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La famille compte 2024
Cette nouvelle ressource de l’Institut Vanier explore l’évolution, la continuité et la complexité des familles au Canada au cours des trois dernières décennies. Publié à l’occasion du 30e anniversaire de l’Année internationale de la famille, le rapport La famille compte 2024 brosse un portrait statistique des familles au pays, en plus de mettre en relief les tendances au fil du temps et leur incidence sur les familles et la vie de famille.
Chapitre 13 – La moitié des enfants placés en famille d’accueil sont autochtones
La prise en charge extrafamiliale (c.-à-d. le placement en famille d’accueil) offre un soutien temporaire aux enfants en difficulté lorsqu’ils ne peuvent plus rester dans leur foyer familial. Il s’agit notamment d’enfants qui ont été victimes de négligence, de maltraitance ou qui ont eu des démêlés avec la justice.
Selon les circonstances, le temps passé en famille d’accueil peut être de courte durée ou constituer un séjour prolongé. La famille d’accueil reçoit une rémunération pour assurer la garde de l’enfant, mais elle n’est pas désignée comme son tuteur légal. La protection de l’enfance relève de la compétence provinciale. Et il n’existe aucun système centralisé permettant de déterminer le nombre d’enfants placés en famille d’accueil dans les diverses provinces et divers territoires, qui font usage de définitions, de méthodes de comptabilisation, voire de critères d’inclusion souvent différents.
Le Recensement de 2021 a dénombré 26 680 enfants de moins de 15 ans en famille d’accueil au Canada1. Cela représente environ 1 enfant de moins de 15 ans sur 250. Le Recensement ne brosse toutefois pas un portrait complet des enfants qui font l’objet d’une prise en charge extrafamiliale. Il ne recueille en effet aucuns renseignements sur les enfants pris en charge autrement, notamment par le biais de soins de groupe, de soins thérapeutiques ou de services d’adoption.
En 2021, les enfants autochtones représentaient 7,7 % des enfants de moins de 15 ans au pays, mais plus de la moitié (53,8 %) de l’ensemble des enfants placés en famille d’accueil2 . Parmi tous les enfants au Canada de moins de 15 ans, les enfants autochtones étaient près de 14 fois plus susceptibles que leurs homologues non autochtones d’être placés en famille d’accueil (3,2 % et 0,2 %, respectivement)3.
Les enfants en famille d’accueil sont plus nombreux dans les provinces et territoires où la proportion d’Autochtones est relativement importante. À titre d’exemple, c’est au Manitoba que l’on retrouvait, en 2021, la proportion la plus élevée d’enfants de moins de 15 ans en famille d’accueil, avec un taux de 19,7 pour 1 000 enfants, alors que l’Île-du-Prince-Édouard affichait la proportion la plus basse (1,7 pour 1 000 enfants)4 . Bien qu’il y ait moins de données disponibles sur les enfants racisés, on a pu observer que les enfants noirs étaient également surreprésentés parmi les enfants pris en charge, leur proportion étant 2,2 fois plus élevée que la population d’enfants noirs dans la population infantile générale5.
Pourquoi s’en préoccuper?
La proportion élevée d’enfants autochtones placés en famille d’accueil reflète à bien des égards les pratiques et le résultat de la rafle des années 19606 . Celle-ci évoque une période au cours de laquelle le gouvernement canadien a procédé au retrait de nombreux enfants autochtones de leur famille et de leur communauté, sans préavis ni consentement, sous prétexte de veiller à la protection de l’enfance. Ces enfants étaient alors confiés à des familles de classe moyenne, pour la plupart blanches, généralement dans une ignorance totale des pratiques culturelles liées à l’éducation de ces enfants, ce qui s’inscrivait dans le prolongement des politiques racistes visant à assimiler les peuples autochtones5.
Un tel retrait des enfants autochtones à leur famille se perpétue aujourd’hui de façon importante, ce qui a conduit de nombreuses personnes à qualifier les pratiques actuelles de protection de l’enfance de « rafle de la génération du millénaire ». À l’instar du régime des pensionnats autochtones, cette pratique a pour effet d’arracher les enfants à leur famille et à leur communauté, en plus de les tenir à distance de certaines pratiques éducatives bienveillantes, de certains modèles parentaux, voire de leur culture et de leur identité.
Diverses mesures ont été mises en place pour réduire le nombre d’enfants et d’adolescents autochtones qui sont pris en charge. Élaborée en concertation avec les peuples autochtones en 2019, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis2 confirme les droits et la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille. Elle permet en outre aux groupes autochtones qui le souhaitent de concevoir et de fournir des solutions en matière de services à l’enfance et à la famille qui soient mieux adaptés à leurs besoins.
Source : Black, T., Trocmé, N., Fallon, B., et Houston, E. (2022). Children in foster care in Canada in 2016 & 202144.
Références
- Statistique Canada. (13 juillet 2022). Tableau 98-10-0135-01 Caractéristiques familiales et du ménage des personnes y compris de l’information détaillée sur les familles recomposées, présence de grands-parents dans le ménage, groupe d’âge et genre : Canada, provinces et territoires, régions métropolitaines de recensement et agglomérations de recensement. https://doi.org/10.25318/9810013501-fra ↩︎
- Services aux Autochtones Canada. (15 février 2023). Réduire le nombre d’enfants autochtones pris en charge. https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1541187352297/1541187392851 ↩︎
- Statistique Canada. (21 septembre 2022). La population autochtone continue de croître et est beaucoup plus jeune que la population non autochtone, malgré un ralentissement de son rythme de croissance. Le Quotidien. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220921/dq220921a-fra.htm ↩︎
- Black, T., Trocmé, N., Fallon, B., et Houston, E. (2022). Children in foster care in Canada in 2016 & 2021. https://cwrp.ca/publications/children-foster-care-canada-2016-2021 ↩︎
- Commission ontarienne des droits de la personne. (8 janvier 2018). Enfances interrompues : Surreprésentation des enfants autochtones et noirs au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario. https://www.ohrc.on.ca/fr/enfances-interrompues ↩︎
- CBC Radio. (25 janvier 2018). The Millennium Scoop: Indigenous youth say care system repeats horrors of the past. The Current. https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/a-special-edition-of-the-current-for-january-25-2018-1.4503172/the-millennium-scoop-indigenous-youth-say-care-system-repeats-horrors-of-the-past-1.4503179 ↩︎
Remerciements
Nous tenons à remercier Beverly Sabourin, ancienne vice-rectrice (Initiatives autochtones) de l’Université Lakehead de Thunder Bay et défenseuse des droits des Autochtones, pour la révision de ce chapitre.
La famille compte 2024 est une publication de l’Institut Vanier de la famille présentant des informations précises et actuelles sur les familles et la vie de famille au Canada. Rédigée dans un langage clair, elle est composée de chapitres sur un éventail de sujets et tendances qui ont une incidence sur la vie familiale au pays. Ses quatre sections (la structure, le travail, l’identité et le bien-être des familles) trouvent appui sur le Cadre sur la diversité et le bien-être des familles.
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Comment citer ce document :
Battams, N., et Mathieu, S. (2024). La moitié des enfants placés en famille d’accueil sont autochtones. Dans La famille compte 2024, L’Institut Vanier de la famille. https://institutvanier.ca/la-famille-compte-2024/la-moitie-des-enfants-places-en-famille-d-accueil-sont-autochtones