniques et vidéo, ce qui les tient encore très occupés d’ailleurs, et nous sommes ravis d’avoir lancé un programme de counseling par clavardage. Tous les membres du personnel sont maintenant entièrement formés pour offrir également des services de counseling par clavardage.

Nous avons découvert qu’il y avait des jeunes qui vivaient toujours avec leur famille, à qui certains n’ont pas encore annoncé leur identité sexuelle, et qu’ils ne disposaient pas d’un espace privé pour avoir accès à du counseling téléphonique. Cette option de clavardage leur donne maintenant la possibilité d’accéder à du soutien, tandis que leurs parents croient qu’ils envoient simplement des textos à un ami. C’est un procédé que nous avons toujours souhaité élaborer, mais que nous n’avions jamais entrepris faute de ressources. La pandémie de COVID-19 a donc accéléré les choses et nous a obligés à agir sans attendre. J’ai rapidement organisé la formation des membres du personnel en deux demi-journées et ils peuvent continuellement recevoir de l’aide d’une personne expérimentée en counseling par clavardage.

Comme notre espace d’accueil n’était pas disponible pour les jeunes que nous accompagnons, l’un des thèmes qui ont été soulevés lors de nos conversations avec eux au début de la pandémie était la difficulté d’accéder à de la nourriture. Nous avons répondu en offrant des cartes-cadeaux, et avons également été en mesure d’envoyer des repas en partenariat avec un autre organisme, ce qui nous a permis de livrer deux repas par semaine à certains de nos jeunes.

En nous adaptant à la pandémie, nous avons également essayé d’organiser quotidiennement des groupes virtuels afin de permettre aux jeunes de continuer d’avoir accès à notre organisme au maximum. Cela nous a donné l’occasion de réunir les gens en ligne, de sympathiser et de partager leur quotidien. Notre groupe de discussion pour les personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) a été précieux, compte tenu de l’ampleur du racisme et de ce qui se passe actuellement dans le monde. Ce fut une période difficile pour les jeunes Noirs. Lorsque Toronto, au début de la pandémie, a commencé à annoncer qu’on allait demander aux gens qui sortaient de fournir des documents d’identité et qu’il était possible de dénoncer les autres, beaucoup de jeunes appartenant aux PANDC ne voulaient pas se rendre au centre de peur de subir davantage de racisme. Nous avons également ajouté des heures d’utilisation supplémentaires, en particulier avec notre personnel noir, afin de soutenir nos jeunes Noirs.

Parmi les autres programmes que nous avons continué d’offrir, mentionnons notre groupe d’art-thérapie, les séances virtuelles de l’espace d’accueil, les jeux vidéo et « art for change » (l’art comme moteur de changement). De plus, avec le soutien du Centre for Mindfulness Studies, deux de nos conseillers ont dirigé avec succès un groupe axé sur les compétences reliées à la pleine conscience en vue de faire face au stress et à l’anxiété (Mindfulness-Based Skills for Coping with Stress and Anxiety).

Nous avons également commencé à offrir du soutien en personne et des possibilités d’interaction. Nous avons de nouveau ouvert l’espace d’accueil, amorçant notre propre version de la « phase 2 ». Nous fournissons des produits essentiels que les gens peuvent venir chercher comme des repas à emporter, des trousses de réduction des risques, des trousses d’hygiène menstruelle et plus encore. Ils peuvent maintenant accéder à la gestion de cas en personne – nous avons ouvert une salle disposant de suffisamment de distance – et de plexiglas – et avons aménagé l’espace de telle façon qu’elle pourrait dès maintenant recevoir au moins six personnes. Nous avons également pensé que si un jeune ne pouvait pas joindre son conseiller depuis son domicile ou s’il ne voulait pas discuter en ligne, il pourrait venir dans cette salle et avoir l’intimité nécessaire pour communiquer virtuellement avec son conseiller.

