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La famille compte

Cette nouvelle ressource de l’Institut Vanier explore l’évolution, la continuité et la complexité des familles au Canada au cours des trois dernières décennies. Publié à l’occasion du 30e anniversaire de l’Année internationale de la famille, le rapport La famille compte brosse un portrait statistique des familles au pays, en plus de mettre en relief les tendances au fil du temps et leur incidence sur les familles et la vie de famille.

Chapitre 35 – De plus en plus de familles sont touchées par l’incapacité

Le taux d’incapacité1 a augmenté au Canada, notamment en raison du vieillissement continu de la population. En 2022, plus du quart (27,0 %) des personnes de 15 ans et plus vivaient avec au moins une incapacité limitant leurs activités quotidiennes, comparativement à 22,3 % en 2017. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’affirmer vivre avec une incapacité (30 % c. 24 %)2. Les personnes âgées de 65 ans et plus étaient nettement plus touchées par l’incapacité (40,4 %) que les adultes de 25 à 64 ans (24,1 %) et les jeunes de 15 à 24 ans (20,1 %)1.

Près de 4 personnes touchées sur 10 (39 %) présentaient une incapacité légère, alors que des proportions comparables vivaient avec une incapacité modérée (20 %), sévère (20 %) ou très sévère (21 %)2. De plus, 29 % des gens disaient n’avoir qu’un seul type d’incapacité, 37 % en déclaraient deux ou trois, et 34 %, quatre ou plus.

Les familles touchées par l’incapacité sont souvent confrontées à des défis complexes en matière de santé, de finances et de bien-être. En 2022, près des trois quarts (72 %) des personnes vivant avec une incapacité affirmaient se buter à des obstacles limitant leur pleine participation à la société1. Les données de 2017-2018 révèlent que les personnes touchées par l’incapacité étaient plus de quatre fois plus susceptibles (14,6 %) que les autres (4,6 %) d’indiquer n’avoir pu obtenir certains soins de santé3.

De nombreuses personnes vivant avec une incapacité éprouvent des difficultés à accéder à un emploi stable4. En 2024, parmi les personnes de 15 ans et plus actives sur le marché du travail, celles qui avaient une incapacité présentaient un taux d’emploi de 46,4 %, contre 66,2 % chez leurs homologues sans incapacité. Parmi les personnes ne participant pas au marché du travail, près de 4 sur 10 (39,0 %) disaient avoir une incapacité.

L’insécurité alimentaire des ménages est plus fréquente chez les personnes qui ont une incapacité que chez leurs homologues sans incapacité5. En 2021, elle affectait 26,4 % des personnes vivant avec une incapacité, comparativement à 12,5 % des personnes sans incapacité. En 2020, le taux de pauvreté (en se basant sur la mesure du panier de consommation) des personnes de 15 ans et plus ayant une incapacité était plus élevé que celui des personnes sans incapacité (9,6 % c. 7,3 %)2. Parmi les personnes de 15 à 64 ans vivant avec une incapacité, c’étaient les parents monoparentaux qui étaient les plus exposés à la pauvreté (18,4 %), comparativement aux personnes en couple sans enfants (6,0 %), avec enfants (3,3 %) ou cohabitant avec leurs parents (4,8 %).

Pourquoi s’en préoccuper?

L’identité liée à l’incapacité demeure marquée par la stigmatisation dans la société canadienne6, 7. Bien souvent, l’absence de connaissances réelles sur l’incapacité engendre des attitudes défavorables à l’égard des familles concernées8, qui s’expriment tant dans les comportements individuels qu’à travers les lois, les obstacles systémiques et les politiques sociales. Certaines familles se sont notamment vu refuser la citoyenneté canadienne en raison d’un diagnostic médical ou d’une incapacité9.

Un autre enjeu réside dans le fait que certaines familles touchées par l’incapacité ne cadrent pas dans les définitions officielles de l’incapacité10. Par exemple, le programme Direct Family Support for Children offre une aide financière aux familles demeurant en Nouvelle-Écosse aux prises avec une incapacité. Or, seuls les enfants dont le QI est inférieur à 70 y sont considérés comme ayant une incapacité intellectuelle et y sont admissibles, ce qui prive plusieurs familles du soutien dont elles ont besoin4, 11.

Certaines familles sont plus exposées à de telles difficultés que d’autres, tout en disposant de moins de temps et de ressources pour y faire face. Par exemple, en 2016, les parents seuls étaient proportionnellement plus nombreux que les parents vivant en couples avec des enfants de moins de 16 ans à avoir répondu « oui » aux questions filtres du recensement indiquant une probabilité d’incapacité chez leur enfant (24,3 % c. 14,6 %)12, 13.

Malgré la stigmatisation, les obstacles et les défis rencontrés, plusieurs familles estiment que l’incapacité enrichit leur identité familiale. L’incapacité contribue à faire de ces familles des milieux inclusifs, ouverts à la diversité14. Certains parents ont indiqué que le fait d’élever un enfant ayant une incapacité avait eu des effets positifs, cela les ayant notamment aidés à renforcer leur patience, à élargir leur réseau social, à tisser des liens familiaux plus solides et à développer une empathie accrue envers autrui.

