Projets

La famille compte 2024

Cette nouvelle ressource de l’Institut Vanier explore l’évolution, la continuité et la complexité des familles au Canada au cours des trois dernières décennies. Publié à l’occasion du 30e anniversaire de l’Année internationale de la famille, le rapport La famille compte 2024 brosse un portrait statistique des familles au pays, en plus de mettre en relief les tendances au fil du temps et leur incidence sur les familles et la vie de famille.

Chapitre 28 – Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’opter pour le travail autonome afin de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales

Le travail autonome peut prendre diverses formes, allant du travail en solo, où une seule personne exploite une entreprise ou travaille comme consultante à son propre compte, à une entreprise plus importante, constituée en société et employant plusieurs personnes. La proportion globale de travailleuses et travailleurs autonomes au sein de la population active a peu évolué au cours des cinquante dernières années. Par exemple, parmi les personnes en emploi de 15 ans et plus au Canada en 2023, 13,2 % travaillaient à leur propre compte, contre 15,5 % en 19941, soit une proportion à peine supérieure à celle enregistrée en 1976 (12,2 %). En 2023, les hommes représentaient près des deux tiers (62,9 %) de la main-d’œuvre autonome, comparativement à 73,7 % en 1976.

Parmi les personnes en emploi de 25 à 54 ans, 10 % des femmes et 15 % des hommes travaillaient à leur propre compte2. C’étaient les personnes de 55 ans et plus qui étaient les plus susceptibles de travailler de façon autonome, à savoir la seule tranche d’âge ayant connu une augmentation notable depuis 1976. Entre 1976 et 2022, le pourcentage de travailleuses autonomes de cette tranche d’âge est passé de 14 % à 18 %, alors qu’il est passé de 23 % à 27 % chez leurs homologues masculins.

Si plusieurs personnes se tournent vers le travail autonome, étant « attirées » par l’indépendance et la flexibilité que procure ce mode de travail, d’autres y sont plutôt contraintes en raison de conditions économiques défavorables, de difficultés à trouver un emploi convenable ou d’autres facteurs3. En 2023, la raison la plus couramment invoquée motivant ce mode de travail était l’autonomie et le contrôle sur les heures de travail, le taux salarial ou le lieu de travail (36,5 % chez les femmes et 39,2 % chez les hommes). Les femmes (5,2 %) étaient moins susceptibles que les hommes (11,8 %) de percevoir le travail autonome comme un moyen de gagner plus d’argent.

Les femmes (12,4 %) étaient également plus enclines que les hommes (8,9 %) à indiquer qu’elles étaient travailleuses autonomes pour atteindre un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle, pour vivre moins de stress ou pour des raisons de santé3. Des données antérieures (2018) ont montré que les travailleuses autonomes de 15 ans et plus étaient plus de trois fois plus susceptibles que leurs homologues masculins (15,4 % contre 4,6 %) d’invoquer la conciliation travail-famille comme principale raison d’avoir opté pour ce mode de travail4. Des études ont également montré que les familles sont parfois appelées à coordonner des périodes de travail autonomes afin d’assurer la garde des enfants5.

Pourquoi s’en préoccuper?

Si le travail autonome offre certains avantages et une plus grande flexibilité par rapport au travail contractuel, il comporte également son lot de défis pour les familles. Les données montrent que les travailleuses et travailleurs autonomes sont plus susceptibles de travailler de longues heures que les salarié·es. En 2021, plus du quart des travailleuses et travailleurs autonomes de 15 ans et plus (26,4 %) disaient travailler plus de 49 heures par semaine, contre 5,3 % chez les salarié·es6. Les longues heures de travail qu’accomplissent parfois les travail- leuses et travailleurs autonomes ont tendance à empiéter sur le temps disponible pour la famille, les loisirs et les activités favorables à la santé.

Le travail autonome en solo (lorsqu’une personne exploite seule son entreprise) est considéré comme précaire7. Il comporte parfois des défis liés à la conciliation travailfamille, comme le manque d’accès aux programmes et aux politiques en appui aux responsabilités familiales8, notamment les prestations de maladie, les congés de maladie payés et les congés annuels. De plus, l’instabilité de l’emploi affecte souvent la stabilité des revenus, ce qui peut nuire au bien-être matériel des familles.

Bon nombre de travailleuses et travailleurs autonomes ont certaines caractéristiques d’emploi en commun avec celles et ceux qui pratiquent le « travail à la demande », notamment une moindre stabilité d’emploi, l’absence d’employé·es, de partenaires d’affaires ou de locaux consacrés à leur activité commerciale, et le fait de travailler peu d’heures ou de composer avec une clientèle instable. Statistique Canada définit le « travail à la demande » comme « une forme d’emploi caractérisée par des emplois ou des tâches à court terme, qui ne garantit pas un travail stable et dans le cadre de laquelle le travailleur doit prendre des mesures précises pour continuer à travailler9 ». Statistique Canada estime qu’en décembre 2023, plus du quart (26,6 %) des travailleuses et travailleurs autonomes de 15 à 69 ans au Canada étaient des travailleuses et travailleurs à la demande3.

Source : Statistique Canada. (5 janvier 2024). Tableau 14-10-0027-01 Emploi selon la catégorie de travailleur, données annuelles (x 1 000)1.


Références
  1. Statistique Canada. (5 janvier 2024). Tableau 14-10-0027-01 Emploi selon la catégorie de travailleur, données annuelles (x 1 000). https://doi.org/10.25318/1410002701-fra ↩︎
  2. Uppal, S. (4 décembre 2023). Le travail autonome chez les femmes au Canada. Regards sur la société canadienne. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2023001/article/00014-fra.htm ↩︎
  3. Lovei, M., et Hardy, V. (3 juin 2024). Expériences des travailleurs autonomes au Canada, 2023. Regard sur les statistiques du travail. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/71-222-x/71-222-x2024001-fra.htm ↩︎
  4. Yssaad, L., et Ferrao, V. (28 mai 2019). Les Canadiens qui travaillent à leur propre compte : Qui sont-ils et pourquoi le font-ils? Regard sur les statistiques du travail. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/71-222-x/71-222-x2019002-fra.htm ↩︎
  5. Lloyd, N. (2020). Strategic self-employment and family formation. Working Paper Series, no 20. https://www.econstor.eu/bitstream/10419/215771/1/1694283755.pdf ↩︎
  6. Statistique Canada. (30 mai 2022). Longues heures de travail, 1976 à 2021. Qualité de l’emploi au Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/14-28-0001/2020001/article/00009-fra.htm ↩︎
  7. May, B. (Juin 2019). Emploi précaire : Comprendre l’évolution de la nature du travail au Canada. Rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.  https://www.noscommunes.ca/Content/Committee/421/HUMA/Reports/RP10553151/humarp19/humarp19-f.pdf ↩︎
  8. Hilbrecht, M. (2016). Self-employment and experiences of support in a work-family context. Journal of Small Business and Entrepreneurship, 28(1), 75-96. https://doi.org/10.1080/08276331.2015.1117878 ↩︎
  9. Statistique Canada. (4 mars 2024). Définition et mesure de l’économie à la demande à l’aide des données d’enquête. Statistiques sur le travail : Documents de recherche. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-004-m/75-004-m2024001-fra.htm ↩︎