Bon nombre des services que nous avons élaborés ou améliorés au cours des derniers mois seront également offerts après la pandémie. L’objectif est d’offrir ces nouvelles modalités à tous nos jeunes tout comme aux jeunes de partout au Canada qui désirent utiliser nos services de counseling ou communiquer avec nous en ligne.

Parlez-nous des thèmes communs que vous avez rencontrés pendant la pandémie chez les jeunes LGBTQI2S que vous accompagnez.

Je pense que le sentiment de solitude est un thème qui s’impose. Le fait de ne pouvoir accéder à nos locaux a créé beaucoup d’anxiété au début quant à la signification de tout ce phénomène. Comment cela affecte-t-il tout un chacun? Ne plus pouvoir compter sur notre habituelle communauté a été difficile, surtout pour les jeunes qui avaient l’impression de ne pas avoir l’intimité, l’espace ou la sécurité nécessaires à la maison avec leur famille.

Parlez-nous de certaines des leçons que vous avez apprises en adaptant Friends of Ruby afin de continuer d’accompagner les jeunes. Y a-t-il eu des surprises ou des prises de conscience?

Une chose intéressante, et je vais l’utiliser comme exemple parmi tant d’autres, c’est que si une personne a des idées suicidaires et qu’elle se trouve avec vous dans un local, vous pouvez évaluer la situation et, avec un peu de chance, la désamorcer, car cette personne se trouve en sécurité près de vous. Mais ce que j’ai constaté, c’est que lorsqu’on est en ligne et qu’on ne sait pas où se trouve la personne, comment peut-on lui procurer un sentiment de sécurité?

Nous avons dû créer rapidement des documents, puis demander aux jeunes de les lire et d’accepter de fournir des renseignements sur l’endroit où ils se trouvent, comme leur adresse et le moyen de communiquer avec eux si la ligne devait couper. Ce protocole s’applique également dans de nombreux cas. Lorsque nous dirigeons nos groupes thérapeutiques virtuels, comment savoir, lorsqu’une ligne se déconnecte, s’il s’agissait d’une déconnexion accidentelle et que la personne n’est pas contrariée, ou si elle n’a pas délibérément interrompu l’appel à cause d’un aspect du groupe qui l’a bouleversée? Ce sont là quelques-unes de nos prises de conscience. Lorsque la personne se trouve devant nous, la façon de travailler est tellement différente. Ce sont quelques-uns des moyens que nous avons dû adopter et instaurer pour la sécurité de tous.

Parlez-nous des expériences uniques ou des histoires d’adaptation ou de résilience des jeunes que vous accompagnez.

Il y a eu une résilience incroyable parmi nos jeunes à travers tout cela. Les gens que nous avons eu de la difficulté à suivre sont nos jeunes de passage, parce qu’ils n’avaient pas de coordonnées pour nous permettre de les joindre lorsque nous avons fermé nos portes. Puisqu’ils viennent généralement nous voir juste en passant, notre fermeture a complexifié nos contacts, même si quelques-uns sont passés nous saluer et nous dire qu’ils se débrouillaient très bien. Évidemment, nous n’avons pas pu voir tout le monde, mais les gens que nous avons vus ont fait preuve de beaucoup de résilience et d’adaptation.

Les conseillers nous ont dit que plusieurs jeunes n’étaient pas certains de vouloir faire du counseling en ligne. Cependant, une personne qui a continué de travailler pendant la pandémie a déclaré qu’elle appréciait réellement cette option, car elle pouvait suivre un programme de counseling sans avoir à se déplacer entre son lieu de travail et le centre. Cela facilite l’accès au counseling pour certains.

Qu’espérez-vous ou qu’envisagez-vous pour les mois à venir?

À l’heure actuelle, nous prévoyons ouvrir davantage l’espace d’accueil, à mesure que la Ville ouvrira de nouveaux espaces. L’objectif est de permettre à plus de gens de venir sur place et, espérons-le, de favoriser un plus grand sentiment communautaire. Chaque conseiller compte deux ou trois personnes qui attendent une consultation en personne. Nous envisageons de faire venir ces conseillers afin qu’ils puissent voir les personnes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas faire de counseling en ligne. Pour le groupe de discussion des PANDC, nous envisageons de l’animer virtuellement, mais aussi en personne.