Source : Statistique Canada. (18 décembre 2023). Enquête canadienne sur l’incapacité, 2017 à 2022. Le Quotidien1.

Note : Ce tableau figure uniquement sur le site Web et ne se trouve pas dans les versions PDF téléchargeables.

Source : Statistique Canada. (18 décembre 2023). Enquête canadienne sur l’incapacité, 2017 à 2022. Le Quotidien1.

Références

  1. Statistique Canada. (18 décembre 2023). Enquête canadienne sur l’incapacité, 2017 à 2022. Le Quotidien. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/231201/dq231201b-fra.htm ↩︎
  2. Hébert, B.-P., Kevins, C., Mofidi, A., Morris, S., Simionescu, D., et Thicke, M. (28 mai 2024). Profil démographique, d’emploi et de revenu des personnes ayant une incapacité âgées de 15 ans et plus au Canada, 2022. Rapports sur l’incapacité et l’accessibilité au Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-654-x/89-654-x2024001-fra.htm ↩︎
  3. Pucchio, A. M. R., Stranges, S., et Ali, S. (30 avril 2025). Disability and unmet need for health care in Canada: Findings from the Canadian Community Health Survey. Disability and Health Journal, 18(4), 101846. https://doi.org/10.1016/j.dhjo.2025.101846 ↩︎
  4. Hardy, V., et Vergara, D. (14 mai 2025). Caractéristiques de l’activité sur le marché du travail des personnes ayant une incapacité et sans incapacité, 2024. Regard sur les statistiques du travail. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/71-222-x/71-222-x2025001-fra.htm ↩︎
  5. Gupta, S., Fernandes, D., Aitken, N., et Greenberg, L. (30 août 2024). Insécurité alimentaire du ménage chez les personnes ayant une incapacité au Canada : résultats de l’Enquête canadienne sur le revenu de 2021. Rapports sur la santé. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2024008/article/00002-fra.htm ↩︎
  6. Hatzenbuehler, M. L., Phelan, J. C., et Link, B. G. (1er mai 2013). Stigma as a fundamental cause of population health inequalities. American Journal of Public Health, 103(5), 813-821. https://doi.org/10.2105/AJPH.2012.301069 ↩︎
  7. Ju, H.-J., Harley, D., et Miller-Rankin, J. (Août 2023). Manifestations of public and self-stigma of physical disability: A scoping review in rehabilitation and disability research. Journal of Applied Rehabilitation Counseling, 54(3), 178-199. https://doi.org/10.1891/JARC-2022-0016 ↩︎
  8. Prince, M. J. (2009). Absent citizens: Disability politics and policy in Canada. Les Presses de l’Université de Toronto. http://www.jstor.org/stable/10.3138/9781442687301 ↩︎
  9. Wilton, R., Hansen, S., et Hall, E. (7 mars 2017). Disabled people, medical inadmissibility, and the differential politics of immigration. Géographies canadiennes, 61(3), 389-400. https://doi.org/10.1111/cag.12361 ↩︎
  10. Wendell, S. (1997). The rejected body: Feminist philosophical reflections on disability (1re édition). Routledge. https://doi.org/10.4324/9780203724149 ↩︎
  11. Autism Nova Scotia. (2022). Choosing now: Investing in Nova Scotians living with autism. https://www.autismnovascotia.ca/wp-content/uploads/2022/07/Choosing_Now_final.pdf ↩︎
  12. Charters, T., Arim, R., et Findlay, L. (26 juin 2024). Mise à jour du profil des enfants associés à des réponses affirmatives aux questions du Recensement de 2021 sur la difficulté à accomplir des activités de la vie quotidienne. Rapports économiques et sociaux, 4(6), 1-12. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/36-28-0001/2024006/article/00006-fra.htm ↩︎
  13. Charters, T., Schimmele, C., et Arim, R. (23 mars 2022). Un profil des enfants associés à des réponses affirmatives aux questions du Recensement de 2016 sur la difficulté à accomplir des activités de la vie quotidienne. Rapports économiques et sociaux, 2(3), 1-12. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/36-28-0001/2022003/article/00006-fra.htm ↩︎
  14. Hastings, R. P. (2016). Chapter Six – Do children with intellectual and developmental disabilities have a negative impact on other family members? The case for rejecting a negative narrative. Dans R. M. Hodapp et D. J. Fidler (dir.), International Review of Research in Developmental Disabilities, 50, 165-194. Academic Press. https://doi.org/10.1016/bs.irrdd.2016.05.002 ↩︎

Note
Ce chapitre a été rédigé par Margaret Campbell, Ph. D. Margaret est une ancienne boursière postdoctorale Mitacs affiliée à l’Institut Vanier de la famille et à l’Université Queen’s (Ontario). Ses travaux de recherche et d’écriture couvrent plusieurs domaines, dont l’incapacité et l’inclusion sociale, avec une attention particulière portée aux obstacles qui limitent la pleine participation à la société canadienne.