Pendant ce temps, les gens pourraient venir sur place pour faire partie du groupe, tandis que d’autres seraient aussi connectés virtuellement : nous pourrions ainsi répondre aux besoins des gens à la fois hors ligne et en ligne. Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous envisageons de lancer une autre session de groupe sur les compétences reliées à la pleine conscience en vue de faire face au stress et à l’anxiété vers la mi-juillet, si possible. Au cours des prochaines semaines, le personnel continuera de discuter des moyens d’étendre nos services, et nous continuerons d’offrir des repas à emporter ainsi que de la gestion de cas, tant en personne que virtuellement.

Communiquez avec Friends of Ruby sur les médias sociaux (Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn) pour suivre l’évolution de leur offre de services et de programmes.

Gaby Novoa, Centre de connaissances sur les familles au Canada, Institut Vanier de la famille

Cet entretien a été révisé afin d’atteindre une longueur, une fluidité et une clarté optimales.

 

Entretien avec Lucy Gallo au sujet des jeunes LGBTQI2S et du jour de la Famille choisie

Nathan Battams

13 février 2020

Alors que de nombreuses familles à travers le Canada se réuniront lundi pour souligner le jour de la Famille, des préparatifs seront en cours en vue d’une autre célébration toute spéciale – le « Chosen Family Day » (jour de la Famille choisie). Le samedi 22 février, Friends of Ruby – un organisme de soutien en santé mentale axé sur le bien-être progressif des jeunes LGBTQI2S par le biais de services sociaux et d’aide au logement – lance le tout premier jour annuel de la Famille choisie au Canada, afin de sensibiliser la population à la réalité et aux défis que connaissent ces jeunes, de rappeler que des mesures de soutien sont disponibles pour les jeunes qui ont besoin d’aide, et de célébrer les familles choisies pour l’amour, les soins et le soutien qu’elles apportent.

Pour en apprendre davantage au sujet du jour de la Famille choisie et sur l’importance de ce type unique de famille pour les jeunes LGBTQI2S, Nathan Battams, gestionnaire des communications à l’Institut Vanier, s’est entretenu avec Lucy Gallo, directrice des services à la jeunesse et au logement chez Friends of Ruby.


Parlez-moi un peu de Friends of Ruby, de son histoire et de ce que vous faites.

Les recherches démontrent, et nous avons pu le constater dans le cadre de nos travaux, que les jeunes LGBTQI2S se heurtent souvent à des obstacles au moment de chercher un emploi ou un logement. De plus, les taux de rejet familial, d’itinérance, de pauvreté et de tendances suicidaires sont nettement plus élevés chez ceux-ci qu’ils ne le sont chez les jeunes qui ne s’identifient pas à notre communauté. Cette dernière a sérieusement besoin d’aide en ce qui touche le logement et les services sociaux.

C’est pourquoi en 2014, avec l’aide d’un donateur, l’organisme Egale Canada a créé Egale Youth Services, un petit centre qui avait pour mission d’accueillir des jeunes LGBTQI2S, en mettant à leur disposition différentes ressources ainsi qu’une petite cuisine leur permettant de prendre une collation ou un repas.

Il m’a semblé clair dès le départ que a) le besoin pour ce type d’espace était criant, et b) les jeunes avaient besoin de bien plus qu’un simple logement. Individuellement et en groupe, les jeunes LGBTQI2S vivent des expériences uniques et fort diversifiées, et le fait de disposer d’un lieu qui leur permette de créer des liens leur apportant de l’amour, du soutien et des soins leur est certes bénéfique.

Nous avons déménagé à plusieurs reprises au fil des ans dans des espaces de plus en plus grands, afin d’accueillir cette communauté en pleine croissance. En 2019, nous avons décidé de concevoir notre nouvel espace d’accueil en nous appuyant sur notre expérience avec les jeunes, dans le but de mieux les accompagner. Il s’agit de l’espace que nous occupons actuellement (489, rue Queen Est). Parallèlement, nous avons fait appel à notre expérience pour construire notre foyer d’accueil d’urgence et de transition (qu’on appelait à l’époque Egale Centre).

Le projet d’Egale a toujours été de multiplier son offre de services directs lorsque ceux-ci atteindraient une certaine maturité. Si bien qu’en novembre 2019, Egale Youth Services et Egale Centre ont fusionné pour devenir Friends of Ruby, un organisme indépendant qui continue à se consacrer au bien-être progressif des jeunes LGBTQI2S, par le biais de services sociaux et d’aide au logement.

Depuis nos débuts, nos programmes se sont développés. Nous proposons désormais des consultations individuelles accessibles à tous, qui répondent à la fois aux situations de crises à court terme et à celles qui suivent une structure prédéfinie permettant aux jeunes de consulter un conseiller pour un maximum de 20 séances, sans se heurter à de longues listes d’attente (ce qui est plutôt inhabituel dans le domaine du counseling).

En plus de groupes thérapeutiques, nous organisons également des groupes sociaux qui ont des effets bénéfiques sur le plan psychologique. Pensons par exemple au groupe « Art for Change » (L’art comme moteur de changement), créé par des jeunes il y a environ trois ans, et qui connaît encore du succès aujourd’hui alors qu’il vise à faciliter l’expression par l’art et l’artisanat, et à renforcer la communauté dans un environnement sécuritaire et inclusif. Nous lancerons prochainement un groupe appelé « Skills for Safer Living » (Des compétences pour une vie plus sûre), destiné aux personnes qui ont régulièrement des idées suicidaires.

Nous réservons désormais un après-midi par semaine, au centre de jour, aux jeunes qui font partie de la communauté des Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur (BIPOC). Ce service s’adresse exclusivement aux jeunes de la communauté BIPOC et est assuré par des membres de celle-ci, ce qui accentue le sentiment de sécurité et donne aux jeunes l’occasion de parler de leurs identités croisées. Nous organisons également une soirée de discussion animée par un membre de notre personnel et l’un de nos organismes partenaires afin de faire la lumière sur certains de ces croisements, ce qui a été très bien accueilli jusqu’à maintenant.

Depuis, notre centre de jour a pris de l’expansion en raison d’une demande importante, et parce que nous reconnaissons le besoin criant pour un tel espace, notamment pour les jeunes transsexuels qui ne se sentiraient pas en sécurité s’ils devaient aller dans un refuge, compte tenu de leur identité. En effet, les recherches démontrent que certains refuges ne sont pas sécuritaires pour les personnes transsexuelles, celles-ci étant souvent rejetées en raison de leur identité sexuelle; en outre, elles n’ont pas accès à des refuges correspondant au sexe auquel elles s’identifient. Nous leur offrons donc un endroit sûr où se reposer le matin, un lieu où prendre une tasse de café chaud et manger, surtout en hiver. Le centre de jour veille à leur sécurité alimentaire en leur donnant accès à trois repas par jour, en plus d’une collation entre le dîner et le souper.

Nous offrons également du soutien aux jeunes à l’égard de leur identité de genre ou de leur transition, ainsi que de l’aide pour accéder à un logement, à des soins de santé et à un emploi. Au courant de cette année, nous ouvrirons un nouveau centre de services afin d’offrir des logements de transition sécuritaires à quelque 33 jeunes LGBTQI2S. Le foyer sera conçu en fonction de nos objectifs : il donnera accès à des chambres individuelles ou doubles, permettra d’offrir des services de soutien en santé mentale et de gestion de cas, en plus d’offrir l’accès à une terrasse sur le toit, comme aire de réflexion et de tranquillité.

Au fil de cette croissance, nous avons réussi à soutenir plus de 900 jeunes, à prévenir 470 situations de crises liées à la santé mentale et visites aux urgences des hôpitaux, en plus d’épargner une somme évaluée à 300 000 dollars sur les coûts en soins de santé, tout en fournissant environ 2 500 séances de consultations individuelles et de gestion de cas, et en servant plus de 4 500 repas par année.

Parlez-moi du jour de la Famille choisie, et dites-moi pourquoi la notion de famille choisie est si importante chez Friends of Ruby.

Le jour de la Famille choisie a été inspiré de la réponse que les jeunes LGBTQI2S de Friends of Ruby nous ont donnée lorsque nous leur avons demandé ce que cet espace signifiait pour eux. Ils nous ont alors parlé de relations, de liens, d’amitié, de soins et de famille – de la famille qu’ils ont choisie.

On nous a dit que les services offerts par Friends of Ruby n’ont rien à voir avec ce que l’on retrouve ailleurs, comme chez le médecin par exemple, où l’on se rend pour son rendez-vous avant de repartir. Ici, nous essayons d’en faire un peu plus : nous mettons l’accent sur les relations, ce qui pour nous est très important et procure un sentiment d’appartenance, un esprit de famille auquel certains jeunes ne sont pas habitués. Or, cela peut-être particulièrement important à certains moments, notamment pendant les Fêtes de fin d’année, alors que de nombreuses personnes se réunissent en famille, ou pendant les mois sombres d’hiver, et maintenant lorsqu’est célébré le jour de la Famille. De nombreux jeunes LGBTQI2S n’ont aucune relation avec leur famille biologique, et certaines d’entre elles cherchent même à les éviter en raison de leur identité. En outre, ces moments sont souvent de douloureux rappels de leur situation.

C’est ainsi qu’est née l’idée de lancer le jour de la Famille choisie, qui chaque année aura lieu le samedi suivant le jour de la Famille, afin d’offrir à ceux et celles qui vivent dans ces communautés incroyablement uniques dans leur diversité, un jour pour saluer et célébrer la famille qu’ils ont choisie. Cette idée de la famille choisie est si puissante et transmet une telle énergie, en plus d’apporter un peu de lumière sur ce que la famille elle-même signifie aux yeux des autres.

Comment compléteriez-vous la phrase « Ne serait-ce pas formidable si… »?

Ce serait merveilleux si les organismes comme le nôtre qui offrent des espaces pour la communauté LGBTQI2S n’étaient pas nécessaires… Si nous n’avions pas besoin de tels espaces, étant nous-mêmes acceptés et à notre aise n’importe où.

Je dis cela, bien sûr, à titre de fière membre de la famille choisie chez Friends of Ruby! Je suis heureuse que notre organisme existe et que cet espace existe – il n’y a jamais rien eu de tel dans la ville auparavant. Quand j’ai été prête à affirmer mon identité sexuelle, ce genre d’espace n’existait pas, et le fait que les jeunes puissent maintenant en profiter est réjouissant.

Mais ce serait formidable si ce clivage n’était pas nécessaire, si nous n’avions pas à construire nos propres espaces, car nos jeunes transsexuels ne peuvent en fait se sentir en sécurité ou à l’aise dans aucun autre refuge ou logement de transition. Ne serait-ce pas formidable si toutes les autres maisons de transition et tous les autres refuges étaient aussi accueillants pour ces jeunes et pour ce qu’ils sont, à savoir uniques et précieux tel de purs joyaux?

Le jour de la Famille choisie sera célébré le samedi 22 février 2020.

Pour en savoir plus au sujet de Friends of Ruby

 

Lucy Gallo est directrice des services à la jeunesse et au logement chez Friends of Ruby.

Nathan Battams est gestionnaire des communications à l’Institut Vanier de la famille.

Cet entretien a été révisé afin d’atteindre une longueur et une fluidité optimales.